Le R.P. Antoine de Fleurance, Père Gardien des Capucins de Morgon
Le style parlé a été conservé.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.
Messieurs les abbés, cher révérend Père, biens chers frères, biens chers fidèles, chère famille du Père Joseph, bien cher Père Joseph,
ces quelques mots vous sont plus particulièrement adressés et le petit cérémonial de cette cérémonie de profession nous encourage à évoquer d’une part la piété et la gravité de cet engagement que vous allez faire.
Pourquoi est-ce un engagement pieux ? Et bien, c’est une démarche religieuse et même, ce qui caractérise le religieux ou la religieuse, c’est d’avoir émis ce que nous appelons les trois vœux de religion qui sont le résumé des conseils évangéliques de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et donc, c’est un engagement par rapport à Dieu, un engagement que la vertu de religion vous porte à faire, vous incline à faire.
Et c’est un engagement grave, parce que tous les engagements que nous prenons envers Dieu, à cause de cette réalité de Dieu, sont importants, sont graves, sont sérieux et donc c’est en ce sens qu’ils sont graves. Et aussi parce qu’ils n’engagent pas définitivement toute votre vie, cet engagement, mais il engage momentanément mais totalement.
Vous allez être, vous l’étiez déjà en tant que prêtre, vous allez être plus particulièrement par les vœux de religion, au service de Dieu et cela, tout le temps. La vie religieuse nous prend du matin au soir et du soir au matin. Et c’est tous les jours (que) nous recommençons, mais c’est pour aimer le Bon Dieu.
Ce que va réaliser cet engagement, ou le but que vous vous proposez de réaliser par cet engagement, c’est d’abord de vous concentrer davantage sur Dieu. C’est toute la grandeur humaine, pour quelque être humain que ce soit, quelque vocation que nous ayons, quelque charge, devoir que nous ayons. Notre grandeur est de nous concentrer sur Dieu, sur Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous sommes tout de Lui, nous sommes tout de Dieu, il n’y a rien, pas une infime partie de notre être qui ne soit de Dieu. Et si nous avons l’existence, la vie, l’être, l’agir, tout cela nous vient de Dieu. Et dans la juste réponse de tout être humain, et du catholique, du baptisé d’autant plus, c’est d’être centré sur Dieu. Et cela est très méritoire durant cette vie terrestre. Dans le Ciel nous ne pourrons pas faire autrement. Cela sera sûrement une des grandes douleurs des damnés, justement, d’être conscients d’être tout pour Dieu et d’en être séparés, d’en être séparés définitivement. Et nous, qui tendons à gagner le Ciel et qui voulons le gagner ardemment, quand nous y serons, il n’y aura pas d’alternative, pas de distraction possible : nous serons centrés sur Dieu, cela ne pourra pas être autrement. Et donc la vie terrestre nous est donnée tout particulièrement pour nous centrer sur le Bon Dieu, pour développer en nous cet ardent désir de Le retrouver un jour dans le Ciel.
Et, cher Père Joseph, si vous avez choisi pour émettre les vœux de religion un institut contemplatif, c’est pour réaliser cette concentration la plus intense, la plus vivante que possible dans toute votre vie. Quand, dans l’Evangile, il est dit que quand le Maître viendra, Il souhaite trouver son serviteur vigilant, en veille, c’est cette concentration sur Dieu, quand le Bon Dieu viendra nous prendre, que notre âme, notre esprit, notre cœur dans toute sa force, dans tous son élan, soient tournés vers Lui. Donc, c’est un premier but que vous vous proposez, que vous avez déjà expérimenté durant le noviciat mais que vous allez essayer d’intensifier.
Et puis aussi, vous voulez vous identifier à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Vous concentrer sur le Bon Dieu mais aussi vous identifier avec Notre-Seigneur Jésus-Christ . Ne faire plus qu’un avec Lui, l’identification. Et cela, par l’imitation de Jésus-Christ la plus parfaite que possible. On dit de la vie de saint François, notre Père saint François, qu’il fut en tout conforme au crucifix. Il fut en tout conforme, en conformité parfaite avec le crucifix. Il y a eu identification de saint François avec Notre-Seigneur Jésus-Christ et Notre-Seigneur Jésus-Christ crucifié. Et cette identification par la grâce de Dieu s’est tellement concrétisée fortement, et même extérieurement, qu’il a été stigmatisé. L’identification, c’est quasiment la même identité. On ne fait plus qu’un avec l’autre, on s’identifie à lui. Et pour saint François, il a été tellement identifié à Notre-Seigneur Jésus-Christ qu’il en a porté les stigmates, cette identification extérieure, que nous admirons et qui s’est renouvelée, par exemple, chez le Padre Pio. Et même, il y a encore des personnes vivantes, peut-être parmi vous mais nous, que nous avons connues, que nous connaissons encore, qui ont baisé les plaies du Padre Pio et qui disaient, après avoir baisé les plaies du Padre Pio, même si leurs lèvres n’avaient pas eu de sang sur elles, elles avaient gardé le goût du sang dans la bouche, pendant plusieurs heures voire plusieurs jours. Pour montrer, même si elles n’avaient pas goûté le sang, c’est vrai, mais par un miracle, cet aspect tout extérieur, intense, qu’a pu produire cette identification avec Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais, autant pour saint François que pour le Padre Pio, l’identification intérieure était encore plus extraordinaire que cette identification extérieure. Et alors, c’est tout le travail. Déjà le sacerdoce nous identifie à Notre-Seigneur Jésus-Christ Souverain Prêtre, et c’est pour cela que nous pouvons agir in persona Christi. Quand nous sommes à l’autel, quand vous célébrerez la messe tout à l’heure, mon Père, nous sommes identifiés à Jésus-Christ Souverain Prêtre et nous reproduisons ce que Lui-même a fait en tant que prêtre durant sa vie terrestre. Voilà ce programme d’identification à Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Et alors, que vont venir faire les vœux de religion par rapport à tout cela, aussi bien pour la concentration sur le Bon Dieu que pour l’identification envers Notre-Seigneur Jésus-Christ ? Ils vont faciliter cette réalisation de concentration et d’identification. Les vœux de religion ne sont pas obligatoires mais ils sont un moyen très efficace pour réaliser le plan de Dieu sur nous, de notre sanctification, de réalisation de Sa volonté dans tous les détails de notre vie, ce qui prouve vraiment notre charité envers Lui.
La contrepartie, d’une part, de la pauvreté que vous avez déjà connue, expérimentée, c’est la confiance en la paternité de Dieu. Ce qui va caractériser votre vie à travers ces vœux, entre autre chose, c’est la confiance en la paternité de Dieu. La confiance aussi bien pour les biens intérieurs que pour les biens extérieurs.
Et puis, ce vœu de chasteté, que vous avez déjà émis avant votre sacerdoce, va intensifier, va avoir l’aspect de complémentarité pour réaliser la béatitude des cœurs purs. Donc bienheureux les cœurs purs car ils verront Dieu. Plus nos âmes sont pures, plus nos âmes sont détachées des choses terrestres et plus elles trouvent, elles intensifient, elles enracinent une aptitude à la vision de Dieu dans la vie contemplative ici-bas et dans la vie future dans l’éternité. Donc voilà la béatitude des cœurs purs.
Et puis l’obéissance. L’obéissance nous aide à garder un réalisme objectif de tous les instants sur nous-même. Il n’y a pas de moyen plus efficace pour bannir l’illusion et pour nous garder sur la voie de la sanctification que l’obéissance. Nous avons tous tendance, nous savons bien, à nous faire des illusions sur nous-même et à sortir un peu de cette voie que le Bon Dieu a tracé pour nous.
Cher Père Joseph, vous allez faire vos vœux de religion le jour de l’Annonciation. Et si même nous avions fêté l’Annonciation le 25 mars, comme ç’eut été normal, vous auriez aussi émis ces vœux le jour des 25 ans d’anniversaire de la mort de Monseigneur Lefebvre. Et je ne doute pas que ce soit un petit clin d’œil de la Providence, même de Monseigneur Lefebvre du haut du Ciel qui, lui aussi, avant de fonder la Fraternité Saint-Pie X, avait connu l’engagement de la vie religieuse. Il va naître pour vous de cet engagement, un petit peu comme Notre-Seigneur Jésus-Christ dans son Incarnation. Le Père Philibert de Saint-Didier, compagnon du Père Eugène, aimait à dire, c’était à l’occasion de la prise d’habit, comparaît la prise d’habit d’un religieux à la vêture que Notre-Seigneur Jésus-Christ a faite dans le sein de la Très Sainte Vierge Marie. Notre-Seigneur Jésus-Christ s’est revêtu, comme on se revêt d’un habit, s’est revêtu de notre humanité. Et donc, vous aviez fait cette vêture il y a un peu plus d’un an.
Mais il va en être un peu de vous, comme vous étiez déjà prêtre dans le chemin de la sanctification, le devoir d’être saint, vous avez voulu ajouter quelque chose de plus. Comme le Bon Dieu, la deuxième personne de la Sainte Trinité, n’avait en aucun cas besoin de l’humanité pour trouver, pour avoir, pour se perfectionner quelque part. Mais le Bon Dieu l’a voulu pour nous. Pour notre bien. Pour nous, il n’y a pas de doute que le fait que Notre-Seigneur Jésus-Christ, la deuxième personne de la Sainte Trinité se soit incarnée, c’est un grand plus. Notre-Seigneur Jésus-Christ pourra dire à Philippe qui lui demandait de voir le Père : « Philippe qui Me voit, voit le Père ». Donc, c’est un bien pour nous. Et bien, c’est une comparaison qui n’est pas tout à fait radicale, et bien il y a un plus pour vous pour ressembler à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il n’était pas indispensable, vous pouviez devenir un grand saint sans être religieux. Mais il y a un plus, et puis un plus aussi pour toutes les âmes à qui vous voulez faire du bien. On dit qu’une âme qui s’élève, élève le monde.
Alors voilà, cher Père, nous vous souhaitons un avenir de capucin intense. Si je peux me permettre, nous avons, entre autre, saint Laurent de Brindes, qui a vraiment caractérisé intensément l’idéal capucin et qui a été en même temps Général de l’Ordre, pas de façon successive mais il a été Général de l’Ordre c’est-à-dire qu’il a gouverné l’Ordre pendant des années, et donc à la tête de l’Ordre. Il a été missionnaire extraordinaire, n’hésitant pas à prendre la tête des armées catholiques pour lutter contre les turcs ou les sarrasins. Et quand il prenait la tête des armées, saint Laurent de Brindes n’avait comme arme que la croix. Les sarrasins fuyaient parce qu’ils savaient qu’ils seraient battus d’avance. Même si les armées des turcs étaient beaucoup plus importantes que celles des catholiques. Sa puissance, la puissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans cet homme de Dieu, faisait que les armées ennemies étaient vaincues d’avance. Cela prouve que le capucin est en même temps un contemplatif mais il peut être aussi un homme d’avant-garde dans les batailles. Et même pour dire combien il s’est trouvé dans des situations difficiles, saint Laurent de Brindes, c’est que dans une journée où la bataille a fait rage, 5 chevaux sont morts sous lui et lui est resté intact, il n’a pas eu de blessures. Cela prouve bien. Et lui, ce grand saint capucin, a été déclaré docteur de l’Eglise. Cela prouve l’universalité de sa vocation : catholique, apostolique, évangélique, sacerdotale. Il a rempli toutes les missions, je dirais presque possibles et imaginables, d’un consacré à Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Nous vous souhaitons cela, cher Père et nous prierons tout spécialement durant la messe, que vous célébrerez, pour que vous accédiez à cette sainteté capucine dont l’Eglise a tout particulièrement besoin aujourd’hui, besoin de docteurs de l’Eglise pour être fidèle à la foi totalement, complètement, intégralement, sans défaillance ni à droite, ni à gauche. Nous avons besoin de missionnaires qui évangélisent le plus possible d’âmes pour les ramener à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous avons besoin de chefs pour voir, pour exercer ce rôle dont Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a donné l’exemple de conducteur d’âmes et de « motiveurs » d’âmes, je dirais.
Demandons à la Très Sainte Vierge Marie, qui est apte à vous communiquer tous ces biens, en cette fête de l’Annonciation, de vous combler de ses grâces.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.
Premiers vœux du Révérend Père Joseph d’Avallon, au couvent Saint-Antoine à Aurenque, le 4 avril 2016, en la fête (reportée) de l’Annonciation.
Sermon du Révérend Père Antoine, Père gardien du couvent Saint-François de Morgon.