Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 6 décembre 1939
Vous venez de vous unir par de saintes promesses qui entraînent de nouveaux et graves devoirs, chers jeunes époux, et vous voilà en présence du Père commun des fidèles, pour recevoir ses exhortations et sa bénédiction.
Nous souhaitons que vous tourniez aujourd’hui vos regards vers la très douce Vierge Marie, dont l’Eglise après-demain célébrera la fête sous le titre de l’Immaculée Conception. Titre suave, prélude de toutes les autres gloires de Marie, privilège unique, au point de sembler quasi identifié avec sa personne même : « Je suis, dit-elle à sainte Bernadette dans la grotte de Massabielle, je suis l’Immaculée Conception ».
Une âme immaculée ! Lequel d’entre vous, au moins en ses meilleurs moments, n’a pas désiré l’être ? Qui n’aime point ce qui est pur et sans tache ? Qui n’admire la blancheur des lys qui se mirent dans le cristal d’un lac limpide, ou les cimes neigeuses qui reflètent l’azur du firmament ? Qui n’envie l’âme candide d’une Agnès, d’un Louis de Gonzague, d’une Thérèse de l’Enfant-Jésus ?
L’homme et la femme étaient immaculés lorsqu’ils sortirent des mains créatrices de Dieu. Souillés par le péché, ils durent commencer par le sacrifice expiatoire de victimes sans tache l’œuvre de purification que seul « le précieux Sang du Christ, celui de l’Agneau sans défaut et sans tache » [1], rendit efficacement rédemptrice. Et pour continuer son œuvre, Jésus-Christ voulut que l’Eglise, sa mystique épouse, « fut sans tache, sans ride… sainte et immaculée » [2]. Chers époux, tel est précisément le modèle que le grand apôtre Paul vous propose : « Maris, écrit-il, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise » [3], car ce qui fait la grandeur du sacrement de mariage, c’est son rapport avec l’union du Christ et de l’Eglise [4].
Vous penserez peut-être que l’idée d’une pureté sans tache s’applique exclusivement à la virginité, idéal sublime auquel Dieu appelle non pas tous les chrétiens, mais seulement des âmes d’élite. Vous connaissez de ces âmes, mais, tout en les admirant, vous n’avez pas cru que telle fût votre vocation. Sans tendre vers le sommet du renoncement total aux joies terrestres, vous avez, en suivant la voie ordinaire des commandements, le légitime désir de vous voir entourés d’une glorieuse couronne d’enfants, fruits de votre union. Et pourtant l’état de mariage, voulu par Dieu pour le commun des hommes, peut et doit avoir sa pureté sans tache.
Est immaculé devant Dieu quiconque accomplit ses devoirs d’état avec fidélité et sans faiblesse. Dieu n’appelle pas tous ses enfants à l’état de perfection, mais Il invite chacun d’eux à la perfection de son état. « Soyez parfaits, disait Jésus, comme votre Père céleste est parfait » [5]. Vous connaissez les devoirs de la chasteté conjugale. Ils exigent un réel courage, héroïque parfois, et une confiance filiale en la Providence ; mais la grâce du sacrement vous a été donnée précisément pour faire face à vos devoirs. Ne vous laissez donc pas dérouter par des prétextes trop en vogue et des exemples malheureusement trop fréquents.
Ecoutez plutôt les conseils de l’ange Raphaël au jeune Tobie qui hésitait à prendre pour épouse la vertueuse Sara : « Ecoutez-moi, et je vous apprendrai quels sont ceux sur qui le démon peut prévaloir : ce sont ceux qui entrent dans le mariage en bannissant Dieu de leur cœur et de leur pensée » [6]. Et Tobie éclairé par cette exhortation angélique dit à sa jeune épouse : « Nous sommes les enfants des saints et nous ne pouvons pas nous unir comme les païens qui ignorent Dieu » [7]. N’oubliez jamais que l’amour chrétien a un but bien supérieur à une fugitive satisfaction.
Ecoutez enfin la voix de votre conscience, qui répète au fond de vous-mêmes l’ordre donné par Dieu au premier couple humain : « Soyez féconds et multipliez-vous » [8]. Alors, selon l’expression de saint Paul, « le mariage sera honoré de tous et le lit conjugal exempt de souillure » [9]. Demandez cette grâce spéciale à la Sainte Vierge au jour de sa prochaine fête.
Pour devenir la digne Mère de Dieu, Marie fut immaculée dès sa conception. Aussi l’Eglise prie-t-elle dans sa liturgie, où résonne l’écho de ses dogmes : « Dieu, qui par la conception immaculée de la Vierge avez préparé à votre Fils une demeure digne de Lui… » [10]. Cette Vierge Immaculée, devenue Mère par un autre unique et divin privilège, saura donc comprendre vos désirs de pureté intérieure et les joies familiales auxquelles vous aspirez. Plus votre union sera sainte et exempte de péché, plus Dieu et sa Mère très pure vous béniront, jusqu’au jour où la Bonté suprême unira à jamais dans le ciel ceux qui se seront chrétiennement aimés sur la terre.
C’est en formant ces vœux que Nous vous accordons de tout cœur, chers époux, à vous et à tous les fidèles ici présents, la Bénédiction apostolique, gage des grâces divines les plus abondantes.
PIE XII, Pape.