Pourquoi le célibat des prêtres ?

Alors que le céli­bat sacer­do­tal est sans cesse atta­qué, le père Spicq et Mgr Lefebvre nous expliquent le bien fon­dé de cette disic­pline de l’Eglise latine (Photo : une ordi­na­tion au sous-​diaconat au sémi­naire d’Ecône).

Au pre­mier siècle de notre ère, le sacer­doce n’é­tait confé­ré qu’aux hommes qui n’a­vaient été mariés qu’une fois (1 Tim 3, 2). A une époque où la vir­gi­ni­té était excep­tion­nelle, c’est sous cette forme que s’ex­pri­mait l’exi­gence de la ver­tu de chas­te­té indis­pen­sable aux prêtres. Le mari qui, ayant per­du sa femme, ne s’est pas rema­rié, gar­dant fidè­le­ment le sou­ve­nir de sa pre­mière épouse, donne la preuve qu’il contrôle ses pas­sions char­nelles et pos­sède la ver­tu de continence.

Mais depuis les ori­gines de l’Eglise, la chas­te­té par­faite fut obser­vée spon­ta­né­ment par de nom­breux prêtres avant d’être impo­sée par la légis­la­tion cano­nique. Tertullien le consta­tait : « Combien dans les ordres ecclé­sias­tiques, gardent la conti­nence et ont choi­si Dieu pour époux de leur âme ! » (Exhortation à la chas­te­té, 12). Dès le 4e siècle, des conciles d’Italie, d’Espagne et d’Afrique, sanc­tion­nant cette cou­tume, font aux prêtres de leurs pro­vinces une obli­ga­tion du céli­bat. De nos jours, l’é­vêque tient ce pro­pos aux ordinands :

« Mes chers enfants, qui dési­rez être pro­mus à l’ordre du sous-​diaconat, vous devez encore et encore consi­dé­rer atten­ti­ve­ment le far­deau que vous sol­li­ci­tez spon­ta­né­ment aujourd’­hui. Jusqu’ici vous êtes libres, et vous pou­vez, si vous vou­lez, pas­ser à d’autres aspi­ra­tions, celle du monde. Mais si une fois vous rece­vez cet ordre, vous ne pou­vez plus reve­nir sur votre déci­sion. Il fau­dra n’être plus que des ser­vi­teurs à vie de Dieu, dont le ser­vice est une royau­té. Il fau­dra, avec sa grâce, gar­der la chas­te­té, et être voués sans fin au minis­tère de l’Eglise. Dès lors, pen­dant qu’il en est encore temps, réflé­chis­sez ; et si vous êtes réso­lus à per­sé­vé­rer dans votre pieuse déci­sion, au nom du Seigneur, avancez ! ».

Cette pres­crip­tion de la chas­te­té sacer­do­tale peut en appe­ler à l’au­to­ri­té même de saint Paul pres­cri­vant au chef de l’Eglise d’Ephèse : « Toi-​même, conserve-​toi chaste » (1 Tim 5, 22). Le terme hag­nos, lit­té­ra­le­ment « sans souillure », se disait d’a­bord d’un lieu réser­vé à la divi­ni­té où s’est pro­duit un phé­no­mène sur­na­tu­rel, et notam­ment des « sanc­tuaires » invio­lables ; puis, au sens de : sépa­ré du pro­fane, « pur » d’une souillure, mais le plus sou­vent avec une valeur reli­gieuse. Pour exer­cer des fonc­tions sacrées, il faut être pur, c’est-​à-​dire, non seule­ment exempt de fautes char­nelles, mais pos­sé­der cette chas­te­té ins­pi­rée par la crainte révé­ren­cielle que la ver­tu de reli­gion, la pié­té, fait éprou­ver en face de Dieu. Mieux encore, la chas­te­té sacer­do­tale c’est le don de soi à Dieu d’un cœur renou­ve­lé et comme sans alliage.

Servir Dieu d’un cœur libre

Comme l’ob­serve saint Thomas d’Aquin en effet, ce qui rend louable ce renon­ce­ment aux plai­sirs char­nels, c’est son but, la liber­té d’être à Dieu (2a 2æ, 152, 3). La chas­te­té est une condi­tion nor­male de vie dans l’a­mour exclu­sif de Dieu et du pro­chain, car elle nous libère de tout ce qui empêche notre esprit et notre cœur de se por­ter tout entiers au ser­vice de Dieu et des âmes. Ainsi que s’ex­prime saint Augustin : « celui-​là vous en aime moins, qui aime quelque chose avec vous » (Confessions, X, 29).

Saint Paul a par­fai­te­ment mon­tré com­ment la ver­tu de chas­te­té mesure le degré de cha­ri­té que l’on a au cœur : « Pour ce qui est des vierges, j’es­time que leur état est une chose excel­lente à cause de la néces­si­té pré­sente … Or je vou­drais que vous fus­siez sans inquié­tude. L’homme non marié s’in­quiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur. Mais celui qui est marié s’in­quiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme, et le voi­là divi­sé … La femme sans mari, la vierge s’in­quiète des choses du Seigneur pour être sainte et de corps et d’es­prit ; mais celle qui est mariée s’in­quiète des choses du monde, des moyens de plaire à son mari … Je vous dis cela en vue de vous fixer fer­me­ment près du Seigneur, sans tiraille­ment » (1 Co 7, 25–35).

Etre et res­ter libre, libre pour plaire à Dieu, s’oc­cu­per des choses de Dieu, voi­là le motif supé­rieur de la chas­te­té par­faite. Toutes les éner­gies de l’homme pur sont uni­fiées au ser­vice des fins de la cha­ri­té, d’où la sanc­ti­fi­ca­tion, la consé­cra­tion à Dieu du corps et de l’âme. Quiconque veut se dévouer sans réserve, sans par­tage ni tiraille­ments au culte divin et au ser­vice du pro­chain doit res­ter vierge.

La cause d’un trouble ?

On pour­rait objec­ter que les ten­ta­tions char­nelles ne sont pas pour autant sup­pri­mées et qu’elles demeurent la cause per­ma­nente d’un trouble qu’on aurait pré­ci­sé­ment vou­lu évi­ter en renon­çant au mariage. À quoi saint Thomas d’Aquin répond que « la sol­li­ci­tude et l’oc­cu­pa­tion des gens mariés rela­tive à leur femme, à leurs enfants, aux choses néces­saires à la vie, sont conti­nuelles, tan­dis que le trouble que fait éprou­ver à un homme la lutte contre ses concu­pis­cences est momen­ta­né. Et il est encore dimi­nué du fait que l’on ne consent pas à la ten­ta­tion, car plus on s’ac­corde ce genre de plai­sir, plus on accroît la force et la tyran­nie de la convoi­tise » (III Contra gentes, 136, ad 5m).

C. SPICQ, O.P., Spiritualité sacer­do­tale d’a­près saint Paul, Cerf, coll. « Lectio divi­na », 1954, p. 160–162.

Un autre Christ

On entend dire par­fois, pour jus­ti­fier le céli­bat des prêtres, qu’il est nor­mal que le prêtre garde le céli­bat parce que, étant don­né sa charge, il est très occu­pé et il ne pour­rait pas s’occuper d’un foyer et en même temps rem­plir les charges de la fonc­tion sacer­do­tale. Dans ce cas, le méde­cin de cam­pagne, lui aus­si, doit être constam­ment à la dis­po­si­tion de ses patients malades, des vic­times d’un acci­dent. Il n’est plus le maître de son temps. De nuit, de jour, il doit pou­voir répondre à ceux qui l’appellent. Lui non plus ne devrait pas avoir le temps de s’occuper de son foyer. Cette rai­son n’est pas la bonne.

La rai­son pro­fonde du céli­bat sacer­do­tal consa­cré, c’est la même rai­son qui a fait que la très sainte Vierge est res­tée vierge. Parce qu’elle a por­té Notre-​Seigneur dans son sein, il était juste et conve­nable qu’elle demeu­rât vierge. De même le prêtre, par les paroles qu’il pro­nonce à la consé­cra­tion, fait lui aus­si venir Dieu sur la terre. Il a une telle proxi­mi­té avec Dieu, être spi­ri­tuel, esprit avant tout, qu’il est bon et juste, et émi­nem­ment conve­nable que le prêtre soit vierge et demeure céli­ba­taire, voi­là la rai­son fon­da­men­tale. C’est parce que le prêtre a reçu le carac­tère qui lui per­met de pro­non­cer les paroles de la consé­cra­tion et de faire des­cendre Notre-​Seigneur sur la terre pour le don­ner aux autres, voi­là la rai­son de sa virginité.

Mgr Lefebvre – La sain­te­té sacer­do­tale p. 147, 148

Source : La Porte Latine du 13 mars 2019