François

266e pape ; élu le 13 mars 2013

24 juin 2014

Instrumentum Laboris en vue du synode sur la famille

Document de travail en vue du synode sur la famille

Table des matières

PRÉSENTATION

Le 8 octobre 2013, le Pape François a convo­qué la IIIème Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques sur le thème : Les défis pas­to­raux de la famille dans le contexte de l’évangélisation. La Secrétairerie Générale du Synode a entre­pris sa pré­pa­ra­tion par l’envoi du Document Préparatoire, qui a trou­vé un large écho ecclé­sial au sein du peuple de Dieu, recueilli dans cet Instrumentum Laboris. Après avoir consi­dé­ré l’ampleur et la com­plexi­té du thème en ques­tion, le Saint-​Père a éta­bli un iti­né­raire de tra­vail en deux étapes, qui pos­sède une uni­té orga­nique. Durant l’Assemblée Générale Extraordinaire de 2014, les Pères syno­daux éva­lue­ront et appro­fon­di­ront les don­nées, les témoi­gnages et les sug­ges­tions des Églises par­ti­cu­lières, afin de répondre aux nou­veaux défis sur la famille. L’Assemblée Générale Ordinaire de 2015, plus repré­sen­ta­tive de l’épiscopat et qui vien­dra se gref­fer sur le tra­vail syno­dal pré­cé­dent, réflé­chi­ra plus pro­fon­dé­ment sur les thé­ma­tiques affron­tées pour défi­nir des lignes d’action pas­to­rales plus appropriées.

L’Instrumentum Laboris est venu des réponses au ques­tion­naire du Document Préparatoire, ren­du public au mois de novembre 2013, struc­tu­ré en huit groupes de ques­tions concer­nant le mariage et la famille, et qui a été lar­ge­ment dif­fu­sé. Les nom­breuses réponses, très détaillées, nous sont par­ve­nues des Synodes des Églises orien­tales catho­liques sui iuris, des Conférences épis­co­pales, des Dicastères de la Curie Romaine et de l’Union des Supérieurs Généraux. Sont éga­le­ment par­ve­nues direc­te­ment à la Secrétairerie Générale des réponses – appe­lées obser­va­tions – d’un nombre signi­fi­ca­tif de dio­cèses, paroisses, mou­ve­ments, groupes, asso­cia­tions ecclé­siales et réa­li­tés fami­liales, ain­si que celles d’institutions aca­dé­miques, de spé­cia­listes, de fidèles et autres, dési­reux de faire connaître leur réflexion.

Le texte est struc­tu­ré en trois par­ties et reprend, selon un ordre éta­bli en fonc­tion de l’Assemblée syno­dale, les huit thé­ma­tiques pro­po­sées dans le ques­tion­naire. La pre­mière par­tie est consa­crée à l’Évangile de la famille, entre des­sein de Dieu et voca­tion de la per­sonne dans le Christ, hori­zon à l’intérieur duquel on relève la connais­sance et l’accueil des don­nées bibliques et des docu­ments du Magistère de l’Église, y com­pris les dif­fi­cul­tés, notam­ment la com­pré­hen­sion de la loi natu­relle. La deuxième par­tie traite des diverses pro­po­si­tions de pas­to­rale fami­liale, des défis qui s’y rap­portent et des situa­tions dif­fi­ciles. La troi­sième par­tie a trait à l’ouverture à la vie et à la res­pon­sa­bi­li­té édu­ca­tive des parents, qui carac­té­rise le mariage entre l’homme et la femme, avec une réfé­rence par­ti­cu­lière aux situa­tions pas­to­rales actuelles.

Ce docu­ment, fruit du tra­vail col­lé­gial pro­ve­nant de la consul­ta­tion des Églises par­ti­cu­lières, que la Secrétairerie Générale du Synode, avec le Conseil de la Secrétairerie, a recueilli et éla­bo­ré, est désor­mais remis entre les mains des Membres de l’Assemblée syno­dale comme Instrumentum Laboris. Il offre un large cadre, bien que non exhaus­tif, de la situa­tion fami­liale contem­po­raine, de ses défis et des réflexions qu’elle suscite.

Les thèmes qui ne sont pas inclus dans le docu­ment, dont cer­tains ont été signa­lés par les réponses au n° 9 (varia) du ques­tion­naire, seront trai­tés lors de l’Assemblée Générale Ordinaire du Synode de 2015.

Lorenzo Card. Baldisseri , Secrétaire Général du Synode des Évêques

AVANT-​PROPOS

L’annonce de l’Évangile de la famille fait par­tie inté­grante de la mis­sion de l’Église, puisque la révé­la­tion de Dieu illu­mine la réa­li­té du rap­port entre l’homme et la femme, de leur amour et de la fécon­di­té de leur rela­tion. De nos jours, la vaste crise cultu­relle, sociale et spi­ri­tuelle que nous connais­sons repré­sente un défi pour l’évangélisation de la famille, cel­lule vitale de la socié­té et de la com­mu­nau­té ecclé­siale. Cette annonce se situe en conti­nui­té avec l’Assemblée syno­dale sur La nou­velle évan­gé­li­sa­tion pour la trans­mis­sion de la foi chré­tienne et l’Année de la foi, décré­tée par Benoît XVI.

L’Assemblée Générale Extraordinaire du Synode sur le thème : Les défis pas­to­raux de la famille dans le contexte de l’évangélisation, en tenant compte du fait que « la Tradition qui vient des Apôtres pro­gresse dans l’Église sous l’assistance de l’Esprit Saint » (DV 8), est appe­lée à réflé­chir sur le che­min à suivre, pour com­mu­ni­quer à tous les hommes la véri­té de l’amour conju­gal et de la famille, en répon­dant à ses mul­tiples défis (cf. EG 66). La famille est une res­source inépui­sable et une source de vie pour la pas­to­rale de l’Église ; par consé­quent, sa tâche pri­mor­diale est l’annonce de la beau­té de la voca­tion à l’amour, véri­table poten­tiel aus­si pour la socié­té. Face à cette urgence, l’épiscopat, cum et sub Petro, se met doci­le­ment à l’écoute de l’Esprit Saint, en réflé­chis­sant aux défis pas­to­raux actuels.

L’Église, consciente que les dif­fi­cul­tés ne déter­minent pas l’horizon ultime de la vie fami­liale et que les per­sonnes ne se trouvent pas seule­ment en face de pro­blé­ma­tiques inédites, constate volon­tiers les élans, sur­tout par­mi les jeunes, qui font entre­voir un nou­veau prin­temps pour la famille. Nous trou­vons des témoi­gnages signi­fi­ca­tifs en ce sens dans les nom­breuses ren­contres ecclé­siales où se mani­feste clai­re­ment, sur­tout chez les nou­velles géné­ra­tions, un désir renou­ve­lé de famille. Face à cette aspi­ra­tion, l’Église est invi­tée à sou­te­nir et à accom­pa­gner, à tous les niveaux, en fidé­li­té au man­dat du Seigneur d’annoncer la beau­té de l’amour fami­lial. Dans ses ren­contres avec les familles, le Souverain Pontife encou­rage tou­jours à regar­der leur ave­nir avec espé­rance, en recom­man­dant des styles de vie à tra­vers les­quels on peut conser­ver et faire gran­dir l’amour en famille : deman­der la per­mis­sion, remer­cier et deman­der par­don, sans jamais lais­ser le soleil se cou­cher sur une dis­corde ou une incom­pré­hen­sion, sans avoir l’humilité de deman­der pardon.

Dès le début de son pon­ti­fi­cat, le Pape François a réaf­fir­mé que « le Seigneur ne se lasse jamais de par­don­ner : jamais ! […] C’est nous qui nous las­sons de lui deman­der par­don » (Angélus du 17 mars 2013). Cet accent mis sur la misé­ri­corde a eu un grand impact aus­si sur les ques­tions rela­tives au mariage et à la famille, dans la mesure où, loin de tout mora­lisme, il confirme et ouvre des hori­zons dans la vie chré­tienne, quelque limite que l’on ait expé­ri­men­té et quelque péché que l’ont ait com­mis. La misé­ri­corde de Dieu ouvre à la conver­sion per­ma­nente et à la renais­sance continuelle.

Ière PARTIE – COMMUNIQUER L’ÉVANGILE DE LA FAMILLE AUJOURD’HUI

Chapitre ILe des­sein de Dieu sur le mariage et la famille

La famille à la lumière des don­nées bibliques

1. Le livre de la Genèse pré­sente l’homme et la femme qui sont créés à l’image et à la res­sem­blance de Dieu ; dans l’accueil réci­proque, ils se recon­naissent comme étant faits l’un pour l’autre (cf. Gn 1, 24–31 ; 2, 4b-​25). La pro­créa­tion fait de l’homme et de la femme des col­la­bo­ra­teurs de Dieu dans l’accueil et la trans­mis­sion de la vie : « En trans­met­tant à leur des­cen­dants la vie humaine, l’homme et la femme comme époux et parents, coopèrent d’une façon unique à l’œuvre du Créateur » (CCC 372). En outre, leur res­pon­sa­bi­li­té s’étend à la conser­va­tion de la créa­tion et à la crois­sance de la famille humaine. Dans la tra­di­tion biblique, la pers­pec­tive de la beau­té de l’amour humain, miroir de l’amour divin, se déve­loppe sur­tout dans le Cantique des Cantiques et chez les prophètes.

2. Le fon­de­ment de l’annonce de l’Église sur la famille se trouve dans la pré­di­ca­tion et dans la vie de Jésus, qui a vécu et gran­di dans la famille de Nazareth, a par­ti­ci­pé aux noces de Cana, dont il a enri­chi la fête par le pre­mier de ses « signes » (cf. Jn 2, 1–11), se pré­sen­tant comme l’Époux qui s’unit à l’Épouse (cf. Jn 3, 29). Sur la croix, il s’est livré par amour jusqu’à la fin et, dans son corps res­sus­ci­té, il a éta­bli de nou­veaux rap­ports entre les hommes. En révé­lant plei­ne­ment la divine misé­ri­corde, Jésus per­met à l’homme et à la femme de récu­pé­rer le « prin­cipe » selon lequel Dieu les a unis en une seule chair (cf. Mt 19, 4–6), grâce auquel – avec la grâce du Christ– ils deviennent capables de s’aimer fidè­le­ment pour tou­jours. Par consé­quent, la mesure divine de l’amour conju­gal, auquel les époux sont appe­lés par grâce, trouve sa source dans la « beau­té de l’amour sal­vi­fique de Dieu mani­fes­té en Jésus-​Christ mort et res­sus­ci­té » (EG 36), cœur même de l’Évangile.

3. En assu­mant l’amour humain, Jésus l’a éga­le­ment per­fec­tion­né (cf. GS 49), en offrant à l’homme et à la femme une nou­velle façon de s’aimer, dont le fon­de­ment réside dans l’irrévocable fidé­li­té de Dieu. Dans cette lumière, la Lettre aux Éphésiens a dis­cer­né dans l’amour nup­tial entre l’homme et la femme « le grand mys­tère » qui rend pré­sent dans le monde l’amour entre Christ et l’Église (cf. Ep 5, 31–32). Ils pos­sèdent le cha­risme (cf. 1 Co 7, 7) d’édifier l’Église, par leur amour spon­sal et par leur tâche de pro­créa­tion et d’éducation des enfants. Unis par un lien sacra­men­tel indis­so­luble, les époux vivent la beau­té de l’amour, de la pater­ni­té, de la mater­ni­té et de la digni­té de par­ti­ci­per ain­si à l’œuvre créa­trice de Dieu.

La famille dans les docu­ments de l’Église

4. Au cours des siècles, l’Église n’a pas man­qué d’offrir son ensei­gne­ment constant sur le mariage et la famille. Une des expres­sions les plus éle­vées de ce Magistère a été pro­po­sée par le Concile Œcuménique Vatican II, dans la Constitution pas­to­rale Gaudium et Spes, qui consacre un cha­pitre entier à la pro­mo­tion de la digni­té du mariage et de la famille (cf. GS 47–52). Il a qua­li­fié le mariage de com­mu­nau­té de vie et d’amour (cf. GS 48), en pla­çant l’amour au centre de la famille et en mon­trant, en même temps, la véri­té de cet amour face aux dif­fé­rentes formes de réduc­tion­nisme pré­sentes dans la culture contem­po­raine. Le « véri­table amour conju­gal » (GS 49) implique le don réci­proque de soi, inclut et intègre la dimen­sion sexuelle et l’affectivité, en cor­res­pon­dant au des­sein divin (cf. GS 48–49). De plus, Gaudium et Spes 48 sou­ligne l’enracinement des époux dans le Christ : le Christ Seigneur « vient à la ren­contre des époux chré­tiens dans le sacre­ment du mariage » et demeure avec eux. Dans l’incarnation, il assume l’amour humain, le puri­fie, le conduit à sa plé­ni­tude et donne aux époux, avec son Esprit, la capa­ci­té de le vivre en impré­gnant toute leur vie de foi, d’espérance et de cha­ri­té. De la sorte, les époux sont comme consa­crés et, par une grâce spé­ci­fique, ils édi­fient le Corps du Christ et consti­tuent une Église domes­tique (cf. LG 11). Aussi l’Église, pour com­prendre plei­ne­ment son mys­tère, regarde-​t-​elle la famille humaine qui le mani­feste d’une façon authentique.

5. Dans le sillage du Concile Vatican II, le Magistère pon­ti­fi­cal a appro­fon­di la doc­trine sur le mariage et sur la famille. Paul VI, en par­ti­cu­lier, par l’Encyclique Humanae Vitae, a mis en lumière le lien intime entre l’amour conju­gal et l’engendrement de la vie. Saint Jean-​Paul II a consa­cré à la famille une atten­tion par­ti­cu­lière à tra­vers ses caté­chèses sur l’amour humain, sa Lettre aux familles (Gratissimam Sane) et sur­tout dans l’Exhortation Apostolique Familiaris Consortio. Dans ces docu­ments, ce Pape a qua­li­fié la famille de « voie de l’Église » ; il a offert une vision d’ensemble sur la voca­tion à l’amour de l’homme et de la femme ; il a pro­po­sé les lignes fon­da­men­tales d’une pas­to­rale de la famille et de la pré­sence de la famille dans la socié­té. En par­ti­cu­lier, s’agissant de la cha­ri­té conju­gale (cf. FC 13), il décrit la façon dont les époux, dans leur amour mutuel, reçoivent le don de l’Esprit du Christ et vivent leur appel à la sainteté.

6. Benoît XVI, dans l’Encyclique Deus Caritas Est, a repris le thème de la véri­té de l’amour entre homme et femme, qui ne s’éclaire plei­ne­ment qu’à la lumière de l’amour du Christ cru­ci­fié (cf. DCE 2). Il y réaf­firme que : « Le mariage fon­dé sur un amour exclu­sif et défi­ni­tif devient l’icône de la rela­tion de Dieu avec son peuple et réci­pro­que­ment : la façon dont Dieu aime devient la mesure de l’amour humain » (DCE 11). Par ailleurs, dans son Encyclique Caritas in Veritate, il met en évi­dence l’importance de l’amour comme prin­cipe de vie dans la socié­té (cf. CV 44), lieu où s’apprend l’expérience du bien commun.

7. Le Pape François, abor­dant le lien entre la famille et la foi, écrit dans l’Encyclique Lumen Fidei : « La ren­contre avec le Christ ‑le fait de se lais­ser sai­sir et gui­der par son amour ‑élar­git l’horizon de l’existence et lui donne une espé­rance solide qui ne déçoit pas. La foi n’est pas un refuge pour ceux qui sont sans cou­rage, mais un épa­nouis­se­ment de la vie. Elle fait décou­vrir un grand appel, la voca­tion à l’amour, et assure que cet amour est fiable, qu’il vaut la peine de se livrer à lui, parce que son fon­de­ment se trouve dans la fidé­li­té de Dieu, plus forte que notre fra­gi­li­té » (LF 53).

Chapitre II – Connaissance et récep­tion de l’Écriture Sainte et des docu­ments de l’Église sur le mariage et la famille

8. Notre époque ecclé­siale est carac­té­ri­sée par une vaste redé­cou­verte de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église. Cette reprise de l’Écriture Sainte, dans le milieu ecclé­sial, a mar­qué, de façon dif­fé­rente, la vie des dio­cèses, des paroisses et des com­mu­nau­tés ecclé­siales. Les nom­breuses réponses et obser­va­tions qui sont par­ve­nues font tou­te­fois res­sor­tir que la connais­sance, la com­mu­ni­ca­tion et l’accueil des ensei­gne­ments de l’Église concer­nant la famille adviennent selon des moda­li­tés très diver­si­fiées, selon le vécu fami­lial, le tis­su ecclé­sial et le contexte socio­cul­tu­rel. Dans les régions où la tra­di­tion chré­tienne est forte, avec une pas­to­rale bien orga­ni­sée, on trouve des per­sonnes sen­sibles à la doc­trine chré­tienne sur le mariage et la famille. Ailleurs, pour dif­fé­rents motifs, on trouve de nom­breux chré­tiens qui ignorent l’existence même de ces enseignements.

La connais­sance de la Bible sur la famille

9. D’une manière géné­rale, on peut dire que l’enseignement de la Bible, sur­tout des Évangiles et des Lettres pau­li­niennes, est aujourd’hui davan­tage connu. Toutefois, toutes les Conférences épis­co­pales affirment qu’il reste encore beau­coup à faire pour qu’il devienne le fon­de­ment de la spi­ri­tua­li­té et de la vie des chré­tiens, notam­ment en réfé­rence à la famille. À par­tir d’un bon nombre de réponses, on relève aus­si qu’il y a un grand désir par­mi les fidèles de mieux connaître l’Écriture Sainte.

10. Dans cette pers­pec­tive, la for­ma­tion du cler­gé appa­raît déci­sive, en par­ti­cu­lier la qua­li­té des homé­lies, sur laquelle le Pape François a récem­ment insis­té (cf. EG 135–144). De fait, l’homélie est un ins­tru­ment pri­vi­lé­gié pour pré­sen­ter aux fidèles l’Écriture Sainte, sous son aspect ecclé­sial et exis­ten­tiel. Grâce à une pré­di­ca­tion adé­quate, le peuple de Dieu est mis en condi­tion d’apprécier la beau­té de la Parole qui attire et conforte la famille. En plus de l’homélie, un autre ins­tru­ment impor­tant est l’organisation, dans les dio­cèses et dans les paroisses, de cours qui aident les fidèles à s’approcher des Écritures d’une façon adé­quate. Il est sug­gé­ré non pas tant de mul­ti­plier les ini­tia­tives pas­to­rales, mais d’animer bibli­que­ment toute la pas­to­rale fami­liale. Toute cir­cons­tance où l’Église est appe­lée à prendre soin des fidèles, dans le cadre de la famille, est une occa­sion pour que l’Évangile de la famille soit annon­cé, appli­qué et apprécié.

Connaissance des docu­ments du Magistère

11. Le peuple de Dieu semble avoir géné­ra­le­ment une faible connais­sance des docu­ments conci­liaires et post­con­ci­liaires du Magistère sur la famille. Certes, ceux qui sont impli­qués dans le milieu théo­lo­gique en ont une cer­taine connais­sance. Cependant, ces textes ne semblent pas impré­gner pro­fon­dé­ment la men­ta­li­té des fidèles. Certaines réponses confessent même avec fran­chise que ces docu­ments ne sont pas du tout connus des fidèles. Dans quelques réponses, on constate que par­fois les docu­ments sont per­çus, sur­tout de la part des laïcs, qui n’ont pas de pré­pa­ra­tion préa­lable, comme des réa­li­tés un peu « exclu­sives ». On res­sent une cer­taine las­si­tude à prendre en main et à étu­dier ces textes. Souvent, s’il n’y a pas une per­sonne idoine qui soit en mesure d’introduire à leur lec­ture, ces docu­ments appa­raissent d’une approche dif­fi­cile. Surtout, on res­sent le besoin de mon­trer le carac­tère exis­ten­tiel des véri­tés affir­mées dans les documents.

La néces­si­té de prêtres et de ministres bien préparés

12. Quelques obser­va­tions qui sont par­ve­nues ont impu­té la res­pon­sa­bi­li­té de la faible dif­fu­sion de cette connais­sance aux pas­teurs qui, selon l’avis de cer­tains fidèles, ne connaissent pas eux-​mêmes en pro­fon­deur le sujet mariage-​famille des docu­ments, ni ne semblent avoir les ins­tru­ments pour déve­lop­per cette thé­ma­tique. À par­tir d’autres obser­va­tions qui nous sont par­ve­nues, nous pou­vons déduire que les pas­teurs sont par­fois inadap­tés et impré­pa­rés à trai­ter des pro­blé­ma­tiques qui concernent la sexua­li­té, la fécon­di­té et la pro­créa­tion, de sorte qu’ils pré­fèrent sou­vent ne pas affron­ter ces thèmes. Dans plu­sieurs réponses, nous trou­vons éga­le­ment une cer­taine insa­tis­fac­tion à l’égard de cer­tains prêtres qui appa­raissent indif­fé­rents par rap­port à cer­tains ensei­gne­ments moraux. Leur désac­cord avec la doc­trine de l’Église engendre de lacon­fu­sion au sein du Peuple de Dieu. Il est donc deman­dé que ces mêmes prêtres soient mieux pré­pa­rés et plus res­pon­sables pour expli­quer la Parole de Dieu et pour pré­sen­ter les docu­ments de l’Église concer­nant le mariage et la famille.

Accueil diver­si­fié de l’enseignement de l’Église

13. Un bon nombre de Conférences épis­co­pales relève que, là où il est trans­mis en pro­fon­deur, l’enseignement de l’Église, avec sa beau­té authen­tique, humaine et chré­tienne, est accep­té avec enthou­siasme par une large par­tie des fidèles. Quand on par­vient à mon­trer une vision glo­bale du mariage et de la famille selon la foi chré­tienne, alors on s’aperçoit de leur véri­té, bon­té et beau­té. L’enseignement est davan­tage accep­té lorsqu’il existe un che­mi­ne­ment réel dans la foi de la part des fidèles et pas seule­ment une curio­si­té impromp­tue sur ce que pense l’Église sur la morale sexuelle.D’autre part, de nom­breuses réponses confirment que, même quand l’enseignement de l’Église sur le mariage et la famille est connu, beau­coup de chré­tiens mani­festent des dif­fi­cul­tés à l’accepter inté­gra­le­ment. En géné­ral, il est fait men­tion d’éléments par­tiels, bien qu’importants, de la doc­trine chré­tienne, pour les­quels on dénote une résis­tance, à dif­fé­rents degrés, comme par exemple à pro­pos du contrôle des nais­sances, du divorce et du rema­riage, de l’homosexualité, du concu­bi­nage, de la fidé­li­té, des rela­tions avant le mariage, de la fécon­da­tion in vitro, etc. Beaucoup de réponses attestent, par contre, que l’enseignement de l’Église sur la digni­té et sur le res­pect de la vie humaine est plus lar­ge­ment et plus faci­le­ment accep­té, au moins dans son principe.

14. À juste titre, cer­tains font obser­ver qu’une plus grande inté­gra­tion entre spi­ri­tua­li­té fami­liale et morale serait néces­saire, ce qui per­met­trait aus­si de mieux com­prendre le Magistère de l’Église dans le domaine de la morale fami­liale. Quelques inter­ven­tions constatent l’importance de la mise en valeur d’éléments des cultures locales, qui peuvent d’aider à com­prendre la valeur de l’Évangile ; c’est le cas d’une grande par­tie de la culture asia­tique, fré­quem­ment cen­trée sur la famille. Dans ces contextes, cer­taines Conférences épis­co­pales affirment qu’il n’est pas dif­fi­cile d’intégrer les ensei­gne­ments de l’Église sur la famille aux valeurs sociales et morales du peuple, pré­sentes dans ces cultures. On veut éga­le­ment atti­rer par là l’attention sur l’importance de l’interculturalité dans l’annonce de l’Évangile de la famille. En défi­ni­tive, les réponses et les obser­va­tions qui sont par­ve­nues font res­sor­tir la néces­si­té d’activer des par­cours de for­ma­tion concrets et réa­li­sables, capables d’introduire aux véri­tés de la foi concer­nant la famille, sur­tout pour pou­voir en appré­cier la pro­fonde valeur humaine et existentielle.

Quelques motifs de la dif­fi­cul­té de réception

15. Plusieurs Conférences épis­co­pales relèvent que le motif d’une forte résis­tance aux ensei­gne­ments de l’Église quant à la morale fami­liale est l’absence d’une expé­rience chré­tienne authen­tique, d’une ren­contre per­son­nelle et com­mu­nau­taire avec le Christ, qui ne peut être rem­pla­cée par aucune pré­sen­ta­tion, même cor­recte, d’une doc­trine. Dans ce contexte, on regrette l’insuffisance d’une pas­to­rale sou­cieuse uni­que­ment d’administrer les sacre­ments, sans que cor­res­ponde à cela une véri­table expé­rience chré­tienne impli­quant la per­sonne. En outre, l’immense majo­ri­té des réponses met en relief le contraste crois­sant entre les valeurs pro­po­sées par l’Église sur le mariage et la famille et la situa­tion sociale et cultu­relle diver­si­fiée sur toute la pla­nète. Les réponses sont éga­le­ment una­nimes pour ce qui a trait aux rai­sons de fond des dif­fi­cul­tés dans l’accueil de l’enseignement de l’Église : les nou­velles tech­no­lo­gies dif­fu­sives et inva­sives ; l’influence des mass médias ; la culture hédo­niste ; le rela­ti­visme ; le maté­ria­lisme ; l’individualisme ; le sécu­la­risme crois­sant ; la pré­do­mi­nance de concep­tions qui ont conduit à une libé­ra­li­sa­tion exces­sive des mœurs dans un sens égoïste ; la fra­gi­li­té des rap­ports inter­per­son­nels ; une culture qui refuse des choix défi­ni­tifs, condi­tion­née par la pré­ca­ri­té, par le pro­vi­soire, qui est le propre d’une « socié­té liquide », de l’« usage unique », du « tout, tout de suite » ; des valeurs sou­te­nues par ce qu’on appelle la « culture du déchet » et du « pro­vi­soire », comme le rap­pelle fré­quem­ment le Pape François.

16. Certains évoquent les obs­tacles dus à la longue domi­na­tion d’idéologies athées dans de nom­breux pays, qui ont créé une atti­tude de méfiance à l’égard de l’enseignement reli­gieux en géné­ral. D’autres réponses rap­portent les dif­fi­cul­tés que ren­contre l’Église dans la confron­ta­tion avec les cultures tri­bales et les tra­di­tions ances­trales, où le mariage revêt des carac­té­ris­tiques très dif­fé­rentes par rap­port à la vision chré­tienne, comme par exemple le sou­tien de la poly­ga­mie ou d’autres visions qui contraste avec l’idée du mariage indis­so­luble et mono­ga­mique. Les chré­tiens qui vivent dans ces contextes ont cer­tai­ne­ment besoin d’être très for­te­ment sou­te­nus par l’Église et par les com­mu­nau­tés chrétiennes.

Encourager une meilleure connais­sance du Magistère

17. De nom­breuses réponses ont insis­té sur la néces­si­té de trou­ver de nou­velles façons de trans­mettre les ensei­gne­ments de l’Église sur le mariage et la famille. Beaucoup dépend de la matu­ri­té de l’Église par­ti­cu­lière, de sa tra­di­tion à cet égard et des res­sources effec­ti­ve­ment dis­po­nibles sur le ter­ri­toire. On recon­naît sur­tout la néces­si­té de for­mer des agents pas­to­raux capables de trans­mettre le mes­sage chré­tien d’une façon cultu­rel­le­ment adé­quate. En tout cas, presque la tota­li­té des réponses affirme qu’au niveau natio­nal, il existe une Commission pour la Pastorale de la Famille et un Directoire de la Pastorale fami­liale. Généralement, les Conférences épis­co­pales pro­posent l’enseignement de l’Église à tra­vers des docu­ments, des sym­po­siums et une ani­ma­tion dif­fuse ; de même, au niveau dio­cé­sain, on œuvre par le biais d’organismes et de com­mis­sions. Certes, ne manquent pas non plus des réponses qui révèlent une situa­tion dif­fi­cile pour l’organisation ecclé­siale où manquent les res­sources éco­no­miques et humaines pour pou­voir orga­ni­ser une caté­chèse sur la famille de façon continue.

18. Beaucoup rap­pellent qu’il est déci­sif d’établir des rap­ports avec les centres aca­dé­miques appro­priés et pré­pa­rés aux thé­ma­tiques fami­liales, au niveau doc­tri­nal, spi­ri­tuel et pas­to­ral. Certaines réponses parlent de liens béné­fiques au niveau inter­na­tio­nal entre centres uni­ver­si­taires et dio­cèses, notam­ment dans les zones péri­phé­riques de l’Église, pour pro­mou­voir des moments de for­ma­tion qua­li­fiés sur le mariage et la famille. Un exemple, plu­sieurs fois cité dans les réponses, est la col­la­bo­ra­tion avec l’Institut Pontifical Jean-​Paul II pour les études sur le mariage et la famille, de Rome, qui pos­sèdent dif­fé­rents centres dans le monde entier. À cet égard, plu­sieurs Conférences épis­co­pales rap­pellent l’importance de déve­lop­per les intui­tions de Saint Jean-​Paul II sur la théo­lo­gie du corps, dans les­quelles est pro­po­sée une approche féconde aux thèmes de la famille, avec une sen­si­bi­li­té exis­ten­tielle et anthro­po­lo­gique, ouverte aux nou­velles ques­tions qui se posent à notre époque.

19. Enfin, il est clair pour tous que la caté­chèse sur le mariage et la famille ne peut pas être limi­tée uni­que­ment à la pré­pa­ra­tion du couple au mariage ; il faut une dyna­mique d’accompagnement à carac­tère expé­rien­tiel qui, par le biais de témoins, montre la beau­té de ce que nous trans­mettent l’Évangile et les docu­ments du Magistère de l’Église sur la famille. Bien avant qu’ils se pré­sentent pour le mariage, les jeunes ont besoin d’être aidés pour connaître ce que l’Église enseigne et pour­quoi elle l’enseigne. Beaucoup de réponses mettent en relief le rôle des parents dans la caté­chèse spé­ci­fique sur la famille. Ils ont un rôle irrem­pla­çable à jouer dans la for­ma­tion chré­tienne des enfants en lien avec l’Évangile de la famille. Cette tâche requiert une pro­fonde com­pré­hen­sion de leur voca­tion à la lumière de la doc­trine de l’Église. Leur témoi­gnage est déjà une caté­chèse vivante, non seule­ment dans l’Église, mais aus­si dans la société.

Chapitre III – Évangile de la famille et loi naturelle

Le lien entre l’Évangile de la famille et la loi naturelle

20. Dans le cadre de l’accueil de l’enseignement de l’Église sur le mariage et la famille, il est néces­saire de tenir compte du thème de la loi natu­relle. Il faut consi­dé­rer en effet que les docu­ments du Magistère font sou­vent réfé­rence à ce voca­bu­laire, qui pré­sente aujourd’hui des dif­fi­cul­tés. La per­plexi­té, que l’on constate aujourd’hui à large échelle concer­nant le concept de loi natu­relle, tend à tou­cher d’une manière pro­blé­ma­tique cer­tains élé­ments de la doc­trine chré­tienne sur ce thème. En réa­li­té, ce qui sous-​tend le lien entre l’Évangile de la famille et la loi natu­relle, ce n’est pas tant la défense d’un concept phi­lo­so­phique abs­trait qu’un rap­port néces­saire que l’Évangile éta­blit avec l’humain dans toutes ses décli­nai­sons his­to­riques et cultu­relles. « La loi natu­relle répond ain­si à l’exigence de fon­der en rai­son les droits de l’homme et elle rend pos­sible un dia­logue inter­cul­tu­rel et inter­re­li­gieux » (Commission Théologique Internationale, À la recherche d’une éthique uni­ver­selle : nou­veau regard sur la loi natu­relle, 35).

Aspects pro­blé­ma­tiques de la loi natu­relle aujourd’hui

21. À la lumière de ce que l’Église a sou­te­nu au long des siècles, en exa­mi­nant le lien entre l’Évangile de la famille et l’expérience com­mune à chaque per­sonne, il est pos­sible de consi­dé­rer les nom­breuses dif­fi­cul­tés et pro­blé­ma­tiques mises en évi­dences dans les réponses au ques­tion­naire par rap­port au thème de la loi natu­relle. Pour une immense majo­ri­té des réponses et des obser­va­tions, le concept de « loi natu­relle » appa­raît, en tant que tel, aujourd’hui, dans les dif­fé­rents contextes cultu­rels, très pro­blé­ma­tique, sinon même incom­pré­hen­sible. Il s’agit d’une expres­sion qui est per­çue dif­fé­rem­ment ou tout sim­ple­ment pas com­prise. De nom­breuses Conférences épis­co­pales, dans des contextes extrê­me­ment divers, affirment que, même si la dimen­sion spon­sale entre l’homme et la femme est géné­ra­le­ment accep­tée comme une réa­li­té vécue, cela n’est pas inter­pré­tée confor­mé­ment à une loi uni­ver­sel­le­ment don­née. Seul un nombre très réduit de réponses et d’observations a mis en évi­dence une com­pré­hen­sion adé­quate de cette loi au niveau populaire.

22. Il res­sort aus­si des réponses et obser­va­tions selon les­quelles l’adjectif « natu­rel » tend à être par­fois per­çu selon la nuance sub­jec­tive de « spon­ta­né ». Les per­sonnes ont ten­dance à mettre en valeur le sen­ti­ment et l’émotivité ; des dimen­sions qui appa­raissent « authen­tiques » et « ori­gi­nelles » et, donc, « natu­rel­le­ment » à suivre. Les visions anthro­po­lo­giques sous-​jacentes ren­voient, d’une part, à l’autonomie de la liber­té humaine, pas néces­sai­re­ment liée à un ordre natu­rel objec­tif, et, de l’autre, à l’aspiration au bon­heur de l’être humain, conçu comme la réa­li­sa­tion de ses dési­rs. En consé­quence, la loi natu­relle est per­çue comme un héri­tage dépas­sé. Aujourd’hui, non seule­ment en Occident, mais pro­gres­si­ve­ment par­tout sur la terre, la recherche scien­ti­fique repré­sente un défi sérieux au concept de nature. L’évolution, la bio­lo­gie et les neu­ros­ciences, en se confron­tant à l’idée tra­di­tion­nelle de loi natu­relle, en arrivent à conclure qu’elle ne doit pas être consi­dé­rée comme « scientifique ».

23. La notion de « droits de l’homme » est, elle aus­si, géné­ra­le­ment per­çue comme un rap­pel à l’autodétermination du sujet, mais qui n’est plus ancrée à l’idée de loi natu­relle. À cet égard, beau­coup font remar­quer que les sys­tèmes légis­la­tifs de nom­breux pays se trouvent à devoir régle­men­ter des situa­tions contraires à l’ordre tra­di­tion­nel de la loi natu­relle (par exemple, la fécon­da­tion in vitro, les unions homo­sexuelles, la mani­pu­la­tion d’embryons humains, l’avortement, etc.). C’est dans ce contexte que se situe la dif­fu­sion crois­sante de l’idéologie appe­lée gen­der theo­ry ou théo­rie du genre, selon laquelle le genre de chaque indi­vi­du n’apparaît plus être que le pro­duit de condi­tion­ne­ments et de besoins sociaux, ces­sant ain­si de cor­res­pondre plei­ne­ment à la sexua­li­té biologique.

24. En outre, on fait lar­ge­ment remar­quer que ce qui est éta­bli par la loi civile – basée sur le posi­ti­visme juri­dique, tou­jours plus domi­nant – devient, dans la men­ta­li­té com­mune, mora­le­ment accep­table. Ce qui est « natu­rel » tend à n’être défi­ni que par l’individu et par la socié­té, deve­nus seuls juges des choix éthiques. La rela­ti­vi­sa­tion du concept de « nature » se reflète aus­si sur le concept de « durée » stable en rap­port à l’union spon­sale. Aujourd’hui, un amour n’est consi­dé­ré « pour tou­jours » qu’en rela­tion à ce qu’il peut effec­ti­ve­ment durer.

25. Si, d’une part, on assiste à une perte de signi­fi­ca­tion de la « loi natu­relle », de l’autre, comme l’affirment diverses Conférences épis­co­pales de l’Afrique, de l’Océanie et de l’Est asia­tique, dans cer­taines régions c’est la poly­ga­mie qui est consi­dé­rée comme étant « natu­relle », tout comme il est consi­dé­ré « natu­rel » de répu­dier une femme qui n’est pas en mesure de don­ner des enfants – et, notam­ment, des fils – à son mari. En d’autres termes, il res­sort que, d’un point de vue de la culture ambiante, la loi natu­relle ne doive plus être consi­dé­rée comme étant uni­ver­selle, du moment qu’il n’existe plus de sys­tème de réfé­rence commun.

26. Les réponses font res­sor­tir la convic­tion géné­ra­li­sée que la dis­tinc­tion des sexes pos­sède un fon­de­ment natu­rel à l’intérieur de l’existence humaine. Il existe donc, en ver­tu de la tra­di­tion, de la culture et de l’intuition, un désir de main­te­nir l’union entre l’homme et la femme. La loi natu­relle est donc uni­ver­sel­le­ment accep­tée « de fait » par les fidèles, sans néces­sai­re­ment être théo­ri­que­ment jus­ti­fiée. Étant don­né que la dis­pa­ri­tion du concept de loi natu­relle tend à dis­soudre le lien entre amour, sexua­li­té et fer­ti­li­té, enten­dus comme essence du mariage, de nom­breux aspects de la morale sexuelle de l’Église ne sont pas com­pris aujourd’hui. C’est sur cela que s’enracine une cer­taine cri­tique de la loi natu­relle, notam­ment par cer­tains théologiens.

Contestation pra­tique de la loi natu­relle sur l’union entre l’homme et la femme

27. Étant don­né que de nom­breux orga­nismes aca­dé­miques n’ont plus que fai­ble­ment recours à la loi natu­relle, les prin­ci­pales contes­ta­tions pro­viennent de la pra­tique mas­sive du divorce, du concu­bi­nat, de la contra­cep­tion, des pro­cé­dés arti­fi­ciels de pro­créa­tion et des unions homo­sexuelles. Parmi les popu­la­tions les plus pauvres et les moins influen­cées par la pen­sée occi­den­tale – il est fait ici par­ti­cu­liè­re­ment réfé­rence à cer­tains États afri­cains – d’autres types de contes­ta­tion de cette loi ont été mis en évi­dence, comme le phé­no­mène du machisme, de la poly­ga­mie, des mariages entre ado­les­cents et pré­ado­les­cents, du divorce en cas de sté­ri­li­té, d’absence de des­cen­dance mas­cu­line, mais aus­si de l’inceste et d’autres pra­tiques aberrantes.

28. Dans presque toutes les réponses, y com­pris les obser­va­tions, on enre­gistre un nombre crois­sant de familles « élar­gies », sur­tout par la pré­sence d’enfants nés de dif­fé­rents par­te­naires. Dans la socié­té occi­den­tale, les cas sont désor­mais nom­breux où les enfants, en plus d’avoir des parents sépa­rés ou divor­cés, rema­riés ou non, ont éga­le­ment des grands-​parents dans la même situa­tion. En outre, spé­cia­le­ment en Europe et en Amérique du Nord (mais aus­si dans les États d’Asie orien­tale), on trouve une aug­men­ta­tion de cas d’unions conju­gales non ouvertes à la vie, ain­si que de per­sonnes qui adoptent une vie de céli­ba­taires ou singles. Les familles mono­pa­ren­tales sont, elles aus­si, en nette crois­sance. Sur ces mêmes conti­nents, on assiste pareille­ment à une hausse ver­ti­gi­neuse de l’âge du mariage. Très sou­vent, spé­cia­le­ment dans les États d’Europe du Nord et d’Amérique du Nord, les enfants sont per­çus comme repré­sen­tant une entrave au bien-​être de la per­sonne et du couple.

29. Il faut encore men­tion­ner la volon­té de recon­naître au niveau civil, en par­ti­cu­lier dans cer­taines régions d’Asie, des unions dites « plu­ri­per­son­nelles » entre indi­vi­dus d’orientations et d’identités sexuelles dif­fé­rentes, basées sur les besoins par­ti­cu­liers et sur les néces­si­tés indi­vi­duelles et sub­jec­tives. En résu­mé, on tend à accen­tuer le droit à la liber­té indi­vi­duelle sans com­pro­mis : les per­sonnes ne se « construisent » que sur la base de leurs dési­rs indi­vi­duels. Ce que l’on juge pou­voir deve­nir « natu­rel » est plus qu’autre chose une réfé­rence à soi-​même et à la ges­tion de ses propres dési­rs et aspi­ra­tions. L’influence mar­te­lante des mass médias et du style de vie affi­ché par cer­tains per­son­nages du sport et du spec­tacle y contri­bue lour­de­ment ; ces aspect exercent aus­si leur influence dans les pays où la culture fami­liale tra­di­tion­nelle semble avoir davan­tage résis­té (Afrique, Moyen-​Orient et Asie cen­trale et du Sud).

Renouvellement sou­hai­table du langage

30. L’exigence qui sous-​tend l’usage tra­di­tion­nel de l’expression « loi natu­relle » pousse à amé­lio­rer le lan­gage et le cadre concep­tuel de réfé­rence, afin de com­mu­ni­quer les valeurs de l’Évangile d’une manière com­pré­hen­sible pour l’homme d’aujourd’hui. En par­ti­cu­lier, la grande majo­ri­té des réponses et, plus encore, des obser­va­tions, font appa­raître la néces­si­té de mettre en exergue de façon sub­stan­tielle le rôle de la Parole de Dieu comme ins­tru­ment pri­vi­lé­gié dans la concep­tion de la vie conju­gale et fami­liale. Une réfé­rence plus grande au monde biblique, à ses lan­gages et à ses formes nar­ra­tives, est recom­man­dée. En ce sens, la pro­po­si­tion consis­tant à thé­ma­ti­ser et à appro­fon­dir le concept, d’inspiration biblique, d’« ordre de la créa­tion », est digne d’être sou­li­gnée comme pos­si­bi­li­té de relire la « loi natu­relle » d’une façon exis­ten­tiel­le­ment plus signi­fi­ca­tive (cf. l’idée de loi ins­crite dans le cœur en Rm 1, 19–21 et 2, 14–15). Certains pro­posent éga­le­ment une insis­tance sur des lan­gages acces­sibles, comme le lan­gage sym­bo­lique uti­li­sé dans la litur­gie. L’attention au monde de la jeu­nesse, à consi­dé­rer comme un inter­lo­cu­teur direct, notam­ment sur ces thèmes, est éga­le­ment recommandée.

Chapitre IV – La famille et la voca­tion de la per­sonne dans le Christ

La famille, la per­sonne et la société

31. La famille est recon­nue au sein du peuple de Dieu comme un bien ines­ti­mable, le milieu natu­rel de crois­sance de la vie, une école d’humanité, d’amour et d’espérance pour la socié­té. Elle conti­nue d’être un espace pri­vi­lé­gié où le Christ révèle le mys­tère et la voca­tion de l’homme. À côté de l’affirmation de cette don­née de base par­ta­gée, la grande majo­ri­té des réponses affirme que la famille peut être ce lieu pri­vi­lé­gié, lais­sant entendre, et par­fois en le consta­tant expli­ci­te­ment, une dis­tance pré­oc­cu­pante entre la famille sous les formes où elle est aujourd’hui connue et l’enseignement de l’Église en la matière. La famille se trouve objec­ti­ve­ment à un moment très dif­fi­cile, avec des situa­tions, des his­toires et des souf­frances com­plexes, qui appellent un regard de com­pas­sion et de com­pré­hen­sion. Ce regard est celui qui per­met à l’Église d’accompagner les familles telles qu’elles sont dans la réa­li­té et à par­tir de là d’annoncer l’Évangile de la famille selon leurs besoins spécifiques.

32. On recon­naît dans les réponses que pen­dant de nom­breux siècles la famille a joué un rôle signi­fi­ca­tif au sein de la socié­té : de fait, elle est le pre­mier lieu où la per­sonne se forme dans la socié­té et pour la socié­té. Reconnue comme le lieu natu­rel du déve­lop­pe­ment de la per­sonne, elle est donc aus­si le fon­de­ment de toute socié­té et de tout État. En résu­mé, elle est qua­li­fiée de « pre­mière socié­té humaine ». La famille est le lieu où se trans­mettent et où l’on peut apprendre dès les pre­mières années de sa vie des valeurs comme la fra­ter­ni­té, la loyau­té, l’amour de la véri­té, l’amour du tra­vail, le res­pect et la soli­da­ri­té entre les géné­ra­tions, ain­si que l’art de la com­mu­ni­ca­tion et la joie. Elle est l’espace pri­vi­lé­gié pour vivre et pro­mou­voir la digni­té et les droits de l’homme et de la femme. La famille, fon­dée sur le mariage, consti­tue le milieu de la for­ma­tion inté­grale des futurs citoyens d’un pays.

33. Un des grands défis de la famille contem­po­raine consiste dans la ten­ta­tive de sa pri­va­ti­sa­tion. Le risque existe d’oublier que la famille est la « cel­lule fon­da­men­tale de la socié­té, le lieu où l’on apprend à vivre ensemble dans la dif­fé­rence et à appar­te­nir aux autres » (EG 66). Il faut pro­po­ser une vision ouverte de la famille, source de capi­tal social, c’est-à-dire, de ver­tus essen­tielles pour la vie com­mune. C’est dans la famille que l’on apprend ce qu’est le bien com­mun, car c’est en elle que l’on peut faire l’expérience de la bon­té de vivre ensemble. Sans famille, l’homme ne peut pas sor­tir de son indi­vi­dua­lisme, car ce n’est qu’en elle que s’apprend la force de l’amour pour sou­te­nir la vie, et « sans un amour digne de confiance, rien ne pour­rait tenir les hommes vrai­ment unis entre eux. Leur uni­té ne serait conce­vable que fon­dée uni­que­ment sur l’utilité, sur la com­po­si­tion des inté­rêts, sur la peur, mais non pas sur le bien de vivre ensemble, ni sur la joie que la simple pré­sence de l’autre peut sus­ci­ter » (LF 51).

34. Il fau­dra réflé­chir sur ce que veut dire aujourd’hui pro­mou­voir une pas­to­rale capable de sti­mu­ler la par­ti­ci­pa­tion de la famille dans la socié­té. Les familles ne sont pas seule­ment un objet de pro­tec­tion de la part de l’État, mais elles doivent retrou­ver leur rôle comme sujets sociaux. Bien des défis appa­raissent dans ce contexte pour les familles : le rap­port entre la famille et le monde du tra­vail, entre la famille et l’éducation, entre la famille et la san­té ; la capa­ci­té d’unir entre elles les géné­ra­tions, de sorte que les jeunes et les per­sonnes âgées ne soient pas aban­don­nés ; le déve­lop­pe­ment d’un droit de famille qui tienne compte de ses rela­tions spé­ci­fiques ; la pro­mo­tion de lois justes, comme celles qui garan­tissent la défense de la vie humaine dès sa concep­tion et celles qui favo­risent la bon­té sociale du mariage authen­tique entre l’homme et la femme.

À l’image de la vie trinitaire

35. Un cer­tain nombre de réponses mettent l’accent sur l’image de la Trinité qui est reflé­tée dans la famille. L’expérience de l’amour réci­proque entre les époux aide à com­prendre la vie tri­ni­taire comme amour : à tra­vers la com­mu­nion vécue en famille, les enfants peuvent entre­voir une ima­gine de la Trinité. Récemment, le Pape François a rap­pe­lé dans ses caté­chèses sur les sacre­ments que « lorsqu’un homme et une femme célèbrent le sacre­ment du mariage, Dieu, pour ain­si dire, se « reflète » en eux, il imprime en eux ses traits et le carac­tère indé­lé­bile de son amour. Le mariage est l’icône de l’amour de Dieu pour nous. En effet, Dieu lui aus­si est com­mu­nion : les trois Personnes du Père, du Fils et du Saint-​Esprit vivent depuis tou­jours et pour tou­jours en uni­té par­faite. Et c’est pré­ci­sé­ment cela le mys­tère du mariage : Dieu fait des deux époux une seule exis­tence » (Audience géné­rale du 2 avril 2014).

La sainte famille de Nazareth et l’éducation à l’amour

36. D’une manière pra­ti­que­ment constante, les réponses sou­lignent l’importance de la famille de Nazareth comme modèle et comme exemple pour la famille chré­tienne. Le mys­tère de l’Incarnation du Verbe au sein d’une famille nous révèle qu’elle est un lieu pri­vi­lé­gié pour la révé­la­tion de Dieu à l’homme. De fait, on recon­naît que la famille est pré­ci­sé­ment le lieu ordi­naire et quo­ti­dien de la ren­contre avec le Christ. Le peuple chré­tien regarde la famille de Nazareth comme exemple de rela­tion et d’amour, comme point de réfé­rence pour chaque réa­li­té fami­liale et comme récon­fort dans les tri­bu­la­tions. L’Église s’adresse à la famille de Nazareth pour confier les familles dans leur réa­li­té concrète de joie, d’espérance et de douleur.

37. Les réponses qui sont par­ve­nues mettent en évi­dence l’importance de l’amour vécu en famille, qua­li­fiée de « signe effi­cace de l’existence de l’Amour de Dieu », « sanc­tuaire de l’amour et de la vie ». La pre­mière expé­rience d’amour et de rela­tion advient en famille : la néces­si­té est sou­li­gnée pour chaque enfant de vivre dans la cha­leur et la tutelle pro­tec­trice des parents, dans une mai­son habi­tée par la paix. Les enfants doivent pou­voir per­ce­voir que Jésus est avec eux et qu’ils ne sont jamais seuls. En par­ti­cu­lier, la soli­tude des enfants cau­sée par les liens fami­liaux qui se détendent est sur­tout pré­sente dans cer­taines aires géo­gra­phiques. Les cor­rec­tions aus­si doivent tendre à faire en sorte que les enfants puissent croître dans un milieu fami­lial où l’amour soit vécu et où les parents réa­lisent leur voca­tion d’être des col­la­bo­ra­teurs de Dieu dans le déve­lop­pe­ment de la famille humaine.

38. On sou­ligne avec insis­tance la valeur for­ma­tive de l’amour vécu en famille, non seule­ment pour les enfants, mais pour tous ses membres. La famille est ain­si qua­li­fiée d’« école d’amour », « école de com­mu­nion », « école de rela­tions », le lieu pri­vi­lé­gié où l’on apprend à construire des rela­tions signi­fi­ca­tives, qui aident au déve­lop­pe­ment de la per­sonne jusqu’à la capa­ci­té du don de soi. Plusieurs réponses sou­lignent que la connais­sance du mys­tère et de la voca­tion de la per­sonne humaine est liée à la recon­nais­sance et à l’accueil au sein de la famille des dif­fé­rents dons et des dif­fé­rentes capa­ci­tés de cha­cun. On voit res­sor­tir ici l’idée de la famille comme « pre­mière école d’humanité » : en cela, elle est consi­dé­rée comme irremplaçable.

Différence, réci­pro­ci­té et style de vie familiale

39. Le rôle des parents, pre­miers édu­ca­teurs dans la foi, est consi­dé­ré comme essen­tiel et vital. Assez sou­vent, l’accent est mis sur le témoi­gnage de leur fidé­li­té et, en par­ti­cu­lier, sur la beau­té de leur dif­fé­rence ; par­fois, l’importance des rôles dis­tincts de père et de mère est sou­li­gnée. Dans d’autres cas, on sou­ligne le carac­tère posi­tif de la liber­té, de l’égalité entre les époux et leur réci­pro­ci­té, de même que la néces­si­té de l’implication des deux parents, aus­si bien dans l’éducation des enfants que dans les tra­vaux domes­tiques, comme cela est affir­mé dans cer­taines réponses, sur­tout dans celles en pro­ve­nance de l’Europe.

40. En réfé­rence encore à la dif­fé­rence, la richesse de la dif­fé­rence inter­gé­né­ra­tion­nelle dont on peut faire l’expérience dans la famille est sou­li­gnée, car c’est en elle que se vivent des évé­ne­ments déci­sifs comme la nais­sance et la mort, les suc­cès et les échecs, les objec­tifs atteints et les décep­tions. À tra­vers ces évé­ne­ments et d’autres encore, la famille devient le lieu où les enfants gran­dissent dans le res­pect de la vie, dans la for­ma­tion de leur per­son­na­li­té, en tra­ver­sant toutes les sai­sons de l’existence.

41. Les réponses mettent en évi­dence et avec insis­tance l’importance que la foi soit par­ta­gée et ren­due expli­cite par les parents, à com­men­cer par le style de vie du couple dans la rela­tion entre eux et avec les enfants, mais aus­si à tra­vers la mise en com­mun de leur connais­sance et conscience du Christ qui – comme cela est constam­ment réaf­fir­mé – doit être au centre de la famille. Dans le contexte d’une socié­té plu­rielle, les parents peuvent ain­si offrir à leurs enfants une orien­ta­tion de base pour leur vie, capable de les sou­te­nir aus­si après l’enfance. Voilà pour­quoi on insiste sur la néces­si­té de créer un espace et un temps pour être ensemble en famille, ain­si que le besoin d’une com­mu­ni­ca­tion ouverte et sin­cère, en un dia­logue constant.

42. Les réponses sou­lignent una­ni­me­ment l’importance de la prière en famille, comme Église domestique(cf. LG 11), pour ali­men­ter une véri­table « culture fami­liale de prière ». La connais­sance authen­tique de Jésus-​Christ est de fait favo­ri­sée en famille par la prière per­son­nelle et, en par­ti­cu­lier, selon les formes spé­ci­fiques et les usages de rites domes­tiques, consi­dé­rés comme une façon effi­cace de trans­mettre la foi aux enfants. Une grande insis­tance est mise aus­si sur la lec­ture com­mune de l’Écriture, mais éga­le­ment sur d’autres formes de prière, comme le béné­di­ci­té ou béné­dic­tion du repas et la réci­ta­tion du cha­pe­let. Il est cepen­dant pré­ci­sé que la famille, Église domes­tique, ne peut pas rem­pla­cer la com­mu­nau­té parois­siale ; en outre, l’importance de la par­ti­ci­pa­tion fami­liale à la vie sacra­men­telle, à l’Eucharistie domi­ni­cale et aux sacre­ments de l’initiation chré­tienne est sou­li­gnée. Plusieurs réponses insistent aus­si sur l’importance de vivre le sacre­ment de la récon­ci­lia­tion et la dévo­tion mariale.

Famille et déve­lop­pe­ment intégral

43. Les réponses sou­lignent l’importance de la famille pour un déve­lop­pe­ment inté­gral : la famille appa­raît fon­da­men­tale pour la matu­ra­tion des pro­ces­sus affec­tifs et cog­ni­tifs qui sont déci­sifs pour la struc­tu­ra­tion de la per­sonne. En tant que milieu vital au sein duquel se forme la per­sonne, la famille est aus­si la source où pui­ser la conscience d’être fils de Dieu, appe­lés par voca­tion à l’amour. D’autres lieux contri­buent à la crois­sance de la per­sonne, comme la vie sociale, le monde du tra­vail, la poli­tique, la vie ecclé­siale ; tou­te­fois, on recon­naît que les fon­de­ments humains acquis en famille per­mettent d’accéder à des niveaux ulté­rieurs de socia­li­sa­tion et de structuration.

44. La famille est quo­ti­dien­ne­ment confron­tée à de mul­tiples dif­fi­cul­tés et épreuves, comme le signalent de nom­breuses réponses. Être une famille chré­tienne ne garan­tit pas auto­ma­ti­que­ment l’immunité de crises, pro­fondes par­fois, à tra­vers les­quelles tou­te­fois la famille se conso­lide, par­ve­nant ain­si à recon­naître sa voca­tion ori­gi­nelle dans le des­sein de Dieu, avec le sou­tien de l’action pas­to­rale. La famille est à la fois une réa­li­té « don­née » et garan­tie par le Christ et une réa­li­té à « construire » chaque jour avec patience, com­pré­hen­sion et amour.

Accompagner le nou­veau désir de famille et les crises

45. Une don­née impor­tante qui res­sort des réponses est que, même face à des situa­tions très dif­fi­ciles, de nom­breuses per­sonnes, sur­tout des jeunes, per­çoivent la valeur du lien stable et durable, un véri­table désir de mariage et de famille, per­met­tant de réa­li­ser un amour fidèle et indis­so­luble, qui offre la séré­ni­té pour la crois­sance humaine et spi­ri­tuelle. Le « désir de famille » se révèle comme un véri­table signe des temps, qui demande d’être sai­si comme une occa­sion pastorale.

46. Il est néces­saire que l’Église prenne soin des familles qui vivent dans des situa­tions de crise et de stress ; que la famille soit accom­pa­gnée durant l’ensemble du cycle de la vie. La qua­li­té des rela­tions à l’intérieur de la famille doit être une des pré­oc­cu­pa­tions cru­ciales de l’Église. Le pre­mier sou­tien vient d’une paroisse vécue comme « famille de familles », dési­gnée comme le cœur d’une pas­to­rale renou­ve­lée, faite d’accueil et d’accompagnement, vécue dans la misé­ri­corde et dans la ten­dresse. L’importance d’organisations parois­siales pour sou­te­nir la famille est signalée.

47. En outre, dans cer­tains cas, la néces­si­té devient urgente d’accompagner des situa­tions où les liens fami­liaux sont mena­cés par la vio­lence domes­tique, avec des inter­ven­tions de sou­tien capables de pan­ser les bles­sures subies, et d’éradiquer les causes qui les ont déter­mi­nées. Là où dominent les abus, la vio­lence et l’abandon, il ne peut y avoir ni crois­sance ni aucune per­cep­tion de sa valeur propre.

48. On sou­ligne, enfin, l’importance d’une étroite col­la­bo­ra­tion entre les familles/​maisons et la paroisse, dans la mis­sion d’évangélisation, de même que la néces­si­té de l’implication active de la famille dans la vie parois­siale, grâce à des acti­vi­tés de sub­si­dia­ri­té et de soli­da­ri­té en faveur d’autres familles. À cet égard, l’aide pré­cieuse de com­mu­nau­tés com­po­sées de familles est men­tion­née. L’appartenance à des mou­ve­ments ou des asso­cia­tions peut aus­si résul­ter par­ti­cu­liè­re­ment impor­tante pour le soutien.

Une for­ma­tion constante

49. Les réponses sou­lignent fré­quem­ment la néces­si­té d’une pas­to­rale fami­liale qui tende à une for­ma­tion constante et sys­té­ma­tique sur la valeur du mariage comme voca­tion et sur la redé­cou­verte de la paren­ta­li­té (pater­ni­té et mater­ni­té) comme don. L’accompagnement du couple ne doit pas se limi­ter à la pré­pa­ra­tion au mariage, pour lequel on signale – d’ailleurs – la néces­si­té de revoir les par­cours. On met plu­tôt en lumière le besoin d’une for­ma­tion plus constante et struc­tu­rée : biblique, théo­lo­gique, spi­ri­tuelle, mais aus­si humaine et exis­ten­tielle. Il est notam­ment sou­hai­té que la caté­chèse assume une dimen­sion inter­gé­né­ra­tion­nelle qui implique acti­ve­ment les parents dans l’itinéraire de l’initiation chré­tienne de leurs enfants. Certaines réponses signalent une atten­tion par­ti­cu­lière accor­dée aux fêtes litur­giques, comme le temps de Noël et, sur­tout, la fête de la Sainte Famille, comme moments pré­cieux pour mon­trer l’importance de la famille et sai­sir le contexte humain où Jésus a gran­di, où il a appris à par­ler, à aimer, à prier, à tra­vailler. On insiste sur la néces­si­té, notam­ment du point de vue civil, de sau­ve­gar­der, là où c’est pos­sible, le dimanche comme jour du Seigneur, comme jour per­met­tant de favo­ri­ser la ren­contre dans la famille et avec les autres familles.

IIème PARTIE – LA PASTORALE DE LA FAMILLE FACE AUX NOUVEAUX DÉFIS

Chapitre I – La pas­to­rale de la famille : les diverses pro­po­si­tions en cours

Responsabilité des Pasteurs et dons cha­ris­ma­tiques dans la pas­to­rale familiale

50. Au niveau de l’engagement pas­to­ral pour la famille on voit la mise en œuvre d’une inté­res­sante réci­pro­ci­té entre la res­pon­sa­bi­li­té des pas­teurs et les dif­fé­rents cha­rismes et minis­tères dans la com­mu­nau­té ecclé­siale. Les expé­riences les plus posi­tives se véri­fient pré­ci­sé­ment lorsque cette syner­gie existe. En contem­plant l’engagement de tant de frères et sœurs pour la pas­to­rale de la famille, on peut ima­gi­ner des formes nou­velles de pré­sence effec­tive de l’Église, qui a le cou­rage de « sor­tir » d’elle, ani­mée par l’Esprit. Pour repré­sen­ter cette richesse, nous nous concen­trons sur quelques thèmes et nous pas­sons en revue les diverses ini­tia­tives et les styles dont nous trou­vons d’amples témoi­gnages dans les réponses qui sont parvenues.

La pré­pa­ra­tion au mariage

51. Il y a des réponses très sem­blables des dif­fé­rents conti­nents à pro­pos de la pré­pa­ra­tion au mariage. Nous trou­vons fré­quem­ment des cours mis en œuvre dans les paroisses, des sémi­naires et des retraites de prière pour les couples, qui font appel comme ani­ma­teurs, en plus des prêtres, éga­le­ment à des couples mariés avec une expé­rience fami­liale conso­li­dée. Les objec­tifs de ces cours sont : favo­ri­ser la rela­tion de couple, avec la conscience et la liber­té du choix ; faire connaître les enga­ge­ments humains, civils et chré­tiens ; dis­pen­ser la caté­chèse de l’initiation, avec notam­ment l’approfondissement du sacre­ment de mariage ; encou­ra­ger la par­ti­ci­pa­tion du couple à la vie com­mu­nau­taire et sociale.

52. Plusieurs réponses relèvent la faible atten­tion accor­dée bien sou­vent par les futurs époux aux pré­pa­ra­tions au mariage. On tend donc, selon les contextes, à orga­ni­ser des caté­chèses dif­fé­ren­ciées : pour les jeunes avant même les fian­çailles ; pour les parents des fian­cés ; pour les couples déjà mariés ; pour les per­sonnes sépa­rées ; pour la pré­pa­ra­tion au Baptême ; pour la connais­sance des docu­ments pas­to­raux des évêques et du Magistère de l’Église. Dans cer­tains pays, on signale de véri­tables écoles de pré­pa­ra­tion à la vie conju­gale, orien­tées sur­tout vers l’instruction et la pro­mo­tion de la femme. Le dis­cours se dif­fé­ren­cie en par­ti­cu­lier dans les régions qui connaissent une forte sécu­la­ri­sa­tion, où l’on constate une dis­tance cultu­relle crois­sante des couples vis-​à-​vis de l’Église. Les cours qui se pro­longent par­ti­cu­liè­re­ment dans le temps ne sont pas tou­jours bien accueillis. Dans ceux qui pré­parent au mariage, on pro­pose nor­ma­le­ment aux futurs époux de leur faire connaître les méthodes natu­relles de régu­la­tion de la fer­ti­li­té. Cette pro­po­si­tion est four­nie par le biais du témoi­gnage de « couples guide ».

53. Plusieurs Conférences épis­co­pales regrettent que les couples se pré­sentent sou­vent au der­nier moment, la date du mariage étant déjà fixée, même lorsque les couples pré­sentent des aspects qui néces­si­te­raient des atten­tions par­ti­cu­lières, comme dans le cas de la dis­pa­ri­té de culte (entre un bap­ti­sé et un non-​baptisé) ou d’une faible for­ma­tion chré­tienne. D’autres Conférences rap­pellent que les iti­né­raires de la pré­pa­ra­tion au sacre­ment du mariage se sont amé­lio­rés ces der­nières décen­nies, en cher­chant tou­jours plus à trans­for­mer les « cours » en « par­cours », en impli­quant des prêtres et des époux. On relève que ces der­nières années le conte­nu des pro­grammes a subi un chan­ge­ment sub­stan­tiel, pas­sant d’un ser­vice orien­té vers le seul Sacrement à une pre­mière annonce de la foi.

54. Dans de nom­breuses par­ties du monde, il y a des ini­tia­tives louables de pré­pa­ra­tion au mariage : de « nou­velles com­mu­nau­tés » qui orga­nisent des retraites, des ren­contres per­son­nelles, des groupes de prière, de réflexion et de par­tage, des pèle­ri­nages, des fes­ti­vals, des congrès natio­naux et inter­na­tio­naux de la famille. On remarque tou­te­fois que ces par­cours sont sou­vent per­çus davan­tage comme une pro­po­si­tion obli­ga­toire que comme une pos­si­bi­li­té de crois­sance à laquelle on peut adhé­rer libre­ment. Un autre moment impor­tant est cer­tai­ne­ment l’entretien de pré­pa­ra­tion au mariage avec le curé ou son délé­gué ; il s’agit d’un moment néces­saire pour tous les couples de fian­cés ; sou­vent les réponses regrettent qu’il ne soit pas suf­fi­sam­ment uti­li­sé comme une oppor­tu­ni­té pour une dis­cus­sion plus appro­fon­die, res­tant au contraire dans un cadre plu­tôt formel.

55. De nom­breuses réponses relatent que l’on essaie d’introduire dans les cours de nou­veaux thèmes comme la capa­ci­té d’écouter le conjoint, la vie sexuelle du couple, la solu­tion des conflits. Dans cer­tains contextes, mar­qués par des tra­di­tions cultu­relles plu­tôt machistes, on fait remar­quer le manque de res­pect à l’égard de la femme, d’où dérive un exer­cice de la conju­ga­li­té non conforme à la réci­pro­ci­té entre sujets de même digni­té. De cer­taines par­ties du monde mar­quées par le pas­sé par des dic­ta­tures athées, où manquent sou­vent les connais­sances fon­da­men­tales sur la foi, viennent des indi­ca­tions de nou­velles formes de pré­pa­ra­tion des fian­cés, comme les retraites durant les fins de semaines et des acti­vi­tés en petits groupes illus­trées par des témoi­gnages de couples mariés. On signale aus­si des jour­nées dio­cé­saines pour la famille, des che­mins de croix et des exer­cices spi­ri­tuels pour les familles.

56. Plusieurs réponses signalent qu’en cer­tains ter­ri­toires à pré­do­mi­nance mul­ti­re­li­gieuse et mul­ti­con­fes­sion­nelle, il faut tenir compte de quelques aspects par­ti­cu­liers, comme le nombre consi­dé­rable de mariages mixtes et de dis­pa­ri­té de culte. Cela rend néces­saire une pré­pa­ra­tion adé­quate des prêtres pour accom­pa­gner ces couples. Dans les dio­cèses de l’Europe de l’Est, on recherche le dia­logue avec les Églises ortho­doxes, à l’occasion de la pré­pa­ra­tion aux mariages mixtes. Certains témoi­gnages inté­res­sants illus­trent les jour­nées dio­cé­saines avec la pré­sence de l’évêque et le témoi­gnage de couples mûrs dans la foi. On tend à créer des occa­sions de rela­tions entre familles, en dia­logue avec des couples conso­li­dés, en met­tant en valeur des ini­tia­tives de culture biblique et des moments de prière pour les futurs époux. Les couples plus mûrs font office de « par­rains » des jeunes couples qui se pré­parent au mariage.

Piété popu­laire et spi­ri­tua­li­té familiale

57. Les réponses par­ve­nues font res­sor­tir la néces­si­té de sau­ve­gar­der et d’encourager les dif­fé­rentes formes de pié­té popu­laire dif­fu­sées sur les divers conti­nents, comme sou­tien à la famille. Malgré une cer­taine désa­gré­ga­tion fami­liale, la dévo­tion mariale, les fêtes popu­laires et celles des saints locaux demeurent signi­fi­ca­tives comme moments d’union de la famille. Outre la prière du cha­pe­let, en cer­tains lieux on récite aus­si l’Angélus ; la per­egri­na­tio Mariae conserve une cer­taine valeur, avec le pas­sage d’une icône ou d’une sta­tue de la Vierge, d’une famille à une autre, d’une mai­son à une autre. On men­tionne aus­si la valeur du « pèle­ri­nage de l’Évangile », qui consiste à pla­cer une icône et l’Écriture Sainte dans les familles, avec l’engagement de lire régu­liè­re­ment la Bible et de prier ensemble pen­dant une cer­taine période. On constate que par­mi les familles qui cultivent ces formes de pié­té, comme le « pèle­ri­nage des familles », d’intenses rap­ports d’amitié et de com­mu­nion s’accroissent. Beaucoup signalent aus­si l’importance d’encourager la litur­gie des heures en com­mun et la lec­ture des Psaumes et d’autres textes de l’Écriture Sainte. On recom­mande aus­si par­fois la prière spon­ta­née, de remer­cie­ment et de demande de par­don, faites de ses propres mots. Dans cer­tains pays, on met en relief la prière pour les diverses cir­cons­tances de la vie : à l’occasion de l’anniversaire d’un bap­tême, d’un mariage ou d’un décès. Certains signalent que sou­vent la prière fami­liale se pra­tique durant les voyages, au tra­vail et à l’école ; dans cer­tains pays, en uti­li­sant aus­si la radio et la télévision.D’autres signalent éga­le­ment l’apport béné­fique que les familles reçoivent de la proxi­mi­té des monas­tères, à tra­vers les­quels une rela­tion de com­plé­men­ta­ri­té voca­tion­nelle s’établit entre le mariage et la vie consa­crée. Un dis­cours ana­logue est fait quant à la rela­tion féconde entre époux et prêtres, dans leurs fonc­tions respectives.

Le sou­tien à la spi­ri­tua­li­té familiale

58. De nom­breuses Conférences épis­co­pales ont témoi­gné que les Églises par­ti­cu­lières, par leur action pas­to­rale, sou­tiennent la spi­ri­tua­li­té de la famille. Les mou­ve­ments de spi­ri­tua­li­té apportent une contri­bu­tion spé­ci­fique à la pro­mo­tion d’une pas­to­rale fami­liale authen­tique et effi­cace pour notre temps. On ren­contre des situa­tions ecclé­siales très diverses et des che­mi­ne­ments dif­fé­ren­ciés des com­mu­nau­tés chré­tiennes. Ce qui appa­raît de façon évi­dente c’est que les Églises locales doivent pou­voir trou­ver dans cette réa­li­té de vraies res­sources non seule­ment pour lan­cer des ini­tia­tives spo­ra­diques pour les couples, mais pour ima­gi­ner des iti­né­raires de pas­to­rale fami­liale adap­tés à notre temps. Plusieurs inter­ven­tions ont sou­li­gné que dans de nom­breux dio­cèses on par­vient à mettre en œuvre une ani­ma­tion spé­ci­fique, une for­ma­tion de couples en mesure de sou­te­nir d’autres couples et une série d’initiatives visant à pro­mou­voir une véri­table spi­ri­tua­li­té fami­liale. Certains observent que par­fois les com­mu­nau­tés locales, les mou­ve­ments, les groupes et les asso­cia­tions reli­gieuses peuvent cou­rir le risque de demeu­rer repliés sur leurs propres dyna­miques parois­siales ou asso­cia­tives. Voilà pour­quoi il est impor­tant que ces groupes vivent l’ensemble de l’horizon ecclé­sial dans une optique mis­sion­naire, afin d’éviter le dan­ger de ne se réfé­rer qu’à eux-​mêmes. Les familles appar­te­nant à ces com­mu­nau­tés accom­plissent un apos­to­lat vivant et ont évan­gé­li­sé beau­coup d’autres familles ; leurs membres ont offert un témoi­gnage cré­dible de la vie conju­gale fidèle, d’estime réci­proque et d’unité, d’ouverture à la vie.

Le témoi­gnage de la beau­té de la famille

59. Un point clé pour la pro­mo­tion d’une pas­to­rale fami­liale authen­tique et inci­sive semble être der­niè­re­ment le témoi­gnage du couple. Cet élé­ment a été indi­qué par toutes les réponses. Le témoi­gnage appa­raît essen­tiel non seule­ment en cohé­rence avec les prin­cipes de la famille chré­tienne, mais aus­si de la beau­té et de la joie que pro­cure l’accueil de l’annonce évan­gé­lique dans le mariage et dans la vie fami­liale. Dans la pas­to­rale fami­liale on res­sent aus­si le besoin de par­cou­rir la via pul­chri­tu­di­nis, c’est-à-dire la voie du témoi­gnage char­gé d’attrait de la famille vécue à la lumière de l’Évangile et en union constante avec Dieu. Il s’agit de mon­trer aus­si dans la vie fami­liale que « croire en lui et le suivre n’est pas seule­ment quelque chose de vrai et de juste, mais aus­si quelque chose de beau, capable de com­bler la vie d’une splen­deur nou­velle et d’une joie pro­fonde, même dans les épreuves » (EG 167).

60. Certaines Conférences épis­co­pales font remar­quer que, même si en de nom­breuses régions géo­gra­phiques la réus­site du mariage et de la famille n’est plus don­née pour acquise, on observe tou­te­fois que les jeunes mani­festent une haute estime pour les conjoints qui, mal­gré de nom­breuses années de mariage, vivent encore un choix de vie empreint d’amour et de fidé­li­té. C’est aus­si pour­quoi, dans beau­coup de dio­cèses, on célèbre en pré­sence des évêques des jubi­lés et des fêtes d’action de grâces pour les époux qui comptent de nom­breuses années de mariage der­rière eux. Dans cette même direc­tion, on recon­naît le témoi­gnage spé­cial don­né par les époux qui res­tent aux côtés de leur conjoint mal­gré les pro­blèmes et les difficultés.

Chapitre II – Les défis pas­to­raux sur la famille

61. Dans cette sec­tion, nous réunis­sons les réponses et les obser­va­tions concer­nant les défis pas­to­raux sur la famille, qui s’articulent en trois ques­tions fon­da­men­tales : la crise de la foi dans son rap­port avec la famille ; les défis internes et les défis externes, qui touche à la réa­li­té fami­liale ; cer­taines situa­tions dif­fi­ciles, liées à une culture de l’individualisme et à la méfiance vis-​à-​vis des rap­ports stables.

a) La crise de la foi et la vie familiale

L’action pas­to­rale dans la crise de foi

62. Certaines réponses relèvent que, dans les situa­tions où la foi est faible ou absente dans les réa­li­tés fami­liales, la paroisse et l’Église dans son ensemble ne sont pas per­çues comme un sou­tien. Cela arrive pro­ba­ble­ment en rai­son d’une per­cep­tion erro­née et mora­liste de la vie ecclé­siale, due au contexte socio­cul­tu­rel où nous vivons, là où l’institution fami­liale en tant que telle est en crise. L’idéal de la famille est conçu comme un objec­tif inac­ces­sible et frus­trant, au lieu d’être com­pris comme l’indication d’un che­min pos­sible, à tra­vers lequel il est pos­sible d’apprendre à vivre sa propre voca­tion et mis­sion. Quand les fidèles res­sentent cette décon­nexion, la crise dans le couple, dans le mariage ou dans la famille se trans­forme sou­vent et gra­duel­le­ment en une crise de la foi. On se pose donc la ques­tion sur la façon d’agir pas­to­ra­le­ment dans ces cas-​là : com­ment faire en sorte que l’Église, avec ses diverses struc­tu­ra­tions pas­to­rales, se montre en mesure de prendre soin des couples en dif­fi­cul­té et de la famille.

63. De nom­breuses réponses relèvent qu’une crise de la foi peut être l’occasion de consta­ter un échec ou une occa­sion de se réno­ver, en décou­vrant des rai­sons plus pro­fondes venant confir­mer l’union conju­gale. De même que la perte de valeurs et même la désa­gré­ga­tion de la famille peuvent se trans­for­mer en occa­sion de for­ti­fi­ca­tion du lien conju­gal. Pour sur­mon­ter la crise, le sou­tien d’autres familles dis­po­sées à accom­pa­gner le dif­fi­cile che­mi­ne­ment du couple en crise peut appor­ter un réel sou­tien. En par­ti­cu­lier, on sou­ligne la néces­si­té pour la paroisse de se faire proche, comme une famille des familles.

b) Situations cri­tiques internes à la famille

Difficultés de rela­tion /​com­mu­ni­ca­tion

64. Une grande conver­gence se mani­feste au niveau des réponses pour sou­li­gner la dif­fi­cul­té de rela­tion et de com­mu­ni­ca­tion en famille comme l’un des prin­ci­paux points cru­ciaux. Elles mettent en relief l’insuffisance et même l’incapacité de construire des rela­tions fami­liales à cause d’une défer­lante de ten­sions et de conflits entre les conjoints, dus au manque de confiance réci­proque et d’intimité, à la domi­na­tion d’un conjoint sur l’autre, mais aus­si aux conflits géné­ra­tion­nels entre parents et enfants. Le drame consta­té dans ces situa­tions est la dis­pa­ri­tion pro­gres­sive de la pos­si­bi­li­té de dia­logue, de temps et d’espaces de rela­tion : le manque de par­tage et de com­mu­ni­ca­tion fait en sorte que cha­cun affronte ses dif­fi­cul­tés dans la soli­tude, sans faire aucu­ne­ment l’expérience d’être aimé et d’aimer à son tour. Par ailleurs, dans cer­tains contextes sociaux, le manque d’expérience de l’amour est fré­quent, en par­ti­cu­lier de l’amour pater­nel, et ceci rend très dif­fi­cile l’expérience de l’amour de Dieu et de sa pater­ni­té. La fai­blesse de la figure du père dans de nom­breuses familles engendre de forts dés­équi­libres à l’intérieur de la cel­lule fami­liale et une incer­ti­tude iden­ti­taire chez les enfants. Sans l’expérience quo­ti­dienne de l’amour témoi­gné, vécu et reçu, la décou­verte de la per­sonne du Christ comme Fils de Dieu et de l’amour de Dieu le Père appa­raît par­ti­cu­liè­re­ment difficile.

Fragmentation et désagrégation

65. Bien que de diverses façons, les réponses témoignent de la frag­men­ta­tion et de la désa­gré­ga­tion de nom­breuses situa­tions fami­liales en de mul­tiples cir­cons­tances. Les drames qui sont constam­ment men­tion­nés et, en pre­mier lieu, ceux du divorce et de la sépa­ra­tion à l’intérieur du couple, sont par­fois favo­ri­sés par la pau­vre­té. Parmi les autres situa­tions cri­tiques, les réponses men­tionnent des situa­tions de familles élar­gies, où appa­raissent de mul­tiples rela­tions inva­sives, ou bien mono­pa­ren­tales (avec des mères seules ou ado­les­centes), les unions de fait, mais aus­si les unions et paren­ta­li­té homo­sexuelle (men­tion­née en par­ti­cu­lier en Europe et en Amérique du Nord). Dans des contextes cultu­rels déter­mi­nés, la poly­ga­mie est dési­gnée comme un des fac­teurs de désa­gré­ga­tion du tis­su fami­lial. S’ajoute à cela la fer­me­ture de la famille à la vie. De nom­breux épis­co­pats sou­lignent avec une grande pré­oc­cu­pa­tion la dif­fu­sion mas­sive de la pra­tique de l’avortement. La culture domi­nante semble par bien des aspects favo­ri­ser une culture de la mort par rap­port à la vie nais­sante. Nous nous trou­vons devant une culture de l’indifférence face à la vie. Parfois les États ne contri­buent pas assez à pro­té­ger les liens fami­liaux, adop­tant des légis­la­tions qui favo­risent l’individualisme. Tout cela créé par­mi les gens une men­ta­li­té super­fi­cielle sur des thèmes d’une impor­tance déci­sive. Bon nombre d’interventions sou­lignent qu’une men­ta­li­té contra­cep­tive carac­té­rise de fait et néga­ti­ve­mentles rela­tions familiales.

Violence et abus

66. La réfé­rence à la vio­lence psy­cho­lo­gique, phy­sique et sexuelle se retrouve una­ni­me­ment à tra­vers toutes les réponses, de même que les abus com­mis en famille sur­tout au détri­ment des femmes et des enfants, un phé­no­mène hélas non occa­sion­nel, ni spo­ra­dique, par­ti­cu­liè­re­ment dans cer­tains contextes. On relève aus­si le ter­rible phé­no­mène du fémi­ni­cide, sou­vent lié à des troubles rela­tion­nels et affec­tifs pro­fonds et consé­quence d’une fausse culture de la pos­ses­sion. Il s’agit d’une don­née véri­ta­ble­ment inquié­tante, qui inter­roge toute la socié­té et la pas­to­rale fami­liale de l’Église. La pro­mis­cui­té sexuelle en famille et l’inceste sont expli­ci­te­ment men­tion­nés dans cer­taines zones géo­gra­phiques (Afrique, Asie et Océanie), tout comme la pédo­phi­lie et les abus com­mis sur les enfants. À ce pro­pos, il est éga­le­ment fait men­tion de l’autoritarisme des parents, qui s’exprime par un manque de soin et d’attention pour les enfants. Le manque de consi­dé­ra­tion pour les enfants se joint à l’abandon des enfants et à l’absence, conti­nuel­le­ment sou­li­gnées, du sens d’une paren­ta­li­té res­pon­sable, qui refuse non seule­ment de s’occuper, mais même d’éduquer les enfants, lit­té­ra­le­ment aban­don­nés à eux-mêmes.

67. Plusieurs épis­co­pats signalent le drame du com­merce et de l’exploitation des enfants. À ce pro­pos, ils affirment la néces­si­té d’accorder une atten­tion par­ti­cu­lière à la plaie du « tou­risme sexuel » et à la pros­ti­tu­tion qui exploite les mineurs spé­cia­le­ment dans les pays en voie de déve­lop­pe­ment, créant ain­si des dés­équi­libres au sein des familles. Ils sou­lignent qu’aussi bien la vio­lence domes­tique, sous ses dif­fé­rents aspects, que l’abandon et la désa­gré­ga­tion fami­liale, sous ses dif­fé­rentes formes, ont un impact signi­fi­ca­tif sur la vie psy­cho­lo­gique de la per­sonne et, par consé­quent, sur la vie de foi, à par­tir du moment où le trau­ma­tisme psy­cho­lo­gique entache de manière néga­tive la vision, la per­cep­tion et l’expérience de Dieu et de son amour.

Dépendances, médias et réseaux sociaux

68. Parmi les diverses situa­tions cri­tiques internes à la famille, les dépen­dances à l’alcool et aux drogues sont constam­ment men­tion­nées, mais aus­si la dépen­dance par rap­port à la por­no­gra­phie, par­fois uti­li­sée et par­ta­gée en famille, de même que par rap­port aux jeux de hasard, aux jeux vidéo, à inter­net et aux réseaux sociaux. Quant aux médias, leur impact néga­tif sur la famille est sou­li­gné. D’une part, il est dû en par­ti­cu­lier à l’image de la famille qu’ils véhi­culent et des anti-​modèles qu’ils pro­posent, trans­met­tant ain­si des valeurs erro­nées et déviantes, tan­dis que, d’autre part, on insiste sur les pro­blèmes rela­tion­nels que les médias, avec les réseaux sociaux et inter­net, créent à l’intérieur de la famille. De fait, télé­vi­sion, smart­phone et ordi­na­teur peuvent être une réelle entrave au dia­logue entre les membres de la famille, en ali­men­tant des rela­tions frag­men­tées et une cer­taine alié­na­tion : en famille aus­si on tend tou­jours plus à com­mu­ni­quer par le biais de la tech­no­lo­gie. On finit ain­si par vivre des rap­ports vir­tuels entre les membres de la famille, où les moyens de com­mu­ni­ca­tion et l’accès à inter­net se sub­sti­tuent tou­jours plus aux rela­tions. À ce pro­pos, les réponses signalent non seule­ment le risque de la désa­gré­ga­tion et de la dés­union fami­liale, mais aus­si la pos­si­bi­li­té que le monde vir­tuel devienne une véri­table réa­li­té de sub­sti­tu­tion (en par­ti­cu­lier en Europe, en Amérique du Nord et en Asie). Elles sou­lignent cou­ram­ment la façon dont le temps libre pour la famille est hap­pé par ces instruments.

69. En outre, à l’ère inter­net, l’accent est mis sur le phé­no­mène crois­sant de l’excès d’information (infor­ma­tion over­loa­ding): l’augmentation expo­nen­tielle de l’information reçue, à laquelle ne cor­res­pond pas sou­vent une aug­men­ta­tion de sa qua­li­té, accom­pa­gnée de l’impossibilité de véri­fier tou­jours l’authenticité des infor­ma­tions dis­po­nibles on line. Le pro­grès tech­no­lo­gique est un défi glo­bal pour la famille, à l’intérieur de laquelle il pro­voque de rapides chan­ge­ments de vie concer­nant les rela­tions et les équi­libres internes. Les cri­ti­ci­tés se res­sentent donc avec plus d’évidence encore là où la famille manque d’une édu­ca­tion adé­quate à l’usage des médias et des nou­velles technologies.

c) Pressions externes à la famille

L’incidence de l’activité du tra­vail sur la famille

70. Dans les réponses, la réfé­rence à l’impact de l’activité du tra­vail sur les équi­libres fami­liaux est una­nime. En pre­mier lieu, on enre­gistre la dif­fi­cul­té d’organiser la vie fami­liale com­mune dans le contexte d’une inci­dence domi­nante du tra­vail, qui exige tou­jours plus de sou­plesse de la part de la famille. Les rythmes de tra­vail sont intenses et, dans cer­tains cas, exté­nuants, les horaires sou­vent trop longs, s’étendent par­fois même au dimanche : tout cela nuit à la pos­si­bi­li­té d’être ensemble. À cause d’une vie tou­jours plus tiraillée, les moments de paix et d’intimité fami­liale deviennent rares. Dans cer­taines aires géo­gra­phiques, le prix payé par la famille à la crois­sance et au déve­lop­pe­ment éco­no­mique est mis en évi­dence ; il faut y ajou­ter la réper­cus­sion bien plus large des effets pro­duits par la crise éco­no­mique et par l’instabilité du mar­ché du tra­vail. La pré­ca­ri­té crois­sante du tra­vail, en plus de l’augmentation du chô­mage et de la néces­si­té de dépla­ce­ments tou­jours plus longs pour se rendre au tra­vail, ont de lourdes retom­bées sur la vie fami­liale, pro­dui­sant notam­ment un affai­blis­se­ment des rela­tions et un iso­le­ment pro­gres­sif des per­sonnes, qui pro­voquent davan­tage d’anxiété.

71. Dans le dia­logue avec l’État et les orga­nismes publics ad hoc, on attend de la part de l’Église une action de sou­tien concret pour un emploi digne, pour des salaires justes, pour une poli­tique fis­cale en faveur de la famille, de même que la mise en œuvre d’une aide pour les familles et pour les enfants. On signale, à ce pro­pos, le manque fré­quent de lois qui pro­tègent la famille dans le milieu du tra­vail et, en par­ti­cu­lier, la femme-​mère tra­vailleuse. En outre, on constate que le sec­teur du sou­tien et de l’engagement civil en faveur des familles est un domaine où l’action com­mune, de même que la créa­tion de réseaux avec des orga­ni­sa­tions qui pour­suivent des objec­tifs simi­laires, est conseillable et fructueuse.

Le phé­no­mène migra­toire et la famille

72. Toujours en lien avec le monde du tra­vail, les réponses sou­lignent aus­si l’impact de la migra­tion sur le tis­su fami­lial : pour faire face aux pro­blèmes de sub­sis­tance, des pères et, dans une mesure crois­sante, des mères se voient contraints d’abandonner la famille pour rai­sons de tra­vail. L’éloignement d’un parent a des consé­quences graves à la fois sur les équi­libres fami­liaux et sur l’éducation des enfants. En même temps, on rap­pelle que l’envoi d’argent aux familles par le parent éloi­gné peut engen­drer une sorte de dépen­dance chez les autres membres de la famille. Par rap­port à cette situa­tion, on signale la néces­si­té de faci­li­ter le rap­pro­che­ment fami­lial grâce à la mise en œuvre de poli­tiques appropriées.

Pauvreté et lutte pour la subsistance

73. Les réponses et les obser­va­tions insistent et font fré­quem­ment réfé­rence aux dif­fi­cul­tés éco­no­miques que connaissent les familles et à leur manque de moyens maté­riels, de même qu’à la pau­vre­té et à la lutte pour leur sub­sis­tance. Il s’agit d’un phé­no­mène dif­fus, qui ne touche pas seule­ment les pays en voie de déve­lop­pe­ment, mais qui est éga­le­ment men­tion­né en Europe et en Amérique du Nord. On constate que dans les cas de pau­vre­té extrême et crois­sante, la famille doit lut­ter pour sa sub­sis­tance et y concentre la majeure par­tie de ses éner­gies. Plusieurs obser­va­tions demandent une parole pro­phé­tique forte de l’Église vis-​à-​vis de la pau­vre­té qui met dure­ment à l’épreuve la vie fami­liale. Une Église « pauvre et pour les pauvres », affirme-​t-​on, ne devrait pas man­quer de faire sen­tir haut et fort sa voix dans ce domaine.

Consumérisme et individualisme

74. Parmi les diverses pres­sions cultu­relles qui s’exercent sur la famille, le consu­mé­risme est men­tion­né de manière constante, car il a de lourdes retom­bées sur la qua­li­té des rela­tions fami­liales, tou­jours plus cen­trées sur l’avoir plu­tôt que sur l’être. La men­ta­li­té consu­mé­riste est éga­le­ment men­tion­née, sur­tout en Europe, en lien avec « l’enfant à tout prix » et aux méthodes de pro­créa­tion arti­fi­cielle qui s’ensuivent. En outre, les réponses men­tionnent aus­si le car­rié­risme et la com­pé­ti­ti­vi­té comme autant de situa­tions cri­tiques qui influencent la vie fami­liale. Elles sou­lignent, sur­tout en Occident, une pri­va­ti­sa­tion de la vie, de la foi et de l’éthique : la conscience et la liber­té indi­vi­duelle se voient confé­rer le rôle d’instance abso­lue des valeurs, qui déter­mine le bien et le mal. De plus, on rap­pelle l’influence d’une culture « sen­so­rielle » et d’une culture de l’éphémère. À ce pro­pos, on cite les expres­sions du PapeFrançois sur la culture du pro­vi­soire et du déchet, qui influe for­te­ment sur la per­sé­vé­rance fra­gile des rela­tions affec­tives et qui est sou­vent la cause d’un pro­fond malaise et d’une pré­ca­ri­té de la vie familiale.

Contre-​témoignage dans l’Église

75. Très fré­quem­ment et de façon très lar­ge­ment répan­due au niveau géo­gra­phique, les réponses men­tionnent for­te­ment les scan­dales sexuels à l’intérieur de l’Église (pédo­phi­lie, en par­ti­cu­lier), mais aus­si, en géné­ral, des expé­riences néga­tives avec le cler­gé ou avec cer­taines autres per­sonnes. Surtout en Amérique du Nord et en Europe Septentrionale, on dénonce une perte impor­tante de cré­di­bi­li­té morale à cause des scan­dales sexuels. S’ajoute à cela le style de vie aisée par­fois éta­lée de façon fla­grante par les prêtres, tout comme l’incohérence entre leur ensei­gne­ment et leur conduite de vie. Certaines réponses évoquent aus­si le com­por­te­ment de fidèles qui vivent et pra­tiquent leur foi « de manière théâ­trale », négli­geant la véri­té et l’humilité requises par l’esprit évan­gé­lique. En par­ti­cu­lier, elles sou­lignent la per­cep­tion du rejet infli­gé aux per­sonnes sépa­rées, divor­cées ou aux parents céli­ba­taires par cer­taines com­mu­nau­tés parois­siales, ain­si que le com­por­te­ment intran­si­geant et peu sen­sible de prêtres ou, plus géné­ra­le­ment, l’attitude de l’Église, per­çue bien sou­vent comme encline à l’exclusion et non pas comme une Église qui accom­pagne et sou­tient. Dans ce sens, le besoin se fait sen­tir d’une pas­to­rale ouverte et posi­tive, capable de redon­ner confiance en l’institution, par un témoi­gnage cré­dible de tous ses membres.

d) Quelques situa­tions particulières

Le poids des attentes sociales qui pèsent sur l’individu

76. À côté de ces situa­tions cri­tiques, internes et externes à la famille, d’autres se ren­contrent dans des aires géo­gra­phiques par­ti­cu­lières, comme dans l’aire asia­tique, mais pas seule­ment, où les fortes attentes fami­liales et sociales ont une inci­dence sur la per­sonne, dès l’enfance. Les résul­tats sco­laires et la valeur exces­sive attri­buée aux diplômes (cre­den­tia­lism) sont consi­dé­rées par la famille comme l’objectif prio­ri­taire à atteindre. Non seule­ment cela met un poids sur les enfants pour ce que l’on attend d’eux, mais dans cer­taines régions, on signale aus­si l’impact néga­tif qu’ont sur la famille les cours sui­vis en dehors des horaires sco­laires pour atteindre des objec­tifs de for­ma­tion, par­fois jusque tard le soir, dans la but d’obtenir de meilleurs résul­tats (cram schools). Dans ces cas-​là, la vie fami­liale et la vie de foi s’en res­sentent, ain­si que du manque de temps libre à consa­crer au jeu des enfants, mais aus­si au repos et au som­meil. La pres­sion des attentes est par­fois si forte qu’elle com­porte des pro­ces­sus d’exclusion sociale, qui peuvent par­fois conduire jusqu’au sui­cide. On rap­pelle, enfin, la dif­fi­cul­té – déri­vant du contexte cultu­rel et social spé­ci­fique – d’affronter et de par­ler ouver­te­ment, aus­si bien dans la socié­té que dans l’Église, de ce type de problèmes.

L’impact des guerres

77. En par­ti­cu­lier en Afrique et au Moyen-​Orient, on sou­ligne l’impact sur la famille de la guerre, qui entraine la mort vio­lente, la des­truc­tion des loge­ments, la néces­si­té de fuir, en aban­don­nant tout, pour se réfu­gier ailleurs. En réfé­rence à cer­taines régions, l’effet de désa­gré­ga­tion sociale pro­vo­qué par la guerre est signa­lé ; il com­porte par­fois la contrainte d’abandonner sa com­mu­nau­té chré­tienne et sa foi, sur­tout pour des familles entières en situa­tion de pauvreté.

Disparité de culte

78. Dans plu­sieurs aires géo­gra­phiques ‑comme en Asie et en Afrique du Nord -, vu le faible pour­cen­tage de catho­liques, un grand nombre de familles est com­po­sé d’un conjoint catho­lique et d’un conjoint appar­te­nant à une autre reli­gion. Plusieurs réponses, tout en recon­nais­sant la grande richesse des couples mixtes pour l’Église, mettent en relief la dif­fi­cul­té inhé­rente à l’éducation chré­tienne des enfants, spé­cia­le­ment lorsque la loi civile condi­tionne l’appartenance reli­gieuse des enfants du couple. Parfois, la dis­pa­ri­té de culte en famille appa­raît comme une oppor­tu­ni­té ou comme un défi pour la crois­sance dans la foi chrétienne.

Autres situa­tions critiques

79. Parmi les fac­teurs qui ont une inci­dence sur les dif­fi­cul­tés fami­liales, outre les mala­dies phy­siques telles que le SIDA, les réponses signalent : la mala­die men­tale, la dépres­sion, l’expérience de la mort d’un enfant ou d’un conjoint. À ce pro­pos, la néces­si­té se fait sen­tir d’encourager une approche pas­to­rale qui prenne en compte le contexte fami­lial, mar­qué par la mala­die et le deuil, comme moment par­ti­cu­liè­re­ment oppor­tun pour redé­cou­vrir la foi qui sou­tient et console. Parmi les situa­tions cri­tiques – dans cer­taines régions du monde carac­té­ri­sées par la déna­ta­li­té – on relève aus­si la dif­fu­sion des sectes, les pra­tiques éso­té­riques, l’occultisme, la magie et la sor­cel­le­rie. Dans les réponses, on constate qu’aucun milieu de vie ni aucune situa­tion ne peut être consi­dé­rée a prio­ri comme imper­méable à l’Évangile. L’accompagnement et l’accueil, de la part de la com­mu­nau­té chré­tienne, des familles par­ti­cu­liè­re­ment vul­né­rables et pour les­quelles l’annonce de l’Évangile de la misé­ri­corde est par­ti­cu­liè­re­ment forte et urgente appa­raissent décisifs.

Chapitre III – Les situa­tions pas­to­rales difficiles

A. Situations familiales

80. Les réponses font res­sor­tir la consi­dé­ra­tion com­mune selon laquelle, dans le cadre des situa­tions que l’on peut qua­li­fier de situa­tions conju­gales dif­fi­ciles, se cachent des his­toires de grande souf­france, de même que des témoi­gnages d’amour sin­cère. « L’Église est appe­lée à être tou­jours la mai­son ouverte du Père. […] la mai­son pater­nelle où il y a de la place pour cha­cun avec sa vie dif­fi­cile » (EG 47). La véri­table urgence pas­to­rale est de per­mettre à ces per­sonnes de pan­ser leurs bles­sures, de gué­rir et de recom­men­cer à che­mi­ner avec toute la com­mu­nau­té ecclé­siale. La misé­ri­corde de Dieu ne pour­voit pas à une cou­ver­ture tem­po­raire de notre mal, mais elle ouvre plu­tôt radi­ca­le­ment la vie à la récon­ci­lia­tion, en lui confé­rant une nou­velle confiance et séré­ni­té, grâce à un vrai renou­veau. La pas­to­rale fami­liale, loin de s’enfermer dans une vision léga­liste, a pour mis­sion de rap­pe­ler la grande voca­tion à l’amour, voca­tion à laquelle la per­sonne est appe­lée, et de l’aider à vivre à la hau­teur de sa dignité.

Les concu­bi­nages

81. Dans les réponses pro­ve­nant de toutes les aires géo­gra­phiques, on relève le nombre crois­sant de couples qui vivent ensemble ad expe­ri­men­tum, sans aucun mariage, ni cano­nique ni civil, et sans être offi­ciel­le­ment décla­ré. Surtout en Europe et en Amérique, ce terme est consi­dé­ré comme impropre, dans la mesure où sou­vent il ne s’agit pas d’une « expé­rience », c’est-à-dire d’une période d’essai, mais d’une forme stable de vie. Parfois, le mariage advient après la nais­sance du pre­mier enfant, de sorte que le mariage et le bap­tême sont célé­brés ensemble. Les sta­tis­tiques tendent à rele­ver une forte inci­dence de cette situa­tion : on sou­ligne une cer­taine dif­fé­rence entre les zones rurales (concu­bi­nages plus rares) et zones urbaines (par exemple en Europe, en Asie, en Amérique latine). Le concu­bi­nage est plus com­mun en Europe et en Amérique du Nord, en crois­sance en Amérique latine, presque inexis­tant dans les pays arabes, mino­ri­taire en Asie. Dans cer­taines régions d’Amérique latine, le concu­bi­nage est plu­tôt une habi­tude rurale, inté­grée dans la culture indi­gène (ser­vi­na­cuy : mariage à l’essai). En Afrique, on pra­tique un mariage par étapes, liée à la véri­fi­ca­tion de la fécon­di­té de la femme, qui implique une sorte de lien entre les deux familles en ques­tion. Dans le contexte euro­péen, les situa­tions de concu­bi­nage sont très diver­si­fiées ; par­fois, l’influence de l’idéologie mar­xiste se fait sen­tir ; ailleurs, cela se pré­sente comme une option morale justifiée.

82. Parmi les moti­va­tions sociales qui conduisent au concu­bi­nage, on enre­gistre : des poli­tiques fami­liales inadé­quates pour sou­te­nir la famille ; des pro­blèmes finan­ciers ; le chô­mage des jeunes ; le manque de loge­ment. Ces fac­teurs et d’autres pro­voquent une ten­dance à retar­der le mariage. En ce sens, la crainte de l’engagement que com­porte l’accueil des enfants (en par­ti­cu­lier en Europe et en Amérique latine) joue éga­le­ment un rôle. Beaucoup pensent que, dans le concu­bi­nage, on peut « tes­ter » la réus­site éven­tuelle du mariage, avant de célé­brer les noces. D’autres indiquent comme motif du concu­bi­nage le manque de for­ma­tion sur le mariage. Pour beau­coup d’autres encore, le concu­bi­nage repré­sente la pos­si­bi­li­té de vivre ensemble sans aucune déci­sion défi­ni­tive ou qui engage au niveau ins­ti­tu­tion­nel. Parmi les lignes d’action pas­to­rale pro­po­sées, nous trou­vons les sui­vantes : offrir, dès l’adolescence, un par­cours qui fasse appré­cier la beau­té du mariage ; for­mer des agents pas­to­raux sur les thèmes du mariage et de la famille. On signale aus­si le témoi­gnage de groupes de jeunes qui se pré­parent au mariage avec des fian­çailles vécues dans la chasteté.

Les unions de fait

83. Les vies com­munes ad expe­ri­men­tum cor­res­pondent très sou­vent à des unions libres de fait, sans recon­nais­sance civile ni reli­gieuse. Il faut tenir compte que la recon­nais­sance civile de ces formes, dans cer­tains pays, n’équivaut pas au mariage, dans la mesure où il existe une légis­la­tion spé­ci­fique sur les unions libres de fait. Malgré cela, le nombre de couples qui ne demandent aucune forme d’enregistrement s’accroît. Dans les pays occi­den­taux – signale-​t-​on –, la socié­té ne voit désor­mais plus cette situa­tion comme étant pro­blé­ma­tique. Dans d’autres (par exemple, dans les pays arabes), un mariage sans recon­nais­sance civile et reli­gieuse demeure quelque chose d’extrêmement rare. Parmi les motifs de cette situa­tion, on signale, prin­ci­pa­le­ment dans les pays occi­den­taux, l’absence d’aide de la part de l’État, pour lequel la famille n’a plus de valeur par­ti­cu­lière ; la per­cep­tion de l’amour comme fait pri­vé sans rôle public ; l’absence de poli­tiques fami­liales. Tout cela a pour consé­quence le fait que se marier est per­çu comme une perte éco­no­mique. Un pro­blème par­ti­cu­lier a trait aux immi­grés, sur­tout quand ils sont illé­gaux, car ils ont peur d’être iden­ti­fiés comme tels au moment où ils cher­che­raient une recon­nais­sance publique de leur mariage.

84. Liée au mode de vie de l’Occident, mais répan­due aus­si dans d’autres pays, on voit appa­raître une idée de liber­té qui consi­dère le lien conju­gal comme une perte de la liber­té de la per­sonne ; cela est influen­cé par le manque de for­ma­tion des jeunes, qui ne pensent pas qu’un amour pour toute la vie soit pos­sible ; en outre, les médias favo­risent ample­ment ce style de vie chez les jeunes. Souvent, le concu­bi­nage et les unions libres sont un symp­tôme du fait que les jeunes tendent à pro­lon­ger leur ado­les­cence et pensent que le mariage est trop exi­geant ; ils ont peur face à une aven­ture trop grande pour eux (cf. Pape François, Discours aux fian­cés, 14 février 2014).

85. Parmi les lignes d’action pas­to­rale pos­sibles à cet égard, on estime essen­tiel d’aider les jeunes à sor­tir d’une vision roman­tique de l’amour, uni­que­ment per­çu comme un sen­ti­ment intense vers l’autre, et non pas comme une réponse per­son­nelle à une autre per­sonne, dans le cadre d’un pro­jet com­mun de vie, où se déploie un grand mys­tère et une grande pro­messe. Les par­cours pas­to­raux doivent prendre en compte l’éducation de l’affectivité, avec un pro­ces­sus qui com­mence dès l’enfance, ain­si qu’un sou­tien à appor­ter aux jeunes durant la phase des fian­çailles, en met­tant en relief leur aspect com­mu­nau­taire et litur­gique. Il faut leur ensei­gner à s’ouvrir au mys­tère du Créateur, qui se mani­feste dans leur amour, afin qu’ils com­prennent la por­tée de leur consen­sus ; il faut retrou­ver le lien entre famille et socié­té, pour sor­tir d’une vision iso­lée de l’amour ; enfin, il faut trans­mettre aux jeunes la cer­ti­tude qu’ils ne sont pas seuls à construire leur famille, car l’Église est à leurs côtés comme « famille de familles ». La dimen­sion de la « com­pa­gnie » est déci­sive à cet égard, car c’est à tra­vers elle que l’Église se mani­feste comme pré­sence aimante, qui prend par­ti­cu­liè­re­ment soin des fian­cés, en les encou­ra­geant à deve­nir des com­pa­gnons de route, entre eux et avec les autres.

Séparés, divor­cés et divor­cés remariés

86. Les réponses font res­sor­tir l’importante réa­li­té, en Europe et dans toute l’Amérique, des sépa­rés, des divor­cés et des divor­cés rema­riés ; beau­coup moins en Afrique et en Asie. Étant don­né le phé­no­mène crois­sant de ces situa­tions, de nom­breux parents sont pré­oc­cu­pés par l’avenir de leurs enfants. En outre, on fait remar­quer que le nombre crois­sant de per­sonnes vivant en concu­bi­nage rend le pro­blème des divorces moins visible : pro­gres­si­ve­ment les gens divorcent moins, car en réa­li­té ils tendent de moins en moins à se marier. Dans cer­tains contextes, la situa­tion est dif­fé­rente : il n’y a pas de divorce, car il n’y a pas de mariage civil (dans les pays arabes et dans cer­tains pays d’Asie).

Les enfants et ceux qui res­tent seuls

87. Une autre ques­tion sou­le­vée est celle qui concerne les enfants des per­sonnes sépa­rées ou divor­cées. On remarque un manque d’attention de la socié­té à leur égard. C’est sur eux que retombe le poids des conflits conju­gaux aux­quels l’Église est appe­lée à accor­der une grande atten­tion. Les parents des per­sonnes divor­cées, qui souffrent des consé­quences de la rup­ture du mariage et doivent sou­vent sup­pléer aux désa­gré­ments de la situa­tion de ces enfants, doivent aus­si être sou­te­nus par l’Église. Quant aux per­sonnes divor­cées ou sépa­rées qui res­tent fidèles au lien du mariage, une atten­tion par­ti­cu­lière est requise à l’égard de leur situa­tion qui, sou­vent, est vécue dans la soli­tude et la pau­vre­té. Il appa­raît que ce sont aus­si des « nou­veaux pauvres ».

Les mères célibataires

88. Une atten­tion par­ti­cu­lière doit être accor­dée aux mères qui n’ont pas de mari et qui s’occupent seules de leurs enfants. Leur condi­tion est sou­vent le résul­tat d’histoires très dou­lou­reuses, sou­vent même d’abandon. Elles méritent l’admiration avant tout pour l’amour et le cou­rage avec les­quels elles ont accueilli la vie conçue dans leurs entrailles et avec les­quels elles pour­voient à la crois­sance et à l’éducation de leurs enfants. Elles méritent de rece­voir un sou­tien spé­cial de la socié­té, qui doit tenir compte des nom­breux sacri­fices qu’elles affrontent. Elles doivent, par ailleurs, faire l’objet d’une sol­li­ci­tude de la part de la com­mu­nau­té chré­tienne, qui leur fasse per­ce­voir l’Église comme la vraie famille des enfants de Dieu.

Situations d’irrégularité canonique

89. En ligne géné­rale, dans diverses aires géo­gra­phiques, les réponses se concentrent sur­tout sur les divor­cés rema­riés, ou en tout cas en nou­velle union. Parmi ceux qui vivent en situa­tion cano­ni­que­ment irré­gu­lière, on trouve dif­fé­rentes atti­tudes, qui vont du manque de conscience de leur situa­tion à l’indifférence, en pas­sant par une souf­france consciente. Les atti­tudes des divor­cés en nou­velle union sont pour la plu­part sem­blables dans les dif­fé­rents contextes régio­naux, avec un relief par­ti­cu­lier en Europe et en Amérique, mais moindre en Afrique. À cet égard, cer­taines réponses attri­buent cette situa­tion au manque de for­ma­tion ou au manque de pra­tique reli­gieuse. En Amérique du Nord, les gens pensent sou­vent que l’Église n’est plus un guide moral fiable, sur­tout pour les ques­tions de la famille, consi­dé­rée comme une matière pri­vée sur laquelle ils entendent déci­der en toute autonomie.

90. Le nombre de ceux qui consi­dèrent avec négli­gence leur situa­tion irré­gu­lière est assez impor­tant. Dans ce cas, il n’y a aucune demande d’admission à la com­mu­nion eucha­ris­tique, ni de pou­voir célé­brer le sacre­ment de la récon­ci­lia­tion. La conscience de la situa­tion irré­gu­lière se mani­feste sou­vent quand inter­vient le désir de l’initiation chré­tienne des enfants ou si inter­vient la demande de par­ti­ci­per à une célé­bra­tion de bap­tême ou de confir­ma­tion comme par­rain ou mar­raine. Parfois, des per­sonnes adultes qui par­viennent à une foi per­son­nelle et consciente, sur le che­min caté­ché­tique ou quasi-​catéchuménal, découvrent le pro­blème de leur irré­gu­la­ri­té. Du point de vue pas­to­ral, ces situa­tions sont consi­dé­rées comme une bonne occa­sion d’entreprendre un iti­né­raire de régu­la­ri­sa­tion, sur­tout dans les cas des concu­bi­nages. Une situa­tion dif­fé­rente est signa­lée en Afrique, non pas tant vis-​à-​vis des divor­cés en nou­velle union, mais plu­tôt à l’égard de la pra­tique de la poly­ga­mie. Il existe des cas de conver­tis pour les­quels il est dif­fi­cile d’abandonner la deuxième ou la troi­sième femme, avec les­quelles ils ont d’ailleurs des enfants, et qui veulent par­ti­ci­per à la vie ecclésiale.

91. Avant de prendre en consi­dé­ra­tion la souf­france de ceux qui sont en situa­tion d’irrégularité et qui est liée au fait de ne pas pou­voir rece­voir les sacre­ments, l’Église doit prendre en charge une souf­france signa­lée plus en amont, à savoir celle qui touche à l’échec du mariage et aux dif­fi­cul­tés de régu­la­ri­ser la situa­tion. Certains relèvent, dans cette crise, le désir de s’adresser à l’Église pour rece­voir une aide. La souf­france semble sou­vent liée aux dif­fé­rents niveaux de for­ma­tion – comme le signalent plu­sieurs Conférences épis­co­pales en Europe, en Afrique et en Amérique – . Souvent, on ne sai­sit pas le rap­port intrin­sèque entre Mariage, Eucharistie et Pénitence ; aus­si apparaît-​il assez dif­fi­cile de com­prendre pour­quoi l’Église n’admet pas à la com­mu­nion ceux qui se trouvent dans une situa­tion irré­gu­lière. Les par­cours caté­ché­tiques sur le mariage n’expliquent pas suf­fi­sam­ment ce lien. Certaines réponses (Amérique, Europe de l’Est, Asie) mettent en évi­dence le fait que par­fois on estime, à tort, que le divorce en tant que tel, même si l’on ne vit pas dans une nou­velle union, rend auto­ma­ti­que­ment impos­sible l’accès à la com­mu­nion. De la sorte, des per­sonnes demeurent, sans aucun motif, pri­vés des sacrements.

92. La souf­france cau­sée par le fait de ne pas rece­voir les sacre­ments est clai­re­ment pré­sente chez les bap­ti­sés qui sont conscients de leur situa­tion. Beaucoup res­sentent une cer­taine frus­tra­tion et se sentent exclus. D’autres se demandent pour­quoi les autres péchés sont par­don­nés et pas celui-​là ; ou encore pour­quoi les reli­gieux et les prêtres qui ont été dis­pen­sés de leurs vœux et de leurs devoirs sacer­do­taux peuvent se marier et rece­voir la com­mu­nion, mais pas les divor­cés rema­riés. Tout cela met en évi­dence la néces­si­té d’une for­ma­tion et d’une infor­ma­tion oppor­tunes. Dans d’autres cas, cer­tains ne per­çoivent pas que c’est leur propre situa­tion irré­gu­lière qui consti­tue le motif de l’impossibilité à rece­voir les sacre­ments ; ils estiment plu­tôt que c’est de la faute de l’Église qui n’admet pas ces cir­cons­tances. En cela, on signale aus­si le risque d’une men­ta­li­té reven­di­ca­tive vis-​à-​vis des sacre­ments. En outre, l’incompréhension de la dis­ci­pline de l’Église, quand elle nie l’accès aux sacre­ments dans ces cas-​là, comme s’il s’agissait d’une puni­tion, appa­raît assez pré­oc­cu­pante. Un bon nombre de Conférences épis­co­pales sug­gère d’aider les gens en situa­tion cano­ni­que­ment irré­gu­lière à ne pas se consi­dé­rer « sépa­rés de l’Église, car ils peuvent et même ils doivent, comme bap­ti­sés, par­ti­ci­per à sa vie » (FC 84). En outre, cer­taines réponses et obser­va­tions de plu­sieurs Conférences épis­co­pales, mettent l’accent sur la néces­si­té pour l’Église de se doter d’instruments pas­to­raux per­met­tant d’ouvrir la pos­si­bi­li­té d’exercer une plus vaste misé­ri­corde, clé­mence et indul­gence par rap­port aux nou­velles unions.

À pro­pos de l’accès aux sacrements

93. En ce qui concerne l’accès aux sacre­ments, les réac­tions des fidèles divor­cés rema­riés sont dif­fé­ren­ciées. En Europe (mais aus­si dans quelques pays d’Amérique latine et d’Asie), la ten­dance pré­vaut de résoudre la ques­tion en pas­sant par un prêtre qui accueille favo­ra­ble­ment la demande d’accès aux sacre­ments. À ce pro­pos, on signale (en par­ti­cu­lier en Europe et en Amérique latine) des façons dif­fé­rentes de répondre selon les pas­teurs. Parfois, ces fidèles s’éloignent de l’Église ou passent à d’autres confes­sions chré­tiennes. Dans divers pays, pas seule­ment euro­péens, pour de nom­breuses per­sonnes, cette solu­tion indi­vi­duelle ne suf­fit pas, dans la mesure où elles aspirent à une réad­mis­sion publique aux sacre­ments de la part de l’Église. Le pro­blème n’est pas tant celui de ne pas pou­voir rece­voir la com­mu­nion, mais le fait que l’Église publi­que­ment ne les y admette pas, de sorte qu’il semble que ces fidèles refusent tout sim­ple­ment d’être consi­dé­rés comme étant en situa­tion irrégulière.

94. Dans les com­mu­nau­tés ecclé­siales se trouvent des per­sonnes qui, étant en situa­tion cano­ni­que­ment irré­gu­lière, demandent d’être accueillies et accom­pa­gnées dans leur condi­tion. Cela arrive spé­cia­le­ment quand on cherche à rendre l’enseignement de l’Église rai­son­nable. Dans de telles cir­cons­tances, il se peut que ces fidèles vivent leur condi­tion en étant sou­te­nus par la misé­ri­corde de Dieu, dont l’Église se fait l’instrument. D’autres encore, comme le signalent plu­sieurs Conférences épis­co­pales de l’aire euro-​atlantique, acceptent l’engagement de vivre dans la conti­nence (cf. FC 84).

95. Beaucoup des réponses par­ve­nues indiquent que dans de nom­breux cas la demande de pou­voir rece­voir les sacre­ments de l’Eucharistie et de la Pénitence est claire, spé­cia­le­ment en Europe, en Amérique et dans quelques pays d’Afrique. Cette requête se fait plus insis­tante, sur­tout à l’occasion de la célé­bra­tion des sacre­ments pour les enfants. Parfois les per­sonnes dési­rent être admises à la com­mu­nion, comme pour être « légi­ti­mées » par l’Église et pour éli­mi­ner le sens d’exclusion ou de mar­gi­na­li­sa­tion. À cet égard, plu­sieurs réponses sug­gèrent de consi­dé­rer la pra­tique de cer­taines Églises ortho­doxes qui, selon elles, ouvre la voie à un second ou à un troi­sième mariage à carac­tère péni­ten­tiel ; à ce sujet, les réponses pro­ve­nant des pays à majo­ri­té ortho­doxe signalent que l’expérience de ces solu­tions n’empêche pas l’augmentation des divorces. D’autres demandent une cla­ri­fi­ca­tion sur le fait de savoir si la ques­tion est à carac­tère doc­tri­nal ou seule­ment disciplinaire.

Autres requêtes

96. Dans de nom­breux cas, signa­lés en par­ti­cu­lier en Europe et en Amérique du Nord, on demande d’alléger la pro­cé­dure de nul­li­té du mariage ; à cet égard, on signale qu’il est néces­saire d’approfondir la ques­tion du rap­port entre la foi et le sacre­ment du mariage – commeBenoît XVI l’a sug­gé­ré à plu­sieurs reprises. Dans les pays à majo­ri­té ortho­doxe, on signale le cas de catho­liques qui se rema­rient dans l’Église ortho­doxe, selon la pra­tique en vigueur dans celle-​ci, puis qui demandent d’être admis à la com­mu­nion dans l’Église catho­lique. Enfin, d’autres demandent de pré­ci­ser la pra­tique à suivre dans les cas de mariages mixtes, où le conjoint ortho­doxe a déjà été marié et a obte­nu l’autorisation de secondes noces par l’Église orthodoxe.

À pro­pos des per­sonnes sépa­rées et des divorcés

97. Diverses réponses et obser­va­tions mettent en évi­dence la néces­si­té d’accorder plus d’attention aux per­sonnes sépa­rées et aux divor­cés non rema­riés fidèles au lien nup­tial. Il semble que ceux-​ci doivent sou­vent ajou­ter à la souf­france de l’échec du mariage celle de ne pas être conve­na­ble­ment consi­dé­rés par l’Église et donc d’être négli­gés. On relève qu’eux aus­si ont leurs dif­fi­cul­tés et ont besoin d’être pas­to­ra­le­ment accom­pa­gnés. En outre, on indique l’importance de véri­fier l’éventuelle nul­li­té du mariage, avec un soin par­ti­cu­lier de la part des pas­teurs, afin de ne pas intro­duire de pro­cès sans un dis­cer­ne­ment atten­tif. Dans ce contexte, il est deman­dé d’encourager davan­tage une pas­to­rale de la récon­ci­lia­tion, qui prenne en compte la pos­si­bi­li­té de réunir les conjoints sépa­rés. Certains font remar­quer que l’acceptation cou­ra­geuse de la condi­tion de sépa­rés demeu­rés fidèles au lien, mar­quée par la souf­france et la soli­tude, consti­tue un grand témoi­gnage chrétien.

Simplification des pro­cès matrimoniaux

98. La sim­pli­fi­ca­tion de la pra­tique cano­nique des pro­cès matri­mo­niaux est lar­ge­ment deman­dée. Les posi­tions sont diver­si­fiées : cer­taines affirment que la sim­pli­fi­ca­tion ne serait pas une remède valable ; d’autres, qui y sont favo­rables, invitent à bien expli­quer la nature du pro­cès en décla­ra­tion de nul­li­té, afin que les fidèles en aient une meilleure compréhension.

99. Certains invitent à la pru­dence, en signa­lant le risque que cette sim­pli­fi­ca­tion et la réduc­tion des étapes pré­vues entrainent des injus­tices et des erreurs ; donnent l’impression de ne pas res­pec­ter l’indissolubilité du sacre­ment ; favo­risent les abus et nuisent à la for­ma­tion des jeunes au mariage comme enga­ge­ment pour toute la vie ; ali­mentent l’idée d’un « divorce catho­lique ». Ils pro­posent, par contre, de pré­pa­rer un nombre adé­quat de per­sonnes qua­li­fiées pour suivre les pro­cès ; et, en Amérique latine, en Afrique et en Asie, on demande d’augmenter le nombre de tri­bu­naux – absents de nom­breuses régions –, et d’accorder une plus grande auto­ri­té aux ins­tances locales, en for­mant mieux les prêtres. D’autres réponses rela­ti­visent l’importance de cette pos­si­bi­li­té de sim­pli­fi­ca­tion, dans la mesure où sou­vent les fidèles acceptent la valeur de leur mariage, en recon­nais­sant qu’il s’agit d’un échec et consi­dèrent qu’il n’est pas hon­nête de deman­der une décla­ra­tion de nul­li­té. De nom­breux fidèles consi­dèrent cepen­dant leur pre­mier mariage comme valide parce qu’ils ne connaissent pas les motifs d’invalidité. Parfois, on voit émer­ger, de la part de ceux qui ont divor­cé, la dif­fi­cul­té de reve­nir sur le pas­sé, qui pour­rait rou­vrir des bles­sures dou­lou­reuses pour soi et pour le conjoint.

100. Beaucoup avancent des requêtes concer­nant la sim­pli­fi­ca­tion : pro­cès cano­nique sim­pli­fié et plus rapide ; conces­sion d’une plus grande auto­ri­té à l’évêque du lieu ; plus grand accès des laïcs comme juges ; réduc­tion du coût éco­no­mique du pro­cès. En par­ti­cu­lier, cer­tains pro­posent de recon­si­dé­rer le fait de savoir si la double sen­tence conforme est vrai­ment néces­saire, du moins quand il n’y a pas de recours en appel, en obli­geant tou­te­fois le défen­seur du lien à faire appel dans cer­tains cas. On pro­pose aus­si de décen­tra­li­ser la troi­sième ins­tance. Dans toutes les aires géo­gra­phiques, on demande une orien­ta­tion plus pas­to­rale dans les tri­bu­naux ecclé­sias­tiques, avec une plus grande atten­tion spi­ri­tuelle à l’égard des personnes.

101. Dans les réponses et dans les obser­va­tions, en tenant compte de l’ampleur du pro­blème pas­to­ral des échecs conju­gaux, on se demande s’il est pos­sible d’y faire face uni­que­ment par la voie judi­ciaire pro­ces­suelle. Il est alors pré­co­ni­sé d’entreprendre une voie admi­nis­tra­tive. Dans cer­tains cas on pro­pose de pro­cé­der à une véri­fi­ca­tion de la conscience des per­sonnes inté­res­sées par la cer­ti­fi­ca­tion de la nul­li­té du lien. La ques­tion est de savoir s’il existe d’autres ins­tru­ments pas­to­raux pour véri­fier la vali­di­té du mariage, de la part des prêtres qui exercent cette fonc­tion. En géné­ral, une plus grande for­ma­tion spé­ci­fique des agents pas­to­raux en ce sec­teur est sol­li­ci­tée, de sorte que les fidèles puissent être oppor­tu­né­ment aidés.

102. Une for­ma­tion plus appro­priée des fidèles quant aux pro­cès en nul­li­té aide­rait, dans cer­tains cas, à éli­mi­ner des dif­fi­cul­tés, comme par exemple pour les parents qui craignent qu’un mariage nul ne rende les enfants illé­gi­times – pro­blème signa­lé par plu­sieurs Conférences épis­co­pales afri­caines –. Un bon nombre de réponses insiste sur le fait que réduire le pro­cès cano­nique n’est utile que si l’on affronte la pas­to­rale fami­liale dans son inté­gra­li­té. Certaines Conférences épis­co­pales asia­tiques signalent le cas de mariages avec des non-​chrétiens, qui ne veulent pas coopé­rer au pro­cès canonique.

La pas­to­rale des situa­tions difficiles

103. La cha­ri­té pas­to­rale incite l’Église à accom­pa­gner les per­sonnes qui ont subi un échec de leur mariage et à les aider à vivre leur situa­tion avec la grâce du Christ. Une bles­sure plus dou­lou­reuse s’ouvre pour les per­sonnes qui se rema­rient en entrant dans un état de vie qui ne leur per­met pas de pou­voir com­mu­nier. Certes, dans ces cas-​là, l’Église ne doit pas adop­ter l’attitude d’un juge qui condamne (cf. Pape François, Homélie du 28 février 2014), mais celle d’une mère qui accueille ses enfants et panse leurs bles­sures en vue de la gué­ri­son (cf. EG 139–141). Avec une grande misé­ri­corde, l’Église est appe­lée à trou­ver des formes de « com­pa­gnie » per­met­tant de sou­te­nir ses enfants au long d’un par­cours de récon­ci­lia­tion. Il est impor­tant d’expliquer avec beau­coup de com­pré­hen­sion et de patience que le fait de ne pas pou­voir accé­der aux sacre­ments ne signi­fie pas d’être exclus de la vie chré­tienne et de la rela­tion avec Dieu.

104. Vis-​à-​vis de ces situa­tions com­plexes, beau­coup de réponses mettent en évi­dence l’absence dans les dio­cèses d’un ser­vice d’assistance spé­ci­fique pour ces per­sonnes. De nom­breuses Conférences épis­co­pales rap­pellent l’importance d’offrir à ces fidèles une par­ti­ci­pa­tion active à la vie de l’Église, à tra­vers des groupes de prière, des moments litur­giques et des acti­vi­tés cari­ta­tives. On indique, en outre, plu­sieurs ini­tia­tives pas­to­rales, comme une béné­dic­tion per­son­nelle pour ceux qui ne peuvent pas rece­voir l’Eucharistie ou l’encouragement de la par­ti­ci­pa­tion des enfants à la vie parois­siale. On sou­ligne aus­si le rôle des mou­ve­ments de spi­ri­tua­li­té conju­gale, des Ordres reli­gieux et des com­mis­sions parois­siales pour la famille. La recom­man­da­tion de la prière pour les situa­tions dif­fi­ciles lors de la prière uni­ver­selle des litur­gies parois­siales et dio­cé­saines, est significative.

Non-​pratiquants et non-​croyants qui demandent le mariage

105. Dans le contexte des situa­tions dif­fi­ciles, l’Église s’interroge aus­si sur l’action pas­to­rale à entre­prendre vis-​à-​vis des bap­ti­sés qui, bien que non-​pratiquants et non-​croyants, demandent de pou­voir célé­brer leur mariage à l’Église. La quasi-​totalité des réponses a mis en relief que le cas de deux catho­liques non pra­ti­quants qui décident de contrac­ter un mariage reli­gieux est beau­coup plus com­mun que celui de deux non-​croyants décla­rés qui requièrent ce même sacre­ment. Cette der­nière éven­tua­li­té, bien que consi­dé­rée comme n’étant pas impos­sible, appa­raît tou­te­fois comme une pos­si­bi­li­té éloi­gnée. Plus com­mune, en revanche, la demande de célé­bra­tion cano­nique entre deux futurs conjoints dont un seul est catho­lique et, sou­vent, non pra­ti­quant. Les moti­va­tions qui induisent les catho­liques non pra­ti­quants à reprendre les contacts avec leurs paroisses, en vue de la célé­bra­tion du mariage, de l’avis de toutes les réponses qui abordent ce point, résident, dans la majo­ri­té des cas, dans la fas­ci­na­tion liée à l’« esthé­tique » de la célé­bra­tion (atmo­sphère, sug­ges­tion, ser­vice pho­to­gra­phique, etc.), ain­si que dans un condi­tion­ne­ment pro­ve­nant de la tra­di­tion reli­gieuse des familles d’appartenance des futurs époux. Bien sou­vent, la fête et les aspects exté­rieurs tra­di­tion­nels pré­valent sur la litur­gie et sur l’essence chré­tienne de ce qui est célé­bré. L’unanimité des réponses indique cette oppor­tu­ni­té comme une occa­sion pro­pice pour l’évangélisation du couple, en recom­man­dant, en ce sens, l’accueil et la dis­po­ni­bi­li­té les plus larges de la part des curés et des agents de la pas­to­rale familiale.

106. Selon un bon nombre de réponses, et encore plus d’observations, de diverse pro­ve­nance géo­gra­phique, la pré­pa­ra­tion au mariage reli­gieux ne devrait pas com­por­ter seule­ment des moments caté­ché­tiques, mais aus­si des occa­sions d’échange et de connais­sance entre les per­sonnes, que les pas­teurs pour­raient davan­tage encou­ra­ger. D’autre part, diverses réponses, tant de l’Orient que de l’Occident, ont obser­vé une cer­taine frus­tra­tion de la part de cer­tains curés qui constatent sou­vent un indé­niable échec de leurs efforts pas­to­raux, à par­tir du moment où un nombre très faible de couples conti­nue à conser­ver des rap­ports avec la paroisse une fois le mariage célébré.

107. De nom­breuses réponses ont dénon­cé une inadap­ta­tion cou­rante des actuels iti­né­raires de for­ma­tion au mariage pour conduire les futurs époux à une véri­table vision de foi. Dans la majo­ri­té des cas, les ren­contres sont réa­li­sées et reçues uni­que­ment en fonc­tion de la célé­bra­tion du sacre­ment. C’est pré­ci­sé­ment parce que, par­mi les non-​pratiquants, au terme de l’accompagnement de for­ma­tion préa­lable à la récep­tion du mariage, on ren­contre un pour­cen­tage éle­vé de retour à l’état de vie pré­cé­dent, que l’on a res­sen­ti la néces­si­té – spé­cia­le­ment en Amérique latine – d’améliorer, de déve­lop­per et d’approfondir la pas­to­rale et l’évangélisation des enfants et de la jeu­nesse en géné­ral. Quand un couple de croyants non pra­ti­quants reprend contact avec la paroisse pour la célé­bra­tion du mariage, on sou­ligne, un peu par­tout, que le temps pour reprendre un che­min de foi authen­tique n’est pas suf­fi­sant, même si il prend part aux ren­contres de pré­pa­ra­tion au mariage.

108. Selon la majo­ri­té des réponses, la néces­si­té de suivre aus­si le couple après le mariage, à tra­vers des ren­contres d’accompagnement appro­priées, est jugée essen­tielle. En outre, spé­cia­le­ment les Conférences épis­co­pales d’Europe de l’Ouest et du Sud ont réaf­fir­mé avec une cer­taine force, dans des cas par­ti­cu­liers d’immaturité des futurs conjoints, la néces­si­té d’évaluer le choix de se marier sans la célé­bra­tion de l’Eucharistie. Selon cer­tains épis­co­pats d’Europe du Nord et d’Amérique du Nord, quand il est appa­ru évident que le couple ne com­pre­nait pas ou n’acceptait pas les ensei­gne­ments fon­da­men­taux de l’Église concer­nant les biens du mariage et les enga­ge­ments qui en décou­laient, il serait oppor­tun de sug­gé­rer de retar­der les noces, tout en sachant que ce genre de pro­po­si­tion entrai­ne­ra incom­pré­hen­sion et mau­vaise humeur. Cette solu­tion com­por­te­rait aus­si le dan­ger d’un rigo­risme peu miséricordieux.

109. Plusieurs épis­co­pats de l’Asie de l’Est et du Sud expliquent qu’ils demandent, comme condi­tion de la célé­bra­tion du mariage, une par­ti­ci­pa­tion active à la vie pas­to­rale de la paroisse. Dans ce cas-​là aus­si, tou­te­fois, on a consta­té dans la très grande majo­ri­té des cas que cette par­ti­ci­pa­tion cesse une fois la célé­bra­tion du sacre­ment obte­nue. Généralement, on ren­contre une énorme diver­si­té, au sein même de chaque dio­cèse, en ce qui concerne l’attention, la pré­pa­ra­tion et l’organisation des ren­contres de for­ma­tion pré­cé­dant la célé­bra­tion du mariage. Presque tou­jours, tout est lais­sé aux ini­tia­tives, plus ou moins heu­reuses, des dif­fé­rents pas­teurs. Une Conférence épis­co­pale euro­péenne pré­sente le style et la façon dont devraient se tenir les ren­contres de pré­pa­ra­tion au mariage, par une séquence de verbes pro­gram­ma­tiques : pro­po­ser, ne pas impo­ser ; accom­pa­gner, ne pas pous­ser ; invi­ter, ne pas expul­ser ; sus­ci­ter, ne jamais décevoir.

B. À pro­pos des unions entre per­sonnes du même sexe

Reconnaissance civile

110. Dans les réponses des Conférences épis­co­pales, à pro­pos des unions entre per­sonnes du même sexe, on se réfère à l’enseignement de l’Église. « Il n’y a aucun fon­de­ment pour assi­mi­ler ou éta­blir des ana­lo­gies, même loin­taines, entre les unions homo­sexuelles et le des­sein de Dieu sur le mariage et la famille. […] Néanmoins, les hommes et les femmes ayant des ten­dances homo­sexuelles « doivent être accueillis avec res­pect, com­pas­sion, déli­ca­tesse. À leur égard, on évi­te­ra toute marque de dis­cri­mi­na­tion injuste » » (CDF, Considérations à pro­pos des pro­jets de recon­nais­sance juri­dique des unions entre per­sonnes homo­sexuelles, 4). Les réponses font appa­raître que la recon­nais­sance par la loi civile des unions entre per­sonnes du même sexe dépend en bonne part du contexte socio­cul­tu­rel, reli­gieux et poli­tique. Les Conférences épis­co­pales signalent trois contextes : un pre­mier est celui où pré­vaut une atti­tude répres­sive et péna­li­sante vis-​à-​vis du phé­no­mène de l’homosexualité sous toutes ses facettes. Cela vaut en par­ti­cu­lier lorsque la mani­fes­ta­tion publique de l’homosexualité est inter­dite par la loi civile. Plusieurs réponses indiquent que dans ce contexte aus­si il existe des formes d’accompagnement spi­ri­tuel des per­sonnes homo­sexuelles qui cherchent l’aide de l’Église.

111. Un second contexte est celui où le phé­no­mène de l’homosexualité pré­sente une situa­tion fluide. Le com­por­te­ment homo­sexuel n’est pas puni, mais tolé­ré tant qu’il ne devient pas visible ou public. Dans ce contexte, d’ordinaire, il n’existe pas de légis­la­tion civile concer­nant les unions entre per­sonnes du même sexe. Spécialement en Occident, dans le domaine poli­tique, cepen­dant, on constate une orien­ta­tion crois­sante vers l’approbation de lois qui pré­voient les unions enre­gis­trées ou le soi-​disant mariage entre per­sonnes du même sexe. Parmi les motifs avan­cés pour sou­te­nir cette vision, on avance des motifs de non-​discrimination ; cette atti­tude est per­çue par les croyants et par une grande par­tie de l’opinion publique, en Europe cen­trale et de l’Est, comme quelque chose d’imposé par une culture poli­tique ou étrangère.

112. Un troi­sième contexte est celui où les États ont intro­duit une légis­la­tion qui recon­naît les unions civiles ou conju­gales entre per­sonnes homo­sexuelles. Il y a des pays où il faut par­ler d’une véri­table redé­fi­ni­tion du mariage, qui réduit la pers­pec­tive sur le couple à quelques aspects juri­diques, comme l’égalité des droits et la « non-​discrimination », sans qu’il y ait un dia­logue construc­tif sur les ques­tions anthro­po­lo­giques cor­res­pon­dantes, et sans pla­cer au centre le bien inté­gral de la per­sonne humaine, en par­ti­cu­lier le bien inté­gral des enfants à l’intérieur de ces unions. Là où il y a éga­li­té juri­dique entre mariage hété­ro­sexuel et homo­sexuel, l’État per­met sou­vent l’adoption (enfants natu­rels d’un des par­te­naires ou enfants nés en ayant recours à la fécon­da­tion arti­fi­cielle). Ce contexte est par­ti­cu­liè­re­ment pré­sent dans l’aire anglo­phone et en Europe centrale.

L’évaluation des Églises particulières

113. Toutes les Conférences épis­co­pales se sont expri­mées contre une « redé­fi­ni­tion » du mariage entre un homme et une femme en intro­dui­sant une légis­la­tion per­met­tant l’union entre deux per­sonnes du même sexe. D’importants témoi­gnages des Conférences épis­co­pales viennent étayer la recherche d’un équi­libre entre l’enseignement de l’Église sur la famille et une atti­tude res­pec­tueuse qui ne juge pas les per­sonnes vivant dans ces unions. Dans l’ensemble, on a l’impression que les réac­tions extrêmes à l’égard de ces unions, aus­si bien d’indulgence que d’intransigeance, n’ont pas faci­li­té le déve­lop­pe­ment d’une pas­to­rale effi­cace, fidèle au Magistère et misé­ri­cor­dieuse envers les per­sonnes intéressées.

114. Un fac­teur, qui inter­roge l’ac­tion pas­to­rale de l’Eglise et qui rend com­plexe la recherche d’une atti­tude équi­li­brée vis-​à-​vis de cette réa­li­té, est la pro­mo­tion de l’i­déo­lo­gie du gen­der. Dans cer­taines régions, celle-​ci tend à influen­cer jusque le milieu édu­ca­tif pri­maire, dif­fu­sant une men­ta­li­té qui, der­rière l’i­dée de faire dis­pa­raître l’ho­mo­pho­bie, pro­pose en réa­li­té une sub­ver­sion de l’i­den­ti­té sexuelle.

115. Pour ce qui a trait aux unions entre des per­sonnes du même sexe, beau­coup de Conférences épis­co­pales four­nissent diverses infor­ma­tions. Dans les pays où il existe une légis­la­tion des unions civiles, de nom­breux fidèles s’expriment en faveur d’une atti­tude res­pec­tueuse, qui ne juge pas, à l’égard de ces per­sonnes, et en faveur d’une pas­to­rale qui cherche à les accueillir. Cela ne signi­fie cepen­dant pas que les fidèles doivent être en faveur d’une éga­li­té entre le mariage hété­ro­sexuel et les unions civiles entre per­sonnes du même sexe. Plusieurs réponses et obser­va­tions expriment la pré­oc­cu­pa­tion de voir l’accueil dans la vie ecclé­siale des per­sonnes qui vivent dans ces unions être com­pris comme une recon­nais­sance de leur union.

Quelques indi­ca­tions pastorales

116. En ce qui concerne la pos­si­bi­li­té d’une pas­to­rale envers ces per­sonnes, il faut dis­tin­guer entre celles qui ont fait un choix pas­to­ral, sou­vent tour­men­té, et le vivent avec dis­cré­tion pour ne pas pro­vo­quer de scan­dale pour les autres, et un com­por­te­ment de pro­mo­tion et de publi­ci­té actives, sou­vent agres­sives. De nom­breuses Conférences épis­co­pales sou­lignent que ce phé­no­mène étant rela­ti­ve­ment récent, il n’existe pas de pro­grammes pas­to­raux à cet égard. D’autres admettent un cer­tain malaise face au défi de devoir conju­guer l’accueil misé­ri­cor­dieux des per­sonnes et l’affirmation de l’enseignement moral de l’Église, avec une pas­to­rale appro­priée incluant toutes les dimen­sions de la per­sonne. Certaines recom­mandent de ne pas faire coïn­ci­der l’identité d’une per­sonne avec des expres­sions telles que « gay », « les­bienne » ou « homosexuelle ».

117. Beaucoup de réponses et d’observations requièrent une éva­lua­tion théo­lo­gique qui dia­logue avec les sciences humaines, pour déve­lop­per une vision plus dif­fé­ren­ciée du phé­no­mène de l’homosexualité. Il ne manque pas de requêtes pour que l’on appro­fon­disse, notam­ment à tra­vers d’organismes spé­ci­fiques, comme les Académies Pontificales pour les Sciences et pour la Vie, le sens anthro­po­lo­gique et théo­lo­gique de la sexua­li­té humaine et de la dif­fé­rence sexuelle entre l’homme et la femme, en mesure de faire face à l’idéologie du genre ou gen­der.

118. Le grand défi sera le déve­lop­pe­ment d’une pas­to­rale qui par­vienne à main­te­nir le juste équi­libre entre l’accueil misé­ri­cor­dieux des per­sonnes et l’accompagnement pro­gres­sif vers une matu­ri­té humaine et chré­tienne authen­tique. Plusieurs Conférences épis­co­pales font réfé­rence, dans ce contexte, à cer­taines orga­ni­sa­tions comme modèles réus­sis d’une telle pastorale.

119. Les réponses font état, d’une façon tou­jours plus urgente, du défi de l’éducation sexuelle dans les familles et dans les ins­ti­tu­tions sco­laires, par­ti­cu­liè­re­ment dans les pays où l’État tend à pro­po­ser, dans les écoles, une vision uni­la­té­rale et idéo­lo­gique de l’identité de genre. Dans les écoles ou dans les com­mu­nau­tés parois­siales, il fau­drait mettre en œuvre des pro­grammes de for­ma­tion pour pro­po­ser aux jeunes une vision adé­quate de la matu­ri­té affec­tive et chré­tienne, cadre ser­vant à affron­ter aus­si le phé­no­mène de l’homosexualité. En même temps, les obser­va­tions démontrent qu’il n’existe pas encore de consen­sus dans la vie ecclé­siale quant aux moda­li­tés concrètes de l’accueil des per­sonnes qui vivent dans ces unions. La pre­mière étape d’un pro­ces­sus lent serait celle de l’information et de la défi­ni­tion de cri­tères de dis­cer­ne­ment, non seule­ment au niveau des ministres et des agents pas­to­raux, mais aus­si au niveau des groupes ou mou­ve­ments ecclésiaux.

Transmission de la foi aux enfants dans les unions de per­sonnes du même sexe

120. Il faut rele­ver que les réponses par­ve­nues se pro­noncent contre une légis­la­tion qui per­mette l’adoption d’enfants par des per­sonnes en union de même sexe, car ils y voient un risque pour le bien inté­gral de l’enfant, qui a le droit d’avoir une mère et un père, comme l’a récem­ment rap­pe­lé le Pape François (cf. Discours à la Délégation du Bureau International Catholique de l’Enfance, 11 avril 2014). Toutefois, au cas où les per­sonnes qui vivent dans ces unions demandent le bap­tême pour l’enfant, les réponses, presque à l’unanimité, sou­lignent que le petit doit être accueilli avec le même soin, la même ten­dresse et sol­li­ci­tude que ceux que reçoivent les autres enfants. De mul­tiples réponses indiquent qu’il serait utile de rece­voir des direc­tives pas­to­rales plus concrètes pour ces situa­tions. Il est évident que l’Église a le devoir de véri­fier les condi­tions réelles en vue de la trans­mis­sion de la foi à l’enfant. Dans le cas où des doutes rai­son­nables sont nour­ris quant à la capa­ci­té effec­tive d’éduquer chré­tien­ne­ment l’enfant de la part des per­sonnes de même sexe, il fau­dra en garan­tir le sou­tien appro­prié – comme cela est d’ailleurs requis pour tous les autres couples qui demandent le bap­tême pour leurs enfants. Une aide, en ce sens, pour­rait venir aus­si d’autres per­sonnes pré­sentes dans le milieu fami­lial et social. Dans ces cas-​là, la pré­pa­ra­tion à l’éventuel bap­tême de l’enfant fera l’objet d’une atten­tion par­ti­cu­lière du curé, qui veille­ra spé­ci­fi­que­ment sur le choix du par­rain et de la marraine.

IIIème PARTIE – L’OUVERTURE À LA VIE ET LA RESPONSABILITÉ ÉDUCATIVE

Chapitre I – Les défis pas­to­raux concer­nant l’ouverture à la vie

121. Pour ce qui est du thème de l’ouverture à la vie, des objec­tions radi­cales ont été sou­le­vées ces der­nières décen­nies. Dans ce domaine, on touche des dimen­sions et des aspects très intimes de l’existence, pour les­quels res­sortent des dif­fé­rences sub­stan­tielles entre une vision chré­tienne de la vie et de la sexua­li­té et un mode de vie for­te­ment sécu­la­ri­sé. D’ailleurs, Paul VI déjà, en publiant la Lettre Encyclique Humanae Vitae, était bien conscient des dif­fi­cul­tés que ses affir­ma­tions auraient pu sus­ci­ter en son temps. Ainsi, par exemple, il écri­vait dans ce docu­ment : « On peut pré­voir que cet ensei­gne­ment ne sera peut-​être pas faci­le­ment accueilli par tout le monde : trop de voix – ampli­fiées par les moyens modernes de pro­pa­gande – s’opposent à la voix de l’Église. Celle-​ci, à vrai dire, ne s’étonne pas d’être, à la res­sem­blance de son divin Fondateur, un « signe de contra­dic­tion » ; mais elle ne cesse pas pour autant de pro­cla­mer avec une humble fer­me­té, toute la loi morale, tant natu­relle qu’évangélique » (HV 18).

122. L’Encyclique Humanae Vitae a cer­tai­ne­ment revê­tu une signi­fi­ca­tion pro­phé­tique en réaf­fir­mant l’union indis­so­luble entre l’amour conju­gal et la trans­mis­sion de la vie. L’Église est appe­lée à annon­cer la fécon­di­té de l’amour, dans la lumière de cette foi qui « aide à com­prendre toute la pro­fon­deur et toute la richesse de la géné­ra­tion d’enfants, car elle fait recon­naître en cet acte l’amour créa­teur qui nous donne et nous confie le mys­tère d’une nou­velle per­sonne » (LF 52). Bon nombre des dif­fi­cul­tés mis en évi­dence par les réponses et les obser­va­tions mettent en relief le tour­ment de l’homme contem­po­rain pour tout ce qui touche à l’affectivité, à l’engendrement de la vie, à la réci­pro­ci­té entre l’homme et la femme, à la pater­ni­té et à la maternité.

Connaissance et accueil du Magistère sur l’ouverture à la vie

123. Les réponses rela­tives à la connais­sance de la doc­trine de l’Église sur l’ouverture des époux à la vie, se réfé­rant en par­ti­cu­lier à Humanae Vitae, décrivent de façon réa­liste le fait que, dans l’immense majo­ri­té des cas, elle n’est pas connue sous sa dimen­sion posi­tive. Ceux qui affirment la connaître appar­tiennent pour la plu­part à des asso­cia­tions et à des groupes ecclé­siaux par­ti­cu­liè­re­ment enga­gés dans les paroisses ou dans des par­cours de spi­ri­tua­li­té fami­liale. Dans la très grande majo­ri­té des réponses par­ve­nues, on met en évi­dence que l’évaluation morale des dif­fé­rentes méthodes de régu­la­tion des nais­sances est aujourd’hui per­çue par la men­ta­li­té com­mune comme une ingé­rence dans la vie intime du couple et comme une limi­ta­tion de l’autonomie de la conscience. Certes, il y a des dif­fé­ren­cia­tions de posi­tions et des atti­tudes dif­fé­rentes entre les croyants autour de ce thème, selon les contextes géo­gra­phiques et sociaux, entre ceux qui sont immer­gés dans des cultures for­te­ment sécu­la­ri­sées et tech­ni­ci­sées et ceux qui vivent dans des contextes simples et ruraux. De nom­breuses réponses rap­portent l’impression que pour beau­coup de catho­liques le concept de « pater­ni­té et mater­ni­té res­pon­sable » englobe la res­pon­sa­bi­li­té par­ta­gée de choi­sir en conscience la méthode la plus adé­quate pour la régu­la­tion des nais­sance, en fonc­tion d’une série de cri­tères qui vont de l’efficacité à la tolé­rance phy­sique, en pas­sant par ce qui est réel­le­ment praticable.

124. Dans les obser­va­tions sur­tout, on sou­ligne la dif­fi­cul­té de sai­sir la dis­tinc­tion entre les méthodes natu­relles de régu­la­tion de la fer­ti­li­té et la contra­cep­tion, si bien que géné­ra­le­ment cette dif­fé­rence est tra­duite dans les médias par la ter­mi­no­lo­gie de méthodes contra­cep­tives « natu­relles » et « non natu­relles ». À par­tir de cela on com­prend pour­quoi cette dis­tinc­tion est res­sen­tie comme un pré­texte et les méthodes « natu­relles » sont sim­ple­ment consi­dé­rées comme inef­fi­caces et impra­ti­cables. Les méthodes natu­relles pour la régu­la­tion de la fer­ti­li­té ne sont pas des « tech­niques » natu­relles qui s’appliquent à un pro­blème pour le résoudre : elles res­pectent l’« éco­lo­gie humaine », la digni­té de la rela­tion sexuelle entre les époux et s’insèrent dans une vision de la conju­ga­li­té ouverte à la vie. En ce sens, elles se dif­fé­ren­cient de la contra­cep­tion et l’expérience démontre leur efficacité.

125. Les réponses et les obser­va­tions relèvent que la dif­fé­rence entre les méthodes contra­cep­tives « abor­tives » et « non abor­tives » est for­te­ment per­çue. Souvent, c’est d’ailleurs le cri­tère de juge­ment uti­li­sé pour éva­luer la bon­té morale des dif­fé­rentes méthodes. En outre, dans les réponses qui nous sont par­ve­nues, et sur­tout dans diverses obser­va­tions, on fait remar­quer les dif­fi­cul­tés rela­tives à la pro­phy­laxie contre le SIDA/​HIV. Le pro­blème appa­raît grave dans cer­taines régions du monde où cette mala­die est très répan­due. On res­sent le besoin que la posi­tion de l’Église à ce pro­pos soit mieux expli­quée, sur­tout face à cer­taines réduc­tions cari­ca­tu­rales des médias. Précisément pour obtem­pé­rer à un regard per­son­na­liste et rela­tion­nel, il semble néces­saire de ne pas limi­ter cette ques­tion à des pro­blé­ma­tiques pure­ment tech­niques. Il s’agit d’accompagner des drames qui marquent pro­fon­dé­ment la vie d’innombrables per­sonnes, en encou­ra­geant une façon vrai­ment humaine de vivre la réa­li­té du couple, dans des situa­tions sou­vent ardues, qui méritent une grande atten­tion et un res­pect sincère.

Quelques causes de l’accueil difficile

126. Toutes les réponses tendent à sou­li­gner que les dif­fi­cul­tés à accueillir le mes­sage de l’Église sur l’amour fécond entre l’homme et la femme sont liées à l’abîme qui existe entre la doc­trine de l’Église et l’éducation civile, sur­tout dans les aires géo­gra­phiques davan­tage mar­quées par la sécu­la­ri­sa­tion. Les réponses pro­ve­nant des Conférences épis­co­pales mettent prin­ci­pa­le­ment l’accent sur la dif­fé­rence de l’anthropologie de fond. Elles relèvent qu’il existe de grosses dif­fi­cul­tés à savoir expri­mer d’une manière appro­priée la rela­tion entre l’anthropologie chré­tienne et le sens de la régle­men­ta­tion natu­relle de la fer­ti­li­té. La réduc­tion de la pro­blé­ma­tique à la casuis­tique n’est pas béné­fique pour la pro­mo­tion d’une ample vision de l’anthropologie chré­tienne. On fait sou­vent remar­quer que l’enseignement de l’Église est refu­sé de façon expé­di­tive par la men­ta­li­té domi­nante qui la taxe de rétro­grade, sans se confron­ter à ses rai­sons et à sa vision de l’homme et de la vie humaine.

127. Dans cer­taines réponses, on met en rela­tion la men­ta­li­té contra­cep­tive dif­fuse et la pré­sence mas­sive de l’idéologie du genre ou gen­der, qui tend à modi­fier cer­tains élé­ments fon­da­men­taux de l’anthropologie, notam­ment le sens du corps et de la dif­fé­rence sexuelle, rem­pla­cée par l’idée de l’orientation de genre, jusqu’à pro­po­ser la sub­ver­sion de l’identité sexuelle. À ce pro­pos nom­breux sont ceux qui insistent sur la néces­si­té d’aller au-​delà des condam­na­tions géné­rales de cette idéo­lo­gie tou­jours plus enva­his­sante, pour répondre d’une manière rai­son­née à cette posi­tion, aujourd’hui très lar­ge­ment répan­due dans de nom­breuses socié­tés occi­den­tales. En ce sens, le dis­cré­dit qui frappe la posi­tion de l’Église en matière de pater­ni­té et de mater­ni­té n’est qu’un des élé­ments d’une muta­tion anthro­po­lo­gique que des forces très influentes cherchent à pro­mou­voir. Par consé­quent, la réponse ne pour­ra pas uni­que­ment por­ter sur la ques­tion des contra­cep­tifs ou des méthodes natu­relles, mais elle devra se mettre au niveau de l’expérience humaine de l’amour, en décou­vrant la valeur intrin­sèque de la dif­fé­rence qui carac­té­rise la vie humaine et sa fécondité.

Suggestions pas­to­rales

128. Du point de vue pas­to­ral, les réponses indiquent très sou­vent le besoin de faire davan­tage connaître – dans un nou­veau lan­gage, en pro­po­sant une vision anthro­po­lo­gique cohé­rente – ce qu’affirme Humanae Vitae, sans se limi­ter aux cours de pré­pa­ra­tion au mariage, mais aus­si grâce à des par­cours d’éducation à l’amour. Certaines réponses sug­gèrent que la pré­sen­ta­tion des méthodes de régu­la­tion natu­relle de la fer­ti­li­té advienne en col­la­bo­ra­tion avec des per­sonnes vrai­ment pré­pa­rées, tant du point de vue médi­cal que pas­to­ral. À cette fin, on insiste sur la col­la­bo­ra­tion avec des centres uni­ver­si­taires spé­cia­li­sés dans l’étude et l’approfondissement de ces méthodes, dans le cadre de la pro­mo­tion d’une vision plus éco­lo­gique de l’humain. En même temps, on sug­gère d’accorder plus de place à ce thème dans le contexte de la for­ma­tion des futurs prêtres dans les sémi­naires, étant don­né que les prêtres appa­raissent sou­vent peu pré­pa­rés pour affron­ter ces thèmes et, par­fois, four­nissent des indi­ca­tions inexactes ou déroutantes.

À pro­pos de la pra­tique sacramentelle

129. Dans le domaine des sug­ges­tions pas­to­rales rela­tives à l’ouverture à la vie, nous trou­vons le thème de la pra­tique sacra­men­telle liée à ces situa­tions, aus­si bien en ce qui concerne le sacre­ment de péni­tence que la par­ti­ci­pa­tion à l’Eucharistie. À ce pro­pos, les­ré­pon­ses­sont essen­tiel­le­ment concor­dantes pour obser­ver que, dans les régions for­te­ment sécu­la­ri­sés, en géné­ral les couples n’estiment pas que l’utilisation de méthodes anti­con­cep­tion­nelles soit un péché ; en consé­quence, on tend à ne pas en faire une matière à confes­sion et donc à rece­voir la com­mu­nion sans pro­blèmes. En revanche, on sou­ligne que la conscience de l’avortement comme péché extrê­me­ment grave demeure entière par­mi les fidèles et tou­jours matière à confes­sion. Plusieurs réponses affirment qu’aujourd’hui « l’examen de conscience » des couples chré­tiens se concentre sur le rap­port entre les conjoints (infi­dé­li­té, manque d’amour), en négli­geant plu­tôt les aspects de l’ouverture à la vie, confir­mant ain­si la fai­blesse avec laquelle est res­sen­ti le rap­port entre le don de soi à l’autre dans la fidé­li­té et l’engendrement de la vie. Les réponses mettent en évi­dence aus­si le fait que l’attitude pas­to­rale des prêtres est très diver­si­fiée sur ce thème : entre ceux qui adoptent une posi­tion plus com­pré­hen­sive et d’accompagnement, et ceux qui, en revanche, se montrent intran­si­geants ou, au contraire, laxistes. La néces­si­té de revoir la for­ma­tion des prêtres sur ces aspects de la pas­to­rale est ain­si confirmée.

Encourager une men­ta­li­té ouverte à la vie

130. Dans cer­taines régions du monde, la men­ta­li­té contra­cep­tive et la dif­fu­sion d’un modèle anthro­po­lo­gique indi­vi­dua­liste déter­minent une forte baisse démo­gra­phique dont les consé­quences sociales et humaines ne sont pas cor­rec­te­ment tenues en consi­dé­ra­tion. Les poli­tiques de déna­ta­li­té modi­fient la qua­li­té du rap­port entre les conjoints et la rela­tion entre les géné­ra­tions. Par consé­quent, dans le cadre de la res­pon­sa­bi­li­té pas­to­rale de l’Église, une réflexion s’impose sur la façon de pou­voir sou­te­nir une men­ta­li­té plus ouverte à la vie.

131. De nom­breuses réponses et obser­va­tions relèvent le lien entre ouver­ture à la nata­li­té et la ques­tion sociale et pro­fes­sion­nelle : la pro­mo­tion de la nata­li­té appa­raît intrin­sè­que­ment liée à la pré­sence de condi­tions qui per­mettent aux jeunes couples d’assumer avec liber­té, res­pon­sa­bi­li­té et séré­ni­té le choix d’engendrer et d’éduquer des enfants. Crèches, horaires de tra­vail souples, congés paren­taux et faci­li­tés de réin­ser­tion dans la vie pro­fes­sion­nelle, appa­raissent être des condi­tions déci­sives à cet égard. En ce sens, il existe aus­si une res­pon­sa­bi­li­té civile des chré­tiens pour encou­ra­ger l’adoption de lois et la créa­tion de struc­tures qui favo­risent une approche posi­tive de la vie nais­sante. D’un point de vue plus pure­ment pas­to­ral, dans les réponses, on met en évi­dence l’utilité des plan­ning fami­liaux liés aux dio­cèses et des asso­cia­tions de familles, qui deviennent témoins de la beau­té et de la valeur de l’ouverture à la vie. On recom­mande au Synode d’aider à redé­cou­vrir le sens anthro­po­lo­gique pro­fond de la mora­li­té de la vie conju­gale, qui, au-​delà de tout mora­lisme, appa­raît comme une ten­sion sin­cère à vivre la beau­té exi­geante de l’amour chré­tien entre l’homme et la femme, mis en valeur en vue de l’amour plus grand, qui arrive à « don­ner la vie pour ses amis » (Jn 15, 13). Les réponses qui invitent à redé­cou­vrir le sens de la chas­te­té conju­gale en lien à l’authenticité de l’expérience amou­reuse ne manquent pas non plus.

Chapitre II – L’Église et la famille face au défi éducatif

a) Le défi édu­ca­tif en général

Le défi édu­ca­tif et la famille aujourd’hui

132. Les défis que doit affron­ter la famille dans le milieu édu­ca­tif sont mul­tiples ; sou­vent les parents se sentent peu pré­pa­rés face à cette tâche. Le Magistère récent a insis­té sur l’importance de l’éducation, pour laquelle les époux reçoivent une grâce sin­gu­lière dans le mariage. Les réponses et les obser­va­tions sou­lignent que l’éducation doit être inté­grale, sus­ci­tant la grande ques­tion sur la véri­té, qui peut gui­der sur le che­min de la vie (cf. Benoît XVI, Discours du 21 jan­vier 2008), et qui naît tou­jours à l’intérieur d’un amour, à com­men­cer par l’expérience d’amour que vit l’enfant accueilli par les parents (cf. Benoît XVI, Discours du 23 février 2008). L’éducation consiste en une intro­duc­tion vaste et pro­fonde dans la réa­li­té glo­bale et, en par­ti­cu­lier, dans la vie sociale, et elle relève de la res­pon­sa­bi­li­té pri­mor­diale des parents, que l’État doit res­pec­ter, conser­ver et pro­mou­voir (cf. GE 3 ; FC 37). Le Pape François a sou­li­gné l’importance de l’éducation dans la trans­mis­sion de la foi : « Les parents sont appe­lés, selon une parole de saint Augustin, non seule­ment à engen­drer les enfants à la vie, mais aus­si à les conduire à Dieu, afin que, par le Baptême, ils soient régé­né­rés comme enfants de Dieu et reçoivent le don de la foi » (LF 43).

Transmission de la foi et ini­tia­tion chrétienne

133. L’action pas­to­rale de l’Église est appe­lée à aider les familles dans leur tâche édu­ca­tive, à com­men­cer par l’initiation chré­tienne. La caté­chèse et la for­ma­tion parois­siale sont des ins­tru­ments indis­pen­sables pour sou­te­nir la famille dans ce devoir édu­ca­tif, en par­ti­cu­lier, à l’occasion de la pré­pa­ra­tion au Baptême, à la Confirmation et à l’Eucharistie. Aux côtés de la famille et de la paroisse, on met en évi­dence la fécon­di­té du témoi­gnage des mou­ve­ments de spi­ri­tua­li­té fami­liale et des asso­cia­tions laïques, à l’intérieur des­quelles un « minis­tère de couple » tend tou­jours plus à se déve­lop­per, minis­tère où les for­ma­teurs des familles mettent en œuvre la crois­sance de l’Église domes­tique à tra­vers des ren­contres per­son­nelles et par­mi les familles, sur­tout en soi­gnant la prière.

134. L’éducation chré­tienne en famille se réa­lise, avant tout, à tra­vers le témoi­gnage de vie des parents vis-​à-​vis des enfants. Certaines réponses rap­pellent que la méthode de trans­mis­sion de la foi ne change pas dans le temps, tout en s’adaptant aux cir­cons­tances : che­min de sanc­ti­fi­ca­tion du couple ; prière per­son­nelle et fami­liale ; écoute de la Parole et témoi­gnage de la cha­ri­té. Là où ce style de vie est vécu, la trans­mis­sion de la foi est assu­rée, même si les enfants sont sou­mis à des pres­sions en sens contraire.

Quelques dif­fi­cul­tés spécifiques

135. Le défi de l’éducation chré­tienne et de la trans­mis­sion de la foi est sou­vent carac­té­ri­sé, dans de nom­breux pays, par le pro­fond chan­ge­ment du rap­port entre les géné­ra­tions, qui condi­tionne la com­mu­ni­ca­tion des valeurs au sein de la réa­li­té fami­liale. Par le pas­sé, ce rap­port était à la base d’une vie de foi par­ta­gée et com­mu­ni­quée comme patri­moine entre une géné­ra­tion et l’autre. Tous les épis­co­pats, et bon nombre d’observations, relèvent les pro­fondes trans­for­ma­tions à ce sujet et leur influence sur la res­pon­sa­bi­li­té édu­ca­tive de la famille ; même s’il est inévi­table de remar­quer des dif­fé­ren­cia­tions selon les élé­ments tra­di­tion­nels encore pré­sents dans les diverses socié­tés ou des déve­lop­pe­ments des pro­ces­sus de sécu­la­ri­sa­tion. Les épis­co­pats d’Europe occi­den­tale rap­pellent que, dans les années Soixante et Soixante-​dix du siècle der­nier, il y a eu un fort conflit géné­ra­tion­nel. Aujourd’hui, notam­ment peut-​être à cause du condi­tion­ne­ment dû à ces expé­riences, les parents appa­raissent beau­coup plus pru­dents pour pous­ser leurs enfants à la pra­tique reli­gieuse. Dans ce domaine, pré­ci­sé­ment, on cherche à évi­ter les conflits, plu­tôt que de les affron­ter. En outre, sur les thèmes reli­gieux, les parents eux-​mêmes se sentent sou­vent peu sûrs, de sorte que pour trans­mettre la foi ils res­tent sou­vent sans paroles et délèguent cette tâche, même s’ils la consi­dèrent impor­tante, à des ins­ti­tu­tions reli­gieuses. Cela semble attes­ter une fra­gi­li­té des adultes et sur­tout des jeunes parents pour trans­mettre avec joie et convic­tion le don de la foi.

136. Les réponses font obser­ver que les écoles catho­liques, à leurs dif­fé­rents niveaux, jouent un rôle impor­tant dans la trans­mis­sion de la foi aux jeunes et sont d’une grande aide pour la tâche édu­ca­tive des parents. Elles recom­mandent qu’elles soient ren­for­cées et sou­te­nues par toute la com­mu­nau­té ecclé­siale. Cela résulte par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant dans les situa­tions où l’État est par­ti­cu­liè­re­ment enva­his­sant dans les pro­ces­sus édu­ca­tifs, en cher­chant à évin­cer la famille de sa res­pon­sa­bi­li­té édu­ca­tive. En ce sens, l’école catho­lique exprime la liber­té d’éducation, en reven­di­quant la pri­mau­té de la famille comme vrai sujet du pro­ces­sus édu­ca­tif, auquel les autres figures qui entrent en jeu dans l’éducation doivent concou­rir. On demande une plus grande col­la­bo­ra­tion entre les familles, les écoles et les com­mu­nau­tés chrétiennes.

137. La tâche de la famille dans la trans­mis­sion et l’éducation de la foi est res­sen­tie encore plus inten­sé­ment dans des régions où les chré­tiens sont mino­ri­taires, comme cela est rap­pe­lé par les épis­co­pats du Moyen-​Orient. Une expé­rience dou­lou­reuse est signa­lée dans les réponses en pro­ve­nance des pays d’Europe de l’Est : les géné­ra­tions les plus anciennes ont vécu leur vie sous le socia­lisme, en ayant reçu les fon­de­ments chré­tiens avant l’avènement de ce régime. La jeune géné­ra­tion, par contre, a gran­di dans un cli­mat post­com­mu­niste, mar­qué par de forts pro­ces­sus de sécu­la­ri­sa­tion. Tout cela a néga­ti­ve­ment condi­tion­né la trans­mis­sion de la foi. Les jeunes géné­ra­tions sont tout de même sen­sibles sur­tout à l’exemple et au témoi­gnage de leurs parents. En géné­ral, les familles qui par­ti­cipent aux mou­ve­ments ecclé­siaux sont les plus actives pour cher­cher à trans­mettre la foi aux nou­velles géné­ra­tions. Dans plu­sieurs réponses, on relève un cer­tain para­doxe édu­ca­tif concer­nant la foi : dans diverses situa­tions ecclé­siales ce ne sont pas les parents qui trans­mettent la foi aux enfants, mais l’inverse. En effet, ce sont les enfants qui, en embras­sant la foi, la com­mu­niquent à leurs parents qui ont aban­don­né depuis long­temps la pra­tique chrétienne.

b) L’éducation chré­tienne dans des situa­tions fami­liales difficiles

138. Si la trans­mis­sion de la foi et l’éducation chré­tienne appa­raissent insé­pa­rables d’un témoi­gnage de vie authen­tique, on com­prend que les situa­tions dif­fi­ciles au sein de la cel­lule fami­liale accen­tuent la com­plexi­té du pro­ces­sus édu­ca­tif. En ce sens, une plus grande atten­tion pas­to­rale accor­dée à l’éducation chré­tienne doit être tour­née vers ces réa­li­tés fami­liales où les enfants peuvent par­ti­cu­liè­re­ment se res­sen­tir de la situa­tion des parents, qua­li­fiée d’irrégulière. À ce pro­pos, on sou­haite l’utilisation d’expressions qui ne donnent pas l’impression d’une dis­tance, mais d’une inté­gra­tion ; qui puissent davan­tage trans­mettre l’accueil, la cha­ri­té et l’accompagnement ecclé­sial, de façon à ne pas géné­rer, sur­tout chez les enfants et les jeunes concer­nés, l’idée d’un refus ou d’une dis­cri­mi­na­tion de leurs parents, en étant conscients que ce sont les situa­tions qui sont « irré­gu­lières », pas les personnes.

Une vision géné­rale de la situation

139. Le pano­ra­ma actuel de l’éducation est extrê­me­ment com­plexe et variable. Il y a des régions où la foi catho­lique conti­nue à rece­voir un fort consen­sus, mais où le nombre d’enfants et de jeunes étant nés et ayant gran­di dans des familles régu­lières est en net déclin. Dans d’autres régions les Églises par­ti­cu­lières doivent affron­ter d’autres défis édu­ca­tifs dans un contexte où les concu­bi­nages hors mariage, l’homosexualité ou les mariages civils ne sont pas per­mis. Cependant, bien qu’à dif­fé­rents degrés, l’Église ren­contre désor­mais ces situa­tions dif­fi­ciles ou irré­gu­lières un peu par­tout. Ce phé­no­mène, même là où la pré­sence de cel­lules bipa­ren­tales régu­liè­re­ment unies par le mariage reli­gieux est encore impor­tante, est en augmentation.

140. Les réponses font res­sor­tir trois élé­ments à pro­pos des situa­tions irré­gu­lières et de leur inci­dence sur l’éducation. En ce qui concerne les unions entre per­sonnes du même sexe, les réponses mettent en relief le fait que cette réa­li­té, encore cir­cons­crite aux pays « libéraux-​progressistes », ne sus­cite pas d’interrogations pas­to­rales spé­ci­fiques pour le moment. On a déjà évo­qué à la fin de la IIème par­tie quelques indi­ca­tions pas­to­rales. Un second élé­ment à consi­dé­rer est l’existence actuelle et l’augmentation de cel­lules mono­pa­ren­tales : il s’agit sou­vent de mères ayant des enfants mineurs à leur charge, dans des contextes de pau­vre­té. Ce phé­no­mène inter­pelle sur­tout les sen­si­bi­li­tés des Églises d’Amérique latine et d’Asie où, bien sou­vent, ces mamans sont contraintes à délé­guer l’éducation de leurs enfants au clan fami­lial. En troi­sième lieu, le phé­no­mène des « enfants de la rue » revêt une grande impor­tance dans le Sud du monde ; ils sont livrés à eux-​mêmes par des parents en dif­fi­cul­té ou sont orphe­lins à cause de la mort vio­lente de leurs parents et sont par­fois confiés aux grands-parents.

Les requêtes adres­sées à l’Église

141. En ligne géné­rale, à par­tir de l’analyse des réponses, on relève l’idée que les parents en situa­tion irré­gu­lière s’adressent à l’Église avec des atti­tudes très dif­fé­rentes, selon les sen­ti­ments et les moti­va­tions qui les animent. Certains nour­rissent beau­coup de res­pect et de confiance envers l’Église tan­dis que, au contraire, d’autres montrent une atti­tude néga­tive à cause de la honte éprou­vée pour les choix qu’ils ont faits, alors que d’autres encore hésitent à s’approcher par peur d’être repous­sés ou exclus. Tandis que cer­tains estiment que la com­mu­nau­té ecclé­siale peut les com­prendre et les accueillir avec bien­veillance, mal­gré leurs échecs et les dif­fi­cul­tés, d’autres jugent que l’Église est une ins­ti­tu­tion qui s’immisce trop dans le style de vie des per­sonnes, ou bien sont convain­cus qu’elle est une sorte de tuteur qui doit garan­tir l’éducation et l’accompagnement, mais sans avoir trop de prétention.

142. La requête prin­ci­pale et la plus fré­quente qu’adressent aux Églises les parents qui se trouvent dans ces situa­tions par­ti­cu­lières est celle de l’administration des sacre­ments à leurs enfants, spé­cia­le­ment le Baptême et la Première Communion, avec une nette dif­fi­cul­té, cepen­dant, à accor­der l’importance et la juste valeur à la for­ma­tion reli­gieuse et à la par­ti­ci­pa­tion à la vie parois­siale. Beaucoup savent que la caté­chèse est une condi­tion préa­lable pour rece­voir les sacre­ments, mais plus qu’une oppor­tu­ni­té, ils la consi­dèrent comme une obli­ga­tion, une for­ma­li­té ou un com­pro­mis à accep­ter pour que l’enfant puisse rece­voir ce qui est deman­dé. Les réponses font obser­ver que l’on ren­contre fré­quem­ment des réti­cences et un dés­in­té­res­se­ment des parents vis-​à-​vis du par­cours de pré­pa­ra­tion chré­tienne pro­po­sé par la com­mu­nau­té. Le résul­tat, c’est que sou­vent les parents, s’ils le peuvent, évitent de par­ti­ci­per aux iti­né­raires pré­vus pour leurs enfants et pour eux-​mêmes, pré­tex­tant des pro­blèmes de temps et de tra­vail, alors qu’il s’agit sou­vent de négli­gence et de recherches de solu­tions plus com­modes ou rapides. Parfois, ils mani­festent aus­si des atti­tudes néga­tives face aux requêtes des caté­chistes. Dans d’autres cas, leur indif­fé­rence est évi­dente, car ils demeurent tou­jours pas­sifs face à toute ini­tia­tive et ne s’impliquent pas dans l’éducation reli­gieuse de l’enfant.

143. Ce qui res­sort de l’analyse des don­nées, c’est que beau­coup de ces parents, comme du reste une grande part des parents catho­liques régu­liè­re­ment mariés, demandent pour leurs enfants l’initiation aux sacre­ments pour ne pas man­quer à une habi­tude, à une cou­tume typique de la socié­té. Le sacre­ment repré­sente encore pour beau­coup une fête tra­di­tion­nelle, qu’ils demandent davan­tage pour se confor­mer à une habi­tude fami­liale et sociale que par convic­tion. Toutefois, il y a aus­si des parents dési­rent trans­mettre la foi à leurs enfants et, pour cela, se fient aux iti­né­raires de for­ma­tion que la paroisse pro­pose en vue de l’administration des sacre­ments. Parfois, ils demandent eux-​mêmes d’être aidés à sor­tir des situa­tions qui les rendent fra­giles et sont dis­po­sés à entre­prendre un authen­tique che­min de spi­ri­tua­li­té et dési­rent par­ti­ci­per acti­ve­ment à la vie de l’Église, accep­tant de s’impliquer dans le par­cours caté­ché­tique et sacra­men­tel de leurs enfants. Les cas de parents qui redé­couvrent la foi de façon plus authen­tique et, quel­que­fois, arrivent même à deman­der le mariage après des années de concu­bi­nage, ne sont pas rares.

144. Les réponses ont éga­le­ment per­mis de recen­ser d’autres genres de requêtes, que les parents en situa­tion irré­gu­lière pré­sentent à l’Église. Dans cer­taines réa­li­tés cultu­relles par­ti­cu­lières, il arrive qu’ils demandent les sacre­ments pour leurs enfants en rai­son de super­sti­tions ou pour évi­ter de res­ter dans le paga­nisme. Dans d’autres cir­cons­tances, ils s’adressent aux prêtres locaux sim­ple­ment pour pou­voir rece­voir un sou­tien éco­no­mique et édu­ca­tif. La demande pour que leurs enfants reçoivent la Confirmation tend géné­ra­le­ment à dimi­nuer, sur­tout dans les pays les plus sécu­la­ri­sés. L’idée qu’il est bon de lais­ser aux jeunes la liber­té et la res­pon­sa­bi­li­té de com­men­cer un par­cours d’initiation à la vie chré­tienne se répand de plus en plus. Une dif­fi­cul­té appa­raît quand les parents divor­cés sont en désac­cord au sujet de l’itinéraire d’initiation chré­tienne de l’enfant ; dans ces cas-​là, l’Église est appe­lée à jouer un impor­tant rôle de média­tion, à tra­vers la com­pré­hen­sion et le dialogue.

145. En ce qui concerne la requête de l’enseignement de la reli­gion catho­lique à leurs enfants, les réponses et les obser­va­tions qui sont par­ve­nues font res­sor­tir deux typo­lo­gies. D’un côté, il y a des cas où il est pos­sible de deman­der de rece­voir ou non l’enseignement de la reli­gion catho­lique à l’école, indé­pen­dam­ment de la caté­chèse parois­siale. En géné­ral, même les parents qui vivent dans des situa­tions irré­gu­lières choi­sissent cette option et, spé­cia­le­ment en Europe, beau­coup de non-​catholiques et de non-​baptisés. Au cours des der­nières années, dans cer­taines régions des pays euro­péens, le nombre d’inscrits à l’enseignement catho­lique dans les écoles publiques a aug­men­té. D’autre part, cer­tains sys­tèmes sco­laires de base (comme le sys­tème aus­tra­lien) offrent la pos­si­bi­li­té d’une bonne édu­ca­tion à la foi et à l’instruction reli­gieuse. Dans ces cas-​là, beau­coup de parents en situa­tion irré­gu­lière, quand l’enfant est bap­ti­sé, se pré­valent faci­le­ment de la pos­si­bi­li­té de suivre les pro­grammes de for­ma­tion chré­tienne offerts par l’école, qui pré­parent à rece­voir les sacre­ments sans devoir prendre part aux par­cours de caté­chèse parois­siale. La réa­li­té des écoles et des col­lèges catho­liques pré­sents et actifs sur tous les conti­nents est encore dif­fé­rente. Les enfants de parents en situa­tion irré­gu­lière peuvent s’y ins­crire sans préa­lables. En effet, il appa­raît qu’ils s’adressent volon­tiers à eux, prin­ci­pa­le­ment parce qu’ils savent qu’ils rece­vront un sou­tien et une col­la­bo­ra­tion dans l’œuvre édu­ca­tive des enfants. En Afrique, les écoles catho­liques consti­tuent des lieux impor­tants pour l’éducation chré­tienne des enfants. La ques­tion de l’incidence de l’enseignement de la reli­gion catho­lique dans le par­cours d’éducation à la foi n’a été que peu abor­dée. On signale des ten­ta­tives de tra­vail conjoint entre la caté­chèse parois­siale, les acti­vi­tés sco­laires et l’instruction reli­gieuse, en tra­vaillant davan­tage dans ce domaine. Cela semble être la voie à pri­vi­lé­gier, spé­cia­le­ment lorsque l’enseignement de la reli­gion catho­lique se limite à l’aspect intellectuel.

Les réponses des Églises particulières

146. Les Églises par­ti­cu­lières se sont effor­cées d’accompagner les familles et, avec elles, les situa­tions irré­gu­lières. Quand les parents, sou­vent après s’être éloi­gné de l’Église depuis long­temps, s’en rap­prochent et demandent à la com­mu­nau­té ecclé­siale la pré­pa­ra­tion sacra­men­telle de leurs enfants, l’approche la plus féconde, signa­lée dans les réponses, est celle d’un accueil sans pré­ju­gés. Cela signi­fie que le res­pect, l’ouverture bien­veillante et l’écoute des besoins humains et spi­ri­tuelles s’avèrent être des atti­tudes fon­da­men­tales pour créer un milieu favo­rable et adap­té à la com­mu­ni­ca­tion du mes­sage évan­gé­lique. Parmi les expé­riences ecclé­siales effi­caces et signi­fi­ca­tives, qui ten­dant à sou­te­nir le par­cours de ces parents, cer­taines ont été mises en évi­dence : les caté­chèses com­mu­nau­taires et fami­liales ; les mou­ve­ments de sou­tien à la pas­to­rale conju­gale ; les messes domi­ni­cales ; les visites aux familles ; les groupes de prière ; les mis­sions popu­laires ; la vie des com­mu­nau­tés ecclé­siales de base ; les groupes d’études bibliques ; les acti­vi­tés et la pas­to­rale des mou­ve­ments ecclé­siaux ; la for­ma­tion chré­tienne offerte aux parents des enfants et des jeunes qui fré­quentent les nom­breux col­lèges et les centres d’éducation catho­lique, sur­tout en Amérique latine. Bien sou­vent ce sont les enfants qui évan­gé­lisent les parents.

147. Malgré tout ce que l’on a dit, bon nombre de réponses relèvent que la pas­to­rale actuelle de l’Église n’est pas tou­jours en mesure d’accompagner de façon appro­priée ces réa­li­tés fami­liales spé­ci­fiques. L’action pas­to­rale néces­si­te­rait du renou­veau, de la créa­ti­vi­té et de la joie pour être plus inci­sive avec de nou­velles pro­po­si­tions pour créer un rap­port d’osmose entre la for­ma­tion des enfants, la for­ma­tion à la foi des parents et la vie com­mu­nau­taire. De nou­velles ini­tia­tives vont dans cette direc­tion : les moments de for­ma­tion, de prière et de retraite, des­ti­nés aux parents, sou­vent paral­lè­le­ment à la caté­chèse sacra­men­telle des enfants ; les « écoles pour parents » ; les pro­grammes caté­ché­tiques sur la morale fami­liale et sexuelle ; l’opportunité de réunir plu­sieurs couples d’époux en une même célé­bra­tion du mariage (mass-​marriage), pour prendre en compte aus­si le pro­blème finan­cier qui, par­fois, ralen­tit et décou­rage la demande du mariage, comme au Nigeria et en Afrique du Sud. Certains indiquent qu’il s’agit, en tout cas, de pos­si­bi­li­tés pas encore plei­ne­ment structurées.

148. À par­tir des réponses aux ques­tion­naires, il res­sort que, si d’un côté l’accompagnement des parents dépend de la dis­po­ni­bi­li­té à se lais­ser impli­quer et gui­der, l’attention à leur accor­der naît prin­ci­pa­le­ment du sens de res­pon­sa­bi­li­té et de la sol­li­ci­tude des prêtres locaux et de leur capa­ci­té à impli­quer le plus pos­sible la com­mu­nau­té parois­siale tout entière. Dans les paroisses alle­mandes, par exemple, tant les enfants que les parents sont sui­vis par un groupe de caté­chistes qui les accom­pagnent tout au long du par­cours caté­ché­tique. Dans les grandes villes il semble plus com­plexe de réus­sir et de mettre en œuvre une approche pas­to­rale per­son­na­li­sée. Quoi qu’il en soit, cela repré­sente un véri­table défi que de pou­voir appro­cher, en leur accor­dant une pro­fonde atten­tion, ces frères et ces sœurs, les suivre, les aider à expri­mer les ques­tions qui leur tiennent à cœur, leur pro­po­ser un iti­né­raire qui puisse faire renaître le désir d’un appro­fon­dis­se­ment de la rela­tion avec le Seigneur Jésus, notam­ment à tra­vers des liens com­mu­nau­taires authen­tiques. Il fau­drait poten­tia­li­ser les ini­tia­tives déjà exis­tantes, comme celle lan­cée par cer­taines Conférences épis­co­pales sud-​américaines, qui pro­duisent et four­nissent du maté­riel pour la for­ma­tion afin d’aider ces parents dans l’éducation des enfants.

149. Les Églises par­ti­cu­lières savent bien que ce ne sont pas les enfants ni les jeunes qui portent la faute des choix ou du vécu de leurs parents. Partout, par consé­quent, les enfants sont accueillis sans dis­tinc­tions par rap­port aux autres, avec le même amour et la même atten­tion. L’offre de for­ma­tion chré­tienne qui leur est pro­po­sée ne se dif­fé­ren­cie pas des ini­tia­tives de caté­chèse et d’activité pas­to­rale adres­sées aux enfants de l’ensemble de la com­mu­nau­té : la caté­chèse ; les écoles de prière ; l’initiation à la litur­gie ; les groupes, spé­cia­le­ment l’enfance mis­sion­naire en Amérique latine ; les écoles de théâtre biblique et les cho­rales parois­siales ; les écoles et les camps parois­siaux ; les groupes de jeunes. On fait remar­quer qu’il n’existe pas d’activités spé­ciales qui puissent sou­te­nir ces enfants à refer­mer ou à éla­bo­rer leurs bles­sures. On sou­haite la mise au point d’itinéraires en leur faveur, l’organisation de par­cours de sou­tien, en par­ti­cu­lière dans la période dif­fi­cile de la sépa­ra­tion et du divorce des parents, moment où ils doivent pou­voir conti­nuer à espé­rer dans les liens fami­liaux mal­gré la sépa­ra­tion des parents. Dans un dio­cèse du Nord de l’Europe, où le taux d’enfants de divor­cés est très éle­vé, cer­tains curés orga­nisent des caté­chèses en week-​ends alter­nés, pour que les enfants puissent tou­jours y par­ti­ci­per, sans se sen­tir dif­fé­rents des autres, et cela pour trou­ver une solu­tion aux pro­blèmes posés par ces réa­li­tés fami­liales et la fatigue des enfants, qui ne peuvent pas tou­jours par­ti­ci­per à la catéchèse.

150. En plus des paroisses, des asso­cia­tions et des mou­ve­ments une contri­bu­tion valable est offerte à ces parents et à leurs enfants par l’apostolat des ins­ti­tuts reli­gieux fémi­nins, sur­tout là où il y a des formes de pau­vre­té extrême, d’intolérance reli­gieuse ou d’exploitation de la femme ; l’Œuvre de la Propagation de la Foi contri­bue aus­si à l’éducation et à la for­ma­tion chré­tienne d’enfants, en par­ti­cu­lier de ceux dont les parents sont en situa­tions irré­gu­lières, grâce à des aides ordi­naires et extraordinaires.

Temps et modes de l’initiation chré­tienne des enfants

151. Pour l’itinéraire de pré­pa­ra­tion aux sacre­ments et pour la pra­tique sacra­men­telle on s’en tient à ce qui est indi­qué par les normes cano­niques, par les Conférences épis­co­pales et par les lignes direc­trices dio­cé­saines. Aucun che­min alter­na­tif de pré­pa­ra­tion n’est pré­vu par rap­port à celui des enfants de familles régu­lières. Par consé­quent, dans les grandes lignes, on suit le par­cours clas­sique qui pré­voit la pré­pa­ra­tion au sacre­ment du Baptême par le biais de ren­contres des parents ; ce par­cours est sui­vi d’une caté­chèse ordon­née et pro­gres­sive selon l’âge pour la pré­pa­ra­tion, en envi­ron trois ou quatre ans, aux autres sacre­ments de l’initiation chré­tienne, si les parents, bien sûr, demandent que leurs enfants les reçoivent. Après la confir­ma­tion, dans cer­tains dio­cèses, le par­cours de for­ma­tion se pour­suit par des expé­riences pas­to­rales comme la pro­fes­sion de foi solen­nelle et des ini­tia­tives spé­ci­fiques pour les groupes de jeu­nesse. En géné­ral, après la Confirmation, on assiste aus­si bien à une brusque baisse de la fré­quen­ta­tion, impu­té par­fois à une caté­chèse peu adap­tée aux jeunes, qu’à l’abandon de la pra­tique sacra­men­telle, à attri­buer aux faibles moti­va­tions per­son­nelles. Cela confirme le manque d’ancrage dans la foi et le manque d’accompagnements per­son­na­li­sés. Les varia­tions obser­vées entre les Églises par­ti­cu­lières et les diverses Églises Orientales catho­liques, à pro­pos de ces thèmes, peuvent être liées à l’ordre dans lequel les sacre­ments sont admi­nis­trés, à l’âge où ils peuvent être reçus, ou encore à l’organisation des pro­grammes caté­ché­tiques, ain­si qu’aux choix qui devraient encou­ra­ger et ouvrir de nou­velles voies d’accompagnement.

152. Certains sou­tiennent l’engagement à célé­brer les sacre­ments non pas à un âge fixé à l’avance, mais en tenant compte de la matu­ri­té spi­ri­tuelle des enfants, même si cette pra­tique sus­cite sou­vent des dif­fi­cul­tés par­mi les parents. Dans d’autres cas, les enfants de familles irré­gu­liè­re­ment consti­tuées reçoivent le Baptême après trois-​quatre années de caté­chèse, à l’âge où leurs com­pa­gnons sont admis à la Première Communion, comme cela est par exemple éta­bli par plu­sieurs Conférences épis­co­pales afri­caines. Quand les parents demandent le Baptême pour leurs enfants, mais se trouvent dans une situa­tion de concu­bi­nage, cer­taines Églises optent pour un accom­pa­gne­ment per­son­nel des parents avant d’administrer le sacre­ment aux petits, avec des ins­truc­tions qui les conduisent à rece­voir à nou­veau les sacre­ments jusqu’à la célé­bra­tion du mariage. Ce n’est qu’après plu­sieurs années que les enfants rece­vront à leur tour le Baptême. Cette pra­tique est attes­tée dans plu­sieurs pays afri­cains et arabes. Dans d’autres pays, le rigo­risme pas­to­ral rela­tif au niveau moral de la vie des parents com­por­te­rait le risque de refu­ser injus­te­ment les sacre­ments aux enfants et d’entrainer une dis­cri­mi­na­tion injuste entre les diverses situa­tions mora­le­ment inac­cep­tables (punir par exemple les enfants à cause de l’invalidité du mariage des parents, mais ne pas prendre en consi­dé­ra­tion la situa­tion de ceux qui vivent de la délin­quance et de l’exploitation). Rares sont les cas où l’on fait réfé­rence au caté­chu­mé­nat pour les enfants.

Quelques dif­fi­cul­tés spécifiques

153. Les dif­fi­cul­tés men­tion­nées à pro­pos de la pra­tique sacra­men­telle ont trait à des aspects déli­cats et à des points pro­blé­ma­tiques pour la pra­tique des Églises par­ti­cu­lières. Au sujet du sacre­ment du Baptême, on dénonce par exemple l’attitude de tolé­rance avec laquelle celui-​ci est par­fois admi­nis­tré aux enfants de parents vivant en situa­tion irré­gu­lière, sans par­cours de for­ma­tion. Sur le même thème, on enre­gistre des cas où le par­cours d’initiation chré­tienne a été refu­sé, parce que l’un des deux parents était en situa­tion irré­gu­lière. On voit appa­raître plu­sieurs fois dans les réponses la réfé­rence au malaise de parents qui ne peuvent pas accé­der au sacre­ment de la péni­tence et de l’Eucharistie, alors que leurs enfants sont invi­tés à y par­ti­ci­per. Ce malaise est vécu en pro­por­tion de la com­pré­hen­sion ou non du sens de la non-​admission, uni­que­ment per­çue en termes néga­tifs, ou au sein d’un pos­sible par­cours de guérison.

Quelques indi­ca­tions pastorales

154. Une pas­to­rale sen­sible appa­raît tou­jours plus néces­saire, une pas­to­rale gui­dée par le res­pect de ces situa­tions irré­gu­lières, capable d’offrir un sou­tien concret à l’éducation des enfants. On per­çoit la néces­si­té d’un meilleur accom­pa­gne­ment, per­ma­nent et plus inci­sif à l’égard des parents qui vivent ces situa­tions. Étant don­né le nombre éle­vé de ceux qui se rap­prochent de la foi à l’occasion de la pré­pa­ra­tion des sacre­ments pour leurs enfants, il fau­drait pen­ser au niveau local à d’opportuns par­cours de redé­cou­verte et d’approfondissement de la foi, qui requer­raient une pré­pa­ra­tion adé­quate et une action pas­to­rale conve­nable. On signale de façon signi­fi­ca­tive celle d’une nou­velle com­pré­hen­sion de la valeur et du rôle qu’assument le par­rain ou la mar­raine au long du che­mi­ne­ment de foi des enfants et des jeunes. Les sug­ges­tions qui pro­viennent sur ce thème vont de la néces­si­té de repen­ser des cri­tères pour leurs choix, ren­du tou­jours plus com­plexe par le nombre crois­sant de per­sonnes en situa­tions irré­gu­lières, jusqu’à la néces­si­té de ren­for­cer ou de rendre active la caté­chèse pour les parents et les par­rains et mar­raines, vu le fort pour­cen­tage de ceux qui n’ont même pas conscience de la signi­fi­ca­tion du sacre­ment. Un accom­pa­gne­ment pas­to­ral spé­ci­fique devrait être consa­cré aux mariages mixtes et à ceux en dis­pa­ri­tés de culte, qui ren­contrent sou­vent d’importantes dif­fi­cul­tés dans l’éducation reli­gieuse des enfants.

155. Les Conférences épis­co­pales se demandent s’il ne serait pas pos­sible de for­mer dans chaque com­mu­nau­té chré­tienne des couples d’époux qui puissent suivre et sou­te­nir le par­cours de crois­sance des per­sonnes inté­res­sées de manière authen­tique, comme mar­raines et par­rains idoines. Dans les régions où les caté­chistes jouent un rôle impor­tant et déli­cat, on sug­gère qu’ils soient for­més sérieu­se­ment et qu’ils soient choi­sis avec plus de dis­cer­ne­ment, car cer­tains cas de caté­chistes qui vivent dans des situa­tions d’irrégularité conju­gale pro­voquent des divi­sions et des per­plexi­tés. On relève que l’Église devrait prendre davan­tage en consi­dé­ra­tion la qua­li­té de l’offre caté­ché­tique et on demande une meilleure for­ma­tion aux caté­chistes, afin qu’ils soient des témoins d’une vie cré­dible. On fait obser­ver qu’une pré­pa­ra­tion plus pro­fonde aux sacre­ments est néces­saire, notam­ment par l’évangélisation des per­sonnes : il fau­drait tra­vailler davan­tage pour une ini­tia­tion à la foi et à la vie. On demande que soit garan­tie une pas­to­rale appro­priée aux parents y com­pris dans la période qui va du Baptême à la Première Communion de l’enfant. On pro­pose d’organiser, au niveau des doyennés-​vicariats, des ren­contres pour ceux qui vivent ou doivent affron­ter des pro­blé­ma­tiques fami­liales tout en étant appe­lés à édu­quer leurs enfants à la foi.

156. Les écoles catho­liques ont une grande res­pon­sa­bi­li­té envers ces enfants, ces jeunes, enfants de couple en situa­tion irré­gu­lière, qui y sont désor­mais lar­ge­ment pré­sents. À cet égard, la com­mu­nau­té édu­ca­tive sco­laire devrait tou­jours davan­tage sup­pléer au rôle fami­lial en créant une atmo­sphère accueillante, capable de mani­fes­ter le visage de Dieu. Quoi qu’il en soit, on sou­haite que la pré­pa­ra­tion aux sacre­ments se réa­lise grâce à une col­la­bo­ra­tion effec­tive entre la paroisse et l’école catho­lique, afin de ren­for­cer le sens d’appartenance à la com­mu­nau­té. Les réponses deman­dant que puissent être ren­for­cés, à tous les niveaux, les iti­né­raires d’éducation et de for­ma­tion à l’amour, à l’affectivité et à la sexua­li­té pour les enfants et les jeunes. La pro­po­si­tion de nou­veaux modèles de sain­te­té conju­gale pour­rait favo­ri­ser la crois­sance des per­sonnes à l’intérieur d’un tis­su fami­lial valable, sous ses aspects de pro­tec­tion, d’éducation et d’amour.

157. Dans les cas de cer­taines situa­tions dif­fi­ciles, par exemple de couples de réfu­giés ou de migrants, l’Église devrait offrir avant tout un sou­tien maté­riel et psy­cho­lo­gique, en favo­ri­sant l’instruction et la pré­ven­tion des abus ou de l’exploitation des mineurs. Dans le cas des « Nomades » qui, en géné­ral, demandent le sacre­ment du Baptême pour leurs enfants, les Églises par­ti­cu­lières devraient s’engager plus inten­sé­ment pour un accom­pa­gne­ment spi­ri­tuel de la famille, afin de pou­voir com­plé­ter l’ensemble de l’itinéraire de l’initiation chrétienne.

CONCLUSION

158. L’importante docu­men­ta­tion qui est par­ve­nue au Secrétairerie du Synode des Évêques a été agen­cée dans cet Instrumentum labo­ris de façon à pou­voir en confron­ter le conte­nu et à favo­ri­ser son appro­fon­dis­se­ment durant les tra­vaux de la IIIème Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques. Certes, la richesse conte­nue dans les réponses et dans les obser­va­tions est beau­coup plus vaste que ce qui a été rap­por­té ici pour offrir un pre­mier point de réfé­rence en vue du dia­logue syno­dal. Les trois grands domaines sur les­quels l’Église entend déve­lop­per le débat pour par­ve­nir à des indi­ca­tions qui répondent aux nou­velles demandes qui sur­gissent au sein du peuple de Dieu sont en tout cas les sui­vants : l’Évangile de la famille à pro­po­ser dans les cir­cons­tances actuelles ; la pas­to­rale fami­liale à appro­fon­dir face aux nou­veaux défis ; la rela­tion d’engendrement et d’éducation des parents vis-​à-​vis des enfants.

159. Nous concluons cet iti­né­raire, où nous avons sai­si beau­coup de joies et d’espérances, mais aus­si des incer­ti­tudes et des souf­frances, dans les réponses et dans les obser­va­tions qui nous sont par­ve­nues, en reve­nant aux sources de la foi, de l’espérance et de la cha­ri­té : nous nous confions à la Sainte Trinité, mys­tère d’amour abso­lu, qui s’est révé­lé dans le Christ et dont l’Esprit Saint nous a fait part. L’amour de Dieu res­plen­dit en par­ti­cu­lier dans la famille de Nazareth, point de réfé­rence sûr et de récon­fort pour chaque famille. En elle brille le véri­table amour vers lequel toutes nos situa­tions fami­liales doivent se tour­ner, pour pui­ser lumière, force et conso­la­tion. Et c’est à la Sainte Famille de Nazareth que nous vou­lons confier la IIIème Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques, en repre­nant les mots du Pape François : Prière à la Sainte Famille

Jésus, Marie et Joseph
en vous nous contem­plons
la splen­deur de l’amour véri­table,
à vous nous nous adres­sons avec confiance.

Sainte Famille de Nazareth,
fais aus­si de nos familles
des lieux de com­mu­nion et des cénacles de prière,
des écoles authen­tiques de l’Évangile
et des petites Églises domestiques.

Sainte Famille de Nazareth,
que jamais plus dans les familles on fasse l’expérience
de la vio­lence, de la fer­me­ture et de la divi­sion :
que qui­conque a été bles­sé ou scan­da­li­sé
connaisse rapi­de­ment conso­la­tion et guérison.

Sainte Famille de Nazareth,
que le pro­chain Synode des Évêques
puisse réveiller en tous la conscience
du carac­tère sacré et invio­lable de la famille,
sa beau­té dans le pro­jet de Dieu.

Jésus, Marie et Joseph
écoutez-​nous, exau­cez notre prière.

Amen.

Notes sur les abréviations

CCC Catéchisme de l’Église Catholique
CDF Congrégation pour la Doctrine de la Foi
CTI Commission Théologique inter­na­tio­nale
CV Caritas in Veritate,
Lettre Encyclique de Benoît XVI
DCE Deus Caritas Est, Lettre Encyclique de Benoît XVI
DV Dei Verbum, Constitution dog­ma­tique sur la révé­la­tion divine
EG Evangelii Gaudium, Exhortation Apostolique de François
FC Familiaris Consortio, Exhortation Apostolique de Jean-​Paul II
GS Gaudium et Spes, Constitution pas­to­rale sur l’Église dans le monde contem­po­rain
GE Gravissimum Educationis, Déclaration sur l’éducation chré­tienne
HV Humanae Vitae, Lettre Encyclique de Paul VI
LF Lumen Fidei, Lettre Encyclique de François
LG Lumen Gentium, Constitution dog­ma­tique sur l’Église
SC Sacramentum Caritatis, Exhortation Apostolique post-​synodale de Benoît XVI

21 novembre 2014
Lettre à tous les consacrés à l'occasion de l'année de la vie consacrée
  • François