Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Ainsi soit il.
Mes bien cher Frères,
C’est avec joie que nous retrouvons ici, à Lourdes, Notre-Dame telle qu’elle reste immortalisée dans la représentation qui en est faite, peut-être pas toujours très artistique, mais qui exprime si bien la pensée de l’Eglise. Au commencement d’un tel pèlerinage, il convient de la regarder, les mains jointes, les yeux levés vers le ciel qui de son pied si doux et si fort écrase la tête de l’ennemi sans même le regarder.
Les roses ne représentent-elles pas sa victoire sur le démon ?
Voilà Marie qui grâce au miracle de l’humilité écrase la tête d’orgueil. Marie prend exactement le contre-pied de l’attitude d’Eve. On lui propose de devenir mère de Dieu, et à cette proposition merveilleuse qui la touche jusqu’au plus profond du cœur, car elle est femme, à cette perspective de gloire infinie, elle répond : « Ecce Ancilla Domini ». Je suis tout simplement la servante du Seigneur. A titre de servante, elle accepte d’être mère. L’humilité du Fiat de Marie guérit le mal qui avait été fait par le Fiat orgueilleux d’Eve.
L’humilité de l’Immaculée c’est donc ce pied virginal et vainqueur. Parce qu’elle est Immaculée, Marie n’a pas à faire d’effort, elle écrase la tête maudite, de son talon visé par l’ennemi impuissant. Voilà l’image qui nous accueille à Lourdes, voilà l’image que nous emporterons dès lundi chez nous, pour plus de force dans le combat chrétien, l’image de la Vierge Marie qui écrase le démon sans même avoir l’air de s’en apercevoir. Et vous remarquerez que c’est vers Dieu qu’elle regarde. Elle même, l’Etoile du Matin, Marie Immaculée, terrible comme une armée rangée en bataille, elle écrase la tête du serpent. Et nous, le pouvons-nous ? Oui, mais ce sera toujours en Marie et par Marie. Ce serait trop dur pour nous tout seuls, laissés à nous-mêmes, nous ne sommes pas assez énergiques. Il faut qu’elle vienne à notre aide avec toute la suavité de l’Immaculée et toute la force de la mère.
Marie, seule, peut tout nous donner jusqu’au bout, grâce aux privilèges intimement unis et confondus de son immaculée conception et de sa maternité divine. Seule cette Mère peut agir ainsi parce qu’elle est Immaculée, et cette Immaculée parce qu’elle est mère. Nous aurions tort de compter sur nos propres forces dans le combat « elle seraient un secours dérisoire et décevant, écrivait le Père Calmel. Il est élémentaire de ne combattre qu’en nous remettant à la Sainte Vierge, à celle qui dès avant la naissance, dès sa conception même écrasait inexorablement la tête du Dragon. C’est elle qui nous donnera de vaincre, qui nous fera saisir la nature du vrai messianisme, celui de la rédemption par la croix de Jésus et qui préservera dans la fragilité de notre cœur la flamme inextinguible de l’héroïsme évangélique ». « Je réalise comme je ne l’avais jamais fait, écrivait aussi l’abbé Berto, la mission universelle de la Sainte Vierge et le caractère nécessaire de notre piété à son égard. Inutile de rien tenter sans elle, poursuit-il, on perdrait son temps. Il est du plan inéluctable de Dieu que nous ne puissions aller vers Lui que par elle. Quelle erreur de se figurer que passer par elle, c’est faire un crochet. Au contraire, c’est quand on ne passe pas par elle qu’on fait un crochet et même pis qu’un crochet, car c’est s’égarer tout à fait. La Sainte Vierge est le lieu de passage nécessaire de toute grâce qui descend et de toute prière qui monte. Rien ne part d’elle, ni ne se termine à elle, mais rien n’est en dehors d’elle ».
En termes très réalistes, saint Bernard nous avait déjà donné la marche à suivre envers Marie, gardienne et salut de tout le peuple chrétien. « Suis-la, tu ne dévieras pas. Prie-là, tu ne désespèreras pas. Pense à elle, tu ne te tromperas pas. Elle te tient, tu ne glisseras pas. Elle te protège, tu ne craindras pas. Elle est ton guide, tu ne te lasseras pas. Elle t’aime, tu aboutiras ».
Nous ne pouvons donc pas nous tenir debout, seuls, près de l’arbre de vie, nous ne le pouvons qu’avec celle et en celle qui est la Mère du Crucifié, crucifiée elle-même de cœur et crucifiante des cœurs. Ce qu’elle peut et ce qu’elle veut faire pour nous, ce que dans les élans de ferveur de ce pèlerinage nous la supplions de faire en nous, il ne faudrait pas que nous l’en empêchions par nos inconséquences et nos lâchetés. Il faut que nous lui soyons pleinement livrés, que nous la laissions déployer en nous toutes les énergies, et remporter sur nous tous les victoires de sa tendresse. Elle veut que nous, ses enfants, nous vivions de plus en plus de la grâce de son Fils, elle veut que nous soyons de plus en plus ses enfants, sa race et non pas de la race du serpent, car la guerre continue inlassablement entre la race et de la femme et la race du serpent jusqu’à ce qu’elle en marque la fin par la victoire de son Cœur Immaculé. C’est la lutte pour la vie, la lutte de la vie de la grâce contre la mort du péché, du bien contre le mal, c’est la lutte de l’Eglise contre ses ennemis, mais c’est aussi une guerre contre nous-mêmes.
Cette guerre n’est pas seulement à l’extérieur de nous-mêmes, elle est aussi en nous et peut-être même d’abord en nous. C’est vrai, nous sommes la race de la femme et les enfants de Dieu de par notre baptême, mais aussi nous restons dans une mesure plus ou moins grande selon chacun, la race du serpent et les fils de l’orgueil. Contre cette immigration de la race du serpent nous avons à lutter. « Nous sommes nous-mêmes la partie la plus exposée et la plus disputée du champ de bataille, écrivait le Père Dehau. Nous sommes la tranchée, la ligne de bataille passe au milieu de notre cœur et chaque jour, chaque heure amène ses faits de guerre : des avances, des reculs, au bénéfice tantôt de l’une, tantôt de l’autre race. Cette guerre sainte qui dure depuis le commencement du monde et durera jusqu’à la fin, qui a pour enjeu les nations et les empires, cette guerre est encore plus terrible, plus acharnée, plus grandiose au fond de nos cœurs.
A chaque instant, à travers les événements qui nous déroutent, nous pourrions voir se dresser la tête plate du serpent, entendre son sifflement. Donc, c’est la guerre, une guerre au couteau entre la race du serpent, c’est-à-dire de l’orgueil, et la race de Marie, c’est çà dire de l’humilité. En nous, il y a sans doute l’enfant de Marie, mais il y a aussi la race et le venin du serpent. Dans la mesure où nous portons, où nous traînons tous ces vieux restes du péché originel, la race du serpent vit en nous. Les saints se sont plaints et jusqu’à la mort d’être encombrés de ces restes là. C’était leur grande douleur et ce devrait être la nôtre : sentir que nous ne sommes pas uniquement les enfants de Marie et de Notre-Seigneur, sentir que nous sommes trop souvent fils de l’orgueil dont Satan est le roi ».
Alors profitons de ce pèlerinage pour nous purifier du vieux levain, de cet amour propre qui se cache toujours en nous et qui s’insinue partout. L’amour propre d’ailleurs, comme le serpent lui-même est d’autant plus dangereux qu’il est plus caché, et il n’est vraiment dangereux d’ailleurs que dans la mesure où il est caché.
Et c’est là que la Très Sainte Vierge Marie devient pour nous un refuge sûr. Marie refuge des pécheurs et secours des chrétiens. Il faut redonner à ce culte de Marie, sous ces vocables, toute sa noblesse, sa grandeur, son sérieux. Il faut comprendre avec plus de précision et de profondeur ce rôle de Marie combattante et victorieuse, refuge des pécheurs et secours des chrétiens. Et comment faire ? Eh bien laissons-là intervenir davantage dans notre éducation de soldats de Dieu, laissons-là nous élever, nous former selon ses méthodes à elle. Parce que nous avons peur de la lutte, parce que nous voudrions sortir au plus vite de la crise de l’Eglise pour notre tranquillité, parce que nous avons peur de la lutte, condition pourtant nécessaire et indispensable de la victoire, nous craignons la force de notre Mère qui veut nous conquérir, nous craignons Marie parce que nous ne l’aimons pas encore assez.
Il faut que notre amour grandisse, c’est à cela que sert un pèlerinage, il faut que comme toute charité parfaite nous mettions à la porte cette crainte. Débarrassons-nous durant ces deux jours de cette crainte vile d’appartenir à Marie, débarrassons-nous de ces lâchetés de notre amour propre. Ah ! oui, nous aimons sans doute la Très Sainte Vierge, nous voudrions, je l’espère, l’aimer encore davantage, mais notre amour n’a pas encore tout envahi et tout conquis en nous, tout mis dans les mains et aux pieds de Marie. Et pourtant, il ne peut y avoir de salut que dans un plein abandon à celle qui est toute sagesse et tout amour. Alors nous avons besoin de purifications, de souffrances, d’un peu de purgatoire sur cette terre. Alors, faites pénitence, c’est l’ordre de la Très Sainte Vierge Marie.
Laissons faire la Très Sainte Vierge et alors nous n’aurons pas besoin pour nous débarrasser de notre amour propre, de ces formidables déchirements intérieurs, car tout doucement, comme sans y penser, ses mains se disjoindront, elle nous prendra sur son cœur. En regardant vers le ciel et nous tenant serrés contre elle, de son pied elle écrasera la tête du serpent. La divine Mère a l’habitude de ces opérations libératrices, si douces et si fortes. Nous prendrons cette habitude à son contact, sur son cœur et dans ses bras, nous n’aurons plus alors besoin d’autres remparts, d’autres refuges. « Sub tuum praesidium confugimus ».
Laissons faire la Très Sainte Vierge Marie, et pour cela soyons assez son enfant pour être fondu en elle. C’est elle qui écrase la tête du serpent. Puisqu’elle nous a été donné comme Mère, à la croix, c’est en sa qualité de mère de chacun de nous qu’elle écrase en chacun de nous la tête du serpent. C’est un office tout maternel que celui qui consiste à nous donner encore la vie par le fait même qu’elle donne la mort à notre ennemi, et cette mort de l’ennemi nous libère et nous vivifie. Nous avons donc une arme incomparable, être les enfants de Marie comme les saints, ces géants de sainteté, ont su l’être. Ils étaient de la race de Marie et c’est pourquoi la tête du serpent a été si vite écrasée en eux et par eux. Il n’y a qu’à faire comme eux : nous donner, nous abandonner complètement à Marie.
La grande ruse du démon sera toujours de diminuer en nous cette donation de nous-mêmes, cet abandon, et même s’il le peut nous séparer d’elle. Une fois que nous sommes éloignés et coupés de notre chef, la victoire sur nous est assurée. C’est la manœuvre qui a réussi avec tant d’hérétiques. Ils sont loin de l’Eglise dans la mesure où ils sont loin de Marie. Le degré de leur erreur dans l’hérésie se mesure au degré de leur méconnaissance des mystères et des privilèges de Marie. Or sans cette notion claire et nette de ces mystères et de ces privilèges, c’est l’histoire du monde qui devient inintelligible puisqu’elle n’est que l’historie de la grande guerre des inimitiés entre Satan et la Très Sainte Vierge Marie, entre la race de la femme et la race du serpent. C’est ainsi que Dieu l’a voulu et posé.
Virgo Fidelis, priez pour nous. Pourquoi Vierge fidèle ? parce qu’elle n’a jamais pensé qu’aux choses de Dieu et à la manière de plaire à Dieu. Qu’est-ce qu’un époux ou une épouse fidèle sinon celui qui pense à la meilleure manière de plaire à son conjoint ? Vierge fidèle parce qu’elle a persévéré depuis sa nativité jusqu’à sa glorieuse assomption dans l’obéissance, l’humilité, la chasteté, la simplicité, la mansuétude, la pauvreté, le service de Dieu et du prochain. Vierge fidèle, deux mots qui vont bien ensemble, virginité et fidélité. En effet quand on parle de Marie, on la nomme la Sainte Vierge, nom qui indique une double virginité, celle du corps qui se rattache à la tempérance, celle de l’âme, la virginité spirituelle. Eh bien, « cette virginité portons-là dans la doctrine, écrit l’abbé Berto. Quelle est-elle ? C’est la rectitude de l’intelligence, à Dieu considéré comme vérité. C’est très profond. Nous n’avons pas à maîtriser la vérité, à la discuter, à la diminuer ou à la majorer, mais à nous y référer, à nous y soumettre totalement en pleine dépendance. La dévotion à Marie est une garantie de la rectitude doctrinale, et une telle piété envers la Sainte Vierge Marie nous gardera fidèles à la doctrine chrétienne intégrale, nous maintiendra dans l’intégrité doctrinale ».
Le recours à la véritable Mère des vivants que nous appellerons de tous les cris de notre misère « Ad te clamamus » est à la portée de tous, parce que d’une mère nous pouvons tout attendre. « Voici ta mère », ta mère à toi, ce « toi » s’adresse à chacun de nous. A la croix tous devenaient ses enfants, Marie les enfantait tous dans la douleur. Elle perdait son Fils unique pour devenir la mère de tous. Elle perdait son seul bien à elle pour devenir le bien commun de tous, le bien personnel de chacun. Marie est ma mère parce qu’elle m’a enfanté au pied de la croix. Elle est la mère des vivants et des morts, des âmes de la terre, du purgatoire et du ciel. Elle s’acharne près de chaque lit d’agonie, pour sauver ce membre de son Fils qui va tomber en enfer. Mère, elle veut sauver son enfant. Mère de miséricorde, sauvez-nous, sauvez nos familles, sauvez l’Eglise, sauvez nos nations.
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.
Ainsi soit-il
Abbé Xavier Beauvais, le samedi 24 octobre 2009