Document de réflexion de Mgr de Galarreta suite à la réunion d’Albano d’octobre 2011

Le texte romain

Pour me limi­ter à la « Note pré­li­mi­naire » et au « Préambule doc­tri­nal », je dois dire d’emblée qu’ils sont confus, équi­voques, faux et mau­vais pour l’es­sen­tiel. Même l’apparente ouver­ture à une cri­tique du Concile est sibyl­line et rusée, un piège bien dres­sé (« légi­time [?] dis­cus­sion… d’expressions ou de for­mu­la­tions…» selon les « cri­tères d’interprétation de la doc­trine catho­lique néces­saire…», c’est-à-dire, selon « Préambule » Il et III, 2, sur­tout in fine). Ce docu­ment est sub­stan­tiel­le­ment inac­cep­table. Il est pire que le Protocole de 1988, en par­ti­cu­lier par rap­port au Concile et au magis­tère postconciliaire.

Monseigneur Lefebvre :

« Nos vrais fidèles, ceux qui ont com­pris le pro­blème et qui nous ont jus­te­ment aidés à pour­suivre la ligne droite et ferme de la Tradition et de la foi, crai­gnaient les démarches que j’ai faites à Rome. Ils m’ont dit que c’était dan­ge­reux et que je per­dais mon temps. Oui, bien sûr, j’ai espé­ré jus­qu “à la der­nière minute qu’à Rome ont témoi­gne­rait d’un petit peu de loyau­té. On ne peut pas me repro­cher de ne pas avoir fait le maxi­mum. Aussi main­te­nant, à ‘ceux qui viennent me dire : il faut vous entendre avec Rome, je crois pou­voir dire que je suis allé plus loin même que je n’aurais dû aller » (Fideliter n°79, p. 11).

« Fideliter : Que pensez-​vous de l’instruction du car­di­nal Ratzinger ins­ti­tuant le ser­ment de fidé­li­té et que com­porte une pro­fes­sion de foi ?

Monseigneur Lefebvre :

Il y a d’abord le Credo, qui ne pose pas de pro­blème. Il est res­té intact. Le pre­mier et le deuxième ali­néas ne pas non plus de dif­fi­cul­tés. Ce sont des choses cou­rantes au point de vue théologique.

Mais le troi­sième est très mau­vais. C’est pra­ti­que­ment s’aligner sur ce que les évêques du monde entier pensent aujourd’hui. Dans le pré­am­bule il est d’ailleurs clai­re­ment indi­qué que cet ali­néa a été ajou­té en rai­son de l’es­prit du Concile. Il se réfère au Concile et au soi-​disant magis­tère d’au­jourd’­hui qui est celui des conci­liaires. Il aurait fal­lu ajou­ter : en tant que ce magis­tère est en pleine confor­mi­té avec la Tradition. Telle qu’elle est cette for­mule est dan­ge­reuse. Cela démontre bien l’es­prit de ces gens avec lesquels- il est impos­sible de s’entendre. C’est abso­lu­ment ridi­cule et faux – comme cer­tains l’ont fait – de pré­sen­ter ce ser­ment de fidé­li­té comme une résur­gence du ser­ment anti­mo­der­niste sup­pri­mé depuis le‘ Concile. Tout le venin est dans le troi­sième ali­néa qui semble fait exprès pour- obli­ger ceux qui sont ral­liés à signer cette pro­fes­sion de foi et d’affirmer leur plein accord avec les évêques.

C’est comme si au temps de l’a­ria­nisme on avait dit, main­te­nant vous êtes en accord avec tout ce que pensent les évêques ariens.
Non je n’exagère pas, c’est clai­re­ment expri­mé dans l’in­tro­duc­tion. C’est de la four­be­rie. On peut se deman­der si l’on n’a pas vou­lu à Rome, cor­ri­ger ain­si le texte du pro­to­cole. Bien qu’il ne nous satis­fasse pas, il paraît encore trop en notre faveur en l’article 3 de la décla­ra­tion doc­tri­nale, car il n’exprime pas assez la néces­si­té de nous sou­mettre au Concile.

Alors je pense qu’ils se rat­trapent main­te­nant. Ils vont sans doute faire signer ces textes aux sémi­na­ristes de la Fraternité Saint-​Pierre avant leur ordi­na­tion et aux prêtres de cette Fraternité, qui vont alors se trou­ver dans l’obligation de faire un acte offi­ciel de ral­lie­ment à l’Église conci­liaire. A la dif­fé­rence du pro­to­cole, par ces nou­veaux textes on se sou­met au Concile et à tous les évêques conci­liaires. C’est leur esprit et on ne les chan­ge­ra pas » (Fideliter, n° 70, p. 16).

« Fideliter : Pensez-​vous que la situa­tions : soit encore dégra­dée depuis que vous aviez – avant les sacres – enga­gé des conver­sa­tions qui avaient abou­ti à la rédac­tion du pro­to­cole du 5 mai 1988 ?

Monseigneur Lefebvre :

Oh oui ! Par exemple ‑la pro­fes­sion de foi qui est main­te­nant récla­mée parle Cardinal Ratzinger depuis le début de l’an­née 1989. C’est un fait très grave. Car il demande à tous ceux qui se sont ral­liés ou qui pour­raient le faire de faire une pro­fes­sion de foi dans les docu­ments du Concile et dans les réformes post-​conciliaires. Pour nous c’est impos­sible » (Fideliter n°79, p. 4).

Principe de jugement

De fait il cor­res­pond par­fai­te­ment à la pen­sée et à la posi­tion que la Commission Romaine a mani­fes­té tout le long des dis­cus­sions doc­tri­nales. Il est essen­tiel pour la ques­tion actuelle d’a­voir pré­sent à l’esprit le constat indu­bi­table que nous venons de faire à cette occa­sion : ils ne sont pas ‘prêts à renon­cer au Concile Vatican II, ni aux doc­trines libé­rales de celui-​ci, et leur inten­tion, leur volon­té mani­feste, est de nous y rame­ner. Tout au plus, Rome accep­te­rait « un rééqui­li­brage et une meilleure for­mu­la­tion, tou­jours dans le cadre de l’her­mé­neu­tique du renou­veau dans la conti­nui­té ». Et là on peut dis­cu­ter et nous sommes même utiles… pour cau­tion­ner le renou­veau de la reforme avec la continuité.

Impossible accord

Le docu­ment pro­po­sé ne fait que nous confir­mer qu’il est illu­soire et irréa­liste de croire que nous pour­rions arri­ver à un accord pra­tique bon, conve­nable et garan­ti, et même tout sim­ple­ment accep­table pour les deux par­ties. Étant don­nées les cir­cons­tances, il est cer­tain qu’à la fin, après de longs par­le­ments, nous n’arriverions à abso­lu­ment rien. Alors, à quoi bon nous y engager ?

Raisons d’un refus

Suite à la pro­po­si­tion romaine, la vraie ques­tion, cru­ciale, est la sui­vante : devons-​nous, pouvons-​nous ; nous enga­ger dans la voie d’un « pos­sible » accord pra­tique ? Est-​il pru­dent et conve­nable de main­te­nir des contacts avec Rome en vue d’un tel accord ?

Pour moi la réponse est claire : nous devons refu­ser cette voie parce que nous ne pou­vons pas faire un mal pour qu’un bien arrive (bien d’ailleurs incer­tain) et parce que cela va néces­sai­re­ment engen­drer des maux (très cer­tains) pour le bien com­mun que nous pos­sé­dons, pour la Fraternité et pour la famille de la Tradition.

Voici en résu­mé quelques unes des rai­sons de mon point de vue :

Obéir à qui, à quoi ? I. Comment nous soumettre et obéir à des autorités qui continueront à penser, à prêcher, et à gouverner en modernistes ? Nous avons des fins et des buts contraires, des moyens différents même, comment travailler sous leurs ordres ?

Le pro­blème n’est pas d’intentions sub­jec­tives, mais objec­tives, mani­festes, du constat que nous venons de faire sur leur volon­té : accep­ta­tion du Concile Vatican II et ses prin­cipes libé­raux. Pour l’es­sen­tiel rien n’est chan­gé, il n’y a pas de « retour ».

Monseigneur Lefebvre :

« Ce sont des choses qui sont faciles à dire. Se mettre à I’intérieur de l’Eglise, qu’est-ce que cela veut dire ? Et d’a­bord de quelle Eglise parle-​ton ? Si c’est de l’Eglise conci­liaire, il fau­drait que nous‘ qui avons lut­té contre elle pen­dant vingt ans parce que nous vou­lons I’Eglise catho­lique, nous dans cette Eglise conci­liaire pour soi-​disant la rendre catho­lique. C’est une illu­sion totale. ‘Ce ne sont pas les sujets qui font les supé­rieurs, mais les supé­rieurs qui font les sujets » (Fideliter n°70, p. 6)

Monseigneur Lefebvre :

« je ne pense pas que ce soit un véri­table retour. C’est comme dans un com­bat, quand on a l’impression que les troupes vont un peu trop loin, on les retient, on freine un tout petit peu l’élan de Vatican II, parce que. les tenants du Concile vont trop loin. D’ailleurs ces théo­lo­giens ont bien tort de s’é­mou­voir. Ces évêques sont tout acquis au Concile réformes post-​conciliaires, à I’œcuménisme et au cha­ris­ma­tisme. Apparemment ils font quelque chose d’un peu plus modé­ré, un peu de sen­ti­ment reli­gieux tra­di­tion­nel, mais ce n’est pas pro­fond. Les grands prin­cipes fon­da­men­taux du Concile, les erreurs du Concile, ils les accueillent, ils les mettent en pra­tique. Cela ne fait pas Au contraire, je dirais même que ce sont ceux-​là qui sont les plus durs avec nous. Ce sont eux qui-​exigeraient le plus que nous nous sou­met­tions aux prin­cipes du Concile » (Fideliter n°70, p. 12).

Monseigneur Lefebvre :

« C’était par­fai­te­ment clair et cela illustre bien leur état d’es­prit. Il n’est pas ques­tion pour eux d’a­ban­don­ner la nou­velle messe. Au contraire et cela est évident. C’est pour­quoi ce qui peut appa­raître comme une conces­sion n’est en réa­li­té qu’une manœuvre pour par­ve­nir à déta­cher de nous le plus pos­sible de fidèles. C’est dans cette pers­pec­tive qu’ils semblent don­ner tou­jours un peu plus et aller très loin. Il nous faut abso­lu­ment convaincre les fidèles qu’il s’agit bien dîme manœuvre, que c’est un dan­ger de se mettre entre les mains des évêques conci­liaires et de la Rome moder­niste. C’est le plus grand dan­ger qui les menace. Si nous avons lut­té pen­dant vingt ans pour évi­ter les erreurs conci­liaires, ce n’est pas pour nous mettre main­te­nant dans les mains de ceux qui les pro­fes­seur » (Fideliter n°70, pp.. 13–14).

Atteinte à la confession de la foi – II. Comment alors ne pas aller contre la confession et la défense publiques de la foi, contre la nécessairement publique protection des fidèles et de l’Eglise ?

À cet égard, si nous fai­sons un accord pure­ment pra­tique nous sommes, dans‘ les cir­cons­tances actuelles, déjà dans la dupli­ci­té et dans l’ambiguïté. Le fait même est un témoi­gnage et un mes­sage publiques : nous ren­tre­rions en pleine com­mu­nion » avec des auto­ri­tés qui demeurent modernistes.

Nous ne pou­vons pas faire non plus abs­trac­tion du contexte, c’est-à-dire, des évé­ne­ments et des ensei­gne­ments constants dans la vie de l’Eglise ‘actuelle : visites réité­rées aux temples pro­tes­tants et syna­gogues, béa­ti­fi­ca­tion (bien­tôt cano­ni­sa­tion de Jean Paul Il, Assise III, pré­di­ca­tion à temps et contre­temps de la liber­té reli­gieuse, et un long et coe­te­ra.

Par ailleurs si nous fai­sons un accord nous per­drons la liber­té de parole, nous devrons mettre en sour­dine nos cri­tiques publiques des faits, des auto­ri­tés et même de cer­tains textes du Concile et du magis­tère postconciliaire.

Pour com­prendre et illus­trer les points I et II, il suf­fit de regar­der ce qui est arri­vé avec tous les ral­liés, depuis la Fraternité St. Pierre jusqu’à l’IBP : ils sont iné­luc­ta­ble­ment devant l’alternative de céder ou tra­hir leurs enga­ge­ments… et c’est le pre­mier qui arrive.

« Fideliter : Quand on voit que Dom Gérard et la Fraternité Saint-​Pierre ont obte­nu de conser­ver la litur­gie et le caté­chisme, sans – disent-​ils – n’avoir rien concé­dé, cer­tains qui sont trou­blés de se trou­ver en situa­tion dif­fi­cile avec Rome, peuvent être ten­tés. à la longue de se ral­lier à leur tour par las­si­tude. « Ils arrivent bien, disent-​ils, à s’entendre avec Rome sans n’a­voir rien lâché ».

Monseigneur Lefebvre :

Quand ils disent qu’ils n’ont rien lâché, c’est faux. Ils ont lâché la pos­si­bi­li­té de contrer Rome. Ils ne peuvent plus rien dire. Ils doivent se taire étant don­nées les faveurs qui leur ont été accor­dées. Il leur est main­te­nant impos­sible de dénon­cer les erreurs de l’Eglise conci­liaire. Tout dou­ce­ment ils adhèrent, ne serait-​ce que par la pro­fes­sion de foi qui est deman­dée par le car­di­nal Ratzinger. je crois que Dom Gérard est en passe de faire paraître un petit livre rédi­gé par l’un de ses moines, sur la liber­té reli­gieuse et qui va essayer de la jus­ti­fier » (Fideliter n°79, pp 4–5).

Fideliter : Depuis les sacres il n’y a plus de contacts avec Rome cepen­dant comme vous l’avez racon­té, le car­di­nal Oddi vous a télé­pho­né en vous disant : « Il faut que les choses s’ar­rangent. Demandez un petit par­don au Pape et il est prêt à vous accueillir ». Alors pour­quoi ne pas ten­ter cette ultime démarche et pour­quoi vous paraît-​elle impossible ? »

Monseigneur Lefebvre :

C’est abso­lu­ment impos­sible dans le cli­mat actuel de Rome qui devient de plus en plus mau­vais. Il ne faut pas se faire d’illusions. Les prin­cipes qui dirigent main­te­nant l’Église conci­liaire sont de plus en plus ouver­te­ment contraires à la doc­trine catholique.

Devant la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, le car­di­nal Casaroli a récem­ment décla­ré : « Je désire m’attarder quelque peu sur un aspect spé­ci­fique de la Iiberté fon­da­men­tale de pen­sée et d’a­gir selon sa conscience, donc la liber­té de reli­gion. L’Eglise catho­lique et son Pasteur suprême, qui a fait. des droits de l’homme l’un des grands thèmes de sa pré­di­ca­tion, n’ont pas man­qué de rap­pe­ler que, dans un monde fait par l’homme et pour l’homme, toute l’or­ga­ni­sa­tion de la socié­té n’a de sens que dans la mesure où elle fait de la dimen­sion humaine une pré­oc­cu­pa­tion cen­trale ». Entendre cela dans la bouche d’un car­di­nal ! De Dieu il n’en parle pas ?

De son côté le car­di­nal Ratzinger, en pré­sen­tant un docu­ment fleuve sur les rela­tions entre le Magistère et les théo­lo­giens, dit-​il « pour la pre­mière fois avec clar­té » que « des déci­sions du Magistère ne peuvent être le der­nier mot sur la matière en tant que telle » mais « une espèce de dis­po­si­tion pro­vi­soire… Le noyau reste stable mais les aspects par­ti­cu­liers sur les­quels ont une influence les cir­cons­tances du temps peuvent avoir besoin de rec­ti­fi­ca­tions ulté­rieures. A cet égard on peut signa­ler les décla­ra­tions des papes du siècle der­nier. Les déci­sions anti­mo­der­nistes ont ren­du un grand ser­vice… mais elles sont main­te­nant dépas­sées ». Et voi­là, la page du moder­nisme est tour­née ! Ces réflexions sont abso­lu­ment insensées.

Enfin le Pape est plus œcu­mé­niste que jamais. Toutes les idées fausses du Concile conti­nuent de se déve­lop­per, d’être réaf­fir­mées avec tou­jours davan­tage de clar­té. Ils se cachent de moins en moins. Il est donc abso­lu­ment incon­ce­vable que l’on puisse accep­ter de col­la­bo­rer avec une hié­rar­chie sem­blable » (Fideliter n°79, pp. 34).

« Fideliter : Vous avez dit en dési­gnant Dom Gérard et les autres : « Ils nous tra­hissent. Ils donnent main­te­nant la main à ceux qui démo­lissent I’Eglise, aux libé­raux, aux moder­nistes ». N “est-​ce pas un peu sévère ?

Monseigneur Lefebvre :

Mais non. Ils ont fait appel à moi pen­dant quinze ans. Ce n’est pas moi qui suis allé les cher­cher. Ce sont eux4mêmes qui sont venus vers moi pour me deman­der des appuis, de faire des ordi­na­tions, l’a­mi­tié de nos prêtres en même temps que I’ouverture de tous nos prieu­rés pour les aider finan­ciè­re­ment. Ils se sont tous ser­vis de nous tant qu’ils ont pu. On l’a fait de bon cœur et même géné­reu­se­ment. J’ai été heu­reux de faire ces ordi­na­tions, d’ou­vrir nos mai­sons pour qu’ils puissent pro­fi­ter de la ‘géné­ro­si­té de nos‘ bien­fai­teurs… Et puis, tout à coup, on me télé­phone : on n’a plus besoin de vous, ‚c’est ter­mi­né. Nous irons chez l’archevêque d’Avignon. On est main­te­nant d’ac­cord avec Rome. Nous avons signé un protocole.

Ce n’est pas de gaie­té de cœur que nous avons eu des dif­fi­cul­tés avec Rome.. Ce n’est pas par plai­sir que nous avons dû nous battre. Nous l’avons fait pour des prin­cipes, pour gar­der la foi catho­lique. Et ils étaient d’accord avec nous. Ils col­la­bo­raient avec nous. Et puis tout à coup oh aban­donne le vrai com­bat pour s’allier aux démo­lis­seurs sous pré­texte qu’on leur accorde quelques pri­vi­lèges. C’est inadmissible.

Ils ont pra­ti­que­ment aban­don­né le com­bat de la foi. Ils ne peuvent plus atta­quer Rome.

C’est ce qu’a fait aus­si le Père de Blignières. Il a chan­gé com­plè­te­ment. Lui qui avait écrit tout un volume pour condam­ner la liber­té reli­gieuse, il écrit main­te­nant en faveur de la liber­té reli­gieuse. Ce n’est pas sérieux. On ne peut plus comp­ter sur des hommes comme ceux-​là, qui n’ont rien com­pris à la ques­tion doctrinale.

J’estime en tout cas qu’ils com­mettent une grave erreur. Ils ont péché gra­ve­ment en agis­sant comme ils l’ont fait, sciem­ment avec une désin­vol­ture invrai­sem­blable » (Fideliter n°79, p.6)

La queqtion doctrinale, problème essentiel – III. Il faut regarder le cadre dans lequel ils entendent nous incorporer.

Un accord est, qu’on le veuille ou non, nous inté­grer dans leur sys­tème, dans une pen­sée et une réa­li­té don­nées qui ne dépendent pas de nous mais qui dépendent de leur pen­sée, leur théo­lo­gie et leur action. Et c’est comme cela qu’ils vont le pré­sen­ter (cf. Campos, texte signé par Mgr. Licinio).

Or, nous venons de consta­ter dans les dis­cus­sions doc­tri­nales quelle est leur concep­tion : du pur moder­nisme révi­sé et corrigé.

En par­ti­cu­lier il y en aura sous-​entendus trois prin­cipes que nous accep­te­rions implicitement :

1.- Relativisme de la véri­té, même dog­ma­tique, néces­si­té du plu­ra­lisme dans l’Eglise. Pour eux nous avons l’ex­pé­rience et le cha­risme de la Tradition, bons et utiles à l’EgIise, mais seule­ment véri­té partielle.

Leur sys­tème moder­niste et dia­lec­tique (qui réclame les contraires) leur per­met de nous inté­grer au nom de « l’unité dans la diver­si­té », comme un élé­ment posi­tif et même néces­saire, pour­vu que nous soyons dans la pleine com­mu­nion (sou­mis­sion à l’au­to­ri­té et res­pect des autres per­sonnes et réa­li­tés ecclé­siales) et que nous res­tions ouverts au dia­logue, tou­jours à la recherche de la vérité.

La preuve de ceci en est à nous accep­ter après le constat, de part et d’autre, d’une oppo­si­tion doc­tri­nale de foi fon­cière et essentielle.

Comment accep­ter impli­ci­te­ment un tel prin­cipe, par une inté­gra­tion expli­cite dans leur sys­tème et par l’in­ter­pré­ta­tion offi­cielle qu’ils en don­ne­ront, alors qu’il est le fon­de­ment même du moder­nisme et qu’il est des­truc­teur de toute véri­té natu­relle et surnaturelle ?

C’est accep­ter le rela­ti­visme de la Tradition, de la seule vraie foi.

2.- On peut inter­pré­ter tout Vatican Il en accord avec la Tradition. Nous pour­rions aider à trou­ver, au besoin, la « bonne » inter­pré­ta­tion. C’est « l’herméneutique de la conti­nui­té ». « L’herméneutique de la rup­ture » (alors que c’est la vraie) doit être reje­tée, parce que ni Vatican II ni le magis­tère post­con­ci­liaire majeur ont pu se trom­per. Après les dis­cus­sions et le docu­ment pro­po­sé, il n’est que trop clair, qu’ils ne nous accep­te­raient que dans le cadre de la pre­mière et le rejet de la seconde.

C’est ava­li­ser Vatican II.

Monseigneur Lefebvre :

« Les réponses à nos objec­tions qui nous ont été envoyées de Rome par des inter­mé­diaires, ten­daient toutes à démon­trer qu’il n’y avait pas de chan­ge­ment, mais conti­nua­tion de la Tradition. Ce sont des affir­ma­tions qui sont pires que celles de la Déclaration conci­liaire sur la liber­té reli­gieuse. C’est le vrai men­songe offi­ciel. Tant qu’à Rome on res­te­ra atta­ché aux idées ConciIiaires : liber­té reli­gieuse, œcu­mé­nisme, col­lé­gia­li­té… on fera fausse route. C’est grave parce que cela va jusque dans des réa­li­sa­tions pra­tiques. C’est cela qui jus­ti­fie la visite du Pape à Cuba. Le Pape visite ou reçoit les chefs com­mu­nistes tor­tion­naires ou assas­sins qui ont du sang de chré­tiens sur les mains, comme s’ils étaient aus­si dignes que des hon­nêtes gens » (Fideliter n°70, p. 8).

3.- La véri­té de foi évo­lue, les dogmes aus­si, les for­mules dog­ma­tiques et les défi­ni­tions de la foi sont seule­ment des approches sub­stan­tiels aux mys­tères de la foi. Le noyau demeure, tout le reste évo­lue au gré des temps, des cultures, des cir­cons­tances his­to­riques, de l’ex­pé­rience et du vécu du « Peuple de Dieu ».

En Conséquence la Tradition est vivante, la Tradition c’est Vatican II, les condam­na­tions du libé­ra­lisme et du moder­nisme sont dépassées.

Monseigneur Lefebvre :

« C’est pour­quoi ils ont vou­lu que Vatican II soit un Concile pas­to­ral et non un Concile dog­ma­tique, parce qu’ils ne croient pas à l’infaillibilité. Ils ne veulent pas de véri­té défi­ni­tive. La Vérité doit vivre et doit évo­luer. Elle peut chan­ger éven­tuel­le­ment avec le temps, avec l’his­toire, la science, etc… L’infaillibilité, elle, fixe à jamais une for­mule et une véri­té qui ne changent plus. Cela ils ne peuvent pas y croire. C’est nous qui sommes avec l’in­failli­bi­li­té, ce n’est pas I’Eglise conci­liaire. Elle est contre l’in­failli­bi­li­té, c’est abso­lu­ment certain.

Le car­di­nal Ratzinger est contre l’infaillibilité, le Pape est contre l’in­failli­bi­li­té de par sa for­ma­tion phi­lo­so­phique. Que l’on nous com­prenne bien, nous ne sommes pas contre le Pape en tant qu’il repré­sente toutes les valeurs du siège apos­to­lique, qui sont immuables, du siège de Pierre, mais contre le Pape qui est un moder­niste qui ne croit pas à son infailli­bi­li­té, qui­fait de l’œcuménisme. Evidemment nous sommes contre l’Eglise conci­liaire qui est pra­ti­que­ment schis­ma­tique, même s’ils ne l’acceptent pas. Dans la pra­tique c’est une Eglise vir­tuel­le­ment excom­mu­niée, parce que c’est une Eglise moder­niste. Ce sont eux nous excom­mu­nient, alors que nous vou­lons res­ter catho­liques. Nous vou­lons res­ter avec le Pape catho­lique et avec l’Église catho­lique. Voilà la dif­fé­rence » (Fideliter n°70, p. 8).

Monseigneur Lefebvre :

« Mais pré­ci­sé­ment, nous ne sommes pas dans la même véri­té. Pour eux la véri­té est évo­lu­tive, la véri­té change avec le temps, et la Tradition : c’est Vatican II aujourd’hui. Pour nous la Tradition c’est ce que l’Eglise a ensei­gné depuis les apôtres jus­qu’à nos jours. Pour eux, non, la Tradition c’est Vatican II qui résume en lui-​même tout ce qui a été dit pré­cé­dem­ment. Les cir­cons­tances his­to­riques sont telles que main­te­nant il faut croire ce que Vatican II a fait. Ce qui s’est pas­sé avant, çà n’existe plus. Cela appar­tient au temps pas­sé. C’est pour­quoi le Cardinal n’hésite pas à dire « Le Concile Vatican Il est un anti-​Syllabus ». On se demande bien com­ment un car­di­nal de la Sainte Eglise peut dire que le Concile de Vatican II est un anti-​Syllabus, un acte très offi­ciel du Pape Pie dans l’encyclique Quanta Cura. C’est inimaginable.

J’ai dit un jour au car­di­nal Ratzinger : « Eminence, il faut que nous choi­sis­sions : ou bien la liber­té reli­gieuse telle qu’elle est dans, le bien le Syllabus de Pie Ils sont contra­dic­toires et il faut choi­sir. » Alors il m’a dit : « Mais Monseigneur nous ne sommes plus au temps du Syllabus. – Ah ! Ai-​je dit, alors la véri­té change avec le temps. Alors ce que vous me dites aujourd’hui, demain ce ne sera plus vrai. Il n’y a plus moyen de s’entendre, on est dans une évo­lu­tion conti­nuelle. Il devient impos­sible de parler ».

Ils ont cela dans l’es­prit. Il m’a répé­té : « Il n’y a plus qu’une Église, c’est l’Eglise de Vatican II. Vatican II repré­sente la Tradition ». Malheureusement, l’Eglise de Vatican II s’oppose à la Tradition. Ce n’est pas la même chose » (Fideliter n° hors série – 29–30 juin, p. 15).

Monseigneur Lefebvre :

« Certainement la ques­tion de la litur­gie et des sacre­ments est très impor­tante, mais ce n’est pas la plus impor­tante. La plus impor­tante c’est celle de la foi. Pour nous elle est réso­lue. Nous avons la foi de tou­jours, celle du concile de Trente, du caté­chisme de saint Pie X, de tous les conciles et de tous les papes d’a­vant Vatican II.

Pendant des années ils se sont effor­cés à Rome de mon­trer que tout ce qui était dans le Concile était par­fai­te­ment conforme à la Tradition. A pré­sent ils se découvrent. Le car­di­nal Ratzinger ne s’é­tait jamais pro­nonce’ avec autant de clar­té. Il n’y a pas de Tradition. Il n’y a plus de dépôt à trans­mettre. La tra­di­tion dans l’Eglise, c’est ce que dit le Pape aujourd’­hui. Vous devez vous sou­mettre à ce que le Pape et les évêques disent aujourd’hui. Pour eux voi­là la tra­di­tion, la fameuse tra­di­tion vivante, seul motif de notre condamnation.

Ils ne cherchent plus main­te­nant à prou­ver que ce qu’ils disent est conforme à ce qu’a écrit Pie IX, à ce qu’a pro­mul­gué le concile de Trente. Non tout cela est fini, c’est dépas­sé, comme dit le car­di­nal Ratzinger. C’est clair et ils auraient pu le dire plus tôt. Ce n’é­tait pas la peine de nous faire par­ler, de dis­cu­ter. C’est main­te­nant la tyran­nie de l’au­to­ri­té, parce-qu’il n’y a plus de règle. On ne peut plus se réfé­rer au passé.

Dans un sens les choses deviennent aujourd’­hui plus claires. Elles nous donnent tou­jours davan­tage rai­son. Nous avons affaire à des gens qui ont une autre phi­lo­so­phie que la nôtre, une autre manière de voir, qui sont influen­cés par­tons les phi­lo­sophes modernes et sub­jec­ti­vistes. Pour eux iI n’y a pas de véri­té fixe, il n’y a pas de dogme. Tout est en évo­lu­tion. C’est là une concep­tion tout à fait maçon­nique. C’est vrai­ment la des­truc­tion de la foi. Heureusement, nous, nous conti­nuons de nous appuyer sur la Tradition (Fideliter, n°79, p. 9).

Monseigneur Lefebvre :

« Le Pape veut faire l’u­ni­té en dehors de la foi. C’est une com­mu­nion. Une com­mu­nion à qui ? A quoi ? En quoi ? Ce n’est plus une uni­té. Celle-​ci ne peut se faire que dans l’u­ni­té de la foi. C’est ce que l’Eglise a tou­jours ensei­gné. C’est pour­quoi il y avait les mis­sion­naires, pour conver­tir à la foi catho­lique. Maintenant il ne faut plus conver­tir. L’Eglise n’est plus une socié­té hié­rar­chique, c’est une com­mu­nion. Tout est faus­sé. C’est la des­truc­tion de la notion de l’Eglise, du catho­li­cisme. C’est très grave et cela explique que nom­breux soient les catho­liques qui aban­donnent la foi » (Fideliter, n°79, p. 8).

Le vrai com­bat est doc­tri­nal.

Dans toutes les révo­lu­tions, après la « fureur » et la « ter­reur » il y a un temps de rééqui­li­brage dans la nou­velle situa­tion, une période d’institutionnalisation. D’autre part il est pré­vi­sible que, si retour il y aura, il soit gra­duel. Nous savons donc à l’avance qu’il y aura des phases plus confuses : à côté d’un mieux dans la pra­tique et peut-​être dans les inten­tions, d’un peu plus d’ordre (tout cela par rap­port au pire), il y aura néces­sai­re­ment une aggra­va­tion par rap­port à la clar­té des choses, l’erreur sera plus trom­peuse ‚et séduc­trice, moins évi­dente et plus sub­tile, bref, beau­coup plus dan­ge­reuse… capable de trom­per même les élus. L’erreur est plus équi­voque et dan­ge­reuse lorsqu’elle ras­semble d’a­van­tage à la véri­té, comme par exemple la fausse monnaie.

Nous savons donc à l’a­vance que notre com­bat et notre posi­tion seront de moins en moins com­pris, plus dif­fi­ciles à expli­quer, à jus­ti­fier et à main­te­nir. Les choses vont néces­sai­re­ment évo­luer comme cela : il faut donc une réponse appro­priée de notre part, pour ain­si dire, inver­se­ment pro­por­tion­nelle à la confusion.

Les trois rai­sons citées ci-​dessus montrent que nous sommes dans cette phase d’une fausse res­tau­ra­tion, d’un faux retour. L’attitude du Pape et de la Curie romaine – beau­coup plus confuse, contra­dic­toire et séduc­trice – n’a que l’apparence de Tradition.

Il faut bien dis­tin­guer les bons aspects du pon­ti­fi­cat actuel ‑acci­den­tels ou ponctuels- de l’enseignement et de la direc­tion doctrinale.

Or, notre com­bat est doc­tri­nal. C’est sur le ter­rain doc­tri­nal que se joue la vic­toire ou la défaite de la foi et par là de tous les biens de l’Eglise.

Cardinal Pie :

« Ne dirait-​on pas que cer­tains hommes ne veulent un peu d’ordre dans les faits que pour faire revivre impu­né­ment le désordre dans les esprits, et qu’ils ne demandent au ciel quelque sécu­ri­té maté­rielle que pour avoir le droit de reprendre, sans trop de dan­ger, le vieux tis­su de leurs men­songes un ins­tant inter­rom­pu par la peur ? Insensés, de n’a­voir pas encore com­pris que c’est, en défi­ni­tive, sur le ter­rain de la doc­trine que se gagnent ou se :perdent les batailles qui décident de l’a­ve­nir !Non, toute une por­tion de la socié­té ne sau­rait gar­der plus long­temps cette atti­tude dans laquelle nous sommes encore condam­nés à la peindre : la plume en main pour ensei­gner tou­jours les mêmes prin­cipes, I’arme‘au bras pour en exter­mi­ner les consé­quences ; des­cen­dant volon­tiers le soir dans la rue pour fusiller es actes pro­vo­qués par les doc­trines et par les exemples du matin. Contradiction tou­jours renais­sante, et que ne ces­se­ra qu’au­tant que Ies hommes qui ont quelque auto­ri­té et quelque ascen­dant sur leurs sem­blables, embras­se­ront sin­cè­re­ment la véri­té et la pra­tique chré­tiennes » (Œuvres, t. II, pp. 170–171).

« Fideliter : Le Cardinal Oddi a récem­ment décla­ré : « je suis per­sua­dé que la rup­ture ne dure­ra pas long­temps et que Mgr Lefebvre rega­gne­ra assez tôt l’Eglise de Rome. » De même prête-​t-​on au Pape et au car­di­nal Ratzinger le sen­ti­ment que Lefebvre » n’est pas ter­mi­née. Dans votre der­nière lettre au Saint Père vous décla­riez attendre des temps plus pro­pices au retour de Rome à la Tradition. Que pensez-​vous d’une éven­tuelle reprise des conver­sa­tions avec Rome ?

Monseigneur Lefebvre :

Nous n’avons pas la même façon de conce­voir la récon­ci­lia­tion. Le car­di­nal Ratzinger la voit dans le sens de nous réduire, de nous rame­ner à Vatican II. Nous, nous la voyons comme un retour de Rome‑à la Tradition. On ne s’entend pas. C’est un dia­logue de sourds. je ne peux pas beau­coup par­ler d’avenir, Car le mien est der­rière moi. Mais si je vis encore un peu et en sup­po­sant que d’i­ci à un cer­tain temps Rome fasse un appel, qu’on veuille nous revoir, reprendre langue, à ce moment-​là c’est moi qui pose­rais les condi­tions. je n’accept,erai plus d’être dans la situa­tion où nous nous sommes trou­vés lors des col­loques. C’est fini.

Je pose­rais la ques­tion au plan doc­tri­nal : « Est-​ce que vous êtes d’ac­cord avec les grandes ency­cliques de tous les papes qui vous ont pré­cé­dés. Est-​ce que vous êtes d’ac­cord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale Dei, Libertas de Léon XIII, Pascendi de Pie X , Quas Primas de Pie XI, Humani gene­ris de Pie XII ? Est-​ce que vous êtes en pleine com­mu­nion avec ces papes et avec leurs affir­ma­tions ? Est-​ce que vous accep­tez encore le ser­ment anti­mo­der­niste ? Est-​ce que vous êtes pour le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ ?

Si vous n’ac­cep­tez pas la doc­trine de vos pré­dé­ces­seurs, il est inutile de par­ler. Tant que vous n’au­rez pas accep­té de réfor­mer le Concile en consi­dé­rant la doc­trine de ces papes qui vous ont pré­cé­dés, il n’y a pas de dia­logue pos­sible. C’est inutile. Les posi­tions seraient ain­si plus claires.

Ce n’est pas une petite chose qui nous oppose. II ne pas qu’on nous dise : vous pou­vez dire la messe ancienne, mais il faut accep­ter cela. Non, ce n’est pas que cela Non, ce n’est cela qui nous oppose, c’est la doc­trine. C’est clair » (Fideliter, n° 66, pp. 12–14).

Entrer dans la contradiction – IV. Aller dans le sens d’un accord pratique serait renier notre parole et nos engagements devant nos prêtres, nos fidèles, Rome et devant tout le monde.

Cela aurait des consé­quences néga­tives énormes ad intra et ad extra.

Il n’y a aucun chan­ge­ment au point de vue doc­tri­nal de la part de Rome qui jus­ti­fie­rait le nôtre. Bien au contraire, les dis­cus­sions ont démon­tré qu’ils n’ac­ceptent en rien nos critiques.

Il serait absurde de notre part d’aller dans le sens d’un accord pra­tique après le résul­tat et les consta­ta­tions des dis­cus­sions, Ou alors il fau­drait pen­ser que Mgr Riffan et l’abbé Aulagnier avaient raison.

Une telle démarche mani­fes­te­rait une grave fai­blesse diplo­ma­tique, de la part de la Fraternité, et à vrai dire, plus que diplo­ma­tique. Il serait de cohé­rence, de droi­ture et de fer­me­té, qui auraient comme effets la perte de cré­di­bi­li­té et de l’au­to­ri­té morale dont nous jouissons.

Implosion de la Fraternité – V. Le simple fait de s’engager dans cette voie engendrera chez nous le doute, des disputes, méfiances, partis, et surtout la division.

Beaucoup de supé­rieurs et de prêtres auront un pro­blème de conscience légi­time et s’y oppo­se­ront. L’autorité et le prin­cipe même de l’autorité seront remis en ques­tion, minés.

Nous ne pou­vons pas aller à la remorque dans nos contacts avec Rome, nous devons gar­der les com­mandes, mar­quer les temps et les condi­tions. Il nous faut donc une ligne défi­nie à l’avance, claire et ferme, indé­pen­dante des sol­li­ci­ta­tions et des éven­tuelles manœuvres romaines.

En consé­quence, ce n’est pas le moment de chan­ger la déci­sion du Chapitre de 2006 (pas d’accord pra­tique sans solu­tion de la ques­tion doc­tri­nale) et il n’est pas cor­rect ni pru­dent de se lan­cer à pré­pa­rer les esprits dans le sens contraire, avant qu’il n’y ait chez nous la convic­tion, le consen­sus et la déci­sion de chan­ger. Le contraire ne fait que pro­vo­quer la divi­sion et, par réac­tion, une gué­guerre, l’anarchie.

Mise en garde autorisée – VI. L’avertissement du R. P. Ferrer, secrétaire du Card. Cañizares :

« Ne faites pas d’accord avec Rome, elle ne pour­ra pas tenir ce qu’elle vous pro­met­tra ». Nous avons reçu d’autres aver­tis­se­ments simi­laires à Rome.

Garder la ligne

Alors que faire ? Quoi répondre ?

Ce que nous avons de mieux à faire c’est de gar­der la ligne qui a assu­ré la cohé­sion et la sur­vie de la Fraternité et qui a don­né beau­coup de fruits vis-​à-​vis de Rome, pour l’Eglise. Ils hésitent, ils com­mencent à céder, leur édi­fice s’écroule, ils ne peuvent pas se pas­ser de nous… Restons fermes dans notre poli­tique et atten­dons qu’il y ait des condi­tions clai­re­ment sûres et garan­ties. Comme le signa­lait Mgr. Lefebvre après les sacres, il fau­dra attendre, mal­heu­reu­se­ment, que la situa­tion s’ag­grave chez eux… jusqu’à ce qu’ils soient prêts à lâcher Vatican II.

Nous pour­rions répondre que, vues les conclu­sions des dis­cus­sions, par fidé­li­té et loyau­té envers Dieu, envers notre conscience, envers l’Eglise et même envers le Saint Siège, nous ne pou­vons pas nous enga­ger dans une voie pre­miè­re­ment pra­tique, mais comme nous l’a­vions déjà dit, que nous res­tons ouverts à col­la­bo­rer ou par­ti­ci­per dans une étude et cri­tique doc­tri­nale du Concile.

Suivre la Providence

S’ils coupent alors avec nous, une pause dans la ten­sion constante que signi­fient les contacts pour la Fraternité, serait bien­ve­nue et, à mes yeux, pro­vi­den­tielle. De toutes façons, les connais­sant, ils ne tar­de­raient pas long­temps à repar­ler avec nous.

En conclu­sion, nous ne devons pas devan­cer la Providence, c’est Elle qui résou­dra la crise. Nous devons faire très atten­tion à la ten­ta­tion sub spe­cie boni, évi­ter l’empressement, patien­ter, et seule­ment nous enga­ger dans cette voie lors­qu’il n’y aura pas un seul doute que Rome (le Pape) veut la Tradition, qu’ils ont une idée juste de celle-​ci, que c’est pru­dent et que c’est la volon­té de Dieu. Il nous faut plus de rai­sons pour chan­ger que pour res­ter dans la ligne sûre et éprou­vée que nous avons. Or, c’est le contraire qui arrive.

Monseigneur Lefebvre :

« Sans s’at­tar­der sur Ie fait que beau­coup de choses n’allaient pas, l’ac­cent a été mis sur les grands espoirs que font naître le cha­ris­ma­tique et le pen­te­cô­tisme. A Rome, ils veulent se convaincre de cela. Ils ferment obs­ti­né­ment les yeux sur les catas­trophes engen­drées par le Concile et qu’ils sont en train d’ac­com­plir, sur la ruine à laquelle ils sont. en train de conduire l’Église. Et ils veulent que nous entrions dans ce cou­rant. Si nous fai­sons un pas dans cette voie, si nous nous sou­met­tons à l’au­to­ri­té sans garan­tie, à plus ou‘ moins ‘longue échéance, dans deux, trois ou cinq ans, nous per­drons la Tradition. Or nous ne vou­lons pas la perdre. Nous ne pou­vons donc pas nous sou­mettre aux auto­ri­tés qui veulent nous faire perdre la Tradition.

Ainsi que je l’ai déjà expo­sé, si je suis allé dis­cu­ter à Rome, c’est parce que je vou­lais essayer de voir si nous pour­rions réa­li­ser un accord avec les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques, tout en nous met­tant à l’a­bri de leur libé­ra­lisme et en sau­ve­gar­dant la Tradition. Force m’a bien été de consta­ter qu’au­cun accord ne pou­vait être réa­li­sé qui nous donne à la fois toute garan­tie et la convic­tion que Rome vou­lait sin­cè­re­ment concou­rir à la pré­ser­va­tion de la Tradition.

J’ai atten­du jus­qu’au 5 juin pour écrire au Pape : « je regrette, mais nous ne pou­vons pas nous entendre. Vous n’a­vez pas le même but nous. En fai­sant cet accord votre but est de nous rame­ner au Concile. Le mien est au contraire de pou­voir nous main­te­nir en dehors du Concile et de ‑ses influences » (Fideliter, n°68, p. 15).

Gare au danger

Pour le bien de la Fraternité et de la Tradition, il faut refer­mer au plus vite la « boîte de Pandore », afin d’éviter le dis­cré­dit et la démo­li­tion de l’au­to­ri­té, des contes­ta­tions, des dis­cordes et des divi­sions, peut-​être sans retour.

Dans ce sens, la vraie ques­tion à laquelle il faut répondre est la sui­vante : quelles sont les autres condi­tions requises, ad intra et ad extra, dans le cas hypo­thé­tique d’une pro­po­si­tion « bonne », tota­le­ment accep­table en elle-​même, pour ten­ter de faire un accord ?

Les textes cités de Monseigneur Lefebvre nous per­mettent d’y répondre avec clar­té et fermeté.

+ Mgr Alfonso de Galarreta

FSSPX Premier assistant général

Mgr Alfonso de Galarreta, né en Espagne en 1957, a été sacré évêque auxi­liaire de la Fraternité Saint-​Pie X le 30 juin 1988 par Mgr Marcel Lefebvre. Ayant exer­cé de nom­breuses res­pon­sa­bi­li­tés notam­ment comme Supérieur du dis­trict d’Amérique du Sud et direc­teur du sémi­naire de La Reja, il est actuel­le­ment Premier Assistant du Supérieur géné­ral de la Fraternité.