Pourquoi je mets un terme à mes services auprès de l’I.C.E.L.,
par le Père Stephen Somerville, STL. – Août 2002
Chers amis catholiques du rite romain,
1 – Etant un prêtre, j’ai collaboré pendant plus de dix ans à un travail qui a causé un mal notable à la foi catholique. Je désire maintenant demander pardon à Dieu et à l’Église et renoncer résolument à ma collaboration à ce projet nuisible. Je veux parler de mon travail officiel de traduction en langue anglaise de la nouvelle liturgie latine d’après Vatican II, alors que j’étais un membre du comité consultatif auprès de la Commission Internationale sur la Liturgie en Langue Anglaise (I.C.E.L.).
2 – J’ai été ordonné prêtre en 1956, et j’appartiens à l’archidiocèse de Toronto, au Canada. Depuis ma première jeunesse j’étais fasciné par la liturgie. En 1964 je fus choisi pour représenter le Canada auprès de l’I.C.E.L., nouvellement créé, comme membre du bureau consultatif. A 33 ans j’étais son plus jeune membre, et ressentais une certaine gêne du fait de mes déficiences en la science de la liturgie et les disciplines reliées. Mais bientôt je devins perplexe du fait des grossières erreurs de traduction qui nous étaient proposées d’un air assuré et que l’élément progressiste toujours plus fort dans notre groupe nous pressait d’accepter. Je ressentais la fausseté, le mal de tant de productions de notre comité, mais je ne pouvais pas l’articuler.
3 – Laissez-moi illustrer ceci brièvement par quelques exemples. A la salutation, fréquente, par le prêtre, Le Seigneur soit avec vous, le peuple répondait traditionnellement : Et avec votre esprit, en latin Et cum spiritu tuo. Mais l’I.C.E.L. a récrit la réponse : Et aussi avec vous. Ceci, outre de sonner de façon très banale, comporte une redondance par le mot « aussi ». Pire, le mot « esprit » a été supprimé, qui nous rappelait que nous avons une âme spirituelle. De plus, nous perdons l’écho de quatre phrases (inspirées) dans les épitres où saint Paul utilise l’expression « et avec votre esprit ».
4 – Dans le Je confesse à Dieu, du rite pénitentiel, I.C.E.L. a éliminé le triple « c’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute » pour y substituer un faible « par ma faute ». C’est encore un clou dans le cercueil du sens du péché.
5 – Avant la communion, nous prions « Seigneur je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit… » I.C.E.L a changé cela pour « …je ne suis pas digne de te recevoir ». Nous perdons la métaphore du toit, clair écho de l’Évangile (Matth. 8 :8), et une image vive et concrète pour les enfants.
6 – Les déviations de l’I.C.E.L. acquièrent un aspect dévastateur spécialement dans les oraisons de la messe. La collecte, ou « prière d’ouverture » pour le 21ème dimanche ordinaire illustre bien cela. La prière latine, strictement traduite, donnerait ceci : « O Dieu, qui faites que les âmes des fidèles aient une volonté une, accordez leur (la grâce) d’aimer ce que vous commandez et de désirer ce que vous promettez pour que, parmi les vicissitudes de ce monde, nos cœurs soient fixés là où on trouve les vraies joies ».
7 – Voici la version de l’I.C.E.L., en usage depuis 1973 : « Père, aidez-nous à rechercher les valeurs qui nous apporteront une joie durable dans ce monde changeant. Dans notre désir de ce que vous promettez, faites que nous soyions d’un seul esprit et d’un seul cœur ».
8 – Quelques commentaires. S’adresser à Dieu en l’appelant Père n’est pas usité dans la liturgie, sauf dans la prière du Seigneur, le Notre Père (juste avant la communion). Aidez-nous à rechercher, implique que nous pourrions le faire seuls (hérésie de Pélage), mais que nous aimerions quelque aide de Dieu. Jésus enseigne : sans Moi vous ne pouvez rien faire. Le latin nous fait prier : accordez-nous, non pas simplement aidez-nous. L’emploi par l’I.C.E.L. du mot « valeurs », mot à la mode dans le monde, suggère tout ce qui est aujourd’hui populaire, ou politiquement correct, ou changeant d’une personne à l’autre, d’un lieu à l’autre. La « joie durable dans ce monde changeant », est une chose impossible. « Dans notre désir » suppose que nous avons déjà ce désir, mais le latin nous fait prier pour obtenir ce désir. « Ce que vous promettez » omet ce que Vous (Dieu) « commandez » , affaiblissant ainsi notre sens du devoir. « Faites que nous soyions d’un seul esprit (et cœur) » est un ajout, et paraît comme la demande principale, et cependant n’apparaît pas comme découlant de ce qui précède. (En latin, la demande principale est : faites que nos cœurs soient fixés là où sont les vraies joies. La version latine enseigne que l’unité de nos esprits est due à l’action constante de Dieu, et doit s’obtenir par notre sérieuse acceptation de ses commandements et de ses promesses). Il est clair que l’I.C.E.L. a écrit une nouvelle prière. Cela a‑t-il une importance ? Profondément ! La liturgie est notre loi de la prière (lex orandi), et elle forme la loi de notre foi (lex credendi). Si l’I.C.E.L. a changé notre liturgie, cela changera notre foi. Nous voyons tout autour de nous des signes de cette corruption et perte de la foi.
9 – Les exemples précédents de l’affaiblissement des prières de la liturgie catholique latine devraient suffire. Il y a sûrement des milliers de mauvaises traductions dans le travail de l’I.C.E.L. Au fil des travaux, je devenais de plus en plus critique. Mon rôle auprès du comité consultatif prit fin volontairement vers 1973, et je fus nommé membre émérite, et conseiller. Par cette lettre d’aujourd’hui, je renonce à tout lien restant.
10 – Les labeurs de l’I.C.E.L étaient loin d’être entièrement négatifs. J’ai apprécié la riche vie fraternelle, un accroissement toujours plus étendu de connaissances écclésiastiques, la présence catholique à Rome, à Londres et ailleurs, l’assistance à une session du concile Vatican II, les rencontres avec des personnalités distinguées de l’Église, et d’autres choses. J’exprime ma reconnaissance à deux confrères de l’I.C.E.L. qui avaient vu, avec tellement plus de clarté que moi, la voie droite à suivre dans les traductions : il s’agit de feu le professeur Herbert Finberg, et le père James Quinn S.J. d’Edinburgh. Si je renonce à mon passé à l’I.C.E.L., ce n’est pas à cause de ces personnes et de ces aspects positifs, mais à cause de la corruption de la foi et du respect catholiques auxquels le travail de l’I.C.E.L. a contribué. Je demande pardon humblement et sincèrement à Dieu et à la Sainte Église pour la part, quelque petite qu’elle fut, que j’ai eue dans cette corruption.
11 – Ayant mentionné le second Concile du Vatican (1962 – 1965), j’en viens maintenant à l’autre raison pour laquelle j’ai renoncé à mon travail de traducteur auprès de l’I.C.E.L. C’est un sujet encore plus grave et délicat. L’an dernier (depuis le milieu de 2001), j’ai appris à connaître avec respect et admiration beaucoup de catholiques traditionnels. Ces personnes, qui ont décidé de revenir à la messe et à la liturgie d’avant Vatican II, et qu’il ne faut pas confondre avec les catholiques « conservateurs » (ceux qui essayent de retoucher et de corriger la nouvelle messe et les sacrements d’après Vatican II), ces catholiques traditionnels, dis-je, m’ont donné une grave leçon. Ils m’ont montré un grand nombre de livres et d’études, d’un caractère universitaire et rigoureux aussi bien que populaire, qui démontrent de façon cumulative, que le Concile Vatican II a été dès le début investi, manipulé et infecté par des personnes et des idées modernistes, libérales et protestantisantes. Ces études montrent que la nouvelle liturgie concoctée par la commission d’après Vatican II « Concilium » sous la direction de feu Mgr Annibal Bugnini, était infectée pareillement. La nouvelle messe fait spécialement problème. Elle édulcore la doctrine de l’Eucharistie comme vrai sacrifice, et non seulement mémorial. Elle affaiblit la vérité de la présence réelle du Corps et du Sang du Christ victime en reléguant le tabernacle dans un coin, en réduisant les signes d’adoration autour de la consécration, en donnant la communion dans la main, souvent par des femmes, en utilisant des vases sacrés en matériau vulgaire, en invitant six experts protestants(qui ne croient pas en la présence réelle) à contribuer à la préparation du nouveau rite, en encourageant l’usage de musique pop avec des guitares à la place du chant grégorien, et d’autres nouveautés.
12 – Une telle liste de défauts porte à penser que beaucoup de messes modernes sont sacrilèges, et même que plusieurs pourraient être invalides. Elles sont sûrement moins catholiques, et moins aptes à soutenir la foi catholique.
13 – Qui sont les auteurs de ces critiques publiques de l’église conciliaire ? Parmi beaucoup, voici quelques noms d’auteurs ayant formulé des évaluations articulées et sérieuses du concile : Attila Sinka Guimaeres (In the murky Waters of Vatican II), le professeur Romano Amerio (Iota Unum : étude des changements dans l’église catholique au 20ème siècle), Michael Davies (plusieurs livres et fascicules, pubiés surtout par Tan Books), et Monseigneur Marcel Lefebvre, l’un des pères du Concile, qui a participé aux schémas préparatoires du concile et a écrit beaucoup d’études abordables sur le concile et la nouvelle messe (cf. Angelus Press en anglais).
14 – Parmi les catholiques de Tradition, le regretté Monseigneur Lefebvre ressort spécialement parce qu’il a fondé la Fraternité Saint Pie X (FSSPX), une solide société de prêtres (qui possède à ce jour six séminaires pour la formation des futurs prêtres) pour la célébration de la liturgie catholique traditionnelle. Beaucoup de catholiques qui ont entendu parler de ceci peuvent penser que Monseigneur Lefebvre a été excommunié et que ses fidèles sont en schisme. Mais des solides autorités (y compris le cardinal Ratzinger, le plus haut théologien au Vatican) pensent que cela n’est pas vrai. La Fraternité Saint Pie X se déclare entièrement catholique romaine, reconnaissant le pape Jean Paul II tout en exprimant respectueusement des réserves sérieuses.
15 – Je remercie le lecteur bienveillant pour m’avoir suivi jusqu’ici. Qu’il soit bien clair que c’est POUR LA FOI que je renonce à ma collaboration avec l’I.C.E.L. et à cause des changements dans la liturgie. C’est POUR LA FOI qu’il faut retouner à la tradition liturgique catholique. Ce n’est pas une question de seule nostalgie du passé ou de refus du mauvais goût.
16 – Cher lecteur catholique non traditionnel, n’écartez pas cette lettre avec légèreté. Elle vous est adressée, à vous qui devez savoir que seule la vraie foi peut vous sauver, que le salut éternel dépend de sacrements qui puissent sanctifier et pourvoir la grâce, tels qu’ils ont été transmis depuis le Christ par son église fidèle. Approfondissez ces graves questions par la prière et par de sérieuses lectures, tout spécialement dans les publications de la Fraternité Saint Pie X.
17 – Que la paix soit avec vous. Que Jésus, Marie nous accordent à tous un bienheureux retour et une persévé-rance fidèle dans notre véritable patrie catholique.
Père Stephen Somerville, STL
Août 2002 – In Communicantes – Revue de la FSSPX au Canada