A nos vénérables frères l’archevêque de Varsovie et les évêques de Plock et de Lubin en Pologne
Pie X, Pape
Vénérables frères,
Salut et Bénédiction apostolique
Depuis environ trois ans le Siège apostolique a été régulièrement informe que des prêtres de vos diocèses, surtout parmi le jeune clergé, avaient institué, sans aucune autorisation de leurs supérieurs légitimes, une association pseudo-monastique sous le vocable de mariavites ou de prêtres mystiques, et que les membres de cette association, s’écartant peu à peu de la voie droite et de l’obéissance due aux évêques que « l’Esprit-Saint a établis pour gouverner l’Eglise de Dieu », se consumaient en vaines imaginations.
Ils avaient avec eux une femme qu’ils proclamaient très sainte. C’était, à les entendre, une personne merveilleusement comblée des dons célestes, éclairée sur bien des choses par les lumières d’en liant, et réservée par Dieu à ces derniers temps pour sauver le monde voué à une ruine prochaine.
Pour tout ce qui concerne la conscience et la piété, ils n’hésitaient pas à s’en remettre entièrement à sa direction et demeuraient soumis à ses moindres volontés.
Ainsi, s’autorisant d’un ordre de Dieu, ils exhortaient le peuple, de leur propre chef et sans aucun discernement, à de très fréquents exercices de piété – d’ailleurs fort recommandables pourvu qu’on les accomplisse suivant les règles –, surtout à l’adoration du Très Saint Sacrement et à la communion fréquente.
Ils n’hésitaient pas à charger des plus graves accusations les prêtres ou les évêques qu’ils supposaient avoir quelques doutes sur la sainteté et la vocation divine de cette femme ou n’être que peu favorables à l’association dite des mariavites.
On pouvait craindre que beaucoup de fidèles, victimes d’une déplorable déception, ne voulussent s’éloigner des pasteurs légitimes.
C’est pourquoi, ayant pris conseil de Nos Vénérables Frères les cardinaux de la Sainte Eglise Romaine inquisiteurs généraux, Nous avons fait publier, comme vous le savez, un décret, en date du 4 septembre 1904, supprimant complètement la susdite association ecclésiastique et ordonnant de cesser toute relation avec la femme dont il a été parlé.
Ces prêtres signèrent, il est vrai, une attestation de soumission à l’autorité des évêques ; bien qu’ils aient peut-être, comme ils l’affirment, cessé en partie leurs relations avec cette personne, ils n’ont aucunement abandonné leur entreprise ni renoncé d’un cœur sincère à l’association que Nous avions condamnée.
Non seulement ils méprisèrent vos exhortations et vos ordres, non seulement plusieurs d’entre eux signèrent une déclaration effrontée par laquelle ils rejetaient la communion de leurs évêques, non seulement ils excitèrent en diverses localités le peuple qu’ils avaient séduit à chasser les pasteurs légitimes, mais ils soutinrent, suivant la lactique de nos ennemis, que l’Eglise était sortie des voies de la vérité et de la justice, que par suite le Saint-Esprit l’avait abandonnée et que, la mission divine d’enseigner au peuple fidèle la vraie piété n’était plus donnée qu’à eux seuls, prêtres mariavites.
Ce n’est pas tout. Il y a quelques semaines on vit venir à Rome deux de ces prêtres ; ils se nommaient, l’un, Romain Prochniewski, l’autre, Jean Kowalski. Ce dernier, jouissant d’une délégation de la femme en question, est regardé par tous les autres membres de la secte comme leur chef.
Tous deux nous demandaient, dans une supplique qu’ils avaient écrite, disaient-ils, sur l’ordre exprès de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que le suprême Pasteur de l’Eglise, ou eu son nom la Congrégation du Saint-Office, donnât en faveur de celle association un document dont la teneur serait la suivante :
Marie-Françoise (c’est le nom de cette femme), élevée par Dieu à un très haut degré de sainteté, est la mère de miséricorde donnée à tous les hommes appelés par Dieu au salut et par lui élus en ces derniers temps du monde ; tous les prêtres mariavites ont reçu de Dieu l’ordre de répandre dans le monde entier le culte du Très Saint Sacrement et de la bienheureuse Vierge Marie du Perpétuel Secours. Ils ne seront entravés dans l’accomplissement de cette mission par aucun droit ecclésiastique, aucune loi humaine, aucune coutume, aucune puissance ecclésiastique ou humaine.
En entendant ces paroles. Nous avons voulu supposer que ces prêtres étaient peut-être moins aveuglés par un orgueil conscient que par l’ignorance et les apparences trompeuses, comme ces faux prophètes dont parle Ezéchiel : « Ils ont des visions vaines et ils profèrent des oracles de mensonge, disant : Ainsi a parlé Jéhovah, sans que Jéhovah les ait envoyés, et ils ont continué à maintenir leur assertion. Ne sont-ce pas des visions vaines que celles que vous voyez, et des oracles menteurs que ceux que vous prononcez ? Et pourtant vous dites : Ainsi a parlé Jéhovah. Et moi je n’ai point parié. » [1]
Les ayant donc accueillis avec miséricorde, Nous les avons exhortés à laisser de côté leurs vaines et trompeuses révélations, à soumettre sincèrement leurs personnes et leurs œuvres à la direction salutaire de leurs chefs hiérarchiques, et à ramener promptement les fidèles du Christ dans la voie sûre de l’obéissance et du respect qu’ils doivent à leurs pasteurs.
Nous les avons enfin engagés à laisser à la sollicitude du Saint-Siège apostolique et de ceux qui en ont la mission le soin d’approuver les pratiques de dévotion qui, dans plusieurs paroisses de vos diocèses, Vénérables Frères, paraîtraient plus aptes à favoriser le plein épanouissement de la vie chrétienne et de réprimander, s’il s’en trouvait, les prêtres qui critiqueraient ou estimeraient inutiles les exercices de piété et de dévotion approuvés dans l’Eglise.
Ce n’est pas sans consolation que Nous les avons vus, émus de Notre bonté paternelle, se jeter à Nos pieds et proclamer leur ferme volonté d’accéder à Nos désirs avec une filiale soumission.
Ensuite ces mêmes prêtres Nous firent présenter une déclaration écrite [2]; Nous en conçûmes une plus vive espérance que ces fils trompés abandonneraient sincèrement leurs illusions passées et rentreraient dans la voie droite. Voici quels étaient les termes de cette déclaration :
Toujours disposés à accomplir la volonté de Dieu, qui vient de se manifester à nous d’une manière si évidente par son Vicaire, nous désavouons très sincèrement et avec une très grande joie la lettre que nous avons adressée le 1er février de cette année à l’archevêque de Varsovie et dans laquelle nous avions déclaré nous séparer de lui. De plus, avec une grande sincérité et une joie très vive, nous affirmons notre volonté d’être toujours unis à nos évêques, spécialement à l’évêque de Varsovie, aussi longtemps que Votre Sainteté nous le commandera.
En outre, comme nous agissons présentement au nom de tons les mariavites, nous faisons cette déclaration d’obéissance et de soumission totales non seulement au nom de tous les mariavites, mais encore en celui de tout le groupe des adorateurs du Très Saint Sacrement.
Nous faisons aussi cette déclaration spécialement au nom des mariavites de Plock, qui, pour la même raison que les mariavites de Varsovie, ont déclare à leur évêque qu’ils se séparaient de lui.
C’est pourquoi, prosternés aux pieds de Votre Sainteté, nous réitérons, tous sans exception, l’assurance de notre amour, de notre obéissance au Saint-Siège et tout particulièrement à Votre Sainteté, vous demandant très humblement pardon de tout ce qui, soit de notre part soit à cause de nous, aurait pu affliger votre cœur paternel.
Enfin nous déclarons que nous sommes prêts à travailler de toutes nos forces pour que la paix entre le peuple et les évêques se rétablisse au plus tôt. Bien plus, nous pouvons affirmer que cette paix reviendra sans tarder.
Il Nous était donc très doux d’espérer que ces fils, après avoir obtenu Notre pardon paternel, s’appliqueraient, dès leur retour en Pologne, à réaliser promptement leurs promesses. Dans ce but, Vénérables Frères, Nous vous avons engagés aussitôt à accueillir avec une miséricorde égale à la Nôtre ces prêtres et leurs compagnons qui se disaient pleinement soumis à votre autorité, et, si les faits répondaient aux promesses, à les rétablir dans leurs anciennes fonctions sacerdotales en vous conformant aux prescriptions du droit.
Mais l’événement a trompé notre attente ; Nous avons su, en effet, par de récents renseignements, qu’ils avaient de nouveau ajouté foi à des révélations mensongères. Accueillis par vous en Pologne, non seulement ils ne vous ont pas présenté, Vénérables Frères, comme ils avaient promis de le faire, un témoignage de leur respect et de leur soumission, mais encore ils ont écrit à leurs associés et au peuple une lettre qui n’était nullement conforme ni à la réalité ni à la véritable obéissance.
Elle est donc vaine, cette assurance qu’ils donnaient de leur fidélité au Vicaire du Christ, puisqu’en fait ils ne cessent de résister ouvertement à l’autorité de leurs pasteurs.
En effet, « ce sont les évêques qui forment la partie la plus auguste de l’Eglise, comme on lit dans la lettre que le 17 décembre 1888 Léon XIII, Notre prédécesseur de sainte mémoire, a écrite à l’archevêque de Tours ; le corps épiscopal instruit et dirige les hommes de par le droit divin ; et c’est pourquoi quiconque leur résiste ou refuse opiniâtrement de les écouter s’écarte de l’Eglise […] D’autre part, il n’appartient d’aucune façon à de simples particuliers de rechercher la raison des actes des évêques et de les critiquer, mais cela ne regarde que leurs supérieurs dans la hiérarchie sacrée, en premier lieu le Souverain Pontife, à qui le Christ a confié le soin de paître non seulement les agneaux, mais encore toutes les brebis, quelles qu’elles soient et en tous lieux.
» Tout au plus est-il permis, lorsqu’il existe quelque grave sujet de plainte, de porter l’affaire devant le Pontife romain ; mais encore faut- il agir en cela avec la réserve et la modération que recommande le souci du bien commun, en évitant les contestations bruyantes et les objurgations, qui sont plutôt de nature à engendrer des dissensions et des froissements, ou du moins à les augmenter ».
Quant à l’exhortation faite par le prêtre Jean Kowalski à ses compagnons d’égarement à propos du rétablissement de la paix, elle devra aussi être considérée comme vaine et hypocrite tant que dureront leurs déclamations contre les pasteurs légitimes, leurs appels à la révolte et leurs infractions audacieuses aux ordres des évêques.
C’est pourquoi, voulant éviter aux fidèles disciples du Christ et à ceux des prêtres dits mariavites qui sont restés jusqu’ici dans la bonne foi le malheur d’être trompés plus longtemps par les fourberies de Marie- Françoise et du prêtre Jean Kowalski, Nous confirmons à nouveau le décret qui supprime complètement l’association des mariavites, formée suivant un dessein illégitime et sans valeur ; Nous la déclarons supprimée, Nous la réprouvons et Nous maintenons l’interdiction déjà faite par Nous à tous les prêtres, quels qu’ils soient, d’avoir des rapports avec cette femme et de la recevoir sous aucun prétexte ; exception est faite seulement pour le prêtre que l’évêque de Plock, dans sa prudence, aura jugé bon de lui députer comme confesseur.
Pour vous, Vénérables Frères, Nous vous exhortons vivement à recevoir avec une charité paternelle ces prêtres égarés dès qu’ils seront venus sincèrement à résipiscence, et, après les avoir dûment éprouvés, n’hésitez pas à les appeler de nouveau à remplir sous votre direction les fonctions de leur ministère. Que si, au contraire, méprisant vos exhortations, ils persévèrent dans leur esprit de révolte – Dieu veuille écarter un tel malheur ! –, ce sera Notre devoir de sévir contre eux avec plus de rigueur.
Pour les fidèles du Christ qui ont été victimes d’une aberration actuellement pardonnable, efforcez-vous de les ramener dans le droit chemin, et appliquez-vous à encourager dans vos diocèses ces exercices de piété chrétienne que, par des actes multipliés depuis longtemps et tout récemment encore, le Saint-Siège a pleinement approuvés. Encouragez-les avec d’autant plus d’ardeur que chez vous maintenant, grâce à Dieu, les prêtres et les fidèles ont une liberté plus grande, ceux-là pour exercer leur ministère, ceux-ci pour imiter les exemples de piété donnés par leurs ancêtres.
En attendant, comme gage des dons célestes et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous vous accordons de tout cœur dans le Seigneur, à vous, Vénérables Frères, à votre clergé et à tout le peuple confiés à votre foi et à votre vigilance, la bénédiction apostolique.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 5 avril 1906, la troisième année de Notre Pontificat.
PIE X, PAPE.
Source : Actes de S. S. Pie X, tome 2, La Bonne Presse.