Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

7 octobre 1954

Lettre encyclique Ad sinarum gentem

Sur le caractère supranational de l'Eglise contre les ingérences du gouvernement communiste chinois

Table des matières

Aux véné­rables frères et bien-​aimés fils Archevêques, Evêques et autres ordi­naires des lieux ain­si qu’aux autres membres du cler­gé et au peuple de Chine en paix et com­mu­nion avec le Siège Apostolique, leur fai­sant part de nos encou­ra­ge­ments dans les angoisses du temps présent.

Vénérables frères,
Salut et béné­dic­tion apostolique.

L’Eglise de Chine connaît une violente persécution de la part de son gouvernement, d’inspiration communiste.

C’est au peuple chi­nois qui Nous est si cher et tout spé­cialement à vous, Vénérables Frères et chers fils qui pro­fessez la reli­gion catho­lique, que Nous adres­sions, il y a trois ans envi­ron, Notre Lettre apos­to­lique Cupimus impri­mis [1]. Nous vou­lions non seule­ment vous expri­mer la part que Nous pre­nions à vos angoisses, mais encore vous exhor­ter pater­nel­le­ment à rem­plir tous les devoirs de la re­ligion chré­tienne avec cette fidé­li­té réso­lue qui réclame par­fois une force héroïque. Nous unis­sant à vos prières Nous fai­sons mon­ter une nou­velle fois les Nôtres vers le Dieu Tout-​Puissant, Père des misé­ri­cordes, afin que « comme le soleil brille à nou­veau après la tem­pête et l’o­rage, ain­si res­plen­dissent enfin sur votre Eglise, après tant d’angoisses, de troubles et de souf­frances, la paix, la tran­quillité et la liber­té » [2].

Ces der­nières années mal­heu­reu­se­ment, les condi­tions faites à l’Eglise catho­lique chez vous ne se sont en aucune façon amé­lio­rées. Bien au contraire les accu­sa­tions et les calom­nies n’ont fait qu’augmenter contre le Siège Aposto­lique, et contre ceux qui lui gardent leur fidé­li­té ; le Non­ce Apostolique, Notre repré­sen­tant auprès de vous, a été expul­sé ; et l’on a vu se mul­ti­plier les pièges des­ti­nés à trom­per les esprits moins aver­tis de la vérité.

Malgré tout, comme Nous vous l’écrivions alors, « à de telles embûches, même habiles, même dis­si­mu­lées, mê­me dégui­sées sous une appa­rence de véri­té, vous oppo­sez fer­me­ment votre volon­té » [3]. Nos paroles n’ont pu parve­nir jusqu’à vous, Nous le savons ; c’est pour­quoi Nous tenons à vous les répé­ter grâce à cette Encyclique ; Nous savons aus­si pour Notre plus grande conso­la­tion que vous avez per­sé­vé­ré fer­me­ment dans votre déci­sion, et qu’aucun effort n’a pu réus­sir à vous déta­cher de l’unité de l’Eglise ; aus­si voulons-​Nous vous féli­ci­ter encore pour votre fidé­lité et lui rendre l’hommage qui lui est dû.

Et cepen­dant, puisque Nous devons Nous pré­oc­cu­per du salut éter­nel de cha­cun, Nous ne pou­vons cacher quel­le est Notre tris­tesse et Notre inquié­tude quand Nous ap­prenons que par­mi vous, alors que vous demeu­rez pour la plu­part fermes dans la Foi, il ne s’en est pas moins trou­vé quelques-​uns, trom­pés dans leur bonne foi, pres­sés par la peur ou séduits par des doc­trines neuves et men­son­gères, pour adhé­rer, récem­ment encore, à des prin­cipes faux et dan­ge­reux répan­dus par les adver­saires de toute reli­gion et tout spé­cia­le­ment de celle qui nous a été divi­ne­ment ré­vélée par Jésus-Christ.

C’est pour­quoi conscient de Notre charge, Nous de­vons une fois encore, vous adres­ser Notre Parole par cette Encyclique en espé­rant qu’elle puisse arri­ver à votre connais­sance ; qu’elle soit un récon­fort et un encourage­ment pour tous ceux qui, fidèles à eux-​mêmes per­sé­vèrent avec force dans la véri­té et dans la ver­tu ; qu’elle porte aux autres la lumière et Notre pater­nelle moni­tion [4].

L’amour et la fidélité des catholiques chinois envers leur patrie.

Et d’abord, puisqu’aujourd’hui comme autre­fois les per­sé­cu­teurs des chré­tiens les accusent faus­se­ment de ne pas aimer leur patrie et de ne pas être de bons citoyens, Nous vou­lons pro­cla­mer une fois encore [5] que les catho­liques chi­nois ne le cèdent à per­sonne pour l’amour ardent et la fidé­li­té vivante à leur si noble patrie. Et cela nul ne peut l’ignorer, s’il est gui­dé par un juge­ment droit. La na­tion chi­noise, — Nous Nous plai­sons à répé­ter ce que dé­jà Nous écri­vions à sa louange dans Notre Lettre aposto­lique —, « s’est dis­tin­guée, dès les temps les plus recu­lés, entre les autres peuples de l’Asie par ses hauts faits, par les monu­ments de sa lit­té­ra­ture, par l’éclat de sa ci­vilisation ; et lorsqu’elle fut illu­mi­née par la lumière de l’Evangile qui dépasse immen­sé­ment la sagesse de ce monde, elle en tira de plus grandes richesses spi­ri­tuelles, à savoir les ver­tus chré­tiennes qui per­fec­tionnent et affer­missent les ver­tus natu­relles » [6].

De plus, il Nous semble que votre conduite mérite réel­lement la louange, car dans l’épreuve quo­ti­dienne et déjà longue qui vous est impo­sée vous avan­cez dans la bonne voie en accor­dant, ain­si qu’il convient à des chré­tiens, vo­tre sou­mis­sion et votre zèle à l’autorité publique dans les domaines de sa com­pé­tence, et en pre­nant grand soin, dans l’amour que vous por­tez à votre patrie, d’accomplir fidè­le­ment tous vos devoirs de citoyens. Mais ce Nous est aus­si une grande conso­la­tion d’apprendre qu’à l’occasion vous avez affir­mé et affir­mez encore ouver­te­ment qu’en aucune façon il ne vous est pos­sible de vous écar­ter des pré­ceptes de la reli­gion catho­lique, qu’en aucune façon vous ne pou­vez renier votre foi en votre Créateur et Ré­dempteur, ni man­quer à Celui pour l’amour de qui plu­sieurs d’entre vous ont endu­ré les sup­plices et la prison.

A propos de l”« autonomie de Gouvernement ».

Comme déjà Nous l’avons écrit dans Notre pré­cé­dente lettre, le Siège Apostolique, ces der­niers temps tout spé­cialement, a tra­vaillé avec la plus grande sol­li­ci­tude à éta­blir et à for­mer le plus grand nombre pos­sible de prê­tres et d’Evêques, issus de votre noble pays. C’est ain­si que Notre véné­ré pré­dé­ces­seur Pie XI, a consa­cré Lui-​même en pleine basi­lique Saint-​Pierre les six pre­miers évêques choi­sis dans votre peuple ; et Nous-​même, n’ayant rien plus à cœur que de voir s’affermir et aug­men­ter cha­que jour davan­tage les pro­grès de votre Eglise, Nous avons consti­tué la Hiérarchie Catholique en Chine et éle­vé un de vos conci­toyens, pour la pre­mière fois dans l’his­toire, aux hon­neurs de la pourpre car­di­na­lice [7].

Puisse-​t-​il res­plen­dir bien­tôt ce jour où, chez vous, des évêques et des prêtres tous issus de votre peuple et à mê­me de répondre à tous ses besoins pour­ront diri­ger et gou­verner l’Eglise catho­lique dans votre immense pays, et qu’ainsi vous n’ayez plus besoin dans votre apos­to­lat de l’ai­de des mis­sion­naires venus de l’étranger. C’est Notre vœu le plus ardent et, à cet effet, Nous fai­sons mon­ter vers Dieu d’instantes prières. Mais la véri­té elle-​même et la conscience de Notre charge Nous obligent à pro­po­ser à votre atten­tion vigi­lante, et à celle de tous, les points sui­vants : en pre­mier lieu, ces hérauts de l’Evangile qui ont quit­té leur patrie bien-​aimée et sont venus chez vous culti­ver le champ du Seigneur, au prix de leurs tra­vaux et de leurs sueurs, ne sont pous­sés par aucun motif ter­restre ; ils ne cherchent en effet rien d’autre, et n’ont rien de plus à cœur que d’éclairer votre peuple de la lumière de la doc­trine catho­lique, de le for­mer aux mœurs chré­tiennes et de l’aider par un amour sur­na­tu­rel. Ensuite, même le jour où le cler­gé chi­nois suf­fi­sam­ment nom­breux n’aura plus besoin de l’aide des Missionnaires étran­gers, « l’autono­mie de gou­ver­ne­ment », comme l’on dit, ne pour­ra pas plus régir l’Eglise catho­lique dans votre pays que dans les autres. En fait, même alors, comme vous le savez parfai­tement, il sera abso­lu­ment néces­saire que la com­mu­nau­té chré­tienne, si elle veut faire par­tie de la socié­té divi­ne­ment fon­dée par notre Rédempteur, soit en tout sou­mise au Sou­verain Pontife, Vicaire de Jésus-​Christ sur la terre, et lui soit étroi­te­ment unie pour tout ce qui concerne la foi et les mœurs. Par ces mots, — il importe de le noter — Nous enten­dons toute la vie et l’œuvre de l’Eglise ain­si que sa consti­tu­tion, son gou­ver­ne­ment et sa dis­ci­pline. Tout cela cor­res­pond sans aucun doute à la volon­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, ins­tau­ra­teur de l’Eglise. Suivant Sa di­vine volon­té, les fidèles se divisent en deux classes : celle des clercs et celle des laïcs. De par cette même volon­té, il a été éta­bli un double pou­voir sacré : le pou­voir d’ordre et celui de juri­dic­tion. Par le pou­voir d’ordre, la Hiérar­chie Ecclésiastique se com­pose d’évêques, de prêtres, de ministres, et ceci est de consti­tu­tion divine ; on y accède en rece­vant le sacre­ment de l’Ordre. Le pou­voir de juri­diction est direc­te­ment confé­ré, de droit divin, mais seule­ment par l’intermédiaire du suc­ces­seur de Pierre. C’est pour­quoi, non seule­ment les simples fidèles, mais aus­si tous les évêques se doivent de lui res­ter sou­mis dans l’obéissance et l’unité.

De par cette même volon­té divine, il est inter­dit au peuple ou au pou­voir civil de s’ingérer dans les droits et la Constitution de la Hiérarchie Ecclésiastique. [8]

A propos de l”« autonomie économique ».

Nous dési­rons ardem­ment — ceci doit vous appa­raître évident, Vénérables Frères et chers Fils — voir enfin le temps où les dons des fidèles de Chine suf­fi­ront à satis­faire les besoins de votre Eglise Catholique. Pour ce mo­tif, comme vous le savez bien, les res­sources deman­dées aux autres nations pro­viennent de cette cha­ri­té chré­tienne selon laquelle tous ceux qui sont rache­tés par le Sang de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ doivent être unis par des liens fra­ter­nels et pous­sés par l’amour divin à pro­pa­ger le Règne de notre Rédempteur jusqu’à épui­se­ment de leurs forces. Ceci, ils le font, non pour des rai­sons poli­tiques ou pour des motifs pro­fanes, mais seule­ment parce qu’ils cherchent à mettre en pra­tique le Précepte de la Charité que Notre-​Seigneur nous a don­né à tous et par lequel tous recon­naissent ses véri­tables dis­ciples (Jean, XIII, 35.). Ceci, les chré­tiens l’ont tou­jours fait volon­tiers et libre­ment comme en té­moigne l’Apôtre des Gentils lorsqu’il nous parle des fidèles de la Macédoine et de l’Achaïe qui envoyaient spon­ta­né­ment leurs offrandes « au pro­fit des saints de Jérusalem qui sont dans le besoin » (Rom., XV, 26.). L’Apôtre les ex­hortait à agir de même pour ses fils dans le Christ qui vi­vaient à Corinthe ou en Galatie (I Cor., XVI, 1–2.).

L’ « autonomie dans la prédication ».

Il s’en trouve quelques-​uns par­mi vous qui — comme Nous l’avons dit — non contents de récla­mer l’indépen­dance de leur Eglise pour son gou­ver­ne­ment et ses res­sources, entendent pro­mou­voir une cer­taine auto­no­mie dans l’enseignement de la doc­trine chré­tienne et dans la pré­di­ca­tion. Nous ne nions pas que la façon de prê­cher ou d’enseigner doive, si pos­sible, se dif­fé­ren­cier selon les lieux, ni qu’elle doive se confor­mer à la nature particu­lière du peuple chi­nois, à son carac­tère, à ses tra­di­tions et aus­si à ses cou­tumes antiques ; Nous sou­hai­tons donc que l’on agisse ain­si et il convient de le faire si vous en reti­rez plus de profit.

Cependant, de quel droit les hommes interpréteraient-​ils selon leur propre gré et dif­fé­rem­ment sui­vant les na­tions cet Evangile que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ nous a divi­ne­ment révé­lé ? Ceci ne peut pas se conce­voir sans quelque absur­di­té. Aux Evêques qui sont les suc­ces­seurs des Apôtres, et aux prêtres qui rem­plissent avec zèle leur rôle de coopé­ra­teurs des Evêques, il est confié la charge d’annoncer et d’enseigner cet Evangile que Notre-​Seigneur lui-​même et ses Apôtres les tout pre­miers ont annon­cé et ensei­gné. Ce Siège Apostolique, avec tous les Evêques qui lui sont unis, l’ont conser­vé en entier et trans­mis, au cours des siècles, dans son inté­gri­té. Ces saints Pasteurs ne sont pas des inno­va­teurs, ni les auteurs de cet Evangile. Ils en ont été éta­blis seule­ment les gar­diens auto­ri­sés et les hérauts, mais ils le sont de droit divin.

C’est pour­quoi Nous-​même avec les Evêques qui Nous sont unis, pou­vons et devons répé­ter les paroles de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ : « Mon ensei­gne­ment n’est pas de Moi, mais de Celui qui M’a envoyé » (Jean, VII, 16.). A tous les Evê­ques de tous les temps, on peut attri­buer cette exhor­ta­tion de l’Apôtre Paul : « ô Timothée, garde le dépôt. Evite les dis­cours creux et impies, et les contra­dic­tions d’une pseudo-​science » (I Tim., VI, 20.). Et aus­si ces paroles du même Apô­tre : « Garde le bon dépôt, avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous » (II Tim., I, 24.). Nous ne sommes donc pas les maîtres de cette doc­trine comme si l’homme en était l’au­teur. Suivant le devoir de notre conscience, nous devons nous y atta­cher et en rem­plir les pré­ceptes, car c’est Notre-​Seigneur Jésus-​Christ qui nous l’a ensei­gné. A ses Apô­tres et à leurs suc­ces­seurs, Il l’a confié expres­sé­ment avec mis­sion de l’enseigner (Matth., XXVIII, 19–20.). En consé­quence, les Evêques et les prêtres de la véri­table Eglise de Notre-​Seigneur doi­vent se rap­pe­ler et médi­ter tou­jours davan­tage ce que l’Apôtre Paul disait de sa pré­di­ca­tion évan­gé­lique : « je vous le déclare, frères, l’Evangile que je vous ai prê­ché n’est pas d’inspiration humaine et ce n’est pas non plus d’un homme que je l’ai reçu et appris ; non, c’est par une révé­la­tion de Jésus-​Christ » (Gal., I, 11–12.).

Puisque nous sommes cer­tains que cette doc­trine dont nous devons défendre l’intégrité avec l’aide de l’Esprit Saint, a été divi­ne­ment révé­lée, nous redi­sons ces paroles de l’Apôtre : « eh bien ! même si quelqu’un — fût-​ce nous-​même, fût-​ce un ange venu du ciel — vous annon­çait un Evangile dif­fé­rent de celui que nous vous avons annon­cé, qu’il soit ana­thème » (Gal., I, 8.) !

Catholicité et internationalité de l’Eglise.

Vous voyez donc, véné­rables frères et chers fils, qu’ils ne peuvent pas être consi­dé­rés ni hono­rés comme catholi­ques ceux qui pro­fessent ou enseignent dif­fé­rem­ment les véri­tés que Nous avons expo­sées briè­ve­ment. Tels sont, par exemple, ceux qui ont adhé­ré aux prin­cipes per­ni­cieux que l’on nomme les « trois auto­no­mies » ou à d’autres prin­cipes du même genre.

Les pro­mo­teurs d’un tel mou­ve­ment cherchent avec du­plicité et habi­le­té à trom­per les timides ou les âmes simples pour les écar­ter du droit che­min. Dans ce but, ils affirment faus­se­ment que seuls sont de vrais patriotes ceux qui adhèrent à l’Eglise qu’ils ont façon­née : celle des « trois auto­no­mies ». En réa­li­té, ils cherchent à consti­tuer chez vous une Eglise natio­nale. Cette Eglise, si elle exis­tait, ne pour­rait jamais être catho­lique puisqu’elle serait la néga­tion de cette uni­ver­sa­li­té qui est le propre de la catholicité.

Cette socié­té fon­dée par le Christ com­prend toutes les nations et les ras­semble toutes dans leur uni­ver­sa­li­té. Il sied de répé­ter les paroles de Notre Lettre Apostolique déjà men­tion­née : l’Eglise catho­lique « n’appela pas à elle un seul peuple ou une seule nation, mais ce sont tous les hommes, à quelque race qu’ils appar­tiennent, qu’elle aime de la divine cha­ri­té du Christ, qui doit les unir tous par des liens fraternels ».

Personne ne peut donc pré­tendre qu’elle est au ser­vice d’une puis­sance par­ti­cu­lière ; de même qu’on ne peut exi­ger d’elle que, bri­sant l’u­ni­té dont son Divin Fondateur lui-​même a vou­lu la mar­quer, elle laisse se consti­tuer dans chaque nation des églises sépa­rées, qui pour leur mal­heur soient déta­chées du Siège apos­to­lique où Pierre, Vicaire de Jésus-​Christ, vit dans ses suc­ces­seurs jusqu’à la fin des siècles. « Une com­mu­nau­té chré­tienne qui agi­rait ain­si, se des­sé­che­ra comme le sar­ment cou­pé du cep (Jean, XV, 6.) et ne pour­ra pas pro­duire des fruits de salut [9]. »

Exhortation.

Nous exhor­tons donc vive­ment « par la ten­dresse même du Christ-​Jésus » (Phil., I, 8.) ces fidèles dont Nous Nous sommes plaint, à reve­nir dans la voie du salut. S’il est néces­saire de rendre à César ce qui est à César, ils doivent se rap­peler qu’il importe davan­tage de rendre à Dieu ce qui est à Dieu (Luc, XX, 25.). Quand les hommes ordonnent de faire ce qui est contraire à la volon­té divine, il faut alors mettre en pra­tique la maxime de l’Apôtre Pierre : « Il faut obéir à Dieu plu­tôt qu’aux hommes » (Act., V, 29.). Il faut se rap­pe­ler qu’il n’est pas pos­sible de ser­vir deux maîtres lorsque ceux-​ci donnent des ordres contra­dic­toires (Matth., VI, 24). Il est aus­si par­fois impos­sible de plaire à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ en mê­me temps qu’aux hommes (Gal., I, 10.). S’il advient que pour res­ter fidèle au divin Rédempteur, on doive affron­ter la mort, il le faut sup­por­ter avec cou­rage et avec calme.

Nous vou­lons féli­ci­ter tou­jours davan­tage ceux qui, affli­gés de peines cruelles, se sont dis­tin­gués dans leur foi en Dieu et leur fidé­li­té à l’Eglise catho­lique. Pour cette rai­son : « ils ont été jugés dignes d’endurer des outrages pour le nom de Notre-​Seigneur » (Act., V, 41). Nous les exhor­tons pater­nel­le­ment à pro­gres­ser avec cou­rage et fer­me­té dans la voie où ils sont déjà avan­cés, en se rap­pe­lant les divi­nes paroles : « ne crai­gnez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; crai­gnez bien plu­tôt celui qui peut faire périr corps et âme dans la Géhenne … Vos che­veux même sont tous comp­tés. Soyez donc sans crain­te… Quiconque se décla­re­ra pour moi devant les hommes, à mon tour je me décla­re­rai pour lui devant Mon Père qui est dans les cieux ; mais celui qui m’aura renié devant les hommes, à mon tour, je le renie­rai devant Mon Père qui est dans les cieux » (Matth., X, 28, 30–33.).

Vénérables Frères et chers Fils, elle n’est pas légère l’épreuve que la loi divine vous impose ; mais le Christ a décla­ré bien­heu­reux ceux qui souf­fraient per­sé­cu­tion pour la jus­tice et il leur demande d’être dans la joie et dans l’allégresse car leur récom­pense sera grande dans les cieux (Matth., V, 10–12.). Bienveillant, Il vous assis­te­ra du haut des cieux de son secours tout-​puissant afin que vous puis­siez com­battre le bon com­bat et conser­ver la foi (II Tim., IV, 7.). La Mère de Dieu, la Très Sainte Vierge Marie, qui est aus­si la Mère très aimante de tous, vous assis­te­ra de sa très puis­sante pro­tec­tion. Elle est la Reine de la Chine, Elle vous défend et vous aide spé­cia­le­ment en cette année mariale, afin que vous per­sé­vé­riez tou­jours dans vos dis­po­si­tions. Ils vous assistent du haut du ciel, les saints mar­tyrs de la Chine, ceux qui ont mar­ché joyeu­se­ment vers la mort à cause de leur véri­table amour pour leur pays, et par-​dessus tout, à cause de leur fidé­li­té au Divin Rédempteur et à Son Eglise.

En gage des grâces célestes et en témoi­gnage de Notre très spé­ciale affec­tion, Nous vous accor­dons bien volon­tiers dans le Seigneur Notre Bénédiction apos­to­lique, à vous-​mêmes, Vénérables Frères et très chers fils, et à tout le peuple de la Chine qui Nous est si cher [10].

Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, année 1954, Édition Saint-​Augustin Saint-​Maurice, publié en 1956. – D’après le texte latin des A. A. S., XXXXVII, 1955, p. 5.

Notes de bas de page
  1. A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 153 s. ; cf. Documents Pontificaux 1952, p. 24.[]
  2. Ibid., p. 157 ; cf. Documents Pontificaux 1952, p. 50.[]
  3. A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 155 ; cf. Documents Pontificaux 1952, p. 27.[]
  4. C’est ain­si qu’un Décret de la S. Congrégation de la Propagande, du 1er février 1952, a excom­mu­nié, en appli­ca­tion des canons 2331, § 2 et 2334, n° 2, l’Abbé Jean-​Baptiste Ly, Vicaire Général de Nanking pour avoir agi — par la parole et par les actes — contre l’au­to­ri­té légi­time du Délégué du Souverain Pontife (cf. A. A. S., XXXXVII, 1955, p. 247).[]
  5. A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 155 ; cf. Documents Pontificaux 1952, p. 27.[]
  6. Ibid., p. 153 ; cf. Documents Pontificaux 1952, p. 24.[]
  7. A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 155 ; cf. Documents Pontificaux 1952, p. 28.[]
  8. Cf. Conc. Trid., Sess., XXIII, De Ordine, can. 2–7 ; Conc. Vat., Sess. IV ; C. I. C., can. 108–109.[]
  9. A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 155 ; cf. Documents Pontificaux 1952, p. 27.[]
  10. En 1947 il y avait en Chine 5496 mis­sion­naires étran­gers ; en 1954 il n’en res­tait que 352 ; donc plus de 90% avaient été soit expul­sés à Hong-​Kong, soit tués et quelques-​uns étaient morts natu­rel­le­ment.
    Le Délégué Apostolique, S. Exc. Mgr Riberi, avait été expul­sé en 1951. Les plus fausses calom­nies étaient lan­cées contre l’Eglise Catholique en Chine et les mis­sion­naires accu­sés mécham­ment des crimes les plus abo­mi­nables contre le peuple.[]