Par cette troisième lettre encyclique de l’année 1947, le Souverain Pontife exhorte les fidèles à la prière en vue d’obtenir une harmonie efficace et durable entre les diverses classes sociales et tous les peuples.
L’attente de la paix.
La paix très souhaitable qui devrait être la « tranquillité de l’ordre » [1] et la « tranquille liberté » [2] après les vicissitudes d’une longue guerre, se fait encore attendre, comme tous le remarquent avec tristesse et inquiétude, et tient dans une attente anxieuse les esprits des peuples ; tandis que, par contre, en beaucoup de pays déjà dévastés par le conflit mondial, couverts de ruines et en proie à la misère qui en ont été la conséquence, les classes sociales, agitées par une haine exaspérée les unes envers les autres, occasion de nombreux troubles et tumultes, comme chacun le sait, menacent de fouler aux pieds et de saper les fondements mêmes des Etats.
Devant ce lamentable et douloureux spectacle, Notre âme est assaillie d’une très grande amertume et il Nous semble qu’il rentre dans la charge paternelle et universelle à Nous confiée par Dieu, non seulement d’exhorter tous les peuples à éteindre leurs haines communes et à retrouver l’heureux chemin de la concorde, mais aussi d’inviter avec instance tous les fils que Nous avons dans le Christ à vouloir bien élever vers le ciel de plus ferventes supplications ; car Nous savons que tout ce qui se fait en dehors de Dieu reste fragile et inefficace, selon ce verset du psalmiste : « Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, c’est en vain que travaillent ses architectes ! » (Ps., CXXVI, 1).
Les maux présents.
Très graves, en effet, sont les maux auxquels il est nécessaire de porter remède et le plus rapidement possible : puisque d’un côté, l’économie, par suite des dépenses militaires et des énormes destructions de la guerre, est dans un état de telle incertitude et de tel épuisement qu’elle est souvent tout à fait insuffisante à supporter les charges qui lui incombent et à entreprendre ces travaux urgents permettant d’occuper tant d’ouvriers contraints à chômer malgré eux ; et que, d’un autre côté, malheureusement, ne manquent pas ceux qui exploitent et exaspèrent la misère des prolétaires par une propagande astucieuse et cachée, au point d’arrêter les nobles efforts entrepris pour le relèvement et la récupération dans l’ordre et la justice des richesses dissipées.
Et les moyens d’en sortir.
Mais il faut que tous comprennent que ce n’est pas au milieu des discordes et des troubles ni des luttes fratricides que l’on peut retrouver les biens perdus ou en danger de se perdre, soit des particuliers, soit de l’Etat, mais seulement par une entente effective, une entraide mutuelle et un travail accompli dans la paix.
Ceux qui avec un plan prémédité excitent les foules sans les consulter aux soulèvements, aux émeutes, aux atteintes à la liberté d’autrui ne contribuent sûrement pas à l’adoucissement de la misère du peuple ; mais bien plutôt, du fait qu’ils exacerbent la haine et interrompent les travaux en cours dans les villes, ils l’accroissent fatalement et peuvent même la mener à l’ultime catastrophe. Les luttes des partis, en effet, « furent et seront pour plusieurs peuples une plus grande calamité que les guerres étrangères, la famine ou les épidémies… » [3].
Mais, en même temps, tous doivent comprendre que la crise sociale est si grande à l’heure présente et si redoutable pour l’avenir qu’elle impose l’urgente nécessité pour chacun et spécialement pour qui possède de plus grands biens, de placer l’utilité commune avant les avantages, les intérêts et les profits particuliers.
En connaître les causes.
D’abord, qu’on se persuade qu’avant toute autre chose il est absolument urgent de pacifier les esprits et de les ramener à s’entendre fraternellement, à s’entraider mutuellement, de façon à pouvoir mettre en pratique ces principes et ces conseils en harmonie avec les enseignements du christianisme et les contingences présentes.
Tous doivent se rappeler que les cruelles épreuves subies par Nous, ces dernières années, sont dues principalement à ce que la divine religion de Jésus-Christ, inspiratrice de réciproque charité entre les citoyens, les peuples et les races, ne régissait plus, comme il le fallait, la vie privée, la vie domestique, la vie publique. Puisque l’on s’est trompé en s’éloignant du Christ, il importe donc de revenir à lui publiquement et individuellement le plus tôt possible ; puisque l’erreur a obnubilé les esprits, il importe de revenir à cette vérité qui, ayant été divinement révélée, indique le chemin conduisant droit au ciel ; puisque la haine, enfin, a produit des fruits de mort, il importe de revenir à l’amour chrétien, qui seul peut guérir tant de plaies mortelles, surmonter tant de crises redoutables et adoucir tant de souffrances amères.
Et prier l’Enfant-Dieu.
Et comme nous approchons de cette si douce fête de la Nativité, qui remet en mémoire l’Enfant Jésus vagissant dans la crèche, et la chorale des anges annonçant aux hommes la paix, Nous jugeons opportun d’exhorter tous les chrétiens, spécialement ceux qui sont encore à la fleur de l’âge, à se rendre nombreux près de la crèche, afin d’y prier le divin Nouveau-Né de vouloir bien écarter les menaces des conflits qui planent sur nos têtes et éteindre les brandons des discordes et des séditions. Qu’il éclaire lui-même de sa céleste lumière les esprits de ceux qui la plupart du temps s’égarent en prenant l’erreur pour la vérité, plus que par une malice perverse ; qu’il réprime et apaise dans les âmes la haine et la vengeance, mette fin aux discordes et fasse revivre en la revigorant la charité chrétienne. Qu’il enseigne à ceux qui jouissent des biens de la fortune une généreuse largesse envers les déshérités ; et à ceux qui souffrent de leur condition modeste et pauvre, qu’il donne la consolation de son exemple et de l’aide d’en-haut, les amenant à désirer surtout les biens célestes de beaucoup les meilleurs qui dureront éternellement.
Nous comptons beaucoup, dans les angoisses présentes, sur les prières des enfants innocents que le divin Rédempteur accueille et favorise d’une façon particulière. Qu’ils élèvent donc vers lui, durant les solennités de Noël, leurs voix candides et leurs petites mains, symbole de leur innocence intérieure, pour implorer la paix, la concorde et la mutuelle charité ! Mais Nous désirons, de plus, qu’à leurs très ardentes prières, ils joignent ces pratiques de piété et de chrétienne générosité qui permettent d’apaiser la divine justice, offensée par tant de crimes et de subvenir selon leurs possibilités aux besoins des indigents.
Nous avons pleine confiance, Vénérables Frères, qu’avec votre habituel dévouement et votre coutumière diligence dont Nous avons tant de preuves, vous ferez en sorte que Nos paternelles exhortations d’aujourd’hui seront mises en pratique pour porter d’heureux fruits, et que tous ceux surtout qui sont dans la fleur de l’âge répondront volontiers et généreusement à Nos invites, que vous ferez vôtres.
Et c’est réconforté par cette douce espérance que, tant à chacun de vous tous qu’au troupeau confié à vos soins, Nous donnons de tout cœur la Bénédiction apostolique, gage de faveurs célestes et témoignage de Notre paternelle bienveillance.
Source : Documents Pontificaux de sa Sainteté Pie XII, année 1947, Edition Saint-Augustin Saint-Maurice – D’après le texte latin des A. A. S., XXXIX, 1947, p. 601 ; version française de l’Agence Kipa publiée par la Documentation Catholique, t. XLV, col. 321.