Saint Pie X

257ᵉ pape ; de 1903 à 1914

6 janvier 1907

Lettre encyclique Une fois encore

Sur la loi de séparation de l'Église et de l'État français

Donné à Rome, près de Saint Pierre, le jour de l’Épiphanie, le 6 jan­vier de l’an­née 1907

A Nos véné­rés Frères les Cardinaux, Archevêques et Evêques de France, au Clergé et au Peuple fran­çais, Vénérables Frères, Bien-​aimés Fils, Salut et béné­dic­tion apostolique,

Une fois encore, les graves évé­ne­ments qui se pré­ci­pitent en votre noble pays, Nous amènent à adres­ser la parole à l’Eglise de France pour la sou­te­nir dans ses épreuves et pour la conso­ler dans sa dou­leur. C’est en effet, quand les fils sont dans la peine que le cœur du Père doit plus que jamais s’in­cli­ner vers eux.

C’est par consé­quent, lorsque Nous vous voyons souf­frir que, du fond de Notre âme pater­nelle, les flots de ten­dresse doivent jaillir avec plus d’a­bon­dance et aller vers vous plus récon­for­tants et plus doux.

Ces souf­frances, Vénérables Frères et bien-​aimés Fils, ont un écho dou­lou­reux dans toute l’Eglise catho­lique en ce moment ; mais Nous les res­sen­tons d’une façon bien plus vive encore et Nous y com­pa­tis­sons avec une ten­dresse qui, gran­dis­sant avec vos épreuves, semble s’ac­croître chaque jour.

A ces tris­tesses cruelles, le Maître a mêlé, il est vrai, une conso­la­tion on ne peut plus pré­cieuse à Notre cœur. Elle Nous est venue de votre inébran­lable atta­che­ment à l’Eglise, de votre fidé­li­té indé­fec­tible à ce Siège apos­to­lique et de l’u­nion forte et pro­fonde qui règne par­mi vous. De cette fidé­li­té et de cette union, Nous en étions sûr d’a­vance, car Nous connais­sions trop la noblesse et la géné­ro­si­té du cœur fran­çais pour avoir à craindre qu’en plein champ de bataille, la dés­union pût se glis­ser dans vos rangs. Nous n’en éprou­vons pas moins une joie immense au spec­tacle magni­fique que vous don­nez actuel­le­ment, et en vous en louant hau­te­ment devant l’Eglise tout entière, Nous en bénis­sons du fond du cœur le Père des misé­ri­cordes, auteur de tous les biens.

Le recours à ce Dieu infi­ni­ment bon est d’au­tant plus néces­saire que, loin de s’a­pai­ser, la lutte s’ac­cen­tue et va sans cesse s’é­ten­dant. Ce n’est plus seule­ment la foi chré­tienne qu’on veut à tout prix déra­ci­ner du milieu des cœurs, c’est encore toute croyance qui, éle­vant l’homme au-​dessus des hori­zons de ce monde, reporte sur­na­tu­rel­le­ment son regard las­sé vers le ciel.

L’illusion, en effet, n’est plus pos­sible. On a décla­ré la guerre à tout ce qui est sur­na­tu­rel, parce que der­rière le sur­na­tu­rel, Dieu se trouve et que ce que l’on veut rayer du cœur et de l’es­prit de l’homme, c’est Dieu.

Cette lutte sera achar­née et sans répit de la part de ceux qui la mènent. Qu’au fur et à mesure qu’elle se dérou­le­ra, des épreuves plus dures que celles que vous avez connues jus­qu’i­ci vous attendent, c’est pos­sible et même pro­bable. La sagesse com­mande donc à cha­cun de vous de s’y pré­pa­rer. Vous le ferez sim­ple­ment, vaillam­ment et avec confiance, sûrs que, quelle que soit la vio­lence de la bataille, fina­le­ment la vic­toire res­te­ra entre vos mains.

Le gage de cette vic­toire sera votre union, union entre vous d’a­bord, union avec ce Siège apos­to­lique ensuite. Cette double union vous ren­dra invin­cibles, et contre elle tous les efforts se briseront.

Nos enne­mis ne s’y sont pas mépris du reste. Dès la pre­mière heure, et avec une sûre­té de vue très grande, ils ont choi­si leur objec­tif : en pre­mier lieu, vous sépa­rer de Nous et de la Chaire de Pierre, puis semer la divi­sion par­mi vous. Depuis ce moment, ils n’ont pas chan­gé de tac­tique ; ils y sont reve­nus sans cesse et par tous les moyens : les uns avec des for­mules enve­lop­pantes et pleines d’ha­bi­le­té, les autres avec bru­ta­li­té et cynisme.

Promesses cap­tieuses, primes désho­no­rantes offertes au schisme, menaces et vio­lence, tout a été mis en jeu et employé. Mais votre clair­voyante fidé­li­té a déjoué toutes ces ten­ta­tives. S’avisant alors que le meilleur moyen de vous sépa­rer de Nous, c’é­tait de vous ôter toute confiance dans le Siège apos­to­lique, ils n’ont pas hési­té du haut de la tri­bune et dans la presse, à jeter le dis­cré­dit sur Nos actes en mécon­nais­sant, et par­fois même en calom­niant Nos intentions.

L’Eglise, a‑t-​on dit, cherche à sus­ci­ter la guerre reli­gieuse en France et elle y appelle la per­sé­cu­tion vio­lente de tous ses vœux. Etrange accu­sa­tion, qu’une accu­sa­tion pareille. Fondée par Celui qui est venu dans ce monde pour le paci­fier et pour récon­ci­lier l’homme avec Dieu, mes­sa­gère de paix sur cette terre, l’Eglise ne pour­rait vou­loir la guerre reli­gieuse qu’en répu­diant sa mis­sion sublime et en y men­tant aux yeux de tous. A cette mis­sion de dou­ceur patiente et d’a­mour, elle reste au contraire et res­te­ra tou­jours fidèle. D’ailleurs, le monde entier sait aujourd’­hui, à ne plus pou­voir s’y trom­per, que si la paix des consciences est rom­pue en France, ce n’est pas du fait de l’Eglise, mais du fait de ses enne­mis. Les esprits impar­tiaux, même lors­qu’ils ne par­tagent pas notre foi, recon­naissent que si l’on com­bat sur le ter­rain reli­gieux dans votre patrie bien-​aimée, ce n’est point parce que l’Eglise y a levé l’é­ten­dard la pre­mière, mais c’est parce qu’on lui a décla­ré la guerre à elle-​même. Cette guerre, depuis vingt cinq ans sur­tout, elle ne fait que la subir. Voilà la véri­té. Les décla­ra­tions, mille fois faites et refaites dans la presse, dans les Congrès, dans les Convents maçon­niques, au sein du Parlement lui-​même, le prouvent aus­si bien que les attaques qu’on a pro­gres­si­ve­ment et métho­di­que­ment menées contre elle. Ces faits sont indé­niables et contre eux aucune parole ne pour­ra jamais pré­va­loir. L’Eglise ne veut donc pas la guerre, la guerre reli­gieuse moins encore que les autres, et affir­mer le contraire, c’est la calom­nier et l’outrager.

Elle ne sou­haite pas davan­tage la per­sé­cu­tion vio­lente. Cette per­sé­cu­tion, elle la connaît pour l’a­voir souf­ferte dans tous les temps et sous tous les cieux. Plusieurs siècles pas­sés par elle dans le sang lui donnent donc le droit de dire avec une sainte fier­té qu’elle ne la craint pas et que, toutes les fois que ce sera néces­saire, elle sau­ra l’af­fron­ter. Mais la per­sé­cu­tion en soi, c’est le mal, puis­qu’elle est l’in­jus­tice et qu’elle empêche l’homme d’a­do­rer Dieu en liber­té. L’Eglise ne peut donc pas la sou­hai­ter, même en vue du bien que, dans sa sagesse infi­nie, la Providence en tire tou­jours. En outre, la per­sé­cu­tion n’est pas seule­ment le mal, elle est encore la souf­france, et c’est une rai­son nou­velle pour laquelle, par pitié pour ses enfants, l’Eglise, qui est la meilleure des mères, ne la dési­re­ra jamais.

Du reste, cette per­sé­cu­tion à laquelle on lui reproche de vou­loir pous­ser et qu’on se déclare bien déci­dé à lui refu­ser, on la lui inflige en réa­li­té. N’a-​t-​on pas, tout der­niè­re­ment encore, expul­sé de leurs évê­chés les Evêques, même les plus véné­rables et par l’âge et par les ver­tus ; chas­sé les sémi­na­ristes des Grands et Petits Séminaires ; com­men­cé à ban­nir les curés de leur pres­by­tère ? Tout l’u­ni­vers catho­lique a vu ce spec­tacle avec tris­tesse, et sur le nom qu’il conve­nait de don­ner à de pareilles vio­lences, il n’a pas hésité.

En ce qui concerne les biens ecclé­sias­tiques qu’on Nous accuse d’a­voir aban­don­nés, il importe de remar­quer que ces biens étaient, pour une par­tie, le patri­moine des pauvres et le patri­moine plus sacré encore, des tré­pas­sés. Il n’é­tait donc pas plus per­mis à l’Eglise de les aban­don­ner que de les livrer ; elle ne pou­vait que se les lais­ser arra­cher par la vio­lence. Personne ne croi­ra du reste, qu’elle ait déli­bé­ré­ment aban­don­né, sinon sous la pres­sion des rai­sons les plus impé­rieuses, ce qui lui avait été ain­si confié et ce qui lui était si néces­saire pour l’exer­cice du culte, pour l’en­tre­tien des édi­fices sacrés, pour la for­ma­tion de ses clercs et pour la sub­sis­tance de ses ministres. C’est per­fi­de­ment mise en demeure de choi­sir entre la ruine maté­rielle et une atteinte consen­tie à sa consti­tu­tion, qui est d’o­ri­gine divine, qu’elle a refu­sé, au prix même de la pau­vre­té, de lais­ser tou­cher en elle à l’œuvre de Dieu. On lui a donc pris ses biens, elle ne les a pas aban­don­nés. Par consé­quent, décla­rer les biens ecclé­sias­tiques vacants à une époque déter­mi­née si, à cette époque, l’Eglise n’a pas créé dans son sein un orga­nisme nou­veau ; sou­mettre cette créa­tion à des condi­tions en oppo­si­tion cer­taine avec la consti­tu­tion divine de cette Eglise, mise ain­si dans l’o­bli­ga­tion de les repous­ser ; attri­buer ensuite ces biens à des tiers, comme s’ils étaient deve­nus des biens sans maître, et, fina­le­ment, affir­mer qu’en agis­sant ain­si on ne dépouille pas l’Eglise mais qu’on dis­pose seule­ment de biens aban­don­nés par elle, ce n’est pas sim­ple­ment rai­son­ner en sophiste, c’est ajou­ter la déri­sion à la plus cruelle des spo­lia­tions. Spoliation indé­niable, du reste, et qu’on cher­che­rait en vain à pal­lier en affir­mant qu’il n’exis­tait aucune per­sonne morale à qui ces biens pussent être attri­bués ; car l’Etat est maître de confé­rer la per­son­na­li­té civile à qui le bien public exige qu’elle soit confé­rée, aux éta­blis­se­ments catho­liques comme aux autres, et, dans tous les cas, il lui aurait été facile de ne pas sou­mettre la for­ma­tion des asso­cia­tions cultuelles à des condi­tions en oppo­si­tion directe avec la consti­tu­tion divine de l’Eglise qu’elles étaient cen­sées devoir servir.

Or, c’est pré­ci­sé­ment ce que l’on a fait rela­ti­ve­ment aux asso­cia­tions cultuelles. La loi les a orga­ni­sées de telle sorte que ses dis­po­si­tions à ce sujet vont direc­te­ment à l’en­contre de droits qui, décou­lant de sa consti­tu­tion, sont essen­tiels à l’Eglise, notam­ment en ce qui touche la hié­rar­chie ecclé­sias­tique, base invio­lable don­née à son œuvre par le divin Maître lui-​même. De plus, la loi confère à ces asso­cia­tions des attri­bu­tions qui sont de l’ex­clu­sive com­pé­tence de l’au­to­ri­té ecclé­sias­tique, soit en ce qui concerne l’exer­cice du culte, soit en ce qui concerne la pos­ses­sion et l’ad­mi­nis­tra­tion des biens. Enfin, non seule­ment ces asso­cia­tions cultuelles sont sous­traites à la juri­dic­tion ecclé­sias­tique, mais elles sont ren­dues jus­ti­ciables de l’au­to­ri­té civile. Voilà pour­quoi Nous avons été ame­né, dans Nos pré­cé­dentes ency­cliques, à condam­ner ces asso­cia­tions cultuelles, mal­gré les sacri­fices maté­riels que cette condam­na­tion emportait.

On Nous a accu­sé encore de par­ti pris et d’in­con­sé­quence. Il a été dit que Nous avions refu­sé d’ap­prou­ver en France ce qui avait été approu­vé en Allemagne. Mais ce reproche manque autant de fon­de­ment que de jus­tice. Car, quoique la loi alle­mande fut condam­nable sur bien des points et qu’elle n’ait été que tolé­rée à rai­son de maux plus grands à écar­ter, cepen­dant les situa­tions sont tout à fait dif­fé­rentes, et cette loi recon­naît expres­sé­ment la hié­rar­chie catho­lique, ce que la loi fran­çaise ne fait point.

Quant à la décla­ra­tion annuelle exi­gée pour l’exer­cice du culte, elle n’of­frait pas toute la sécu­ri­té légale qu’on était en droit de dési­rer. Néanmoins, bien qu’en prin­cipe, les réunions des fidèles dans les églises n’aient aucun des élé­ments consti­tu­tifs propres aux réunions publiques et, qu’en fait, il soit odieux de vou­loir les leur assi­mi­ler, pour évi­ter de plus grands maux, l’Eglise aurait pu être ame­née à tolé­rer cette décla­ra­tion. Mais en sta­tuant que « le curé ou le des­ser­vant ne serait plus » dans son église « qu’un occu­pant sans titre juri­dique ; qu’il serait sans droit pour faire aucun acte d’ad­mi­nis­tra­tion » on a impo­sé aux ministres du culte, dans l’exer­cice même de leur minis­tère, une situa­tion tel­le­ment humi­liée et vague que, dans de pareilles condi­tions, la décla­ra­tion ne pou­vait plus être acceptée.

Reste la loi récem­ment votée par les deux Chambres.

Au point de vue des biens ecclé­sias­tiques, cette loi est une loi de spo­lia­tion, une loi de confis­ca­tion, et elle a consom­mé le dépouille­ment de l’Eglise. Quoique son divin Fondateur soit né pauvre dans une crèche et soit mort pauvre sur une croix, quoi­qu’elle ait connu elle-​même la pau­vre­té dès son ber­ceau, les biens qu’elle avait entre les mains ne lui appar­te­naient pas moins en propre, et nul n’a­vait le droit de l’en dépouiller. Cette pro­prié­té indis­cu­table à tous les points de vue, avait été encore offi­ciel­le­ment sanc­tion­née par l’Etat ; il ne pou­vait, par consé­quent, pas la vio­ler. Au point de vue de l’exer­cice du culte, cette loi a orga­ni­sé l’a­nar­chie ; ce qu’elle ins­taure sur­tout, en effet, c’est l’in­cer­ti­tude et le bon plai­sir. Incertitude, si les édi­fices du culte, tou­jours sus­cep­tibles de désaf­fec­tion, seront mis ou non, en atten­dant, à la dis­po­si­tion du cler­gé et des fidèles ; incer­ti­tude, s’ils leur seront conser­vés ou non, et pour quel laps de temps ; arbi­traire admi­nis­tra­tif réglant les condi­tions de la jouis­sance ren­due émi­nem­ment pré­caire ; pour le culte, autant de situa­tions diverses en France qu’il y a de com­munes ; dans chaque paroisse, le prêtre mis à la dis­cré­tion de l’au­to­ri­té muni­ci­pale, et, par consé­quent, le conflit à l’é­tat pos­sible orga­ni­sé d’un bout à l’autre du pays. Par contre, obli­ga­tion de faire face à toutes les charges, même les plus lourdes, et, en même temps, limi­ta­tion dra­co­nienne en ce qui concerne les res­sources des­ti­nées à y pour­voir. Aussi, née d’hier, cette loi a‑t-​elle déjà sou­le­vé d’in­nom­brables et dures cri­tiques de la part d’hommes appar­te­nant indis­tinc­te­ment à tous les par­tis poli­tiques et à toutes les opi­nions reli­gieuses, et ces cri­tiques seules suf­fi­raient à la juger.

Il est aisé de consta­ter par ce que Nous venons de vous rap­pe­ler, Vénérables Frères et bien-​aimés Fils, que cette loi aggrave la loi de Séparation, et Nous ne pou­vons dés lors que la réprouver.

Le texte impré­cis et ambi­gu de cer­tains des articles de cette loi met dans une nou­velle lumière le but pour­sui­vi par nos enne­mis. Ils veulent détruire l’Eglise et déchris­tia­ni­ser la France, ain­si que Nous vous l’a­vons déjà dit, mais sans que le peuple y prenne trop garde et qu’il y puisse, pour ain­si dire, faire atten­tion. Si leur entre­prise était vrai­ment popu­laire, comme ils le pré­tendent, ils ne balan­ce­raient pas à la pour­suivre visière rele­vée, et à en prendre hau­te­ment toute la res­pon­sa­bi­li­té. Mais cette res­pon­sa­bi­li­té, loin de l’as­su­mer, ils s’en défendent, ils la repoussent et, pour mieux y réus­sir, ils la rejettent sur l’Eglise, leur vic­time. De toutes les preuves, c’est la plus écla­tante que leur œuvre néfaste ne répond pas aux vœux du pays.

C’est en vain, du reste, qu’a­près Nous avoir mis dans la néces­si­té cruelle de repous­ser les lois qu’ils ont faites, voyant les maux qu’ils ont atti­rés sur la patrie et sen­tant la répro­ba­tion uni­ver­selle mon­ter comme une lente marée vers eux, ils essayent d’é­ga­rer l’o­pi­nion publique et de faire retom­ber la res­pon­sa­bi­li­té de ces maux sur Nous. Leur ten­ta­tive ne réus­si­ra pas.

Quant à Nous, Nous avons accom­pli Notre devoir comme tout autre Pontife romain l’au­rait fait. La haute charge dont il a plu au ciel de Nous inves­tir, mal­gré Notre indi­gni­té, comme du reste la foi du Christ elle-​même, foi que vous pro­fes­sez avec Nous, Nous dic­tait Notre conduite. Nous n’au­rions pu agir autre­ment sans fou­ler aux pieds Notre conscience, sans for­faire au ser­ment que Nous avons prê­té en mon­tant sur la Chaire de Pierre et sans vio­ler la hié­rar­chie catho­lique, base don­née à l’Eglise par Notre Seigneur Jésus Christ. Nous atten­dons sans crainte, par consé­quent, le ver­dict de l’his­toire. Elle dira que, les yeux immua­ble­ment fixés sur les droits supé­rieurs de Dieu à défendre, Nous n’a­vons pas vou­lu humi­lier le pou­voir civil ni com­battre une forme de gou­ver­ne­ment, mais sau­ve­gar­der l’œuvre intan­gible de Notre Seigneur et Maître Jésus Christ. Elle dira que Nous vous avons défen­dus de toute la force de Notre immense ten­dresse, ô bien-​aimés Fils ; que ce que Nous avons récla­mé et récla­mons pour l’Eglise, dont l’Eglise de France est la fille aînée et une par­tie inté­grante, c’est le res­pect de sa hié­rar­chie, l’in­vio­la­bi­li­té de ses biens et la liber­té ; que, si l’on avait fait droit à Notre demande, la paix reli­gieuse n’au­rait pas été trou­blée en France, et que, le jour où on l’é­cou­te­ra, cette paix si dési­rable y renaîtra.

Elle dira enfin que si, sûr d’a­vance de votre géné­ro­si­té magna­nime, Nous n’a­vons pas hési­té à vous dire que l’heure des sacri­fices avait son­né, c’est pour rap­pe­ler au monde, au nom du Maître de toutes choses, que l’homme doit nour­rir ici-​bas des pré­oc­cu­pa­tions plus hautes que celles des contin­gences péris­sables de cette vie, et que la joie suprême, l’in­vio­lable joie de l’âme humaine sur cette terre, c’est le devoir sur­na­tu­rel­le­ment accom­pli coûte que coûte, et, par là même, Dieu hono­ré, ser­vi et aimé mal­gré tout.

Confiant que la Vierge Immaculée, Fille du Père, Mère du Verbe, Epouse du Saint Esprit, vous obtien­dra de la Très Sainte et Adorable Trinité des jours meilleurs, comme pré­sage de l’ac­cal­mie qui sui­vra la tem­pête, Nous en avons la ferme espé­rance, c’est du fond de l’âme que Nous vous accor­dons Notre béné­dic­tion apos­to­lique, à vous, Vénérables Frères, ain­si qu’à votre cler­gé et au peuple fran­çais tout entier.

Donné à Rome, près de Saint Pierre, le jour de l’Épiphanie, le 6 jan­vier de l’an­née 1907, de Notre Pontificat le quatrième.

Pie X, Pape