Mgr Barbarin et le célibat ecclésiastique

Mgr Barbarin accor­da au Figaro (8 nov. 99) une inter­view rela­tive au céli­bat ecclé­sias­tique. Il eut une for­mule mal­heu­reuse : « Parlons vrai : oui, le céli­bat n’est pas natu­rel. Il arrive que notre être se révolte parce que le corps se sent oublié, mépri­sé ». Que cet écart de lan­gage soit pour nous l’occasion de don­ner un petit vade-​mecum du céli­bat sacer­do­tal. Nous pro­cé­de­rons en deux temps : le céli­bat sacer­do­tal n’est pas contraire à la nature humaine ; le céli­bat est conforme à la nature du sacerdoce.

1.- Le célibat sacerdotal n’est pas contraire à la nature humaine :

1.1– Il n’est pas contraire à la nature humaine prise in abs­trac­to. Saint Thomas d’Aquin l’a clai­re­ment éta­bli en dis­tin­guant les néces­si­tés natu­relles propres à chaque indi­vi­du (la nutri­tion) de celles propres à la col­lec­ti­vi­té : « S’agit-il des pre­mières, il importe à cha­cun d’y pour­voir ; quant aux néces­si­tés de groupe, il n’est pas exi­gé que chaque membre de ce groupe en soit char­gé, et c’est même impos­sible (…) Or la géné­ra­tion n’est pas une néces­si­té pour chaque indi­vi­du, mais pour l’espèce prise dans son ensemble ; aus­si il n’importe pas que tout homme exerce cette acti­vi­té géné­ra­trice » (Contr. Gent. III, 136, ad 1).

1.2– Il n’est pas contraire à la nature humaine prise in concre­to. Dans le même pas­sage (ad 5), le doc­teur com­mun répond à l’objection de l’appel des sens : « Les sou­cis et les occu­pa­tions qui acca­parent les gens mariés sont conti­nuels, qu’il s’agisse de leur femme, de leurs enfants, de leur sub­sis­tance. Au contraire, le trouble qui accom­pagne la lutte contre la concu­pis­cence est de peu de durée. Il s’amoindrit d’ailleurs à mesure que celle-​ci est davan­tage maî­tri­sée ». Rappelons que le com­bat contre la concu­pis­cence, loin de nuire à la nature de l’homme, vient la libé­rer pro­gres­si­ve­ment du fomes pec­ca­ti demeu­ré après le baptême.

2.- Le célibat est conforme à la nature du sacerdoce :

2.1– Parce qu’il est au ser­vice de Dieu, le prêtre a le devoir de tendre à la per­fec­tion : « Soyez saints parce que je suis saint » (Lev. xix, 2). Aussi convient-​il qu’il se dégage de toute pré­oc­cu­pa­tion étran­gère. Or, « Celui qui n’est pas marié a sou­ci des choses du Seigneur, il cherche à plaire au Seigneur ; celui qui est marié a sou­ci des choses du monde, il cherche à plaire à sa femme, il est par­ta­gé » (I Cor. vii, 32)

2.2– Au ser­vice de Dieu, le prêtre offre le sacri­fice du corps et du sang du Seigneur. Si les ministres de l’ancienne loi, remarque Origène (Hom. 23 in Num.) devaient vivre dans la conti­nence pen­dant les jours de leur minis­tère, à plus forte rai­son il convient que le prêtre de la nou­velle loi, qui offre quo­ti­dien­ne­ment le sacri­fice, garde la conti­nence perpétuelle.

2.3– Au contact du corps du Christ, le prêtre doit retra­cer en lui la vir­gi­ni­té dont le Christ a vou­lu s’entourer ici-​bas : « Ce n’est pas sans un des­sein divin qu’une Vierge pré­pa­ra Jésus à sa mis­sion sacer­do­tale, mis­sion qui devait s’accomplir dans le céli­bat. C’est là que se trouve la pre­mière ori­gine de ce choix de vie auquel les prêtres sont appe­lés » (Jean-​Paul II, le 19 août 1990).

2.4– Au ser­vice des hommes, le prêtre doit en tout temps prier pour les âmes qui lui sont confiées. Or l’apôtre recom­mande aux per­sonnes mariées de « gar­der la conti­nence pour un temps, afin de vaquer à la prière » (I Cor. vii, 5). Afin de prier tou­jours pour son trou­peau, le prêtre doit, nous dit saint Jérôme (Lib. 1 ad Jovin.), s’abstenir tou­jours du mariage.

2.5– Pour ser­vir les hommes, le prêtre doit être au milieu d’eux le repré­sen­tant de Jésus-​Christ ; il convient donc qu’il retrace en lui la pure­té de Notre-​Seigneur, ce qui faci­li­te­ra de la part des fidèles la véné­ra­tion et la confiance qu’ils doivent avoir dans le prêtre. « Par l’éclat de sa chas­te­té, le prêtre devient sem­blable aux anges, et appa­raît ain­si plus digne de la véné­ra­tion du peuple chré­tien » (saint Pie X, Haerent ani­mo).

2.6– Pour être tota­le­ment à ses fidèles, il convient que le prêtre acquiert la liber­té spi­ri­tuelle du corps et de l’âme, que seule la chas­te­té par­faite est capable de don­ner. « Ainsi libé­ré des prin­ci­paux liens qui pour­raient le tenir atta­ché au monde, le prêtre sera davan­tage enflam­mé de ce feu céleste de l’amour, l’amour des âmes s’entend, qui jaillit du Cœur de Jésus-​Christ et ne cherche qu’à se com­mu­ni­quer aux cœurs apos­to­liques et à embra­ser toute la terre » (Pie XI, Ad cath. sacer­do­tii fas­ti­gium).

Abbé Patrick de La Rocque, ordon­né prêtre pour la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X en 1992

Source : Lettre à nos frères prêtres n° 4 de décembre 1999

Note – Pour en savoir plus sur le célibat sacerdotal :

- Ivan Gobry, Le céli­bat sacer­do­tal, Editions Clovis, BP 88, 91152 Etampes Cedex
– C. Cochini, L’origine apos­to­lique du céli­bat ecclé­sias­tique, Lethielleux, 1982
– Cal Stickler, Il celi­ba­to ecce­sias­ti­co, Libreria edi­trice Vaticana,1994

FSSPX

M. l’ab­bé Patrick de la Rocque est actuel­le­ment prieur de Nice. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions théo­lo­giques avec Rome entre 2009 et 2011.