Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

12 mai 1939

Lettre à S. Em. Le Cardinal Tisserant

À l’occasion de la commémoraison du baptême de saint Vladimir

Les col­lèges ruthène et russe de Rome ayant pro­je­té de célé­brer solen­nellement la com­mé­mo­rai­son du bap­tême de saint Vladimir et de son peuple en 950, le Saint-​Père a adres­sé à S. Em. le car­di­nal Tisserant la lettre suivante :

C’est avec une joie par­ti­cu­lière que Nous avons appris par vous, qui, à la Congrégation de la Curie Romaine pour le gou­ver­ne­ment de l’Eglise orien­tale, témoi­gnez à Notre égard d’un zèle empres­sé, que les deux col­lèges pon­ti­fi­caux, le col­lège ruthène de Saint-​Josa­phat et le col­lège russe de Sainte-​Thérèse de l’Enfant Jésus for­maient le pro­jet de com­mé­mo­rer solen­nel­le­ment ici à Rome l’année 950 où saint Vladimir et son peuple furent puri­fiés par le saint bap­tême. Lorsque Nous avons appris cette nou­velle, non seule­ment Nous avons approu­vé que soit célé­bré un tri­duum de prières dans l’église dédiée au Très Saint Nom de Jésus, mais encore Nous avons déci­dé pour le dimanche 21 de ce mois de célé­brer une messe pon­ti­fi­cale selon le rite byzantino-​slave dans la basi­lique patriar­cale du Vatican pour que Notre par­ti­ci­pa­tion à cet évé­ne­ment qui rehausse d’une gloire par­ti­cu­lière une si grande part du trou­peau du Christ se fasse en quelque sorte plus proche et plus écla­tante. Certes, le sou­ve­nir pres­que mil­lé­naire du bap­tême de saint Vladimir et de son peuple réveille en Nous de vifs sen­ti­ments de recon­nais­sance envers le Dieu miséri­cordieux auteur d’un si grand bien­fait et de fidèle véné­ra­tion pour les âmes géné­reuses qui l’ont obte­nu. Combien en effet de témoi­gnages de foi sont appa­rus en ce moment pro­pice ! Combien les flammes d’une fer­vente cha­ri­té ont brû­lé en ce jour qui a lui pour le salut d’un si grand nombre sous d’heureux pré­sages ! Dès lors, il appa­raît clai­re­ment que là où la doc­trine du Christ est connue des hommes et règle leur vie, là aus­si les condi­tions maté­rielles de la vie humaine s’organisent dans un ordre mer­veilleux et tous les hommes per­çoivent plus pro­fon­dé­ment la digni­té du Fils de Dieu et avec une sagesse plus avi­sée découvrent les voies et les rai­sons de la jus­tice et de la paix. Evoquer en effet saint Vladimir, le chef illustre de son peuple, c’est évo­quer sur­tout la grâce sur­na­tu­relle qui enflam­ma son âme quand il fut lui-​même régé­né­ré par l’eau et l’Esprit-Saint. Alors en lui refleu­rirent les germes féconds que, lorsqu’il était enfant, sainte Olga son aïeule avait dépo­sés en lui ; alors cet homme aupa­ravant si fruste, si inculte, pour ne pas dire sau­vage et cruel, fut for­mé à une vraie huma­ni­té et, dédai­gneux d’une gloire pas­sa­gère, entre­prit avec bon­heur de hâter la venue du règne du Christ par­mi ses sujets jusque-​là assis à l’ombre de la mort. Depuis lors, une grâce si grande s’est déve­lop­pée dans son peuple qu’il est demeu­ré tout au long des siècles fidèle à Jésus-​Christ, attes­tant de manière écla­tante les paroles de vie. Nous ne pou­vons pas oublier, chers Fils, que saint Vladimir a eu des rap­ports fré­quents avec ce Siège apos­to­lique et lui a don­né de nom­breuses preuves de sa dévo­tion filiale et de la fidé­li­té de son ami­tié. Nous ne pou­vons pas non plus pas­ser sous silence la fidé­li­té mon­trée à la Chaire de Pierre et prou­vée par le sang ver­sé de la part des catho­liques de rite byzan­tin dont la foule nom­breuse consti­tue en Europe orien­tale et dans les deux Amériques une part notable de l’Eglise du Christ. Evoquant avec reconnais­sance ces sou­ve­nirs, Nous Nous asso­cions très volon­tiers au bon­heur proche de ce joyeux évé­ne­ment. Cependant, en regar­dant la con­dition pré­sente de la chré­tien­té en Russie, Nous sommes contraint de déplo­rer, l’âme angois­sée et inquiète, que ce peuple fidèle qui fait remon­ter son ori­gine ancienne à saint Vladimir et à ses mérites, endure de grandes souf­frances à cause du mépris injuste dont est vic­time la foi catho­lique, à cause de la guerre abo­mi­nable décla­rée contre le très saint nom de Dieu, à cause de la vio­lence sou­vent san­glante faite à ceux qui confessent le Christ, Fils unique de Dieu. Aussi, c’est d’une âme sup­pliante et pres­sante que Nous adres­sons Notre prière à la très douce Mère de Dieu que ce peuple vénère et aime tant, pour qu’elle veuille dans sa bon­té ins­pi­rer aux chefs de l’Etat le sens vrai de la jus­tice, vaine et sté­rile si elle n’est pas régie par Dieu à qui tout est sou­mis, et en même temps obte­nir pour ses fils aban­don­nés qu’ils puissent le plus tôt pos­sible jouir de nou­veau de la foi chré­tienne, don mer­veilleux du Très-​Haut. Notre pré­dé­ces­seur lui-​même, Pie XI, d’heureuse mémoire, s’adres­sant aux élèves du col­lège ruthène de Saint-​Josaphat le 21 sep­tembre de l’année pas­sée à Castelgandolfo jugea digne de pro­non­cer déjà les paroles sui­vantes à pro­pos de ce joyeux anni­ver­saire, paroles que Nous fai­sons Nôtres et que Nous vous confions, Fils très cher, pour qu’avec Nos féli­ci­ta­tions et Notre encou­ra­ge­ment per­son­nel vous trans­met­tiez la plé­ni­tude de la Bénédiction apos­to­lique à tous ceux qui de rite byzantino-​slave ou d’autres rites s’uniront à vous pour célé­brer, par l’accord de la prière et l’effusion de la cha­ri­té mutuelle, lien de la per­fec­tion, l’année 950 où saint Vladimir et son peuple furent renou­ve­lés par le bain du salut.

Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-​Maurice Saint-​Augustin. – D’après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 258.