Léon XIII

256ᵉ pape ; de 1878 à 1903

30 août 1884

Lettre encyclique Superiore anno

Sur la récitation du rosaire

A tous les Évêques du monde catho­lique, concer­nant les prières spé­ciales à faire pen­dant le mois d’octobre 1884.
Vénérables Frères,
Salut et béné­dic­tion apostolique.

L’an der­nier, comme vous le savez tous, Nous avons décré­té, par Notre Lettre Encyclique, de pra­ti­quer dans toutes les par­ties de l’univers catho­lique la dévo­tion du très Saint Rosaire, en l’honneur de la Mère de Dieu, pen­dant tout le mois d’octobre, afin d’obtenir à l’Eglise le secours du ciel dans ses épreuves. En cela Nous avons sui­vi et Notre propre juge­ment et les exemples de Nos pré­dé­ces­seurs qui, dans les grandes épreuves de l’Eglise, avaient cou­tume de recou­rir, avec un accrois­se­ment de pié­té, à l’auguste Vierge et d’implorer son secours par les prières les plus ardentes. Or, on a par­tout répon­du à Notre volon­té avec un tel empres­se­ment et une telle una­ni­mi­té, qu’on a vu clai­re­ment de quelle ardeur le peuple chré­tien est ani­mé pour la reli­gion et la pié­té, et quelle grande confiance ont tous les fidèles dans la pro­tec­tion céleste de la Vierge Marie. Cette fer­veur d’une pié­té et d’une foi mani­festes, Nous le décla­rons, a été pour Nous une grande conso­la­tion dans les per­sé­cu­tions et les maux qui Nous accablent, et Nous a encou­ra­gé à affron­ter des épreuves plus graves encore, si telle est la volon­té de Dieu. Aussi long­temps, en effet, que l’esprit de prière sera répan­du sur la mai­son de David et sur les habi­tants de Jérusalem, Nous conser­ve­rons la ferme confiance que Dieu nous exau­ce­ra un jour, et que, pre­nant pitié de la condi­tion de l’Eglise, il enten­dra les prières de ceux qui l’implorent par Celle qu’il a lui-​même vou­lu éta­blir la dis­pen­sa­trice des grâces célestes.

C’est pour­quoi, les mêmes causes qui, comme Nous l’avons dit, Nous ont déter­mi­né l’an der­nier à exci­ter la pié­té des fidèles, exis­tant encore, Nous avons cru de notre devoir, Vénérables Frères, d’exhorter, cette année aus­si, les peuples chré­tiens à méri­ter la puis­sante pro­tec­tion de la Mère de Dieu, en per­sé­vé­rant dans ce mode et cette for­mule de prière qu’on appelle le Rosaire de Marie. Comme ceux qui com­battent la reli­gion chré­tienne montrent une si grande obs­ti­na­tion à pour­suivre leur pro­jet, il faut que les défen­seurs ne montrent pas moins de constance de volon­té, sur­tout parce que le secours du ciel et les bien­faits que Dieu répand sur nous, ne sont sou­vent que le fruit de notre per­sé­vé­rance. – Nous aimons à vous rap­pe­ler l’exemple de l’héroïque Judith, qui, figu­rant la Sainte Vierge, répri­ma la folle impa­tience des Juifs, qui vou­laient fixer à Dieu, selon leur gré, le jour où il secour­rait leur nation oppri­mée. Il faut aus­si consi­dé­rer l’exemple des Apôtres, qui atten­daient l’insigne bien­fait de l’Esprit conso­la­teur qui leur avait été pro­mis, en per­sé­vé­rant una­ni­me­ment dans la prière avec Marie, Mère de Jésus.- Car main­te­nant aus­si il s’agit d’une chose bien dif­fi­cile et d’une grande impor­tance, il s’agit d’humilier dans l’exaltation de la force de sa puis­sance l’ennemi antique et très rusé, de rendre à la liber­té l’Eglise et son Chef, de conser­ver et de défendre les ins­ti­tu­tions sur les­quelles reposent la sécu­ri­té et le salut de la socié­té humaine. Il faut donc avoir soin, dans ces temps lamen­tables pour l’Eglise, de conser­ver avec zèle et pié­té la très sainte pra­tique du Rosaire de Marie, d’autant plus que ces prières, étant com­po­sées de manière à rap­pe­ler dans leur ordre les mys­tères de notre salut, sont très propres à nour­rir l’esprit de piété.

En ce qui concerne l’Italie, il faut implo­rer pour elle, par la réci­ta­tion du Rosaire, l’aide de la Vierge très puis­sante, main­te­nant sur­tout qu’une cala­mi­té n’en est plus à nous mena­cer et à fondre inopi­né­ment sur nous, mais nous a déjà atteints. Car la peste asia­tique ayant fran­chi, par la volon­té de Dieu, les limites que la nature sem­blait lui avoir posées, a enva­hi les très célèbres ports du golfe de Gaule, et de là les contrées limi­trophes de l’Italie. Il faut donc recou­rir à Marie, à celle que l’Eglise appelle à juste titre salu­taire, auxi­lia­trice, pro­tec­trice, afin qu’elle daigne nous appor­ter le secours que nous aurons implo­ré par les prières qui lui sont les plus agréables, et éloi­gner de nous le fléau contagieux.

C’est pour­quoi, à l’approche du mois d’octobre, dans lequel le monde catho­lique célèbre les solen­ni­tés de la Vierge du Rosaire, Nous avons arrê­té de pres­crire de nou­veau cette année tout ce que Nous avons pres­crit l’année der­nière. Nous décré­tons donc et Nous ordon­nons, qu’à par­tir du pre­mier jour d’octobre jusqu’au deuxième jour de novembre sui­vant, dans toutes les églises parois­siales et les sanc­tuaires publics dédiés à la Mère de Dieu, et même dans d’autres que l’Ordinaire vou­dra déter­mi­ner, on récite tous les jours au moins cinq dizaines du Rosaire, en y ajou­tant les Litanies. Si cet exer­cice a lieu le matin, la messe doit être célé­brée pen­dant les prières ; s’il a lieu dans l’après-midi, on expo­se­ra l’auguste Sacrement à l’adoration des fidèles, et l’on don­ne­ra ensuite la béné­dic­tion à l’assistance. Nous dési­rons aus­si que les Confréries du Très Saint Rosaire fassent par­tout où les lois civiles le per­mettent, des pro­ces­sions solen­nelles à tra­vers les vil­lages pour faire pro­fes­sion publique de la religion.

Et afin que les tré­sors célestes de l’Eglise soient ouverts à la pié­té chré­tienne, Nous renou­ve­lons toutes les indul­gences que Nous avons accor­dées l’an der­nier. Donc Nous accor­dons, pour chaque fois, une indul­gence de sept ans et de sept qua­ran­taines à tous ceux qui auront assis­té, les jours indi­qués, à la réci­ta­tion publique du Rosaire et auront prié selon Notre inten­tion, et éga­le­ment à ceux qui, empê­chés par une cause légi­time, auront fait ces prières en leur par­ti­cu­lier. Nous ouvrons le tré­sor de l’Eglise et Nous accor­dons la remise entière de leurs péchés à ceux qui, pen­dant le temps indi­qué ci-​dessus, auront fait publi­que­ment au moins dix fois ces pieux exer­cices dans les temples, ou chez eux par suite d’excuses légi­times, et qui, après s’être confes­sés, feront la sainte com­mu­nion. Nous accor­dons ce par­don com­plet des péchés et cette remise entière de la peine à tous ceux qui, ou le jour de la fête de la bien­heu­reuse Vierge du Rosaire, ou l’un des huit jours sui­vants, se seront puri­fiés de leurs péchés, auront fait une sainte com­mu­nion, et auront prié Dieu et sa très sainte Mère, sui­vant Notre inten­tion, dans un édi­fice sacré.

Enfin vou­lant avoir égard à ceux qui vivent à la cam­pagne et sont occu­pés, sur­tout dans le mois d’octobre, aux tra­vaux des champs, Nous leur accor­dons d’ajourner au mois de novembre ou de décembre, selon que l’Ordinaire le juge­ra oppor­tun, les exer­cices pres­crits plus haut avec les indul­gences à gagner pen­dant le mois d’octobre.

Nous ne dou­tons pas, Vénérables Frères, que des fruits abon­dants ne répon­dant à nos soins, sur­tout si, à ce que Nous semons et que votre sol­li­ci­tude aura arro­sé, Dieu accorde l’accroissement par la dif­fu­sion de ses grâces. Nous sommes convain­cu que le peuple chré­tien répon­dra à l’appel de Notre auto­ri­té Apostolique avec la même fer­veur de foi et de pié­té dont il a don­né l’année der­nière une si grande preuve. Que la céleste Patronne invo­quée par les prières du Rosaire nous soit pro­pice, et qu’elle fasse que Nous obte­nions de Dieu la paix tant dési­rée de l’Eglise, en met­tant fin au conflit des opi­nions et en réta­blis­sant par­tout le Christianisme dans ses droits. Comme gage de ce bien­fait, Nous accor­dons très affec­tueu­se­ment la Bénédiction Apostolique à Vous, à Votre cler­gé, et aux peuples confiés à votre charge. Donné à Rome, près Saint-​Pierre, le 30 août 1884, la sep­tième année de Notre Pontificat. 

LEON XIII, PAPE.