Benoît XV

258e pape ; de 1914 à 1922

8 septembre 1914

Exhortation apostolique Ubi primum

Appel à la paix entre les belligérants

Aussitôt appe­lé à la Chaire du bien­heu­reux Pierre, tout en sachant com­bien Nous sommes infé­rieur à une si haute charge, Nous Nous sommes sou­mis avec le plus grand res­pect aux secrets conseils de la Providence divine, qui a éle­vé Notre humble per­sonne à une telle hau­teur de digni­té. Nous n’ignorions certes pas que Nous ne pos­sé­dions pas les mérites qu’exigeait pareille charge ; Nous l’avons néan­moins accep­tée, Nous confiant dans la bon­té divine et ne dou­tant pas que Celui-​là même qui nous a impo­sé le poids très lourd de cette digni­té Nous don­ne­ra la force et l’aide opportunes.

Mais aus­si­tôt que, du haut de ce Siège apos­to­lique, Nous eûmes jeté nos regards sur le trou­peau confié à Nos soins, Nous avons été frap­pé d’une hor­reur et d’une angoisse inex­pri­mables par le spec­tacle mons­trueux de cette guerre, dans laquelle une si grande par­tie de l’Europe, rava­gée par le fer et le feu, ruis­selle de sang chrétien.

Nous avons reçu de Jésus-​Christ, Bon Pasteur, dont Nous tenons la place, dans le gou­ver­ne­ment de l’Eglise, le devoir d’embrasser dans un amour pater­nel tous ceux qui sont des agneaux et des bre­bis de son troupeau.

Puisque donc, à l’exemple du Seigneur Lui-​même, Nous devons être prêt, ain­si que Nous le sommes, à don­ner même Notre vie pour leur salut à tous, Nous avons fer­me­ment déci­dé de ne rien négli­ger de ce qui sera en Notre pou­voir pour hâter la fin d’une si grande calamité.

En atten­dant et même avant que, selon la cou­tume des Pontifes romains au début de leur apos­to­lat, Nous adres­sions des Lettres ency­cliques à tous les évêques, Nous Nous sommes sen­ti pres­sé de reprendre les paroles qu’au pre­mier gron­de­ment de cette guerre arra­cha à Notre pré­dé­ces­seur Pie X, de très sainte et immor­telle mémoire, son amour et sa sol­li­ci­tude pour le genre humain.

Tandis que Nous-​même lève­rons, sup­pliant, vers Dieu, les yeux et les mains dans la prière, Nous invi­tons et exhor­tons, ain­si que Notre pré­dé­ces­seur, tous les fils de l’Eglise, et spé­cia­le­ment les ecclé­sias­tiques, à conti­nuer de s’employer sans relâche, soit en pri­vé, par d’humbles prières, soit en public, par les sup­pli­ca­tions solen­nelles, à deman­der à Dieu, maître et arbitre de toutes choses, que, se sou­ve­nant de sa misé­ri­corde, il dépose le fléau de sa colère, par lequel il demande aux nations rai­son de leurs fautes.

Qu’elle nous assiste et qu’elle sou­tienne de sa prière le vœu uni­ver­sel, la Vierge Mère de Dieu, dont la bien­heu­reuse nais­sance, célé­brée en ce même jour, a brillé aux yeux du genre humain souf­frant comme une aurore de paix, car elle devait engen­drer Celui dans lequel le Père éter­nel a vou­lu récon­ci­lier toutes les choses en paci­fiant, par le sang de sa croix, tout ce qui se trouve au ciel et sur la terre.

Nous prions et conju­rons ardem­ment ceux qui dirigent les des­ti­nées des peuples d’incliner désor­mais leurs cœurs à l’oubli de leurs dif­fé­rents en vue du salut de la socié­té humaine. Qu’ils consi­dèrent que assez de misères et de deuils accablent cette vie mor­telle et qu’il n’y a vrai­ment pas sujet de la rendre encore plus misé­rable et triste ; qu’ils estiment qu’il y a assez de ruines, assez de sang ver­sé ; qu’ils se résolvent donc à entrer dans les voies de paix et à se tendre la main. Ils méri­te­ront par là les béné­dic­tions de Dieu pour eux et pour leurs nations et ils auront hau­te­ment méri­té de la socié­té. Qu’ils sachent enfin qu’ils feront par là une œuvre qui Nous sera très agréable et que Notre cœur désire ardem­ment à cette aube de Notre minis­tère apos­to­lique, dont une si grande per­tur­ba­tion du monde aggrave tel­le­ment le poids.

Du palais du Vatican, ce 8 sep­tembre, jour de la Nativité de Marie très sainte, 1914.
BENOIT XV, PAPE.