Aux vénérables frères Patriarches, Primats, Archevêques, Évêques et autres Ordinaires des lieux en paix et communion avec le Siège Apostolique
Vénérables frères,
Salut et bénédiction apostolique
Ce que la parole divine rappelle maintes fois dans les Saintes-Ecritures, que le juste laissera une mémoire éternelle de louanges et qu’il parle encore après sa mort [1], se vérifie surtout dans l’œuvre et renseignement continuel de l’Eglise.
Celle-ci, en effet, mère et génératrice de sainteté, toujours animée d’une vigueur juvénile, dirigée et fécondée par le souffle de l’Esprit-Saint qui habite en nous (Rom. viii, 11), non seulement est seule à engendrer, à nourrir et à élever dans son sein la très noble lignée des justes, mais elle est encore préoccupée plus que tout autre, comme par un instinct d’amour maternel, à en conserver la mémoire et à en rétablir l’honneur. Un tel souvenir lui donne comme un réconfort divin, et lui fait détourner sa vue des misères de ce pèlerinage mortel ; en même temps, elle voit déjà dans les saints sa joie et sa couronne ; elle reconnaît en eux la sublime image de son Epoux céleste, et, forte de ce témoignage nouveau, elle pénètre ses fils de cotte parole antique : Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son éternel dessein (Rom. viii, 28). Et non seulement il Nous est doux d’évoquer leurs œuvres glorieuses, mais Nous y trouvons encore un lumineux exemple proposé à votre imitation ; c’est un vif stimulant à la vertu que cet écho unanimement répété par les saints, répondant à la voix de Paul : Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ (I Cor. iv, 16).
Pour ces motifs, Vénérables Frères, à peine avions-Nous assumé la charge du Souverain Pontificat et signifie par Notre première Lettre Encyclique [2] Notre dessein de Nous employer constamment à « instaurer toutes choses dans le Christ », qu’en même temps Nous Nous sommes vivement efforcé de diriger, ainsi que les Nôtres, les regards de tous vers Jésus, l’Apôtre et le Pontife de notre religion, l’Auteur et le Consommateur de la foi (Hebr. iii, 1 ; xii, 2–3). Mais, puisque Notre faiblesse est telle que nous sommes facilement effrayés de la grandeur d’un tel modèle. Nous avions, par un bienfait de la Providence divine, un autre modèle à vous proposer ; pour être aussi proche du Christ qu’il est possible à la nature humaine, ce modèle est aussi plus conforme à Notre faiblesse, Nous voulons parler de la bienheureuse Vierge, l’auguste Mère de Dieu [3]. Enfin, saisissant successivement diverses occasions de faire revivre la mémoire des saints, Nous avons proposé à votre commune admiration ces serviteurs et ces dispensateurs fidèles de la maison de Dieu, et à des degrés divers, suivant le rang propre de chacun, ses amis et ses familiers ; ce sont eux qui par la foi ont vaincu les royaumes, opéré la justice, obtenu les promesses [4], voulant qu’aiguillonnés par leurs exemples nous ne soyons plus des enfants, flottants et emportés à tout vent de doctrine, par la tromperie des hommes, par leur astuce pour induire en erreur, mais que, confessant la vérité, nous continuions à croître à tous égards dans la charité en union avec Celui qui est le chef, le Christ (Eph. iv, 11 sq.).
Ce conseil très élevé de la Providence divine, Nous l’avons montré réalisé tout spécialement en trois personnages, qui, grands pasteurs des peuples et grands docteurs, vécurent en des temps bien divers, mais à peu près également malheureux pour l’Eglise. Ce sont : Grégoire le Grand, Jean Chrysostome et Anselme d’Aoste, dont on vient de célébrer solennellement en ces dernières années les centenaires. Même, Nous avons plus spécialement, en deux Lettres Encycliques datées du 12 mars 1904 et du 21 avril 1909, expliqué ces points de doctrine et ces préceptes de vie chrétienne qui Nous semblèrent appropriés à notre époque et se rattachent aux exemples et aux enseignements des saints.
Et parce que Nous sommes persuadé que les exemples illustres des soldats du Christ sont beaucoup plus efficaces pour entraîner les esprits que ne sauraient l’être des paroles ou des considérations élevées [5], Nous profitons volontiers aujourd’hui d’une autre heureuse opportunité qui s’offre à Nous pour recommander les très utiles enseignements d’un autre saint pasteur, suscité de Dieu en des temps plus rapprochés de nous, et presque au milieu des mêmes tempêtes ; Nous voulons nommer saint Charles Borromée, cardinal de la sainte Eglise romaine, archevêque de Milan, inscrit par Paul V Notre prédécesseur, de sainte mémoire, il y a trois cents ans, au catalogue des saints. Et cette disposition n’est pas moins heureuse, puisque, pour Nous servir des paroles de ce même prédécesseur, « le Seigneur, qui accomplit à lui seul de grands miracles ; a fait parmi nous en ces derniers temps des choses merveilleuses, et, par une action admirable de sa Providence, a élevé sur le roc de la pierre apostolique une grande lumière, en choisissant dans le sein de la sacro-sainte Eglise romaine Charles, prêtre fidèle, bon serviteur, modèle du troupeau et modèle des pasteurs. Et de fait, illuminant toute l’Eglise par l’éclat multiple des œuvres saintes, il brille devant les prêtres et le peuple, tel Abel par l’innocence, Enoch par la pureté, Jacob par le support des fatigues, Moïse par la mansuétude, Elie par le zèle ardent. Il nous donne à imiter dans sa vie l’austérité de Jérôme au milieu de l’abondance des délices, l’humilité de Martin parmi les dignités les plus élevées, la sollicitude pastorale de Grégoire, la liberté d’Ambroise, la charité de Paulin, et, finalement, il nous donne de voir avec nos yeux, de toucher avec nos mains un homme qui, tandis que le monde lui prodigue ses flatteries, vit crucifié au monde, vit de l’esprit, foulant aux pieds les choses terrestres, cherchant continuellement les choses célestes ; non seulement cet homme remplit, en vertu de sa position, les fonctions angéliques, mais il se fait sur la terre l’émule de la vie des anges par ses pensées et par ses œuvres ». [6]
Notre prédécesseur s’exprimait ainsi, cinq lustres après la mort de Charles. Et maintenant que trois siècles se sont écoulés depuis la glorification qu’il décréta, « c’est à bon droit que notre lèvre est remplie de joie et notre langue d’allégresse, au jour insigne de notre solennité ; en ce jour, le décret décernant les honneurs sacrés à Charles, cardinal prêtre de la sainte Église romaine, à laquelle Nous présidons, par une disposition de la volonté du Seigneur, est venu ajouter une couronne enrichie de toutes les pierres précieuses à son unique Épouse ». Ainsi, Nous partageons avec Notre prédécesseur la confiance que la contemplation de la gloire de notre saint, et plus encore les enseignements et les exemples laissés par lui, humilieront l’orgueil des impies et couvriront de confusion tous ceux qui « se glorifient des simulacres de l’erreur » [7]. Il adviendra par-là que la glorification Renouvelée de Charles, modèle du troupeau et des pasteurs dans les temps modernes, champion et conseiller infatigable de la vraie réforme catholique contre ces novateurs récents dont le projet n’était pas la restauration, mais plutôt la déformation et la destruction de la foi et des mœurs, servira, après trois siècles, à tous les catholiques, de réconfort et d’instruction, comme aussi de noble excitation, pour coopérer activement à l’œuvre qui Nous tient tant à cœur, de la restauration de toutes choses dans le Christ.
Certainement vous savez bien, Vénérables Frères, que l’Église, malgré d’incessantes tribulations, n’est jamais laissée par Dieu privée de toute consolation. C’est parce que le Christ l’a aimée… et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier et de la faire comparaître glorieuse devant lui, sans tache ni ride ni rien de semblable, mais pour qu’elle soit sainte et immaculée. (Eph. v, 25 sq.) Aussi, quand la licence des mœurs est plus déchaînée, plus féroce l’élan de la persécution, plus perfides les embûches de l’erreur, et quand ces maux semblent la menacer de la dernière ruine au point d’arracher de son sein nombre de ses fils pour les renverser dans, le tourbillon de l’impiété et des vices, c’est alors que l’Église éprouve le plus efficacement la protection divine. Car Dieu fait en sorte que l’erreur elle-même, que les méchants le veuillent ou non, serve au triomphe de la vérité, dont l’Église est la gardienne vigilante ; il fait de même servir la corruption au progrès de la sainteté, dont elle est la génératrice et la maîtresse, et la persécution à une plus merveilleuse libération de nos ennemis. Ainsi advient-il que lorsque l’Église apparaît aux yeux des profanes comme abattue par la tempête la plus violente, et en quelque sorte submergée, alors elle en sort plus belle, plus forte, plus pure, brillant de l’éclat des plus grandes vertus. De la sorte, la souveraine bonté de Dieu confirme par de nouvelles preuves que l’Église est une œuvre divine ; soit parce que dans l’épreuve la plus douloureuse, celle des erreurs et des fautes qui se glissent parmi ses membres, elle lui fait surmonter le danger, soit parce qu’elle lui montre réalisée la parole du Christ : Les portes de l’enfer ne prévaudront pas Contre elle (Matth. xvi, 18); soit parce qu’elle accomplit de fait la promesse : Voici que je serai avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles (Matth. xxviii, 20); soit enfin parce qu’elle témoigne de cette puissance mystérieuse par laquelle un autre Paraclet, que lui a promisse Christ à son prompt retour au ciel, répand continuellement sur elle ses dons, et la défend, et la console en toutes ses tribulations ; esprit qui demeure éternellement en elle ; esprit de vérité que le monde ne peut recevoir parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas, car il demeurera en vous et sera avec vous. (Joan. xiv, 16 sq. ; 26, 59 ; xv, 7 sq.) De cette source jaillissent la vie et la vigueur de l’Église ; c’est par là qu’elle se distingue de toute autre société, ainsi que l’enseigne le Concile œcuménique du Vatican, par les notes manifestes qui la signalent et l’établissent « comme un étendard élevé parmi les nations » [8].
Et, de fait, seul un miracle de la puissance divine peut faire que, malgré l’envahissement de la corruption et les fréquentes défections de ses membres, l’Église, corps mystique du Christ, puisse se maintenir indéfectible dans la sainteté de sa doctrine, de ses lois et de sa fin, tirer des mêmes causes des effets également fructueux, recueillir de la foi et de la justice d’un grand nombre de ses fils des fruits très abondants de salut. Et la marque de sa vie divine n’apparaît pas moins évidemment en ce fait que, parmi de si grands et de si honteux courants d’opinions perverses, parmi un si grand nombre de rebelles, parmi une variété si multiple d’erreurs, elle persévère néanmoins, constante et immuable, comme la colonne et le soutien de la vérité, dans la profession d’une même doctrine, dans la communion des mêmes sacrements, dans sa constitution divine, dans le gouvernement, dans la morale. Et cela est d’autant plus admirable que, non seulement elle résiste au mal, mais qu’elle vainc le mal par le bien et ne laisse jamais de bénir ses amis comme ses ennemis, travaillant ardemment à ce but, qu’elle désire tant réaliser, de rénover par des institutions chrétiennes la société comme les individus. Car cette œuvre constitue sa mission propre dans le monde, et ses ennemis eux-mêmes en ressentent les bienfaits.
Une si admirable action de la Providence dans l’œuvre restauratrice effectuée par l’Église apparaît avec éclat, dans ce siècle qui a vu surgir saint Charles Borromée, pour le réconfort des gens de bien. Alors, le déchaînement des passions, le soin de masquer et d’obscurcir presque complètement la connaissance de la vérité occasionnaient une lutte continuelle contre les erreurs, et la société humaine, courant aux pires excès, semblait travailler à sa ruine.
Au sein de ces calamités, l’on voyait s’élever des hommes orgueilleux et rebelles, ennemis de la croix du Christ… hommes aux sentiments terrestres, ayant pour dieu leur ventre (Philip. iii, 18, 19). Ceux-ci s’appliquaient, non à corriger les mœurs, mais à nier les dogmes ; ils multipliaient les désordres, relâchaient, pour eux et pour les autres, les freins apportés à la licence, méprisaient ouvertement la direction autorisée de l’Eglise, et, mettant à profit les passions des princes ou des peuples plus corrompus, en ruinaient avec une sorte de violence tyrannique la doctrine, la constitution, la discipline. Puis, imitant ces impies à qui est adressée la menace : Malheur à vous qui appelez mal le bien et bien le mal (Is. v, 20), ils ont appelé réforme ces révoltes séditieuses et cette perversion de la foi et des mœurs, se donnant à eux-mêmes le titre de réformateurs. Mais, en réalité, ce furent des corrupteurs. Enervant par des guerres et des luttes intestines les forces de l’Europe, ils préparèrent les rébellions et l’apostasie des temps modernes, où se renouvelèrent en même temps comme dans un seul élan ces trois sortes de luttes, d’abord isolées, et dont l’Eglise est sortie toujours Victorieuse : les luttes sanglantes des premiers siècles, la peste intérieure des hérésies, enfin, sous le nom de liberté évangélique, cette corruption provenant des vices, et cette perversion de la discipline, à laquelle n’avait peut-être pas atteint le moyen âge.
A cotte foule de séducteurs, Dieu opposa de vrais réformateurs et dos hommes saints, soit pour arrêter ce courant impétueux et éteindre cette effervescence, soit pour réparer les maux déjà causés. Leur action assidue, leurs efforts multiples pour la réforme de la discipline apportèrent d’autant plus de consolation à l’Eglise que plus grave était la tribulation qui l’opprimait. Ainsi s’accomplit la parole sacrée : Dieu est fidèle, il donnera avec la tentation le succès. (I Cor. x, 13.) En de telles circonstances, le zèle et la sainteté émérite de Charles Borromée ajoutèrent, par une disposition de la Providence, à la joie sainte de l’Eglise.
Or, son ministère, par l’action directrice de Dieu, eut une force et une efficacité très spéciales, non seulement pour briser l’audace des factieux, mais encore pour instruire les fils de l’Eglise et leur rendre la ferveur. Des premiers il réprimait les folles audaces et réfutait les futiles accusations avec l’éloquence la plus puissante, on y joignant l’exemple de la vie et des œuvres ; des autres, il relevait les espérances et ravivait l’ardeur. Et ce fut merveille de voir comment il réunit en lui, dès sa jeunesse, toutes les qualités d’un vrai réformateur, qualités qui, chez les autres, sont éparses et distinctes ; on vit briller en lui vertu, jugement, doctrine, autorité, puissance, activité ; tous ces dons, il les fît servir également à la défense qui lui était confiée de la vérité catholique contre les hérésies envahissantes. Cette mission, qu’il partageait avec la mission propre de l’Eglise, il la réalisa en réveillant la foi endormie et comme éteinte chez plusieurs ; il la fortifia par des lois et des institutions pleines de sagesse ; il rétablit la discipline tombée, et ramena par son énergie aux règles de la vie chrétienne les mœurs du clergé et du peuple. Ainsi, tandis qu’il remplissait entièrement sa tâche de réformateur, il ne laissait pas d’accomplir en ce même temps tous les devoirs du bon et fidèle serviteur, et plus tard ceux du prêtre éminent, qui en son temps plut à Dieu et fut trouvé juste. Il mérita de la sorte d’être choisi comme modèle par toutes sortes de personnes, clercs et laïques, riches et pauvres. Son excellence, comme la leur, se résume dans cet éloge adressé à l’évêque ou au prélat qui, obéissant aux préceptes de l’apôtre Pierre, s’était fait de tout son cœur le modèle du troupeau (I Petr. v, 3). Et il n’y a pas lieu de moins admirer ce fait que Charles, avant d’avoir atteint l’âge de vingt ans, élevé aux plus grands honneurs, admis à prendre part aux affaires graves et souverainement difficiles de l’Eglise, ait progressé chaque jour davantage dans l’exercice le plus parfait de la vertu, par cette contemplation des choses divines qui dans la retraite sacrée l’avait déjà renouvelé, et le faisait maintenant briller en le mettant en spectacle au monde, aux anges et aux hommes.
Alors, pour employer encore l’expression de Paul V Notre prédécesseur, le Seigneur commença vraiment de faire paraître en Charles le cours de ses merveilles ; il fit preuve de sagesse, de justice, d’un zèle très ardent à promouvoir la gloire de Dieu et du nom catholique, d’une sollicitude spéciale pour cette œuvre de restauration de la foi et de l’Eglise Universelle, qui était aussi la préoccupation de l’auguste Concile de Trente. Le même Pontife et la postérité entière lui accordent tout le mérite de la célébration de ce Concile, en ce sens qu’avant d’en être l’exécuteur le plus fidèle il en fut le plus ferme soutien. Et certes, ce ne fut pas sans de nombreuses veilles, sans beaucoup d’ennuis et de fatigues qu’il put mener à bien cette entreprise.
Cependant, tous ces événements n’étaient pas autre chose qu’une préparation, comme un noviciat de vie, où il se formait le cœur par la piété, l’esprit par l’étude, le corps par la fatigue, à tel point que ce jeune homme, modeste et plein d’humilité, était comme l’argile entre les mains de Dieu et de son Vicaire sur la terre. Cette vie de préparation faisait précisément l’objet du mépris des fauteurs de nouveauté ; telle est aussi la sottise de nos modernes qui ne remarquent pas, dans leur mépris, les œuvres merveilleuses de Dieu, lentement mûries dans l’ombre et le silence de l’âme qui s’adonne à l’obéissance et à la prière : cette préparation contient comme le germe du progrès futur, de même que dans la semence on voit poindre l’espérance de la moisson.
Néanmoins, la sainteté et l’activité de Charles, qui s’annonçaient alors sous de si brillants auspices, se développèrent ensuite et produisirent des fruits merveilleux, comme nous l’avons insinué plus haut, quand, tel « un bon ouvrier, il quitta la splendeur et la majesté de Rome, il se retira dans le champ qu’il avait choisi pour le cultiver (Milan) ; là, remplissant chaque jour mieux son office, il retourna ce champ déjà affreusement abîmé par la tristesse des temps et rendu agreste par les ronces qui le couvraient ; il lui rendit enfin une telle splendeur qu’il fît de l’Eglise de Milan un très illustre modèle de discipline ecclésiastique » [9]. Tels sont les grands et remarquables résultats qu’il obtint en conformant son œuvre de réforme aux règles proposées peu auparavant par le Concile de Trente.
L’Eglise, en effet, sachant combien les sentiments et les pensées de l’âme humaine sont enclins.au mal (Gen. viii, 21), ne cesse jamais de lutter contre les vices et les erreurs, afin de détruire le corps de péché pour que nous ne soyons plus les esclaves du péché (Rom. vi, 6). Et dans cette lutte, comme elle est sa propre maîtresse, et qu’elle se guide d’après la grâce répandue dans nos cœurs par l’Esprit-Saint, elle emprunte aussi sa règle de penser et d’agir au Docteur des Gentils, qui a dit : Renouvelez-vous dans votre esprit et dans vos pensées. (Eph. iv, 23.) Et ne vous conformez pas ait siècle présent, mais transformez-vous par le renouvellement de l’esprit afin que vous éprouviez quelle est ta volonté de Dieu, et ce qui est bon, ce qui est agréable, ce qui est parfait. (Rom. xii, 2.) Le fils de l’Eglise, le réformateur sincère ne se persuade jamais d’avoir atteint le but, mais il proteste seulement d’y tendre, ainsi que l’apôtre quand il dit : Oubliant ce qui est derrière moi, je me porte de tout moi-même vers ce qui est en avant ; je cours droit au but, afin de remporter le prix pour lequel Dieu m’a appelé d’en haut en Jésus-Christ (Philip. iii, 13, 14).
Il advient par-là, qu’unis avec le Christ dans l’Eglise, nous continuons à croître à tous égards dans la charité de Celui qui est la tête, le Christ. C’est de Lui que tout le corps… prend le développement qui lui est propre, et se perfectionne dans la charité (Eph. iv, 15, 16); et l’Eglise notre Mère pratiquement confirme chaque jour davantage ce mystère de la volonté divine de restaurer dans la plénitude ordonnée des temps toutes choses dans le Christ (Eph. i, 9, 10).
C’est à quoi ne pensaient pas les réformateurs dont Charles Borromée se fit l’adversaire : ces hommes présumaient de réformer à leur guise la foi et la discipline ; les modernes, contre qui nous devons présentement lutter avec énergie, ne comprennent pas mieux ces choses, Vénérables Frères. Eux aussi renversent la doctrine, les lois, les institutions de l’Eglise. Toujours ils ont sur les lèvres les grands mots de progrès et de civilisation : ce n’est pas que cela leur tienne tant à cœur, mais c’est qu’ils peuvent avec ces mots grandioses déguiser plus facilement la malignité de leurs intentions.
Et pour ce qui est de leur but réel, de leurs intrigues, de la voie qu’ils comptent suivre, personne de vous ne les ignore, et Nous avons déjà dénoncé et condamné leurs desseins. Ils se proposent de fomenter une apostasie universelle de la foi et de la discipline de l’Eglise, apostasie beaucoup plus néfaste que celle où faillit autrefois sombrer le siècle de Charles : elle se glisse habilement et avec mystère dans les veines mêmes de l’Eglise ; elle prend comme point de départ des principes erronés, dont elle déduit avec subtilité les conséquences extrêmes.
Toutefois, des deux apostasies l’origine est la même : l’homme ennemi, celui qui toujours veille pour perdre les hommes, a semé la zizanie au milieu du froment. (Matth. xiii, 25); leurs voies à toutes deux sont hypocrites et ténébreuses ; leur marche et leur but sont les mêmes. Gomme autrefois, les premiers apostats, penchés du côté où la fortune semblait leur sourire, excitaient l’une contre l’autre la classe des puissants du jour et celle du peuple, pour les jouer et les perdre ensuite l’une et l’autre, de même les apostats modernes exaspèrent tour à tour les riches et les pauvres déjà remplis de haine les uns contre les autres : En de telles conditions, tous, mécontents de leur sort, traînent une existence de plus en plus misérable, et payent le tribut imposé à ceux dont le cœur est rivé aux choses terrestres et périssables, et qui ne cherchent pas le règne de Dieu et sa justice. Mais un fait rend le conflit présent encore plus grave : en effet, tandis que les novateurs indisciplinés du passé ne laissaient pas de retenir quelques parcelles du trésor de la doctrine révélée, les modernes semblent ne pas vouloir se permettre de repos avant de l’avoir vu entièrement dissipé. Or, si l’on renverse le fondement de la religion, on dénoue nécessairement par le fait le lien de la société civile ; spectacle triste pour le présent, et gros de menaces pour l’avenir ; non pas qu’il y ait à craindre pour le maintien, la conservation de l’intégrité de l’Eglise : les promesses divines ; assurément, sont un gage que Dieu ne permettrait pas ce mal ; mais à cause des dangers qui attendent les familles et les nations, celles surtout qui provoquent avec le plus d’ardeur ou tolèrent avec le plus d’indifférence ce souffle empoisonné de l’impiété.
Telle est l’impiété et la folie de cette guerre déclarée et propagée avec l’aide de ceux-là mêmes qui devraient davantage appuyer et soutenir notre cause, et si multiple est la transformation des erreurs, si répété l’encouragement aux vices, que soit les uns soit les autres, même parmi les nôtres, s’y laissent tromper. Séduits qu’ils sont par l’apparence de la nouveauté et de la doctrine, ils nourrissent l’illusion que l’Eglise pourrait aimablement s’accorder avec les maximes du siècle. Vous comprenez, alors, Vénérables Frères, que tous nous devons opposer une résistance énergique, et repousser l’assaut ennemi avec les armes mêmes qu’employa en son temps Charles Borromée.
Avant tout, puisque l’on s’attaque à la citadelle même de la foi, soit par une négation ouverte, soit par une opposition hypocrite, soit par un travestissement de ses dogmes, nous nous rappellerons ce précepte souvent enseigné par saint Charles : « Le premier et le plus grand souci des pasteurs doit être de s’occuper de ce qui a rapport à la conservation intégrale et inviolable de la foi catholique, de cette foi que la sainte Eglise romaine professe et enseigne, et sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu. » [10] Et encore : « Sur ce point… aucun déploiement d’activité ne peut être tel qu’il réponde adéquatement aux besoins des, temps. » [11]
On voit par là qu’il est nécessaire de s’opposer par la saine doctrine au « ferment de perversité hérétique » qui, s’il n’est pas éliminé, corrompt toute la masse : opposons-nous donc aux opinions perverses qui se glissent, cachées sous des apparences trompeuses, et dont l’ensemble est professé sous le nom de modernisme, et rappelons-nous, avec saint Charles, « combien grand doit être le zèle de l’évêque, et combien éminemment active sa préoccupation de combattre le crime de l’hérésie » [12]. Il n’est pas nécessaire, en vérité, de rapporter les autres paroles du Saint, lorsqu’il rappelle les sanctions, les lois, les peines décrétées par les Pontifes romains contre tout prélat négligent ou manquant d’ardeur à délivrer son diocèse du « ferment de perversité hérétique ». Mais il sera fort opportun d’examiner de nouveau et de méditer attentivement les conclusions qu’il nous donne : « L’évêque doit donc avant tout demeurer dans cette sollicitude constante et cette vigilance continuelle, afin que non seulement le fléau pestilentiel de l’hérésie ne s’infiltre jamais dans le troupeau qui lui est confié, mais afin que même tout soupçon en soit totalement écarté. Et si ce mal venait à se glisser parmi nous — Dieu fasse dans sa bonté et dans sa miséricorde qu’il n’en soit pas ainsi ! —alors il faudrait s’appliquer par tous les efforts possibles à l’extirper au plus tôt, et agir avec ceux qui sont atteints ou même suspects d’un tel fléau, selon la règle des canons et des sanctions pontificales. » [13]
Mais ni la délivrance ni la préservation du fléau des erreurs ne sont possibles si l’on ne met toute sa sollicitude à procurer l’instruction parfaite du clergé et du peuple, car la foi vient de la prédication entendue, et la prédication se fait par la parole de Dieu (Rom. x, 17).
Et la nécessité d’inculquer à tous la vérité s’impose d’autant plus à notre époque que nous voyons le venin de l’erreur s’infiltrer par toutes les veines de l’Etat, là même où on le supposerait le moins. C’est à un degré tel qu’elles s’appliquent aujourd’hui plus que jamais à tous, les raisons exposées par saint Charles dans ces paroles : « Ceux qui se rapprochent de l’hérésie ou qui ne sont pas stables et fermes dans les fondements de la foi donnent fort à craindre qu’ils ne se laissent trop facilement attirer par les hérétiques dans quelque erreur, fruit de l’impiété ou de la corruption de la doctrine. » [14] Aujourd’hui, en fait, par la facilité des voyages, la propagation des erreurs s’est accrue, subissant le sort commun ; et, par la liberté effrénée des passions, nous vivons au milieu d’une société pervertie, où n’existe ni vérité… ni connaissance de Dieu (Os. iv, 1); dans une terre désolée… parce que nul ne réfléchit intérieurement (Jérém. xii, 11). Aussi, pour Notre part, voulant Nous servir des ternies mêmes de saint Charles, « Nous avons déployé jusqu’ici beaucoup d’activité pour que tous et chacun des fidèles du Christ fussent bien instruits des éléments de la foi chrétienne » (Conc. Prov. V, p. I); et sur ce sujet, que Nous avons considéré comme étant d’une souveraine importance, Nous avons écrit une Encyclique spéciale [15]. Aussi ne voulons-Nous pas répéter ici ce que saint Charles Borromée, apôtre au zèle infatigable, déplorait quand il se plaignait « d’avoir obtenu jusque-là trop peu de résultats en une affaire d’une telle importance » ; néanmoins, comme lui, « sachant bien la grandeur de l’entreprise et du péril », Nous voudrions enflammer encore davantage le zèle de tous. Notre but est que, prenant Charles comme modèle, tous concourent, chacun selon son rang et ses forces, à cette œuvre de restauration chrétienne.
Que les pères de famille et les maîtres se souviennent donc de la ferveur avec laquelle le saint évêque ne cessait de les avertir qu’ils devaient non seulement donner à leurs fils, à leurs serviteurs, aux gens de leur maison, la facilité d’apprendre la doctrine chrétienne, mais encore leur faire de cette chose une obligation. Que les membres du clergé se rappellent le concours qu’ils doivent donner, dans cet enseignement, aux curés. Ceux-ci, à leur tour, feront en sorte que leurs écoles se multiplient selon le nombre et les besoins des fidèles ; qu’elles soient recommandables par la probité des maîtres, auxquels on donnera pour aides des hommes ou des femmes d’une sainteté éprouvée, ainsi que le prescrit le saint archevêque de Milan [16].
La nécessité de cette institution paraît manifestement s’accroître en raison de l’évolution des temps et des coutumes modernes. A cette raison s’ajoute l’existence de ces écoles publiques, privées de toute religion, où l’on se fait comme un jeu de tourner en ridicule les choses les plus saintes, où les lèvres du maître et les oreilles du disciple sont également ouvertes au blasphème. Nous parlons ici de cette école qui, par une souveraine injustice, s’intitule école neutre ou laïque, n’étant pas autre chose, en réalité, que le règne tyrannique et tout-puissant d’une secte occulte. Ce nouveau joug d’une liberté hypocrite, vous l’avez déjà dénoncé hautement et avec intrépidité, Vénérables Frères, surtout dans ces pays où les droits de la religion et de la famille furent plus effrontément foulés aux pieds ; où la voix même de la nature, ordonnant de ménager la foi et la candeur de la jeunesse, fut étouffée. En vue de remédier, selon Nos forces, au mal commis par ceux-là mêmes qui, exigeant des autres l’obéissance, la refusent au Maître suprême de toutes choses, Nous avons recommandé, dans les villes, “l’institution opportune d’écoles de religion. Et bien que cette œuvre, grâce à vos efforts, ait donné jusqu’à présent d’assez bons résultats, toutefois il est souverainement désirable qu’elle se propage toujours plus au loin, que lesdites écoles s’ouvrent partout nombreuses et florissantes, et riches en maîtres recommandables par leur doctrine émérite et par l’intégrité de leur vie.
La fonction de l’orateur sacré, de qui l’on exige à plus forte raison les qualités que nous venons d’énumérer, se rattache étroitement à cet enseignement très utile des premiers éléments. Aussi l’activité et les conseils de Charles dans les Synodes provinciaux et diocésains tendaient-ils d’une façon très spéciale à la formation de prédicateurs capables de s’employer activement et avec fruit au ministère de la parole. Cette même formation semble peut-être plus fortement réclamée de nous au temps présent ; en effet, tandis que la foi vacille en tant de cœurs, il n’en manque pas qui, par un entraînement de vaine gloire, se plient aux exigences de la mode, faussent la parole de Dieu et dérobent aux âmes la nourriture de vie.
Nous devons donc, Vénérables Frères, avec la plus grande vigilance, faire en sorte que notre troupeau ne soit pas rassasié d’inanités par des hommes vains et frivoles, mais plutôt qu’il soit nourri d’un instrument vital par les ministres de la parole auxquels s’appliquent ces maximes : Nous remplissons l’office d’ambassadeurs au nom du Christ, “comme si Dieu lui-même vous exhortait par notre bouche : réconciliez-vous avec Dieu (II Cor. v, 20) ; en ministres et légats ne nous conduisant pas avec astuce et ne faussant pas la parole de Dieu, mais manifestant franchement la vérité, nous recommandant à la conscience de tous les hommes devant Dieu (II Cor. iv, 2) ; les ouvriers, qui n’ont point à rougir et distribuent avec justice la parole de vérité (II Tim. ii, 15). Et non moins utiles seront pour nous ces règles très saintes et éminemment fécondes que l’évêque de Milan avait coutume de recommander aux fidèles et qui sont résumées dans ces paroles de saint Paul : Ayant reçu la parole de Dieu que nous vous avons prêchée, vous l’avez acceptée non point comme une parole des hommes, mais, ainsi qu’elle l’est véritablement, comme la parole de Dieu. C’est elle qui manifeste sa puissance en vous qui avez cru. (I Thess. ii, 13.)
Ainsi la parole de Dieu, vivante, efficace, plus acérée qu’un glaive à deux tranchants (Hebr, iv, 12), non seulement contribuera à la conservation et à la défense de la foi, mais encore donnera une impulsion efficace aux bonnes œuvres, car la foi sans les œuvres est une foi morte (Jacob. ii, 26); et ceux-là ne sont pas justifiés devant Dieu qui écoutent la loi, mais ceux-qui la mettent en pratique (Rom. ii, 13).
Et voici un autre point par où l’on voit combien la fausse réforme diffère de celle qui est vraie. Ceux qui soutiennent la première, imitant l’inconstance des sots, courent et se précipitent aux extrêmes. Tantôt ils exaltent la foi comme pour exclure la nécessité des bonnes œuvres, tantôt ils placent dans la nature seule toute l’excellence de la vertu, sans se préoccuper de recourir à la foi et à la grâce divine. Il s’ensuit que les actes ayant pour principe la seule honnêteté naturelle ne sont pas autre chose que des apparences de la vertu ; ils ne sont ni durables en eux-mêmes ni suffisants pour procurer le salut. L’œuvre de ces réformateurs n’a donc pas la valeur qu’il faudrait pour restaurer la discipline ; mais elle entraîne la ruine de la foi et des mœurs.
Au contraire, ceux qui, à l’exemple de Charles, amis de la vérité et pleinement sincères, recherchent la réforme vraie et salutaire, ceux-là évitent les mesures extrêmes et ne franchissent jamais les limites hors desquelles aucune réforme ne peut subsister. Unis très fermement à l’Eglise et à son Chef le Christ, non seulement ils acquièrent par là une grande force de vie intérieure, mais encore ils en reçoivent pour leurs actes extérieurs une direction, grâce à laquelle ils peuvent se livrer en toute sécurité à cette œuvre de réforme de la société humaine. Cette divine mission, perpétuellement transmise à ceux qui doivent agir comme légats du Christ, est à proprement parler celle d’enseigner toutes les nations en leur apprenant non seulement les choses qu’il faut croire, mais encore celles qu’il faut pratiquer, selon la parole même du Christ : observez toutes les choses que je vous ai ordonnées (Matth. xxviii, 18, 20). Le Christ est, en effet, la voie, la vérité et la vie (Joan. xiv, 6). Il est venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en surabondance (Joan. x, 10). Mais parce que l’accomplissement de ces devoirs avec raide de la nature seule est bien au-dessus de ce que les forces de l’homme peuvent atteindre par elles-mêmes, l’Église possède, en même temps que son droit d’enseigner, le pouvoir de gouverner la société chrétienne et celui de la sanctifier. En même temps, par le moyen de ceux qui, en vertu de leur rang propre et de leurs fonctions, soit ses ministres et ses coopérateurs, elle fournit au monde les moyens opportuns et nécessaires de salut. Bien avertis de tout cela, les vrais réformateurs n’étouffent pas, pour ainsi parler, les bourgeons afin de sauver la racine ; ils ne séparent pas la foi d’avec la sainteté de la vie ; mais ils développent et réchauffent l’une et l’autre au souffle de la charité, ce lien de la perfection (Coloss, iii, 14). Obéissant au précepte de l’Apôtre, ils gardent le dépôt (I Tim. vi, 20), non point pour en cacher la connaissance et la lumière aux nations, mais pour en faire découler plus au loin les flots très salutaires qui jaillissent de cette source, de vérité et de vie. Ainsi pourvus, ils Joignent la théorie à la pratique, se servant de celle-là pour prévenir toute séduction de l’erreur, et de celle-ci pour faire passer les préceptes dans les mœurs et dans les actes de la vie. C’est pourquoi ils réunissent tous les moyens aptes ou nécessaires à la fin qu’ils se proposent, qui est soit l’extirpation du péché, soit le perfectionnement des saints pour l’œuvre du ministère, pour l’édification du corps du Christ (Eph. iv, 12). A ce but tendent les décrets, les canons, les lois qu’établirent les Pères et les Conciles ; à ce but aussi tous les moyens d’enseignement, de gouvernement, de bienfaisance ; à ce but enfin la discipline et l’action entière de l’Eglise.
Ces maîtres dans la foi et dans la vertu, le véritable fils de l’Eglise, qui veut son amendement et celui de son prochain, les contemple sans relâche de ses regards. Saint Charles Borromée les cite souvent et s’appuie sur eux dans son œuvre de restauration de la discipline ecclésiastique, lorsqu’il écrit, par exemple : « Nous nous sommes conformés à l’ancien usage et à l’autorité des saints Pères et des saints Conciles, en particulier du Concile œcuménique de Trente, et, en nous réglant sur eux, nous avons édicté de nombreux décrets dans nos précédents Conciles provinciaux. » De même, il avoue avoir été amené à son dessein de répression de la corruption publique « par le droit et les sanctions sacrées des saints Canons, et surtout par les décrets du Concile de Trente ». (Conc. Prov. V, p. I.)
Non content de ces mesures, et voulant se mettre en garde contre la possibilité de s’écarter jamais de cette règle, il conclut à peu près en ces termes les statuts de ses Synodes provinciaux : « Tous et chacun des décrets et des actes portés par nous dans ce Synode provincial, nous les soumettons, avec toute l’obéissance et le respect voulus, à l’autorité et au jugement de la sainte Eglise romaine, mère et maîtresse de toutes les Eglises, afin que toujours elle puisse les amender et les corriger. » [17] Cette volonté, il l’affirma d’autant plus que tous les jours il s’avançait davantage dans la perfection d’une vie laborieuse, non seulement tant que son oncle occupa la Chaire de saint Pierre, mais encore sous le pontificat de ses successeurs, Pie V et Grégoire XIII : après avoir puissamment contribué à leur élection, il les aida énergiquement dans les affaires les plus graves, et répondit pleinement à leur attente.
Mais il se conforma tout particulièrement à leur volonté, en disposant les choses pour les faire servir à la fin qu’il s’était proposée, c’est-à-dire à l’instauration de la discipline sacrée. Dans cette entreprise il se montra très éloigné de l’esprit de ceux qui déguisent leur obstination sous les apparences d’un zèle plus ardent. C’est pourquoi, commençant le jugement pan la maison de Dieu (I Petr. iv, 17), il s’appliqua avant toutes choses à réformer sur des règles fixes la discipline du clergé ; à cet effet, il érigea des Séminaires pour les aspirants aux saints Ordres ; il institua des Congrégations de prêtres nommés Oblats ; il fit venir des Familles religieuses soit anciennes, soit de fondation plus récente, il réunit des Conciles, et, cherchant partout des secours, il fortifia et accrut l’œuvre commencée.
Bientôt, ce ne fut pas avec un zèle moindre qu’il s’appliqua à corriger les mœurs du peuple, s’appliquant ce que disait autrefois le prophète : Voici que je t’ai établi aujourd’hui… pour arracher et détruire, pour perdre et dissiper, pour construire et planter. (Jer. i, 10.) C’est pourquoi ce bon pasteur visitait lui-même et non sans beaucoup de fatigue les églises de sa province, et, se faisant semblable à son divin Maître, passa en faisant le bien et en guérissant les blessures du troupeau ; les maux qu’il rencontrait çà et là, qu’ils fussent attribuables à l’ignorance ou à la négligence dans l’observation des lois, il s’efforça autant qu’il put de les détruire et de les déraciner ; à la perversité des opinions, à la fange débordante des passions, il opposa comme une muraille les écoles et les collèges qu’il fonda pour l’éducation des enfants et des jeunes gens ; il agrandit les associations mariales qu’il avait vues naître à Rome ; il ouvrit des hospices pour les orphelins ; par ses soins, des refuges furent ouverts aux femmes en péril pour leur vertu, aux veuves et aux pauvres, tant de l’un que de l’autre sexe, qui étaient accablés soit par la maladie, soit par l’âge ; il défendit les pauvres contre le pouvoir abusif des maîtres, contre l’usure injuste, la traite des enfants et autres nombreux abus de ce genre. Il accomplit toutes ces choses en réprouvant absolument la conduite de ceux qui, pour réformer à leur guise la république chrétienne, bouleversent toutes choses et fomentent l’agitation avec un fracas de paroles superflues, oublieux de cette parole divine : Le Seigneur n’est pas dans l’agitation. (III Reg. xix, 11.)
Une autre marque distingue encore, et vous en avez fait l’expérience, Vénérables Frères, les vrais d’avec les faux réformateurs : c’est que ces derniers cherchent leurs intérêts et non pas ceux de Jésus-Christ (Philipp. ii, 21); accueillant en toute avidité ces paroles insidieuses autrefois adressées au divin Maître : Manifeste-toi toi-même au monde (Joan. vii, 4), ils répètent à leur tour ce cri d’orgueil : Faisons-nous à nous-mêmes un nom. Cette témérité, dont nous gémissons si souvent dans les temps présents, a été cause que les prêtres sont tombés à la guerre, voulant agir avec courage, et partant au combat sans prendre conseil. (I Mach. V, 57, 67.)
Celui qui, au contraire, s’applique d’un cœur sincère à améliorer la société humaine, ne recherche pas sa propre gloire, mais la gloire de Celui qui l’a envoyé (Joan. vii, 18); et, se conformant à l’exemple du Christ, il ne discutera pas et ne criera point et personne n’entendra sa voix sur les places publiques ; — il ne sera ni triste ni agité (Is. XLII, 2 sq.; Matth. xii, 19), mais doux et humble de cœur (Matth. xi, 29). Il sera agréable à Dieu et obtiendra des fruits très abondants de salut.
Tous deux se distinguent encore en cela, que l’un, s’appuyant sur les seules forces humaines, se confie en l’homme et fait de la chair son bras (Jer. xvii, 5), tandis que l’autre met toute sa confiance en Dieu ; il attend de lui et des moyens surnaturels toute force et toute énergie, répétant ces paroles de l’Apôtre : Je puis tout en Celui qui me fortifie. (Philipp. IV, 13.)
Ces moyens, que le Christ a prodigués dans toute leur abondance, le chrétien les recherche au sein même de l’Église pour le salut commun : c’est plus particulièrement l’application à la prière, le sacrifice, les sacrements, qui deviennent comme une source d’eau vive jaillissant jusqu’à la vie éternelle (Joan. iv, 14). Ils dédaignent tous tes moyens, ceux qui s’efforcent de travailler à l’œuvre de réformation par des voies détournées et en oubliant Dieu, et ne cessent jamais sinon de tarir complètement ces sources très pures, du moins de les troubler afin d’en écarter le peuple chrétien. Dans cette besogne, leurs imitateurs modernes agissent plus mal encore : se couvrant du masque d’une religion prétendue plus noble, ils regardent comme étant de minime valeur et tournent en dérision ces moyens de salut, surtout ces deux sacrements dont l’un permet aux pénitents d’expier leurs Imites, et l’autre réconforte l’âme par une nourriture céleste. Aussi les meilleurs feront-ils tous leurs efforts pour que des dons d’un si haut prix soient tenus en très grand honneur ; ils ne souffriront pas que le zèle des hommes se refroidisse à l’égard de Ce double gage de la charité divine.
Telle fut la conduite de saint Charles Borromée, des écrits duquel nous extrayons plus particulièrement les paroles suivantes : « Plus grand et plus abondant est ce fruit des sacrements, qui dépasse toutes les explications qu’on en peut donner, plus aussi nous devons en parler et les recevoir avec soin, avec une piété intime, avec la vénération et le culte extérieur qu’ils méritent. » [18] Il convient aussi grandement de rappeler ces paroles par lesquelles il exhorte fortement les curés et les autres orateurs sacrés à faire revivre l’ancienne pratique de la fréquente communion ; ce que Nous-même avons fait par le décret commençant par les mots Tridentina Synodus. « Les curés… et les prédicateurs, dit lé saint évêque, devront exhorter le peuple le plus souvent possible à la pratique très salutaire de la communion fréquente. Ils y sont poussés par les institutions et les exemples de l’Eglise naissante, les paroles des Pères les plus autorisés, la doctrine du catéchisme romain, très largement explicite sur ce point ; enfin par l’avis du Concile de Trente, qui souhaiterait de voir à chaque messe les fidèles communier non seulement spirituellement, mais encore par la réception sacramentelle de l’Eucharistie. » [19] Dans quel esprit et avec quel amour l’on doit s’approcher du sacré banquet, il, nous l’enseigne en ces termes : « Non seulement on excitera le peuple à la réception fréquente de la très sainte Eucharistie, mais encore on l’avertira combien il est périlleux et nuisible de s’approcher indigneraient de ce banquet divin. » [20] Cette sollicitude paraît surtout s’imposer à notre époque où la foi est chancelante et la charité refroidie, de peur qu’il n’advienne qu’un usage trop fréquent ne diminue le respect dû à un si grand mystère ; mais cette pratique doit plutôt avoir pour résultat d’amener l’homme à s’éprouver lui-même, et ainsi à manger de ce pain et à boire de ce vin. (I Cor. xi, 28.)
De ces sources découlera un fleuve abondant de grâces, où les talents même humains et naturels viendront s’alimenter et se fortifier. Le chrétien, dans sa conduite, ne méprisera certes pas les choses qui sont utiles à la vie et qui la soutiennent, étant donné qu’elles viennent du seul et même Dieu, auteur de la grâce et de la nature, mais il prendra bien garde de ne pas faire consister toute la fin de sa vie et pour ainsi dire sa béatitude dans l’usage et la possession des choses extérieures et des biens du corps. Celui-là donc qui voudra en user avec justesse et modération les fera servir au salut des âmes, conformément à cette parole du Christ : Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît. (Luc. xii, 31 ; Matth. vi, 33.)
Non seulement un tel usage ordonné et prudent de ces moyens de salut ne sera pas en opposition avec un bien d’un ordre inférieur, celui de la société civile, mais il en servira au plus haut point les intérêts, et cela, non pas avec l’aide de mots vains et retentissants, comme font les hommes factieux, mais par des actes et des efforts continus, poussés, s’il le faut, jusqu’à la perte des biens, des forces et de la vie. Des exemples de ce courage nous sont donnés en premier lieu par plusieurs évêques qui, dans des temps tristes pour l’Eglise, imitent l’ardeur de Charles et réalisent ces paroles du divin Maître : Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. (Joan. x, 11.) Ce n’est pas par un désir de vaine gloire ni par un esprit de parti ni en raison de quelque avantage privé, qu’ils sont amenés à se dévouer pour le salut commun, mais c’est par cette charité qui jamais ne fait défaut. Cette flamme de la charité, qui échappe aux gens du monde, animait saint Charles Borromée quand, après s’être exposé à la mort en soignant les pestiférés, non content d’avoir remédié aux maux présents, il se montre encore rempli de sollicitude pour l’avenir : « Il est tout à fait raisonnable qu’à l’exemple d’un père très bon, aimant ses fils d’un amour unique et leur ménageant avec prévoyance, tant dans le présent que pour l’avenir, les choses nécessaires à leur entretien, nous aussi, poussés par le devoir de la charité paternelle, nous pourvoyions avec le plus grand soin, dans ce cinquième Concile provincial, aux intérêts des fidèles de notre province, leur préparant pour l’avenir les secours que nous avons su par expérience, au cours de l’épidémie, leur être salutaires. » [21]
Les mêmes efforts et les mêmes desseins d’un esprit prévoyant trouvent leur application pratique, Vénérables Frères, dans cette action catholique que Nous vous avons souvent recommandée. Des hommes choisis même parmi le peuple sont associés à ce ministère très vaste, qui embrasse toutes ces œuvres de miséricorde dont le royaume éternel sera la récompense (Matth. xxv, 34 sq.). Lorsque ces personnes auront accepté de se charger d’un tel fardeau, elles doivent être prêtes et décidées à se dévouer entièrement, elles et tous leurs biens, pour la meilleure cause ; à s’opposer à l’envie, à la détraction, à l’hostilité de plusieurs qui répondent aux bienfaits par de mauvais procédés ; à travailler tel un bon serviteur du Christ (II Tim. ii, 3), et à courir avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte, les yeux fixés sur Jésus, l’auteur et le consommateur de la foi (Hebr. xii, 1,2), lutte bien difficile, assurément, mais dont l’enjeu sera sans nul doute le bien de la société, même si le jour de la victoire complète est retardé.
Sur ce dernier point par Nous signalé, il nous est permis d’admirer en saint Charles d’illustres exemples ; et chacun peut, selon sa condition, y trouver matière à son imitation ou à son édification. Et, en effet, bien que sa vertu singulière, son merveilleux talent et sa charité prodigue d’elle-même l’aient rendu si recommandable à tous, cependant il subit aussi bien que les autres cette loi : Tous ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ Jésus souffriront la persécution. (II Tim. iii, 12.) C’est pourquoi, par le fait qu’il suivait un genre de vie plus austère, qu’il observait toujours la droiture et l’honnêteté, qu’il se faisait le vengeur incorruptible des lois et de la justice, par cela même il s’attira la jalousie des puissants ; il fut exposé aux ruses des diplomates, à la haine des magistrats ; les nobles, le clergé, le peuple le tinrent en suspicion ; enfin, des hommes perdus de mœurs lui en voulurent, à mort, et cherchèrent à attenter à ses jours. A tous, il résista avec une indomptable énergie, bien qu’il fût doux et d’un caractère aimable.
Et, non seulement il ne capitula sur aucun point qui eût été préjudiciable à la foi ou aux mœurs, mais il n’accueillit pas même les demandes contraires à la discipline ou onéreuses pour le peuple fidèle, quand bien même elles lui venaient ; comme on croit qu’il advint, d’un roi très puissant et, d’ailleurs, catholique. Se ressouvenant des paroles du Christ : Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (Matth. xxii, 21), et de celles des apôtres : On doit obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Act. v, 29), il mérita excellemment non seulement de la cause de la religion, mais encore de la société civile, qu’il préserva d’une ruine certaine, alors que, subissant le châtiment dû à sa prudence insensée, elle était en quelque sorte engloutie par le flot des séditions qu’elle avait elle-même soulevées.
La même louange, et la même reconnaissance seront dues aux catholiques de notre temps et à leurs vaillants chefs, les évêques. Les uns et les autres ne manquent jamais à leurs devoirs de citoyens, soit qu’il leur faille observer la fidélité et le respect envers leurs maîtres même impies, quand ils ordonnent des choses justes, soit qu’ils aient l’obligation de blâmer leurs ordres iniques. De la sorte, ils s’écartent également et de la licence effrénée à laquelle s’abandonnent les fauteurs de séditions et de troubles, et de la servile abjection de ceux qui accueillent comme des lois sacrées les décrets impies portés par les hommes les plus pervers qui, sous le couvert du nom menteur de liberté, établissent la confusion de tous les droits et imposent le joug de la plus dure servitude.
Et c’est à la face du monde entier et à la pleine lumière de notre civilisation que ces choses arrivent ; et c’est tout particulièrement dans une nation où la puissance des ténèbres semble avoir établi sa principale demeure. Sous sa domination puissante, tous les droits des fils de l’Eglise sont manifestement bafoués : tout sentiment de magnanimité, d’urbanité et de foi est banni du cœur de ceux qui gouvernent cette république, alors que leurs ancêtres, fiers du nom chrétien, brillèrent si longtemps de l’éclat de ces mêmes vertus. Tant il est vrai que lorsque la haine de Dieu et de l’Eglise a pénétré dans l’esprit, un mouvement rétrograde s’imprime à toutes choses ; on en revient d’un élan précipité à l’antique et barbare liberté, ou plutôt à ce despotisme cruel dont seules la famille du Christ et la discipline introduite par elle nous avaient délivrés, ou encore, comme le disait saint Charles, tant il est « certain et admis par tous que nulle chose n’offense Dieu plus gravement et n’excite plus fortement son courroux que la tache d’hérésie ; rien, en un mot, ne contribue davantage à la ruine des provinces et des royaumes que ce fléau si affreux » [22]. Il faut tenir cependant pour plus funeste encore la conspiration actuelle dont le but est d’arracher les nations chrétiennes du sein de l’Eglise. Très opposés de sentiments et de volonté, ce qui est la note propre des hérétiques, nos ennemis s’accordent sur un seul point : la lutte opiniâtre ; contre la justice et la vérité ; mais comme l’Eglise est la gardienne et le vengeur de Tune et de l’autre, ils se ruent sur elle en rangs serrés. Et tandis qu’ils ne cessent de se dire neutres, ou même de prétendre favoriser la cause de la paix, on les voit, tout en ne cachant point leurs desseins, se servir de paroles mielleuses, et passer tout leur temps à dresser des embûches, joignant la raillerie au dommage causé, la fraude à la violence. C’est donc à une agression d’un nouveau genre que le nom chrétien est aujourd’hui en butte. La guerre lui est faite avec des armes bien autrement dangereuses que celles employées dans les combats d’autrefois, où saint Charles Borromée acquit une telle gloire.
Nous inspirant tous de ses exemples et de ses enseignements, c’est pour les plus grands intérêts d’où dépendent le salut de la société et celui des individus, que nous combattrons d’un cœur ardent et fier : c’est pour la foi et la religion, pour la sainteté du droit public. Nous combattrons, contraints sans doute par une triste nécessité, mais en même temps réconfortés par une douce confiance que le Dieu tout-puissant donnera la victoire aux soldats qui combattent dans les rangs d’une armée si glorieuse. Cette confiance est accrue par la vue de l’œuvre de Charles, dont la puissance et l’efficacité se sont perpétuées jusqu’à nos jours, soit pour réprimer l’orgueil des esprits, soit pour affermir les âmes dans le saint projet de restaurer toutes choses dans le Christ.
Et maintenant, Vénérables Frères, il Nous est permis de conclure en ces mêmes termes par lesquels Notre prédécesseur Paul V, dont Nous avons fait plusieurs fois mention, terminait ses lettres décernant à Charles les honneurs suprêmes : « Il est donc juste que nous rendions gloire, honneur et bénédiction à Celui qui vit dans les siècles des siècles ; il a rempli de toutes bénédictions spirituelles son serviteur notre frère, afin qu’il fût saint et sans tache en sa présence ; et comme en nous le donnant il l’a rendu semblable à une étoile brillante dans cette nuit de péchés et de douleurs, ayons donc recours à la clémence divine ; supplions-la par nos prières et par nos œuvres, afin que Charles, par ses mérites et ses exemples, vienne en aide à l’Eglise qu’il a aimée avec ardeur ; qu’il l’assiste de sa protection, et que, dans ces jours de Colère, il soit notre réconciliation, par Jésus-Christ Notre-Seigneur. » [23]
Puisse ajouter à ces vœux et combler nos communes espérances le gage de la bénédiction apostolique que Nous vous accordons avec amour, à vous, Vénérables Frères, au clergé et au peuple dont vous avez la charge.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 26 mai 1910, la septième année de Notre Pontificat.
PIE X, PAPE.
- Ps. cxi, 7 ; Prov. x, 7 ; Hebr. xi, 4[↩]
- Litt. Encycl. E supremi, 4 oct. 1903[↩]
- Litt. Encycl. Ad diem illum, die II m. Febr, 1904[↩]
- Hebr, xi, 33[↩]
- Encycl. E supremi[↩]
- Ex Bulla Unigenitus. Cal. Nov. anno 1610.[↩]
- Bulla Unigenitus[↩]
- Sess. III, c. iii[↩]
- Bulla Unigenitus[↩]
- Conc. Prov, I, sub initium.[↩]
- Conc. Prov. V, p. I.[↩]
- Conc. Prov. V, p. I[↩]
- Ibid.[↩]
- Conc. Prov. V, p. I.[↩]
- Encycl. Acerbo nimis, 25 avr, 1905[↩]
- Conc. Prov. V, p. I[↩]
- Conc. Prov. VI, sub finem.[↩]
- Conc. Prov. I, p. II.[↩]
- Conc. Prov. III, p. I.[↩]
- Conc. Prov. IV, p. II.[↩]
- Conc. Prov. V, p. II.[↩]
- Conc. Prov., V, p. I[↩]
- Bulle Unigenitus.[↩]