Léon XIII

256ᵉ pape ; de 1878 à 1903

5 septembre 1898

Lettre encyclique Diuturni Temporis

À l’occasion du mois du Rosaire

A Nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques, Evêques et autres Ordinaires en paix et en com­mu­nion avec le Saint-​Siège apos­to­lique,
Léon XIII, Pape.

Vénérables Frères, salut et béné­dic­tion apostolique.

En consi­dé­rant le long espace de temps, durant lequel, par la volon­té de Dieu, Nous avons exer­cé le sou­ve­rain Pontificat, Nous ne pou­vons nous empê­cher de recon­naître, que, mal­gré Notre indi­gni­té, Nous y avons res­sen­ti le secours inin­ter­rom­pu de la divine Providence. Nous pen­sons qu’il faut l’attribuer prin­ci­pa­le­ment aux prières dites en com­mun, et par­tant si effi­caces, qui n’ont ces­sé un seul ins­tant d’être répan­dues pour Nous, comme autre­fois pour Pierre, par l’Eglise universelle.

C’est pour­quoi, tout d’abord, Nous ren­dons les plus vives actions de grâces à Dieu, le dis­pen­sa­teur de tout bien. Toute Notre vie, Nous gar­de­rons dans Notre esprit et Notre cœur, le sou­ve­nir de cha­cun de ses bienfaits.

En outre, il Nous est bien doux de Nous rap­pe­ler le mater­nel patro­nage de l’auguste Reine du Ciel. Nous conser­ve­rons pieu­se­ment et invio­la­ble­ment la mémoire de ses faveurs ; Nous ne ces­se­rons de les exal­ter et de l’en remercier.

D’Elle, en effet, découlent, comme d’un canal très abon­dant, les flots des grâces célestes. « Dans ses mains sont les tré­sors des misé­ri­cordes divines » . « Dieu veut qu’Elle soit le prin­cipe de tous les biens » . Dans l’amour de cette tendre Mère, que Nous Nous sommes effor­cé d’entretenir et d’accroître, Nous avons la ferme espé­rance de mourir.

Depuis long­temps déjà, dési­rant faire repo­ser le salut de la socié­té humaine sur l’extension du culte de la divine Vierge, comme sur une for­te­resse inex­pug­nable, Nous n’avons pas ces­sé de pro­pa­ger, par­mi les fidèles du Christ, la dévo­tion fré­quente au Rosaire de Marie. A par­tir de Notre Lettre Encyclique des calendes de sep­tembre de l’année 1883, publiée sur ce sujet, Nous avons édic­té maints décrets, dans ce même but et pour le même objet.

Et comme, par un des­sein de la misé­ri­corde divine, il Nous est don­né de voir encore cette année l’approche du mois d’octobre, que Nous avons pré­cé­dem­ment dédié et consa­cré à la Vierge du Rosaire, Nous ne vou­lons pas man­quer de vous exhor­ter encore à la pié­té envers Marie.

En vous rap­pe­lant ain­si rapi­de­ment ce que Nous avons fait jusqu’ici pour pro­mou­voir cette forme de prière, Nous cou­ron­ne­rons notre œuvre par une der­nière Lettre, qui sera le suprême témoi­gnage de Notre zèle et de Notre sol­li­ci­tude pour cette excel­lente manière d’honorer la bien­heu­reuse Vierge, et qui exci­te­ra plus encore l’ardeur des fidèles à embras­ser pieu­se­ment, et à conser­ver d’une façon invio­lable cette sainte pratique.

Mu par le désir constant de fixer, dans les convic­tions du peuple chré­tien, la gran­deur et l’efficacité du Rosaire de Marie, Nous avons rap­pe­lé l’origine, plu­tôt divine qu’humaine, de cette prière. Nous avons mon­tré com­ment elle est une guir­lande, admi­ra­ble­ment for­mée, de la Salutation angé­lique et de l’Oraison domi­ni­cale, unies à la médi­ta­tion. Ainsi com­po­sé, le Rosaire forme la plus puis­sante méthode de prière, bien effi­cace pour nous faire acqué­rir la vie éter­nelle. Outre l’excellence même des élé­ments, dont elle est com­po­sée, ne fournit-​elle pas à notre foi un utile ali­ment ; et ne nous offre-​t-​elle pas d’insignes modèles de ver­tu, grâce aux mys­tères qu’elle pré­sente suc­ces­si­ve­ment à notre méditation ?

Nous avons rap­pe­lé, en outre, que le Rosaire est d’une pra­tique facile, et à la por­tée du peuple, à qui les exemples de la famille de Nazareth offrent une image par­faite de ce devrait être la vie domes­tique. C’est pour­quoi le peuple chré­tien n’a jamais man­qué d’éprouver sa très salu­taire efficacité.

Pour ces motifs prin­ci­pa­le­ment, et parce que, d’ailleurs, Nous n’avons pas ces­sé, par Nos appels réité­rés, de recom­man­der la forme même du Rosaire, Nous Nous sommes appli­qué, en outre, sui­vant la pieuse tra­di­tion de Nos pré­dé­ces­seurs, à en répandre la pra­tique, et à en accroître la solennité.

Sixte-​Quint, d’heureuse mémoire, approu­va l’antique usage de réci­ter le Rosaire ; Grégoire XIII ins­ti­tua une fête, sous ce vocable ; Clément VIII l’inscrivit dans le Martyrologe ; Clément XI en éten­dit la célé­bra­tion à l’Eglise entière ; Benoît XIII l’inséra dans le Bréviaire Romain. A leur suite, et en témoi­gnage per­pé­tuel de Notre dévo­tion pour cet exer­cice de pié­té, Nous avons décré­té que cette solen­ni­té, avec son office, serait célé­bré dans toute l’Eglise, comme fête double de seconde classe ; Nous avons pres­crit que le mois d’octobre tout entier serait consa­cré à cette dévo­tion ; Nous avons ordon­né d’ajouter aux Litanies de Lorette l’invocation : « Reine du Très Saint Rosaire », comme augure de la vic­toire à rem­por­ter dans les com­bats actuels contre l’impiété.

Il Nous res­tait à mon­trer tout le prix et tout le pro­fit qui est atta­ché à la réci­ta­tion du Rosaire de Marie, soit à cause des pri­vi­lèges et des faveurs, dont il est enri­chi, soit sur­tout à cause du tré­sor si grand des indul­gences, qui y sont atta­chées. Combien il importe à tous ceux qui ont sou­ci de leur salut de mettre à pro­fit de pareils avan­tages, c’est ce que l’on peut com­prendre sans peine.

Il s’agit, en effet, d’obtenir, en tout ou en par­tie, en usant du tré­sor des Indulgences, la rémis­sion de la peine tem­po­relle qu’il reste, même après le par­don du péché, à subir dans ce monde ou dans l’autre. Riche tré­sor, certes, que celui des mérites du Christ, aux­quels sont joints ceux de la Vierge et des Saints ! Notre pré­dé­ces­seur Clément VI lui appli­quait ces paroles de la Sagesse : « Il est pour les hommes un tré­sor infi­ni ; ceux qui s’en servent par­ti­cipent à l’amitié de Dieu ».

Déjà les Pontifes romains, usant du suprême pou­voir qu’ils tiennent de Dieu, ont ouvert en faveur des asso­ciés du saint Rosaire et pour ceux qui le récitent pieu­se­ment, les sources les plus abon­dantes de ces grâces.

C’est pour­quoi, Nous aus­si, dans la pen­sée que ces grâces et ces indul­gences aug­mentent l’éclat de la cou­ronne de la Vierge Marie, et contri­buent à l’orner, pour ain­si dire, des perles les plus pré­cieuses, Nous avons réso­lu, après de mûres réflexions, de publier une Constitution, rela­tive aux droits, aux pri­vi­lèges, aux indul­gences, dont jouissent les asso­cia­tions du Très Saint Rosaire. Puisse cette Constitution être un témoi­gnage de Notre amour envers la très auguste Mère de Dieu ; puisse-​t-​elle offrir à tous les fidèles du Christ des sti­mu­lants et des récom­penses pour leur pié­té, afin que, à leur heure suprême, ils puissent être sou­la­gés par le secours de Marie et s’endormir dou­ce­ment sur son sein.

C’est ce que Nous deman­dons de tout cœur au Dieu très bon et très grand, par l’intercession de la Reine du Très Saint Rosaire.

Comme gage et augure des biens célestes, Nous vous accor­dons affec­tueu­se­ment, à vous, Vénérables Frères, au cler­gé et au peuple confiés aux soins de cha­cun de vous, la béné­dic­tion apostolique.

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, le 5 sep­tembre de l’année 1898, la vingt et unième de Notre Pontificat.

LEON XIII, Pape.