Prononcé en réponse aux souhaits de fête du Sacré-Collège, le 18 mars 1904.
Nous accueillons avec une vive satisfaction les souhaits de bonheur que, pour la première fois, Nous présente le Sacré-Collège, eu l’heureuse occurrence de la fête de saint Joseph, dont il Nous fut donné au saint baptême de recevoir le nom vénéré. Ces vœux Nous sont un témoignage très agréable des sentiments filiaux et dévoués du Sacré-Collège et redoublent pour Nous la joie d’une solennité déjà chère à tant de titres au monde catholique.
Aussi, tandis que Nous adressons au Sacré-Collège des remerciements sincères, Nous élevons Notre esprit et Notre cœur vers le très doux patron de l’Eglise universelle, afin que, en accomplissement des vœux qui Nous sont offerts, il Nous obtienne du souverain dispensateur de tous les biens lumière et secours dans l’exercice de Notre difficile ministère, et à l’Eglise celle efficace et tendre protection, dont elle a un si grand besoin dans les dures et périlleuses luttes du temps.
Certainement, ces luttes ne manquent pas à nos jours. En vérité, si Nous envisageons la situation de la grande famille catholique, Nous trouvons, sans doute, de bien réels motifs de consolation en constatant la belle et étroite union de l’épiscopat avec ce Siège apostolique, l’affectueux mouvement des peuples vers le centre de l’unité et le développement fécond et toujours croissant que prennent les œuvres catholiques dans toutes les nations. Cependant, d’un autre côté, Nous avons un grand sujet de préoccupation et d’amertume en voyant avec, quelle ardeur sont combattus les principes catholiques, avec quelle opiniâtreté parmi toutes les multitudes sont répandues des erreurs funestes non moins à l’Eglise qu’à la société civile, et avec quelle aberration en certains lieux sont détruites les institutions et les œuvres les plus salutaires fondées par l’Eglise, an prix d’une si grande sollicitude et de tant de sacrifices pour le bien moral et matériel du peuple.
El, à cet égard, vous connaissez, Messieurs les cardinaux, les douloureux événements qui, depuis plusieurs années, se déroulent en France. Depuis que, par un mystérieux dessein de la divine Providence, Nous avons été élevé à la chaire du Prince des apôtres, Nous n’avons pas manqué, non plus que Notre glorieux prédécesseur, de donner des preuves de sincère affection à l’illustre nation française et de spéciale déférence à son gouvernement.
Mais, il faut l’avouer, tandis que Nous sommes vivement réjoui par les continuelles manifestations de piété et d’attachement qui Nous viennent de ce peuple catholique, Nous sommes profondément attristé par les mesures adoptées et les autres qu’on est en voie d’adopter dans les sphères législatives contre les Congrégations religieuses, qui, par leurs œuvres éminentes de charité et d’éducation chrétienne, ont fait dans ce pays la gloire de l’Eglise catholique aussi bien que celle de la patrie.
Comme si tout cela n’était pas immensément grave et déplorable qui a été accompli jusqu’ici au détriment des œuvres de charité et d’éducation chrétienne, on a voulu aller plus avant, malgré Nos efforts répétés pour l’empêcher, en présentant et en défendant un projet qui a pour but non seulement d’interdire, par une injuste et odieuse exception, tout enseignement aux membres des Instituts religieux même autorisés, et cela, uniquement parce que religieux, mais encore de supprimer les mêmes Instituts, approuvés précisément dans le but de donner l’enseignement, et de liquider leurs biens.
Une semblable mesure aura, comme chacun le comprend, le triste résultat de détruire en très grande partie l’enseignement chrétien, et entretenu par les catholiques sous la protection de la loi, au prix des plus généreux sacrifices.
En sorte qu’il se rencontrera des enfants sans nombre élevés, contrairement à la volonté de leurs parents, sans foi et sans morale chrétienne, à l’immense dommage des âmes. Comme aussi l’on aura de nouveau le pitoyable et triste spectacle de milliers de religieuses et de religieux, obligés, sans avoir en rien démérité, d’aller errants et privés de ressources sur tous les points du territoire français ou de s’enfuir aux terres étrangères.
Nous déplorons et Nous réprouvons hautement de telles rigueurs, essentiellement contraires à l’idée de liberté bien entendue, aux lois fondamentales du pays, aux droits inhérents à l’Eglise catholique et aux règles de la civilisation elle-même qui défend de frapper des citoyens pacifiques, lesquels, tout en se consacrant sous la garantie de la loi aux œuvres d’éducation chrétienne, n’ont jamais négligé aucun des devoirs, aucune des charges imposés aux autres citoyens.
A ce sujet, Nous ne pouvons Nous dispenser d’exprimer Notre douleur pour la mesure prise de déférer au Conseil d’Etat, comme abusives, des lettres respectueuses adressées au premier magistrat de la République par quelques pasteurs bien méritants, parmi lesquels trois membres du Sacré Collège, Sénat auguste du Siège apostolique, comme si ce pouvait être une faute de s’adresser au chef de l’Etat pour appeler son attention sur des sujets étroitement unis aux plus impérieux devoirs de la conscience et au bien public.
Mais quoique cette situation attriste profondément Notre cœur, cependant Notre courage ne s’affaiblit pas. Au contraire, Nous nourrissons l’espoir que le Seigneur, accueillant avec bénignité Nos supplications et celles de tant d’âmes pieuses, hâtera l’heure de ses miséricordes et ouvrira même le cœur de ceux qui aujourd’hui sont sourds à la voix de l’Eglise. De ces sentiments de confiance et d’encouragement s’inspireront surtout, Nous en sommes certain, les religieuses et les religieux de France, enfants choisis de l’Eglise catholique, que dans la douleur Nous poursuivons de la plus profonde affection de Notre âme paternelle et de Nos plus ferventes prières.
Que la terrible épreuve de l’heure présente n’ébranle pas leur fermeté, et que même, avec une ferveur redoublée, ils s’attachent à une vie de foi et d’œuvres saintes, pardonnant à tous ceux qui, de n’importe quelle manière, combattent leurs Instituts, et maintenant toujours en haut leurs pensées et leurs regards. La tribulation est le partage de l’Eglise, mais à travers les ombres et les vicissitudes d’ici-bas, la foi nous découvre les purs horizons d’une autre patrie, où, en récompense de nos vertus et des misères supportées avec patience, il nous sera donné de jouir dans la vision de Dieu de la paix et de la douceur sans fin.
Nous le voyons bien, Messieurs les cardinaux, Nos paroles ont passé de la joie de la fête à un sujet fort différent ; mais il Nous a semblé opportun de vous associer, vous, Nos fils très chers, à Nos joies comme à Nos peines. Et maintenant, Nous vous souhaitons les plus précieuses faveurs du ciel en échange de vos vœux et Nous vous accordons de tout cœur la bénédiction apostolique.