La liberté d’expression, la liberté de la presse : une vaste fumisterie, par l’abbé Ludovic Girod

Abbé Ludovic Girod

Des évé­ne­ments tra­giques arri­vés récem­ment ont pro­vo­qués de vastes ras­sem­ble­ments en France pour la défense de la liber­té d’expression et de la liber­té de la presse. Il semble évident pour nos conci­toyens que toutes les opi­nions ont le droit d’être expri­mées et que la presse doit être libre de publier ce qu’elle veut, dans la limite du res­pect dû aux per­sonnes. Que pen­ser de ces liber­tés qui paraissent des valeurs fon­da­men­tales des démo­cra­ties occi­den­tales en géné­ral et de la République fran­çaise en par­ti­cu­lier ? Nous nous appuie­rons pour répondre sur le magis­tère des papes d’avant la crise de l’Eglise et nous exa­mi­ne­rons ensuite com­ment ces liber­tés sont mises en pra­tique en France de nos jours.

1. Le magistère de l’Eglise

Ces reven­di­ca­tions de liber­té d’expression et de liber­té de la presse font par­tie des évo­lu­tions de la socié­té prô­nées par la phi­lo­so­phie des Lumières, au nom de la libre dif­fu­sion du savoir et des idées, du libre débat, de la lutte contre le dog­ma­tisme de l’Eglise notam­ment. La Révolution fran­çaise va ins­crire dans les Droits de l’homme l’affirmation : « La libre com­mu­ni­ca­tion des pen­sées et des opi­nions est un des droits les plus pré­cieux de l’homme : tout citoyen peut donc par­ler, écrire, impri­mer libre­ment, sauf à répondre de l’abus de cette liber­té dans les cas déter­mi­nés par la loi » (article 11). Ce prin­cipe va peu à peu s’imposer dans le droit fran­çais, avec des aléas sui­vant les régimes qui se suivent durant le XIXe siècle. Cette liber­té de la presse est fina­le­ment affir­mée par la Troisième République par la loi du 29 juillet 1881. Les res­tric­tions pré­ci­sées alors sont peu nom­breuses : la pro­vo­ca­tion à cer­tains crimes ou délits, notam­ment les atteintes à la pro­prié­té privée.

Les papes vont durant tout ce temps condam­ner une telle liber­té, en mon­trer le désordre fon­da­men­tal et la nocivité.

Le pape Pie VII, dès le 29 avril 1814, adresse ces mots à l’évêque de Troyes lors de l’avènement du roi Louis XVIII (Lettre apos­to­lique Post tam diu­tur­nas) :

« Notre éton­ne­ment et notre dou­leur n’ont pas été moindres quand Nous avons lu le 23ème article de la consti­tu­tion, qui main­tient et per­met la liber­té de la presse, liber­té qui menace la foi et les mœurs des plus grands périls et d’une ruine cer­taine. Si quelqu’un pou­vait en dou­ter, l’expérience des temps pas­sés suf­fi­rait seule pour le lui apprendre. C’est un fait plei­ne­ment consta­té : cette liber­té de la presse a été l’instrument prin­ci­pal qui a pre­miè­re­ment dépra­vé les mœurs des peuples, puis cor­rom­pu et ren­ver­sé leur foi, enfin sou­le­vé les sédi­tions, les troubles, les révoltes ».

Le pape Grégoire XVI s’exprime ain­si le 15 août 1832 dans son ency­clique Mirari Vos :

« A cela se rat­tache la liber­té de la presse, liber­té la plus funeste, liber­té exé­crable, pour laquelle on n’aura jamais assez d’horreur et que cer­tains hommes osent avec tant de bruit et tant d’insistance, deman­der et étendre par­tout. Nous fré­mis­sons, véné­rables Frères, en consi­dé­rant de quels monstres de doc­trines, ou plu­tôt de quels pro­diges d’erreurs nous sommes acca­blés ; erreurs dis­sé­mi­nées au loin et de tous côtés par une mul­ti­tude immense de livres, de bro­chures, et d’autres écrits, petits, il est vrai, en volume, mais énormes en per­ver­si­té, d’où sort la malé­dic­tion qui couvre la face de la terre et fait cou­ler nos larmes. Il est cepen­dant des hommes empor­tés par un tel excès d’impudence, qu’ils ne craignent pas de sou­te­nir opi­niâ­tre­ment que le déluge d’erreurs qui découle de là est assez abon­dam­ment com­pen­sé par la publi­ca­tion de quelques livres impri­més pour défendre, au milieu de cet amas d’iniquités, la véri­té de la religion ».

Le pape condamne l’argument des libé­raux pré­tex­tant que la totale liber­té de publi­ca­tion per­met­tra aux bons livres de sup­plan­ter les mau­vais. A cause du péché ori­gi­nel, l’homme est plus faci­le­ment entraî­né par le mal que par le bien. Accorder la même liber­té au bien et au mal c’est mépri­ser la véri­té et la ver­tu en les rabais­sant au niveau de l’erreur et du vice et c’est assu­rer un triomphe facile pour toutes les publi­ca­tions flat­tant les vices les plus hon­teux et les erreurs les plus pernicieuses.

Le pape Léon XIII rap­pelle que seule la véri­té peut être dif­fu­sée libre­ment et que l’erreur n’a aucun droit à sa diffusion :

« Et main­te­nant, pour­sui­vons ces consi­dé­ra­tions au sujet de la liber­té d’exprimer par la parole ou par la presse tout ce que l’on veut. Assurément, si cette liber­té n’est pas jus­te­ment tem­pé­rée, si elle dépasse le terme et la mesure, une telle liber­té, il est à peine besoin de le dire, n’est pas un droit, car le droit est une facul­té morale, et, comme nous l’avons dit et comme on ne peut trop le redire, il serait absurde de croire qu’elle appar­tient natu­rel­le­ment , et sans dis­tinc­tion ni dis­cer­ne­ment, à la véri­té et au men­songe, au bien et au mal. Le vrai, le bien, on a le droit de les pro­pa­ger dans l’Etat avec une liber­té pru­dente, afin qu’un plus grand nombre en pro­fite ; mais les doc­trines men­son­gères, peste la plus fatale de toutes pour l’esprit ; mais les vices qui cor­rompent le cœur et les mœurs, il est juste que l’autorité publique emploie à les répri­mer sa sol­li­ci­tude, afin d’empêcher la mal de s’étendre pour la ruine de la socié­té. Les écarts d’un esprit licen­cieux, qui, pour la mul­ti­tude igno­rante, deviennent faci­le­ment une véri­table oppres­sion, doivent jus­te­ment être punis par l’autorité des lois, non moins que les atten­tats de la vio­lence com­mis contre les faibles. » (ency­cliqueLibertas,2 juin 1888).

Ainsi donc, selon l’enseignement constant de l’Eglise, accor­der une liber­té d’expression et de presse sans limite ou presque s’oppose non seule­ment au devoir des Etats de favo­ri­ser la dif­fu­sion des véri­tés de la foi catho­lique et d’interdire la pro­pa­gande des faux cultes, mais même au simple droit natu­rel et à la recherche du bien com­mun tem­po­rel qui ne peuvent exis­ter lorsque l’erreur peut se pro­pa­ger dans tous les esprits et la licence cor­rompre tous les cœurs.

2. La liberté d’expression, la liberté de la presse : une vaste fumisterie

De fait, mal­gré des affir­ma­tions péremp­toires et les solen­nelles décla­ra­tions de nos gou­ver­nants, la liber­té d’expression et donc la liber­té de la presse n’existent pas dans notre pays.

Déjà, la loi du 29 juillet 1881 pré­voit des res­tric­tions à ce droit : mais qu’est-ce qu’un droit à la liber­té de la presse limi­té à son prin­cipe, en quoi un article peut-​il léser en quoi que ce soit la liber­té des autres, terme unique d’un droit selon la décla­ra­tion des Droits de l’homme ? Mais pour les radi­caux socia­listes de l’époque, il ne fal­lait pas inci­ter au vol des biens des ren­tiers : seuls les biens de l’Eglise peuvent faire l’objet d’une spo­lia­tion générale.

Des lois suc­ces­sives vont allon­ger la liste des mau­vaises opi­nions qui n’ont pas le droit à la liber­té d’expression, elles ins­taurent un cor­pus de tabous fon­da­teurs de la République. La loi Pleven du 1er juillet 1972 punit ain­si toute « pro­vo­ca­tion à la dis­cri­mi­na­tion, à la haine ou à la vio­lence » visant cer­taines per­sonnes ou groupes de per­sonnes « à rai­son de leur ori­gine ou de leur appar­te­nance ou de leur non-​appartenance à une eth­nie, une nation, une race, ou une reli­gion déter­mi­née ». Cette loi pré­voit de plus que des asso­cia­tions spé­cia­li­sées pour­ront sai­sir la jus­tice au même titre que le pro­cu­reur de la République. Des asso­cia­tions de défense des inté­rêts com­mu­nau­taires, de lutte contre le racisme et l’antisémitisme vont ain­si pou­voir s’engraisser à l’occasion de tout pro­pos expri­mant une opi­nion déviante. Cette loi va être dur­cie et éten­due régu­liè­re­ment par les lois Gayssot, Taubira, Lellouche, Perben. La loi Gayssot inter­dit de mettre en doute cer­taines affir­ma­tions concer­nant l’histoire de la Seconde Guerre mon­diale : elle éta­blit de fait des dogmes his­to­riques et orga­nise la traque des nou­veaux hérétiques.

Comme dans La ferme des ani­maux d’Orwell, ou tous les ani­maux deviennent égaux mais cer­tains le sont plus que d’autres, désor­mais toutes les opi­nions et toutes les reli­gions sont égales, mais cer­taines le sont plus que d’autres. Notre socié­té admet des Intouchables mais qui eux sont au som­met de la hié­rar­chie. Vous pou­vez vous en prendre allè­gre­ment à la reli­gion catho­lique, traî­ner dans la boue ses mys­tères les plus sacrés, cari­ca­tu­rer ses repré­sen­tant en les met­tant dans les situa­tions de péché les plus exé­crables, repré­sen­ter le Christ en croix bai­gnant dans de l’urine, faire jeter des pierres sur le visage de Notre Seigneur par des enfants sur les scènes des théâtres : tout cela sera auto­ri­sé, sub­ven­tion­né et pro­té­gé par des cohortes de CRS si vous pré­ten­dez pro­tes­ter. La haine anti-​chrétienne s’étale avec impu­dence et ne semble connaître aucune limite, mais la loi Pleven ne sau­rait s’appliquer. L’hebdomadaire Charlie-​Hebdo, qui a fait l’objet récem­ment d’une attaque ter­ro­riste de la part de musul­mans, s’est spé­cia­li­sé dans les attaques obs­cènes contre l’Eglise.

Il ne serait par contre pas pru­dent de s’en prendre aux juifs, aux musul­mans (les cari­ca­tures auto­ri­sées ne visent que les ter­ro­ristes qui agissent au nom de l’Islam, non la reli­gion musul­mane elle-​même), les Roms, les Noirs, les homo­sexuels et j’en passe. La crainte est telle que les jour­na­listes et les écri­vains s’auto-censurent afin de ne pas encou­rir la répro­ba­tion géné­rale et l’exclusion défi­ni­tive. Ceux qui gardent encore cou­ra­geu­se­ment leur liber­té d’expression se voient chas­sés des émis­sions aux­quelles ils par­ti­ci­paient, ceci sans grande émo­tion de la part des défen­seurs paten­tés d’une liber­té d’expression formatée.

Mgr Lefebvre lui-​même a fait l’objet d’un pro­cès. Il a été traî­né devant les tri­bu­naux par la LICRA pour des pro­pos tenus lors d’une confé­rence de presse en novembre 1989 durant laquelle, répon­dant à des ques­tions de jour­na­listes, il avait mis en garde contre les dan­gers de l’islamisation de la France. Il avait pré­dit que les musul­mans impo­se­raient petit à petit leurs lois, il avait qua­li­fié la mul­ti­pli­ca­tion des mos­quées de catas­trophe et évo­qué le dan­ger des rapts et des séques­tra­tions que les musul­mans pra­tiquent quand ils le peuvent. Le pro­cès abou­tit à la condam­na­tion de Mgr Lefebvre le 21 mars 1991 à une amende de 55 001 francs. Mais cette peine ne fut pas appli­quée : Monseigneur ren­dit son âme à Dieu quatre jours plus tard.

La liber­té d’expression, comme toutes les liber­tés révo­lu­tion­naires, n’est là que pour entraî­ner les hommes au mal et à l’erreur, pour com­battre l’Eglise catho­lique et les saines ins­ti­tu­tions naturelles.

Nous com­bat­tons nous pour la véri­té et le règne du Christ Roi.

Abbé Ludovic Girod, Marlieux, le 18 jan­vier 2015