Il est d’usage récent que le Saint-Père donne le jour de Pâques, la bénédiction Urbi et Orbi du haut de la Loggia surplombant l’entrée de la Basilique Vaticane. Cette Bénédiction s’adresse à la foule massée sur le parvis de Saint-Pierre et, par les ondes, à la catholicité tout entière. A cette occasion, le Saint-Père prononça le discours que voici :
Tout comme les disciples de Jésus exultèrent de joie le soir de la première Pâques, quand ils virent le Maître ressuscité revenir au milieu d’eux, vainqueur de la mort, ainsi vous-mêmes, chers fils et filles, vous ouvrez vos cœurs à la joie de ce jour solennel et recevez avec confiance le salut de paix que Nous, Vicaire sur la terre du divin Rédempteur, Nous renouvelons en son nom à l’Eglise et à la famille humaine : Gavisi sunt discipuli viso Domino. Dixit ergo iterum : Pax Vobis [1]. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Et Jésus leur dit à nouveau : Paix à vous !
Pie XII remercie pour la santé retrouvée :
Rendant d’humbles actions de grâces à la bonté divine pour Nous avoir accordé l’inestimable faveur de célébrer avec vous ces saintes fêtes, Nous ne saurions manquer de vous manifester Notre paternelle gratitude pour l’affection filiale et les prières empressées dont vous avez réconforté Notre cœur durant Nos récentes épreuves.
A la gloire de la Résurrection s’oppose la malice des hommes qui forgent des armes meurtrières :
Oh ! combien Nous voudrions que sur tous les hommes se répande la joie de la Pâques chrétienne, en sorte que l’Eglise puisse chanter dans toute son extension : In resurrectione tua, Christe, cœli et terra lætentur [2]. En ta résurrection, ô Christ, se réjouissent le ciel et la terre ! Mais si dans les cieux tout est paix et bonheur, combien différente est la réalité sur la terre. Ici, au lieu de la joie sereine, dont le Christ révéla le secret, l’anxiété et presque l’épouvante des peuples augmente d’année en année, dans l’appréhension d’un troisième conflit mondial et d’un terrible lendemain, livré à la merci de nouvelles armes destructives d’une violence inouïe.
Armes capables — comme Nous eûmes déjà l’occasion d’en exprimer la crainte dès février 1943 — de produire « sur l’entière étendue de notre planète une dangereuse catastrophe » [3], de semer l’extermination totale de toute vie animale et végétale et de toute œuvre humaine sur des régions toujours plus vastes ; armes capables désormais, grâce aux isotopes artificiels radioactifs de longue vie moyenne, d’infecter de façon durable l’atmosphère, le terrain et les océans mêmes, à de très grandes distances des zones directement frappées et contaminées par les explosions nucléaires. Ainsi devant les yeux du monde atterré se dresse la prévision de destructions gigantesques, de territoires entiers rendus inhabitables et inutilisables pour l’homme, sans parler des conséquences biologiques qui peuvent se produire, tant à cause des mutations provoquées dans les germes et les micro-organismes, que du fait des résultats incertains que peut avoir une action radioactive prolongée sur les plus grands organismes, y compris l’homme, et sur leur descendance. A ce sujet Nous ne voudrions pas omettre de faire allusion au péril que pourrait représenter pour les futures générations l’intervention mutagène susceptible d’être obtenue, et peut-être déjà obtenue, par de nouveaux moyens, en vue de détourner de leur développement naturel le patrimoine des facteurs héréditaires de l’homme ; pour cette raison aussi que parmi ces déviations ne manquent pas, et ne manqueraient peut-être pas ces mutations pathogènes qui sont la cause des maladies héréditaires et des monstruosités.
Le Pape voudrait qu’on proscrive les armes atomiques, biologiques et chimiques :
Pour Notre part, tandis que Nous ne Nous lasserons pas de Nous employer afin que, au moyen d’ententes internationales — restant sauf toutefois le principe de la légitime défense [4]— puisse être efficacement proscrite et écartée la guerre atomique, biologique et chimique [5]. Nous demandons : jusqu’à quand les hommes voudront-ils se soustraire à la lumière salutaire de la Résurrection, attendant en revanche la sécurité des lueurs meurtrières des nouveaux engins de guerre ?
Il faut fonder la politique internationale sur l’esprit du Christ.
Jusqu’à quand opposeront-ils leurs desseins de haine et de mort aux préceptes de l’amour et aux promesses de vie apportés par le divin Sauveur ? Quand donc les dirigeants des nations s’apercevront-ils que la paix ne peut consister en un exaspérant et dispendieux rapport de terreur mutuelle, mais dans la maxime chrétienne de la charité universelle, et en particulier dans la justice volontairement réalisée plutôt qu’extorquée et dans la confiance qu’on inspire plutôt que dans celle qu’on exige ?
Les inventions scientifiques doivent être utilisées pour construire le bien-être des hommes :
Quand verra-t-on les sages du monde tourner uniquement à des fins de paix les admirables découvertes des forces profondes de la matière en vue de donner à l’activité humaine une énergie à peu de frais — qui suppléerait à la déficience des sources de richesses et de travail, ou en corrigerait l’inégale distribution géographique — comme aussi pour offrir à la médecine et à l’agriculture de nouvelles armes et ouvrir aux peuples de nouvelles sources de prospérité et de bien-être ?
En ces moments difficiles que les chrétiens se mettent sous la protection de la Sainte Vierge :
Mais en attendant, si l’angoisse semble se faire plus poignante, voici que s’irradie dans la douce clarté de Pâques, éclose cette année sous le soleil virginal de Marie, le doux sourire de la Mère de Jésus, Notre Mère, glorieuse elle aussi aux côtés de son Fils. Ainsi, sur ceux en particulier qui vivent dans l’obscurité et dans la douleur, cette Mère très aimante étend aujourd’hui le manteau de son ineffable tendresse.
Ô Marie, qui resplendissez en ce jour d’une plus vive lumière, soyez le symbole et la source de la réconciliation des hommes entre eux et avec leur Seigneur et Rédempteur Jésus. Augmentez la foi de ceux qui vous invoquent. Faites briller à leurs yeux l’espérance des biens incorruptibles, la rédemption des corps et des âmes, objet de leurs ardents désirs, dont ils contemplent les prémices en Jésus et en vous-même. Aidez-les à porter le poids de l’humble et souvent dure fatigue quotidienne et réconfortez-les par l’attente confiante de l’éternelle et parfaite Pâques de la grande famille humaine dans la maison du Père, parmi les splendeurs du ciel. Ainsi soit-il.
Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, année 1954, Édition Saint-Augustin Saint-Maurice. – D’après le texte italien des A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 212.
- Jn 20, 20–21.[↩]
- Brev. Rom., Dom. in Albis ad Laudes.[↩]
- A. A. S., XXXV, 1943, p. 75.[↩]
- A. A. S., XXXXV, 1953, p. 748–749 ; cf. Documents Pontificaux 1953, p. 468 ; lire aussi Radiomessage de Noël 1953, A. A. S., XXXXVI, 1954, p. 5 ; cf. Documents Pontificaux 1953, p. 644.[↩]
- Ibid., p. 749 ; Documents Pontificaux 1953, p. 468.[↩]