Boniface, Évêque, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu,
pour perpétuelle mémoire.
Français
La foi nous oblige instamment à croire et à tenir une seule sainte Eglise catholique et en même temps apostolique, et nous la croyons fermement et la confessons simplement, elle hors de laquelle il n’y a ni salut, ni rémission des péchés, comme l’Époux le proclame dans le cantique : « ma colombe est unique, elle est parfaite. Elle est la mère qui a été choisie pour être sa génitrice. » Elle représente l’unique corps mystique corps dont le Christ est la tête, Dieu cependant étant celle du Christ. En elle il y a « un seul Seigneur, une seule foi, et un seul baptême » [1]. Unique en effet fut l’arche de Noé au temps du déluge, qui préfigurait l’unique Eglise ; achevée à une coudée, elle avait un seul pilote et chef, à savoir Noé, et hors d’elle, nous l’avons lu, tout ce qui subsistait sur terre fut détruit.
Nous la vénérons également comme l’unique, car le Seigneur dit dans le prophète : « Dieu, délivre mon âme de l’épée, et des pattes du chien mon unique » [2]. Car il a prié à la fois pour l’âme, c’est-à-dire pour lui-même, la tête, et pour le corps, puisque le corps il l’a appelé l’unique, c’est-à-dire l’Eglise, à cause de l’unité de l’époux, de la foi, des sacrements, et de la charité de l’Eglise. Elle est cette « tunique sans couture » [3] du Seigneur qui n’a pas été déchirée, mais tirée au sort.
C’est pourquoi cette Eglise une et unique n’a qu’un seul corps, une seule tête, non pas deux têtes comme pour un monstre, à savoir le Christ et le vicaire du Christ, Pierre, et le successeur de Pierre, car le Seigneur dit à Pierre lui-même : « Pais mes brebis » [4]. Il dit « mes » en général, et non telle ou telle en particulier, d’où l’on comprend que toutes lui ont été confiées. Si donc les Grecs ou d’autres disent qu’ils n’ont pas été confiés à Pierre et à ses successeurs, il leur faut reconnaître qu’ils ne font pas partie des brebis du Christ, car le Seigneur dit lui-même en Jean : « il y a un seul bercail, un seul et unique pasteur » [5].
Le pouvoir spirituel de l’Eglise
Les paroles de l’Évangile nous l’enseignent : en elle et en son pouvoir il y a deux glaives, le spirituel et le temporel […] [6] … Les deux sont donc au pouvoir de l’Eglise, le glaive spirituel et le glaive matériel. Cependant l’un doit être manié pour l’Eglise, l’autre par l’Eglise. L’autre par la main du prêtre, l’un par la main du roi et du soldat, mais au consentement et au gré du prêtre.
Or il convient que le glaive soit sous le glaive, et que l’autorité temporelle soit soumise au pouvoir spirituel…Que le pouvoir spirituel doive l’emporter en dignité et en noblesse sur toute espèce de pouvoir terrestre, il nous faut le reconnaître d’autant plus nettement que les réalités spirituelles ont le pas sur les temporelles… Comme la Vérité l’atteste : il appartient au pouvoir spirituel d’établir le pouvoir terrestre, et de le juger s’il n’a pas été bon…
Si donc le pouvoir terrestre dévie, il sera jugé par le pouvoir spirituel ; et si un pouvoir spirituel inférieur dévie, il le sera par celui qui lui est supérieur ; mais si le pouvoir suprême dévie, c’est par Dieu seul et non par l’homme qu’il pourra être jugé, comme l’atteste l’Apôtre : « L’homme spirituel juge de tout, et n’est lui-même jugé par personne » [7]. Cette autorité cependant, bien que donnée à un homme et exercée par un homme, n’est pas un pouvoir humain, mais bien plutôt divin. Donné à Pierre de la bouche de Dieu, confirmé pour lui et ses successeurs dans le Christ lui-même qu’il a confessé, lui, le roc, lorsque le Seigneur dit à Pierre lui-même : « Tout ce que tu lieras », etc. [8]. Quiconque par conséquent résiste à ce pouvoir ordonné par Dieu, « résiste à ce que Dieu a ordonné » [9], à moins qu’il n’imagine, comme Manès, deux principes, ce que nous jugeons faux et hérétique, car au témoignage de Moïse ce n’est pas dans les principes, mais « dans le principe (que) Dieu a créé le ciel et la terre » [10].
En conséquence nous déclarons, disons et définissons qu’il est absolument nécessaire au salut, pour toute créature humaine, d’être soumise au pontife romain.
Latin
Bonifatius, Episcopus, Servus servorum Dei. Ad futuram rei memoriam.
Unam sanctam ecclesiam catholicam et ipsam apostolicam urgente fide credere cogimur et tenere, nosque hanc firmiter credimus et simpliciter confitemur, extra quam nec salus est, nec remissio peccatorum, sponso in Canticis proclamante : Una est columba mea, perfecta mea. Una est matris suae electa genetrici suae [Cant. 6:9]. Quae unum corpus mysticum repraesentat, cujus caput Christus, Christi vero Deus. In qua unus Dominus, una fides, unum baptisma. Una nempe fuit diluvii tempore arca Noë, unam ecclesiam praefigurans, quae in uno cubito consummata unum, Noë videlicet, gubernatorem habuit et rectorem, extra quam omnia subsistentia super terram legimus fuisse deleta.
Hanc autem veneramur et unicam, dicente Domino in Propheta : Erue a framea, Deus, animam meam et de manu canis unicam meam. [Psalm. 22:20.] Pro anima enim, id est, pro se ipso, capite simul oravit et corpore. Quod corpus unicam scilicet ecclesiam nominavit, propter sponsi, fidei, sacramentorum et caritatis ecclesiae unitatem. Haec est tunica illa Domini inconsutilis, quae scissa non fuit, sed sorte provenit. [Joann. 19.]
Igitur ecclesiae unius et unicae unum corpus, unum caput, non duo capita, quasi monstrum, Christus videlicet et Christi vicarius, Petrus, Petrique successor, dicente Domino ipsi Petro : Pasce oves meas. [Joann. 21:17.] Meas, inquit, generaliter, non singulariter has vel illas : per quod commisisse sibi intelligitur universas. Sive ergo Graeci sive alii se dicant Petro ejusque successoribus non esse commissos : fateantur necesse est, se de ovibus Christi non esse, dicente Domino in Joanne, unum ovile et unicum esse pastorem. [Joann. 10:16.]
In hac ejusque potestate duos esse gladios, spiritualem videlicet et temporalem, evangelicis dictis instruimur. Nam dicentibus Apostolis : Ecce gladii duo hic [Luc. 22:38], in ecclesia scilicet, cum apostoli loquerentur, non respondit Dominus, nimis esse, sed satis. Certe qui in potestate Petri temporalem gladium esse negat, male verbum attendit Domini proferentis : Converte gladium tuum in vaginam. [Matth. 26:52.] Uterque ergo est in potestate ecclesiae, spiritualis scilicet gladius et materialis. Sed is quidem pro ecclesia, ille vero ab ecclesia exercendus, ille sacerdotis, is manu regum et militum, sed ad nutum et patientiam sacerdotis.
Oportet autem gladium esse sub gladio, et temporalem auctoritatem spirituali subjici potestati. Nam cum dicat Apostolus : Non est potestas nisi a Deo ; quae autem sunt, a Deo ordinata sunt [Rom. 13:1], non autem ordinata essent, nisi gladius esset sub gladio, et tanquam inferior reduceretur per alium in suprema. Nam secundum B. Dionysium lex divinitatis est, infima per media in suprema reduci .… Sic de ecclesia et ecclesiastica potestate verificatur vaticinium Hieremiae [Hier. 1:10]: Ecce constitui te hodie super gentes et regna et cetera, quae sequuntur.
Ergo, si deviat terrena potestas, judicabitur a potestate spirituali ; sed, si deviat spiritualis minor, a suo superiori si vero suprema, a solo Deo, non ab homine poterit judicari, testante Apostolo : Spiritualis homo judicat omnia, ipse autem a nemine judicatur. [1 Cor. 2:16.] Est autem haec auctoritas, etsi data sit homini, et exerceatur per hominem, non humana, sed potius divina potestas, ore divino Petro data, sibique suisque successoribus in ipso Christo, quem confessus fuit, petra firmata, dicente Domino ipsi Petro : Quodcunque ligaveris, etc. [Matth. 16:19.] Quicunque igitur huic potestati a Deo sic ordinatae resistit, Dei ordinationi resistit, nisi duo, sicut Manichaeus, fingat esse principia, quod falsum et haereticum judicamus, quia, testante Moyse, non in principiis, sed in principio coelum Deus creavit et terram. [Gen. 1:1.]
Porro subesse Romano Pontifici omni humanae creaturae declaramus, dicimus, definimus et pronunciamus omnino esse de necessitate salutis.