Les collèges ruthène et russe de Rome ayant projeté de célébrer solennellement la commémoraison du baptême de saint Vladimir et de son peuple en 950, le Saint-Père a adressé à S. Em. le cardinal Tisserant la lettre suivante :
C’est avec une joie particulière que Nous avons appris par vous, qui, à la Congrégation de la Curie Romaine pour le gouvernement de l’Eglise orientale, témoignez à Notre égard d’un zèle empressé, que les deux collèges pontificaux, le collège ruthène de Saint-Josaphat et le collège russe de Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus formaient le projet de commémorer solennellement ici à Rome l’année 950 où saint Vladimir et son peuple furent purifiés par le saint baptême. Lorsque Nous avons appris cette nouvelle, non seulement Nous avons approuvé que soit célébré un triduum de prières dans l’église dédiée au Très Saint Nom de Jésus, mais encore Nous avons décidé pour le dimanche 21 de ce mois de célébrer une messe pontificale selon le rite byzantino-slave dans la basilique patriarcale du Vatican pour que Notre participation à cet événement qui rehausse d’une gloire particulière une si grande part du troupeau du Christ se fasse en quelque sorte plus proche et plus éclatante. Certes, le souvenir presque millénaire du baptême de saint Vladimir et de son peuple réveille en Nous de vifs sentiments de reconnaissance envers le Dieu miséricordieux auteur d’un si grand bienfait et de fidèle vénération pour les âmes généreuses qui l’ont obtenu. Combien en effet de témoignages de foi sont apparus en ce moment propice ! Combien les flammes d’une fervente charité ont brûlé en ce jour qui a lui pour le salut d’un si grand nombre sous d’heureux présages ! Dès lors, il apparaît clairement que là où la doctrine du Christ est connue des hommes et règle leur vie, là aussi les conditions matérielles de la vie humaine s’organisent dans un ordre merveilleux et tous les hommes perçoivent plus profondément la dignité du Fils de Dieu et avec une sagesse plus avisée découvrent les voies et les raisons de la justice et de la paix. Evoquer en effet saint Vladimir, le chef illustre de son peuple, c’est évoquer surtout la grâce surnaturelle qui enflamma son âme quand il fut lui-même régénéré par l’eau et l’Esprit-Saint. Alors en lui refleurirent les germes féconds que, lorsqu’il était enfant, sainte Olga son aïeule avait déposés en lui ; alors cet homme auparavant si fruste, si inculte, pour ne pas dire sauvage et cruel, fut formé à une vraie humanité et, dédaigneux d’une gloire passagère, entreprit avec bonheur de hâter la venue du règne du Christ parmi ses sujets jusque-là assis à l’ombre de la mort. Depuis lors, une grâce si grande s’est développée dans son peuple qu’il est demeuré tout au long des siècles fidèle à Jésus-Christ, attestant de manière éclatante les paroles de vie. Nous ne pouvons pas oublier, chers Fils, que saint Vladimir a eu des rapports fréquents avec ce Siège apostolique et lui a donné de nombreuses preuves de sa dévotion filiale et de la fidélité de son amitié. Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence la fidélité montrée à la Chaire de Pierre et prouvée par le sang versé de la part des catholiques de rite byzantin dont la foule nombreuse constitue en Europe orientale et dans les deux Amériques une part notable de l’Eglise du Christ. Evoquant avec reconnaissance ces souvenirs, Nous Nous associons très volontiers au bonheur proche de ce joyeux événement. Cependant, en regardant la condition présente de la chrétienté en Russie, Nous sommes contraint de déplorer, l’âme angoissée et inquiète, que ce peuple fidèle qui fait remonter son origine ancienne à saint Vladimir et à ses mérites, endure de grandes souffrances à cause du mépris injuste dont est victime la foi catholique, à cause de la guerre abominable déclarée contre le très saint nom de Dieu, à cause de la violence souvent sanglante faite à ceux qui confessent le Christ, Fils unique de Dieu. Aussi, c’est d’une âme suppliante et pressante que Nous adressons Notre prière à la très douce Mère de Dieu que ce peuple vénère et aime tant, pour qu’elle veuille dans sa bonté inspirer aux chefs de l’Etat le sens vrai de la justice, vaine et stérile si elle n’est pas régie par Dieu à qui tout est soumis, et en même temps obtenir pour ses fils abandonnés qu’ils puissent le plus tôt possible jouir de nouveau de la foi chrétienne, don merveilleux du Très-Haut. Notre prédécesseur lui-même, Pie XI, d’heureuse mémoire, s’adressant aux élèves du collège ruthène de Saint-Josaphat le 21 septembre de l’année passée à Castelgandolfo jugea digne de prononcer déjà les paroles suivantes à propos de ce joyeux anniversaire, paroles que Nous faisons Nôtres et que Nous vous confions, Fils très cher, pour qu’avec Nos félicitations et Notre encouragement personnel vous transmettiez la plénitude de la Bénédiction apostolique à tous ceux qui de rite byzantino-slave ou d’autres rites s’uniront à vous pour célébrer, par l’accord de la prière et l’effusion de la charité mutuelle, lien de la perfection, l’année 950 où saint Vladimir et son peuple furent renouvelés par le bain du salut.
Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-Maurice Saint-Augustin. – D’après le texte latin des A. A. S., XXXI, 1939, p. 258.