Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 2 juin 1951, en la fête de saint Eugène Ier
A nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques, Évêques et autres Ordinaires locaux en paix et communion avec le Siège Apostolique.
Vénérables Frères,
Salut et bénédiction apostolique.
Salut et bénédiction apostolique. LES prédicateurs de l’Évangile qui dans des champs de travail presque infinis peinent « pour que la parole de Dieu poursuive sa course et soit en honneur » (II Thess., III, 1) sont, d’une façon particulière, présents à Notre esprit et à Notre cœur au cours de la vingt-cinquième année qui s’écoule depuis la promulgation par Notre prédécesseur d’immortelle mémoire, Pie XI, de l’Encyclique Rerum Ecclesiae (Acta Apostolicae Sedis, 1926, p. 65 sq.), dans laquelle il donnait des règles très sages pour le développement toujours plus grand des Missions Catholiques. Et considérant combien pendant cette période une aussi saine cause a progressé, Nous sommes pénétrés d’une grande joie. En effet ― comme Nous avons eu l’occasion de l’affirmer le 24 juin 1944 en Nous adressant aux Directeurs des Œuvres Missionnaires Pontificales ― « l’ardeur et le zèle déployés par les propagateurs de la religion chrétienne aussi bien dans les régions déjà éclairées par la lumière de l’Évangile que dans les nations où celle-ci n’a pas encore resplendi, ont atteint une intensité et un développement tels que jamais peut-être on n’en a noté dans les annales des Missions Catholiques » (A. A. S., 1944, p. 209).
Actuellement cependant, en ces temps pleins de troubles et de menaces, où de nombreux peuples sont séparés les uns des autres par des oppositions réciproques, il Nous semble particulièrement opportun de recommander cette cause une fois de plus, s’il est vrai que les messagers de l’Évangile conseillent à tous les hommes la bonté humaine et chrétienne et les exhortent à des rapports fraternels qui s’élèvent au-dessus des rivalités et des frontières nationales.
Voilà pourquoi, lorsque dans les circonstances rappelées plus haut Nous Nous adressions aux Directeurs des Œuvres Missionnaires, Nous leur disions entre autres choses : « … La nature de votre charge, qui n’est restreinte par aucune limite nationale, ainsi que votre travail commun et fraternel, font ressortir aux yeux de tous ce caractère remarquable de l’Église catholique qui n’admet pas la discorde, qui fuit les désaccords et demeure absolument étrangère aux divisions qui troublent les peuples et parfois les bouleversent misérablement ; Nous parlons de la foi chrétienne, de la charité chrétienne envers tous les hommes, qui se transportent au delà de tous les partis en guerre, au delà des frontières de tous les États, au delà de tous les territoires et de tous les océans, qui vous excitent et vous stimulent tous et chacun à atteindre le but que vous vous êtes fixé et qui consiste à étendre le Royaume de Dieu à toutes les parties de la terre » (A. A. S., 1944, p. 207).
C’est pourquoi, profitant volontiers de l’occasion offerte par le 25e anniversaire de l’Encyclique Rerum Ecclesiae, Nous louons avec grande joie le travail déjà accompli et Nous vous exhortons tous à le poursuivre toujours avec la plus grande ardeur, vous tous, Vénérables Frères dans l’Épiscopat, vous, propagateurs de l’Évangile, ministres sacrés, et chacun des fidèles, soit qu’ils travaillent dans les territoires qui sont encore pays de Mission, soit qu’en un point quelconque de la terre, par des prières adressées à Dieu, par la formation et l’aide apportée aux candidats se destinant aux Missions, ou bien enfin en quêtant des aumônes, ils viennent en aide à cette cause si importante.
Nous aimons d’abord parler brièvement ici des progrès réalisés. En 1926 on comptait 400 Missions ; actuellement on en compte 600 ; alors les catholiques n’atteignaient pas 15 millions, aujourd’hui ils sont près de 28.000.000. En cette même année 1926, les prêtres, soit venus de l’extérieur, soit des Missions mêmes, étaient 14.800 ; aujourd’hui, ils sont plus de 26.800. A cette époque, presque tous les pasteurs, chefs de Missions, étaient étrangers ; en 25 ans, 88 de ces Missions ont été confiées au clergé indigène ; et comme en de nombreux endroits la Hiérarchie Ecclésiastique est déjà normalement constituée avec des Évêques choisis parmi les habitants du lieu, il apparaît encore plus clairement que la religion de Jésus-Christ est vraiment catholique et qu’elle ne peut être considérée comme étrangère en aucun point de la terre.
C’est ainsi que, pour donner des exemples, en Chine et en certaines régions de l’Afrique, la Hiérarchie Ecclésiastique a été établie selon les lois canoniques ; trois conciles « pléniers » de très grande importance ont été réunis, le premier en 1934 en Indochine, le second en 1937 en Australie, le troisième, l’an dernier, aux Indes. Les petits Séminaires ont grandement augmenté en nombre et en qualité ; les grands Séminaristes qui, il y a 25 ans, n’étaient que 1.770, sont à présent 4.300, et de nombreux Séminaires Régionaux ont été construits. A Rome, à l’Athénée de la Propagande, un Institut Missionnaire a été fondé ; à Rome également, et en d’autres endroits, de nombreuses chaires de Missiologie ont été constituées. A Rome encore, le Collège Saint-Pierre a été institué pour la formation plus complète des prêtres indigènes aux sciences sacrées, à la vertu et à l’apostolat. Deux nouvelles Universités ont été fondées ; les collèges et les écoles d’enseignement supérieur et moyen, qui précédemment étaient environ 1.600, sont aujourd’hui plus de 5.000 ; les écoles élémentaires sont à peu près deux fois plus nombreuses qu’alors ; on peut dire également que le nombre des dispensaires et des hôpitaux où sont soignés toutes sortes de malades, d’infirmes et de lépreux, a doublé. De plus, l’Union Missionnaire du Clergé a pris pendant ces années un développement considérable ; l’Agence Fides a été créée, dont le but est de rechercher, rédiger et diffuser les nouvelles religieuses ; la presse missionnaire a presque partout augmenté ses éditions et ses tirages ; de nombreux congrès missionnaires ont été tenus, parmi lesquels il convient de signaler celui qui eut lieu l’an dernier à Rome pendant l’Année Sainte, et qui a fort bien montré tout ce qui a été réalisé dans cet ordre d’idées ; il n’y a pas longtemps, un Congrès Eucharistique, tenu dans la Côte de l’Or, à Kumasi, a réuni dans une piété fervente un nombre remarquable d’assistants ; finalement, en faveur de l’Œuvre Pontificale de la Sainte Enfance, Nous avons désigné un jour spécial chaque année, destiné à la promouvoir par la prière et les aumônes (Epist. Praeses Consilii, A. A. S., 1951, pp. 88–89) ; tous ces faits montrent clairement que les œuvres d’apostolat répondent comme il se doit aux changements de condition et aux besoins nouveaux par de nouvelles méthodes et des entreprises plus adaptées.
Il ne faut pas omettre de signaler que, durant cette période, cinq Délégations Apostoliques ont été juridiquement constituées en diverses régions qui dépendent du Conseil suprême de la Propagande ; en outre, bon nombre de territoires dépendent désormais de Nonces et d’Internonces Apostoliques. Nous aimons, à ce sujet, déclarer que la présence et le zèle de ces Prélats ont déjà porté des fruits très abondants : ils ont surtout obtenu que les œuvres missionnaires, mieux organisées et s’aidant mutuellement davantage, concourent plus efficacement au même but. Nos Légats ont aussi grandement concouru à cette même fin en visitant chaque région, en participant, revêtus de Notre autorité, à des réunions épiscopales dans lesquelles les Ordinaires locaux mettaient en commun leur expérience en vue du bien général pour déterminer des méthodes d’apostolat plus convenables et plus faciles. Ce concours fraternel de la foi et des œuvres eut aussi cet avantage que les autorités civiles et ceux qui ne partagent pas la foi catholique eurent une plus grande estime de la religion chrétienne.
Ce que Nous venons de rappeler brièvement des progrès des Missions pendant ces 25 dernières années, et ce que Nous avons pu voir pendant l’Année Sainte ― lorsque des foules importantes affluaient à Rome des régions lointaines cultivées par les prédicateurs de l’Évangile pour obtenir les dons de Dieu et Notre bénédiction ― ces choses, disons-Nous, Nous incitent vivement à renouveler le vœu ardent de l’Apôtre des nations quand il écrivait aux Romains : « … pour vous communiquer quelque don spirituel qui puisse vous affermir, ou plutôt pour nous encourager chez vous mutuellement par la foi qui nous est commune, à vous et à moi » (Rom., I, 11–12).
Et il Nous semble que le Divin Maître Lui-même nous répète à tous ces paroles de consolation et d’exhortation : « Levez les yeux et voyez les champs : ils sont déjà blancs pour la moisson » (Joan., IV, 35). Cependant, comme les propagateurs de la vérité chrétienne ne suffisent pas aux besoins actuels, à ces paroles répond en quelque sorte l’invitation du même Divin Rédempteur : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont en petit nombre. Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson » (Matth., IX, 37–38).
Nous savons assurément, et c’est une grande consolation pour Notre cœur, que le nombre de ceux qu’un instinct surnaturel appelle à propager l’Évangile par toute la terre augmente heureusement de nos jours et ravive les espoirs de l’Église ; mais il reste encore beaucoup à faire, il reste beaucoup à obtenir de Dieu par d’humbles prières. Considérant les innombrables nations qui doivent être appelées par ces ouvriers évangéliques à l’unique bercail et à l’unique port du salut. Nous adressons au Chef des Pasteurs ces paroles de l’Ecclésiastique : « De même que vous avez montré devant eux votre sainteté en nous, de même, devant nous, manifestez votre sainteté en eux, pour qu’ils apprennent, comme nous l’avons appris nous-mêmes, qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Vous, Seigneur » (Eccli., XXXVI, 4 et 5).
Ces heureux accroissements des Missions ont été dus non seulement aux travaux des semeurs de la parole divine, mais aussi au sang versé en abondance dans le témoignage du martyre, car au cours de ces dernières années, les persécutions les plus âpres contre l’Église naissante se firent sentir en certaines nations ; de nos jours même telles régions de l’Extrême-Orient voient verser le sang pour la même cause. Nous apprenons, en effet, que pour avoir été courageusement fidèles à leur religion de nombreux chrétiens, des religieuses missionnaires, des prêtres indigènes et même certains Évêques ont été chassés de leur domicile et de leurs biens et souffrent la faim hors de leur pays, ou bien sont jetés en prison ou en camp de concentration, ou même parfois sont sauvagement mis à mort.
C’est pour Notre cœur une très grande souffrance que de songer aux angoisses, aux douleurs, à la mort de ces fils très chers ; non seulement Nous les accompagnons tous de Notre amour de père, mais Nous en parlons avec un respect paternel, car Nous savons fort bien que leur rôle s’élève parfois jusqu’à la dignité du martyre. Jésus-Christ, le premier des martyrs, a déclaré : « S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi » (Joan., XV, 20) ; « dans le monde vous aurez de la tribulation ; mais ayez confiance : moi, j’ai vaincu le monde » (Joan., XVI, 33) ; « si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt il porte beaucoup de fruit » (Joan., XII, 24–25).
Les messagers et propagateurs de la vérité et de la vertu chrétiennes qui, loin de leur patrie, trouvent la mort en s’acquittant de leur sainte fonction sont des semences dont la volonté de Dieu fera un jour germer des fruits très abondants. C’est pourquoi l’apôtre Paul affirmait : « Nous nous glorifions, dans nos tribulations » (Rom., V, 3) ; et saint Cyprien, Évêque et martyr, consolait et exhortait les chrétiens de son temps en ces termes : « Le Seigneur a voulu que nous nous réjouissions et que nous exultions dans les persécutions, parce que lorsque les persécutions se produisent, c’est alors que se distribuent les couronnes de la foi, c’est alors que sont éprouvés les soldats de Dieu, c’est alors que les cieux sont ouverts aux martyrs. Nous n’avons pas, en effet, donné notre nom à la milice pour devoir songer uniquement à la paix et refuser le combat, alors que le Seigneur le premier a marché au combat, notre maître en humilité, en patience et en souffrance, lui qui a fait le premier ce qu’il enseignait à faire, lui qui a souffert le premier pour nous ce qu’il exhortait à souffrir » (S. Cypriani Epist., LVI, ML, IV, 351 A).
Les semeurs de l’Évangile qui peinent aujourd’hui dans les régions lointaines font progresser une cause semblable à celle de l’Église primitive. Ceux en effet qui, avec les Princes des Apôtres Pierre et Paul, apportaient la vérité de l’Évangile à la citadelle de l’empire romain, se trouvaient à Rome à peu près dans des conditions semblables. Quiconque considère l’Église qui naissait à cette époque la verra dépourvue de toutes ressources humaines, soumise aux difficultés, aux malheurs, aux attaques ; il ne pourra se défendre d’un sentiment d’admiration en voyant que la troupe pacifique des chrétiens a vaincu une puissance telle qu’il n’y en avait peut-être jamais eu de plus grande. Or, ce qui est arrivé alors, arrivera encore sans aucun doute maintes et maintes fois. De même que le jeune David, se confiant plus dans le secours divin que dans sa fronde, jeta à terre le géant Goliath que protégeait une cuirasse, ainsi cette société divine que le Christ a fondée, ne pourra jamais être vaincue par aucune puissance terrestre, mais elle triomphera d’un front serein de toutes les attaques. Bien que Nous sachions que cela soit l’effet de promesses divines qui ne faillirent jamais, Nous ne pouvons cependant Nous retenir d’exprimer Notre reconnaissance à tous ceux qui ont témoigné de leur foi courageuse et invincible à Jésus-Christ et à l’Église, colonne et fondement de la vérité (cf. I Tim., III, 15), tout en les exhortant à continuer toujours avec la même constance.
Nous recevons très souvent des nouvelles de cette foi invincible et de ce courage intrépide, et c’est pour Nous une grande consolation. S’il n’a pas manqué d’hommes pour s’efforcer de séparer les catholiques de ce Siège Apostolique de Rome, sous prétexte que l’amour de chacun pour sa propre patrie et la fidélité envers elle requerrait une telle séparation, Nos fils ont pu et peuvent à bon droit répondre qu’ils ne le cèdent à aucun citoyen en matière de patriotisme, mais qu’ils veulent absolument jouir d’une juste liberté.
Ce qu’il faut bien avoir présent à l’esprit, et que Nous avons déjà signalé plus haut, c’est que le travail qui reste à faire demande un effort gigantesque et d’innombrables travailleurs. Rappelons-nous qu’une immense multitude de nos frères « demeure assise dans les ténèbres et l’ombre mortelle » (Ps. CVI, 10) et que leur nombre est de l’ordre d’un milliard. C’est pourquoi semble résonner encore l’ineffable gémissement du Cœur très aimant de Jésus-Christ : « J’ai aussi d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail ; celles-là également, il faut que je les conduise, et elles écouteront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur » (Joan., X, 16)
Et il ne manque pas de pasteurs, comme vous le savez, Vénérables Frères, qui s’efforcent d’écarter les brebis de cet unique bercail, de cet unique port du salut ; vous savez aussi que ce péril est, en certains endroits, plus grand de jour en jour. C’est pourquoi, considérant devant Dieu cette immense multitude d’hommes qui sont encore privés de la vérité évangélique et mesurant toute la gravité du danger dans lequel tant d’hommes se trouvent soit à cause de l’extension du matérialisme athée, soit à cause d’une certaine doctrine qui se dit chrétienne mais qui est en fait imbue des idées et des erreurs communistes, Nous sommes saisis d’une vive angoisse et poussés à promouvoir partout et de toutes Nos forces les œuvres de l’apostolat, et Nous considérons comme adressée à Nous-mêmes l’exhortation du prophète : « Crie à pleine voix, ne te retiens pas, fais retentir ta voix comme la trompette » (Is., LVIII, 1).
Et Nous recommandons à Dieu d’une manière spéciale dans nos prières les ouvriers apostoliques qui s’adonnent aux Missions dans les régions intérieures de l’Amérique latine ; car Nous savons à quels dangers, à quelles embûches, ils sont exposés par les erreurs cachées ou manifestes que répandent les non-catholiques.
Dans l’intention de rendre toujours plus efficace l’activité des prédicateurs de l’Évangile et pour qu’aucune goutte de leur sueur et de leur sang ne soit répandue en vain, Nous voulons exposer ici brièvement des principes et des règles selon lesquelles l’action et le zèle des Missionnaires doivent être conduits.
Il convient tout d’abord de remarquer que celui qui, par une inspiration surnaturelle, est appelé à faire fleurir chez les nations païennes et lointaines la vérité de l’Évangile est destiné à une fonction tout à fait grande, tout à fait élevée. Il consacre, en effet, sa vie à Dieu pour propager son Règne jusqu’aux extrémités de la terre. Celui-ci ne recherche pas ses propres avantages, mais ceux de Jésus-Christ (Phil., II, 21). Celui-ci enfin considère comme adressées particulièrement à lui-même ces phrases magnifiques de l’Apôtre des Gentils : « Nous faisons fonction d’ambassadeurs… pour le Christ » (II Cor., V, 20) ; « Si nous vivons dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair » (II Cor., X, 3) ; « Je me suis fait faible avec les faibles afin de gagner les faibles » (I Cor., IX, 22).
Il doit donc considérer comme une seconde patrie la terre à laquelle il vient porter la lumière de l’Évangile, et l’aimer comme il convient ; si bien qu’il ne recherche pas d’avantages matériels, ni les intérêts de son pays ou de son institut religieux, mais bien ce qui concerne le salut des âmes. Assurément il doit avoir un grand amour pour son pays et pour son institut, mais il doit aimer encore davantage l’Église. Et qu’il se souvienne que son institut ne tirera aucun profit de ce qui s’oppose au bien de l’Église.
Il faut, en outre, que ceux qui sont appelés à ce genre d’apostolat, alors qu’ils sont encore dans leur patrie, soient formés non seulement à toutes les vertus et à toutes les connaissances ecclésiastiques, mais il faut qu’ils apprennent encore les doctrines et acquièrent les connaissances particulières qui leur seront un jour de la plus grande utilité quand ils s’acquitteront de leur office de messagers de l’Évangile. C’est pourquoi ils doivent connaître les langues, celles surtout qui leur seront un jour nécessaires ; il faut qu’ils soient également suffisamment initiés à la médecine, à l’agriculture, à l’ethnographie, à l’histoire, à la géographie et autres sciences du même genre.
Le but des Missions, comme chacun sait, est d’abord de faire resplendir pour de nouveaux peuples la lumière de la vérité chrétienne et de susciter de nouveaux chrétiens. Mais le but dernier auquel elles doivent tendre ― et qu’il faut toujours avoir sous les yeux ― c’est que l’Église soit fermement et définitivement établie chez de nouveaux peuples, et qu’elle reçoive une Hiérarchie propre, choisie parmi les habitants du lieu.
Dans la lettre que le 9 août de l’année dernière Nous avons adressée à Notre cher Fils le Cardinal Pierre FUMASONI-BIONDI, Préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande, Nous écrivions entre autres choses : « L’Église assurément n’a nullement le dessein de dominer les peuples ou de s’emparer du pouvoir temporel : son seul désir est de porter à toutes les nations la lumière surnaturelle de la foi, de favoriser le développement de la civilisation humaine et civile et la concorde entre les peuples » (Epist. Perlibenti equidem, A. A. S., 1950, p. 727).
Dans la Lettre Apostolique Maximum illud (A. A. S., 1919, p. 440 sq.), de Notre prédécesseur Benoît XV, datée de 1919, ainsi que dans l’Encyclique Rerum Ecclesiae (A. A. S., 1926, p. 65 sq.), de Notre prédécesseur immédiat, Pie XI, il était proclamé que les Missions devaient s’efforcer, comme vers leur but suprême, d’établir l’Église dans de nouvelles terres. Et Nous-mêmes, lorsque en 1944, comme Nous l’avons rappelé ci-dessus, Nous avons reçu les Directeurs des Œuvres Missionnaires, Nous avons déclaré : « Le dessein que les prédicateurs de l’Évangile embrassent avec courage et générosité, consiste à étendre l’Église à de nouvelles régions, de telle sorte qu’elle y fixe des racines toujours plus profondes, et qu’après s’y être développée elle puisse le plus tôt possible y vivre et y fleurir sans l’aide des œuvres missionnaires. Ces œuvres missionnaires en effet ne cherchent pas leur propre intérêt, mais il faut qu’elles tendent de toutes leurs forces à atteindre le but élevé dont Nous venons de parler ; lorsqu’elles l’auront atteint, elles se consacreront volontiers à d’autres entreprises » (A. A. S., 1944, p. 210). « C’est pourquoi les propagateurs de l’Évangile ne résident pas dans les champs d’apostolat déjà cultivés, comme s’ils y étaient à demeure, mais leur mission est plutôt de faire briller sur toute la terre la vérité de l’Évangile et de consacrer cette terre par la sainteté chrétienne. L’entreprise qui est proposée aux Missionnaires est en effet la suivante : étendre d’une région à l’autre, d’un pas chaque jour plus rapide, jusqu’à la demeure la plus éloignée et la plus inconnue, jusqu’à l’homme le plus éloigné et le plus inconnu, le Règne du Divin Rédempteur, qui est ressuscité triomphant de la mort et à qui tout pouvoir à été donné au ciel et sur la terre » (cf. Matth. XXVIII, 18. – A. A. S., 1944, p. 208).
Il est clair cependant que l’Église ne peut s’établir convenablement en de nouvelles régions à moins que les institutions et les œuvres n’y soient organisées comme il faut, à moins surtout qu’un clergé indigène à la hauteur des besoins n’y soit créé et formé, Nous aimons pour cela répéter en les empruntant à l’Encyclique Rerum Ecclesiae ces phrases graves et sages : « … S’il faut prendre soin que chacun d’entre vous ait le plus grand nombre possible d’élèves indigènes, appliquez-vous en outre à les former comme il convient, à la sainteté que demande la vie sacerdotale, à cet esprit d’apostolat uni au désir du salut de leurs Frères qui les rendra capables de sacrifier même leur vie pour leur concitoyens » (A. A. S., 1926, p. 76).
« Supposez qu’une guerre ou d’autres événements politiques remplacent dans un territoire de Mission un régime par un autre et que le départ des Missionnaires de telle nation soit demandé ou décrété ; supposez ― ce qui arrivera certes plus difficilement ― que des indigènes parvenus à un certain degré de culture et ayant atteint une certaine maturité politique veuillent, pour obtenir leur autonomie, chasser de leur territoire les fonctionnaires, les troupes et les Missionnaires de la nation qui leur commande, et ne puissent y arriver qu’au moyen de la force. Quelle ruine, Nous le demandons, ne menacerait pas l’Église en ces régions, si on n’avait entièrement pourvu aux besoins des nouveaux chrétiens en disposant comme un réseau de prêtres indigènes sur tout le territoire ? » (A. A. S., 1926, p. 75).
En voyant réalisé en de nombreuses régions de l’Extrême-Orient ce que Notre prédécesseur immédiat écrivait dans une sorte de pressentiment, Nous sommes saisis d’une grande douleur. Les florissantes missions qui s’y trouvaient, déjà blanches pour la moisson (Joan., IV, 35), sont actuellement, hélas ! dans les plus grandes difficultés. Qu’il Nous soit permis d’espérer que les peuples de Corée et de Chine, remarquables par leurs dons naturels d’humanité et de noblesse, et qui depuis longtemps ont brillé par la splendeur de leur civilisation, seront le plus tôt possible libérés non seulement des conflits et des guerres qui les bouleversent, mais aussi de cette doctrine néfaste, qui ne cherche que les biens d’ici-bas et refuse les biens célestes ; qu’ils estiment aussi à leur juste prix la charité et le courage chrétien des Missionnaires étrangers et des prêtres indigènes, qui au prix de leurs fatigues, et s’il le faut, au risque de leur vie, ne cherchent rien d’autre que le vrai bien du peuple.
Nous rendons grâces à Dieu de ce que dans l’un et l’autre pays un clergé de choix et déjà nombreux s’est levé du milieu de ces populations pour l’espérance de l’Église, et de ce que plusieurs diocèses ont été confiés à des Évêques de ce pays. Si on a pu finalement en arriver là, l’éloge doit en revenir aux Missionnaires étrangers.
A ce sujet toutefois, il Nous semble opportun de noter un point, que Nous estimons digne de considération attentive quand les Missions qui étaient auparavant confiées au clergé étranger passent aux mains des Évêques et des prêtres nationaux. L’Institut religieux dont les membres ont labouré au prix de leur sueur le champ du Seigneur, lorsqu’un décret du Conseil Supérieur de la Propagation de la Foi confie à d’autres ouvriers la vigne cultivée par eux et déjà couverte de fruits, ne doit pas nécessairement l’abandonner tout à fait ; mais ce sera faire œuvre utile et convenable que de continuer à aider le nouvel Évêque choisi dans le peuple du lieu. De même, en effet, que dans tous les autres diocèses du monde, des Religieux aident la plupart du temps l’Évêque local, de même dans les régions de Missions, les Religieux, bien qu’originaires d’une autre nation, ne cesseront pas de mener le combat comme des troupes auxiliaires ; et c’est ainsi que se réalisera heureusement ce que le Divin Maître a déclaré au puits de Sichar : « Le moissonneur reçoit son salaire et recueille des fruits pour la vie éternelle, pour que le semeur se réjouisse en même temps que le moissonneur » (Joan., IV, 36).
Nous désirons en outre adresser Notre exhortation non seulement aux Missionnaires, mais aussi aux laïques, qui « de grand cœur et de bon gré » (II Mach., I, 3), militant dans les rangs de l’Action catholique, prêtent leurs concours aux Missions.
On peut certes assurer que le concours des laïques, que nous appelons aujourd’hui Action catholique, n’a jamais manqué depuis les origines de l’Église ; bien plus, il a fourni aux Apôtres et aux autres propagateurs de l’Évangile une aide considérable, et la religion chrétienne lui dut un développement important. C’est ainsi que l’Apôtre des Gentils nomme à ce sujet Apollos, Lydie, Aquila, Priscille, Philémon ; dans l’épître aux Philippiens, il écrit : « Et toi aussi, mon fidèle compagnon, je te prie de venir en aide à celles qui ont combattu pour l’Évangile avec moi, avec Clément et mes autres collaborateurs dont les noms sont dans le livre de vie » (Phil., IV, 3).
De même, chacun sait que la doctrine chrétienne a été répandue le long des voies consulaires non seulement par les Évêques et les prêtres, mais aussi par les magistrats, les soldats et les particuliers. De nombreux milliers de fidèles, qui venaient de recevoir la foi chrétienne et dont les noms sont aujourd’hui inconnus, brûlant du désir de propager la nouvelle religion qu’ils avaient embrassée, se sont efforcés de préparer la voie à la vérité évangélique ; c’est pourquoi en une centaine d’années le nom chrétien et la vertu chrétienne étaient parvenus à toutes les principales villes de l’Empire Romain.
Saint Justin, Minucius Félix, Aristide, le consul Acilius Glabrion, le patrice Flavius Clemens, saint Tarcisius, des saints et des saintes martyrs, presque innombrables, pour avoir, par leurs peines et leur sang répandu, fortifié et fécondé l’Église grandissante, peuvent être dits en quelque sorte les avant-gardes et les précurseurs de l’Action catholique. Nous aimons ici rapporter la phrase magnifique de l’auteur de la lettre à Diognète, qui semble aujourd’hui encore un avertissement d’actualité : « Les chrétiens… habitent des patries particulières, mais comme des locataires ;… toute région étrangère est pour eux une patrie, et toute patrie, une terre étrangère » (Epist. ad Diognetum, V, 5 ; ed. Funk, I, 399).
Pendant les invasions barbares du Moyen Âge, nous voyons des hommes et des femmes du premier rang, aussi bien que d’humbles artisans et d’énergiques femmes du peuple chrétien s’efforcer de tout leur pouvoir de convertir authentiquement leurs concitoyens à la religion de Jésus-Christ et d’y conformer leurs mœurs, comme aussi bien de sauver la religion et la cité en cas de danger. Avec Notre immortel prédécesseur Léon le Grand, qui s’opposa fortement à l’invasion de l’Italie par Attila, se trouvaient, nous dit la tradition, deux personnages consulaires. Lorsque les terribles bandes des Huns assiégeaient Paris, la sainte vierge Geneviève, qui mettait ses délices dans les prières ininterrompues et les âpres pénitences, veilla selon ses forces avec une admirable charité sur les âmes et les corps de ses concitoyens. Théodelinde, reine des Lombards, appelle instamment son peuple à embrasser la religion chrétienne. En Espagne, le roi Récarède s’efforce de ramener de l’hérésie arienne à la vraie foi le peuple qui lui est confié. En Gaule, on trouve non seulement de saints évêques qui, ― comme Remi, évêque de Reims, Césaire, évêque d’Arles, Grégoire, évêque de Tours, Éloi, évêque de Noyon et plusieurs autres – brillèrent par leur vertu et leur ardeur apostolique, mais on peut voir des reines qui, durant cette époque, enseignent aux ignorants et aux humbles la vérité chrétienne, nourrissent les malades, les affamés et toute sorte de malheureux ; c’est ainsi, pour donner des exemples, que Clotilde attire si bien le cœur de Clovis à la religion chrétienne, qu’elle finit par l’amener à accepter volontiers le baptême ; Radegonde et Bathilde recueillent avec la plus grande charité les malades, et soignent les lépreux. En Angleterre, la reine Berthe reçoit à son arrivée saint Augustin, l’apôtre de cette nation, et, par ses efforts, persuade son mari Ethelbert d’accepter avec bienveillance les préceptes de l’Évangile. A peine les Anglo-Saxons, nobles ou roturiers, hommes ou femmes, vieillards ou jeunes gens, ont-ils embrassé la foi, comme poussés par un instinct de la grâce, ils lient aussitôt avec le Siège Apostolique des liens très étroits de piété, de fidélité, de respect.
De la même manière en Allemagne c’est un spectacle merveilleux de voir saint Boniface et ses compagnons parcourir ces régions dans leurs voyages apostoliques et les arroser généreusement de leurs sueurs. Les fils et les filles de cette nation courageuse et généreuse, dans un élan d’ardeur, prêtèrent leur aide et le secours de leur zèle aux moines, aux prêtres, aux Évêques, pour que la lumière de la vérité évangélique brillât chaque jour davantage sur ces vastes régions, et pour que les préceptes chrétiens et la vertu chrétienne progressent de jour en jour et portent des fruits de salut.
Il n’y a donc aucune époque où l’Église catholique, non seulement par le travail infatigable du clergé, mais aussi avec l’aide demandée aux laïques, n’ait assuré de nouveaux développements à la religion et n’ait également amené les peuples à une plus grande prospérité sociale. Tout le monde sait ce qu’ont fait à ce sujet en Allemagne une sainte Élisabeth, landgrave de Thuringe, un saint Ferdinand roi en Castille, un saint Louis IX en France : par leur sainteté et leur zèle ils ont étendu leurs bienfaits à tous les rangs de la société, soit en instituant des œuvres utiles, soit en propageant de toutes leurs forces la vraie religion, soit surtout en donnant à tous l’exemple de leur vie. On n’ignore pas les mérites des fraternités du Moyen Âge dans lesquelles étaient groupés artisans et ouvriers des deux sexes qui, tout en poursuivant la vie séculière, avaient néanmoins devant les yeux un idéal de perfection évangélique dont ils poursuivaient personnellement la recherche et vers lequel ils s’efforçaient avec le clergé d’orienter les autres.
Or, les conditions dans lesquelles on se trouvait aux premiers temps de l’Église se retrouvent aujourd’hui dans la plupart des régions où travaillent les Missionnaires ; ou du moins les peuples dont ils ont le soin souffrent de besoins auxquels il fut nécessaire de répondre à l’âge suivant. C’est pourquoi il faut absolument que des laïcs, se réunissant très nombreux dans les rangs de l’Action catholique unissent là leur zèle généreux et actif à l’apostolat hiérarchique du clergé. L’œuvre des catéchistes est assurément nécessaire, mais non moins nécessaire est l’activité attentive de ceux qui, sans recevoir aucun honoraire, mais uniquement poussés par l’amour de Dieu, se mettent à la disposition des prêtres pour les aider dans leurs fonctions.
Nous désirons donc que partout, selon le nombre des catholiques hommes et femmes, des associations se constituent ; qu’il y en ait aussi pour les jeunes gens qui poursuivent leurs études, pour les ouvriers et les artisans, pour les sportifs, qu’il y ait également des congrégations et de pieuses associations qui puissent être dites les troupes auxiliaires des Missionnaires. Pour constituer et former ces groupes que l’on s’attache toutefois plus à l’honnêteté, à la vertu, au zèle des membres qu’à leur nombre.
Il faut remarquer en outre que rien ne concilie plus efficacement aux Missionnaires la confiance des pères et mères de famille que le soin que l’on prend de leurs enfants. Ceux-ci en convertissant leur esprit à la vérité chrétienne et leurs mœurs à la vertu concourront non seulement au bien de leur propre famille, mais aussi à la vigueur, à l’honneur et à l’illustration de toute la communauté ; et il arrivera souvent que si la vie de la communauté chrétienne était quelque peu affaiblie ils la rappelleront heureusement à son ancienne vigueur.
Bien que, comme chacun sait, l’Action catholique soit principalement destinée à promouvoir les œuvres d’apostolat, rien n’empêche cependant que ceux qui en font partie, soient également membres d’associations dont le but soit de conformer les institutions sociales et politiques aux principes et aux règles chrétiennes ; bien plus, le droit dont ils jouissent permet, et le devoir qu’ils ont demande qu’ils y prennent part, non seulement comme citoyens, mais aussi comme catholiques.
La jeunesse, surtout celle que l’on cultive par les lettres, les études supérieures et les arts libéraux, dirigera demain les affaires de son pays. Tous reconnaissent l’importance des soins qu’il faut donner à l’éducation, aux écoles, aux collèges. Nous exhortons donc paternellement les Supérieurs de Missions à ne rien épargner de leurs peines ni de leurs ressources pour développer ces entreprises.
Les écoles, en effet, nouent d’opportunes relations entre les Missionnaires et les païens de toute classe. La jeunesse surtout, souple encore comme la cire, éprouve plus aisément le désir de comprendre, d’apprécier et d’embrasser la doctrine catholique. Ces jeunes, plus instruits, seront demain les chefs de l’État ; les masses les suivront comme leurs guides et leurs maîtres. Ainsi, l’Apôtre des nations présentait à l’élite la plus docte, la sagesse sublime de l’Évangile, quand devant l’Aréopage il annonçait le Dieu inconnu. Si après ces contacts quelques-uns seulement se donnent au Christ, un plus grand nombre éprouvera un attrait secret pour la beauté supérieure de cette religion et la charité de ceux qui la professent.
Ces écoles et collèges servent aussi éminemment à réfuter les erreurs de tout genre que répandent de plus en plus les non catholiques et les communistes et qui atteignent ouvertement ou en secret surtout les jeunes.
Il n’est pas moins utile de publier et de répandre des écrits de circonstance. Il n’y a pas lieu, croyons-nous, de nous étendre là-dessus ; on sait assez l’influence des journaux, revues et tracts pour exposer la vérité et le bien, pour en imprégner les esprits, pour démasquer l’erreur, réfuter les mensonges qui attaquent la religion ou déforment au détriment des âmes, les questions sociales violemment agitées. Nous louons donc vivement les Pasteurs soucieux de répandre par la presse le plus possible des écrits de ce genre, solides et soignés. On a déjà beaucoup entrepris en ce domaine, mais il reste encore beaucoup à faire.
Il Nous plaît de recommander ici vivement les œuvres et les établissements qui s’emploient auprès des malades, des infirmes, des éprouvés de tous genres : hôpitaux, léproseries, dispensaires, hospices pour vieillards, maternités, orphelinats, refuges pour nécessiteux. Ces œuvres qui Nous paraissent pour ainsi dire les fleurs les plus belles du jardin où se dépensent les ouvriers de l’Évangile, font revivre sous nos yeux, en quelque sorte, le Divin Rédempteur en personne « qui passa en faisant le bien et guérissant les malades » (Act., X, 38).
Ces prodiges de charité préparent souverainement les âmes et les attirent à la foi et à la pratique chrétiennes. Jésus-Christ lui-même en a fait aux Apôtres la recommandation : « En quelque ville que vous entriez et qu’on vous reçoive… guérissez les malades qui s’y trouveront et dites-leur : Le Royaume de Dieu est proche de vous » (Luc., X, 8–9).
Il faut enfin que les religieux et les religieuses qui sentent l’appel de ces vocations fructueuses se donnent, avant de quitter leur patrie, la culture intellectuelle et morale que requièrent aujourd’hui ces services. Il ne manque pas de religieuses, Nous le savons, qui munies de diplômes officiels, ont poursuivi l’étude de maladies affreuses comme la lèpre et ont trouvé des remèdes adaptés ; on leur doit des louanges méritées. Nous les bénissons paternellement ainsi que tous les Missionnaires qui se dépensent dans les léproseries et nous adressons à leur charité sublime, l’hommage de Notre admiration.
Pour ce qui est de la médecine et de la chirurgie, il sera à propos évidemment d’appeler à l’aide des laïcs, diplômés, prêts à quitter volontiers leur patrie pour aider les missionnaires, mais aussi hommes de saine doctrine et de vertu.
Nous en venons maintenant à un sujet qui n’a pas moins d’importance et de gravité ; Nous voulons dire un mot de la question sociale et de sa solution dans la justice et la charité. Pendant que les propos communistes se répandent aujourd’hui partout et facilement trompent les simples et les humbles, Nous croyons entendre retentir à Nos oreilles la parole de Jésus-Christ : « J’ai pitié de la foule » (Marc., VIII, 2). Il faut absolument faire passer dans la pratique avec zèle, ardeur, énergie, les vrais principes qu’enseigne l’Église en matière sociale. Il faut absolument garder tous les peuples de ces erreurs pernicieuses ou bien, s’ils en ont été infectés, il faut les guérir de ces doctrines violentes qui présentent la jouissance des biens de ce monde comme l’unique but de l’homme en cette vie, qui attribuent à la souveraineté de l’État et à sa décision la propriété et la gestion de tous les biens, réduisant ainsi presque jusqu’à l’anéantir, la dignité de la personne humaine. Il faut absolument enseigner à tous en public, en privé, que nous sommes ici-bas des exilés en route vers l’immortelle patrie, appelés à l’éternité, au bonheur éternel que nous devons atteindre un jour en suivant les dictées de la vérité et de la vertu. Seul, le Christ est le gardien de l’humaine” justice et le très doux consolateur de la douleur, inévitable ici-bas ; Lui seul nous découvre le port de la paix, de la justice et de l’éternelle joie auquel tous, rachetés par son sang, au terme de notre voyage terrestre, nous devons atteindre.
Mais c’est aussi le devoir de tous, autant qu’il est possible, d’adoucir, d’alléger, de soulager les souffrances, les misères, les angoisses qui affligent nos frères en cette vie.
La charité peut en partie remédier à bien des injustices d’ordre social, mais c’est insuffisant ; il faut d’abord que la justice s’affirme, s’impose et soit mise en pratique.
Il nous plaît à ce propos de citer ici les paroles que Nous adressions à Noël 1942 aux Éminentissimes Cardinaux et aux Évêques réunis : « L’Église a condamné les divers systèmes du socialisme marxiste et elle les condamne encore aujourd’hui conformément à son devoir et à son droit permanent de mettre les hommes à l’abri de courants et d’influences qui mettent en péril leur salut éternel. Mais l’Église ne peut pas ignorer ou ne pas voir, que l’ouvrier dans son effort pour améliorer sa situation, se heurte à tout un système qui, loin d’être conforme à la nature, est en opposition avec l’ordre de Dieu et avec la fin assignée par Dieu aux biens terrestres. Si fausses, si condamnables, si dangereuses qu’aient été et que soient les voies suivies, qui pourrait, et surtout quel prêtre, quel chrétien pourrait demeurer sourd au cri qui monte d’en bas et réclame dans le monde d’un Dieu juste, justice et fraternité ? Le silence serait coupable, inexcusable devant Dieu, contraire au bon sens éclairé de l’Apôtre qui, tout en prêchant la fermeté contre l’erreur, sait en même temps qu’il faut montrer beaucoup de délicatesse envers les égarés, aller à eux le cœur ouvert pour écouter leurs aspirations, leurs espérances, leurs raisons… La dignité de la personne humaine suppose donc normalement comme fondement naturel pour vivre, le droit à l’usage des biens de la terre ; à ce droit correspond l’obligation fondamentale d’accorder une propriété privée, autant que possible à tous. Les normes juridiques positives, réglant la propriété privée, peuvent changer et en restreindre plus ou moins l’usage ; mais si elles veulent contribuer à la pacification de la communauté, elles devront empêcher que l’ouvrier, père ou futur père de famille, soit condamné à une dépendance, à une servitude économique, inconciliable avec les droits de sa personne.
Que cette servitude dérive de la puissance du capital privé ou du pouvoir de l’État, l’effet est le même. Bien plus, sous la pression d’un État qui domine tout, qui règle toute la sphère de la vie publique et privée, qui pénètre jusque dans le champ des idées et des convictions de la conscience, ce défaut de liberté peut avoir des conséquences plus graves encore, comme l’expérience en fournit la manifestation et le témoignage » (A. A. S., 1943, pp. 16–17).
Il vous revient, Vénérables Frères, qui vous dépensez de toute façon dans les Missions, de donner tous vos soins à ce que ces principes et ces normes passent dans la pratique. Examinez les conditions particulières du pays, consultez-vous en vos réunions d’Évêques, en vos synodes et autres assemblées, et fondez selon vos ressources les groupements sociaux et économiques, les associations et instituts que les circonstances et le caractère de vos populations demandent.
C’est sûrement un devoir de votre charge pastorale de veiller à ce que le troupeau qui vous est confié n’aille pas s’égarer hors du vrai chemin, victime de ces nouvelles erreurs qui se couvrent des apparences de la vérité et de la justice, victime aussi d’entraînements néfastes. Que les apôtres de l’Évangile qui vous secondent avec zèle, se distinguent entre tous en ce point ; ils seront sûrs alors de ne point entendre un jour cette parole : « Les fils de ce siècle sont plus prudents que les fils de la lumière » (Luc., XVI, 8). Il sera toutefois opportun qu’ils s’adjoignent, chaque fois que ce sera possible, des laïques compétents, reconnus pour leur droiture et leur prudence, qui prennent en mains ces entreprises et les développent.
Le vaste domaine de l’apostolat missionnaire n’était pas jadis délimité par les frontières ecclésiastiques précises, ni confié à des Ordres ou Congrégations religieuses en collaboration avec un clergé indigène en progrès, ce qui est devenu généralement, on le sait, la situation actuelle. Il est aussi arrivé parfois qu’on a confié certaines régions aux religieux d’une province particulière d’un même Institut. Nous reconnaissons les avantages de ce régime, l’organisation des missions en devient plus rapide et plus facile. Cela toutefois peut susciter de sérieux inconvénients auxquels il est à propos de remédier autant que possible. Nos prédécesseurs déjà ont traité un sujet analogue en leurs lettres que Nous avons rappelées (cf. A. A. S., 1919, p. 444, et A. A. S., 1926, pp. 81–82), et ils ont donné sur la matière des normes très sages qu’il Nous plaît de renouveler ici et de confirmer. Connaissant votre zèle pour la religion et le salut des âmes, Nous vous exhortons à les accueillir avec un esprit filial et une prompte obéissance.
Il arrive en effet que ces territoires, très vastes d’ordinaire, que le Saint Siège a confiés à votre zèle pour que vous les gagniez au Christ Notre-Seigneur, vos Instituts ne peuvent leur donner qu’un nombre de missionnaires bien inférieur à la nécessité, N’hésitez donc pas à imiter la pratique des diocèses constitués : des religieux clercs ou laïcs de divers Instituts, des religieuses de Congrégations différentes entourent l’Évêque et lui donnent leur concours. De même pour la propagation de la foi, l’instruction de la jeunesse indigène et d’autres œuvres du même genre, n’hésitez pas à appeler à partager vos travaux des religieux ou des Missionnaires qui ne seraient pas de votre Institut, qu’ils soient religieux, clercs ou laïcs. Les Ordres et les Congrégations religieuses peuvent se glorifier de la mission qu’ils ont reçue auprès des païens comme des conquêtes qu’ils ont ajoutées au Royaume du Christ ; mais qu’ils se rappellent aussi qu’ils n’ont point reçu les territoires de mission en droit personnel et perpétuel ; ces territoires leur sont confiés selon le gré du Siège Apostolique, à qui demeurent le droit et la charge de veiller à leur juste et plein développement. Le Pontife Romain en conséquence ne s’acquitterait pas de sa charge s’il se contentait de répartir entre les Instituts des territoires plus ou moins étendus ; il doit encore, ce qui importe davantage, veiller sans cesse de toute façon à ce que ces Instituts missionnaires envoient en nombre et surtout en qualité, les Missionnaires qu’il faut aux régions qui leur sont confiées pour répandre en tout le pays la lumière de la vérité chrétienne et y travailler efficacement (A. A. S., 1926, pp. 81–82).
Il Nous reste à toucher un point que Nous souhaitons vivement voir parfaitement saisi de tous. L’Église depuis son origine jusqu’à nos jours, a toujours suivi la norme très sage selon laquelle l’Évangile ne détruit et n’éteint chez les peuples qui l’embrassent, rien de ce qui est bon, honnête et beau en leur caractère et leur génie. En effet lorsque l’Église convie les peuples à s’élever sous la conduite de la religion chrétienne à une forme supérieure d’humanité et de culture, elle ne se conduit pas comme celui qui, sans rien respecter, abat une forêt luxuriante, la saccage et la ruine, mais elle imite plutôt le jardinier qui greffe une tige de qualité sur des sauvageons pour leur faire produire un jour des fruits plus savoureux et plus doux.
La nature humaine garde en elle, malgré la tache héritée de la triste chute d’Adam, un fonds naturellement chrétien (cf. Tertull., Apologet., cap. XVII ; ML, I, 377 A) qui, éclairé par la lumière divine et nourri de la grâce, peut s’élever à la vertu authentique et à la vie surnaturelle. Pour ce motif, l’Église n’a jamais traité avec mépris et dédain les doctrines des païens ; elle les a plutôt libérées de toute erreur et impureté, puis achevées et couronnées par la sagesse chrétienne. De même, leurs arts et leur culture, qui s’étaient élevés parfois à une très grande hauteur, elle les a accueillis avec bienveillance, cultivés avec soin et portés à un point de beauté qu’ils n’avaient peut-être jamais atteint encore. Elle n’a pas non plus condamné absolument, mais sanctifié en quelque sorte, les mœurs particulières des peuples et leurs institutions traditionnelles. Tout en modifiant l’esprit et la forme, elle a fait servir leurs fêtes à rappeler les martyrs et à glorifier les saints mystères. A ce propos, saint Basile écrit excellemment : « A la façon des teinturiers qui préparent soigneusement leur étoffe, puis la plongent dans la pourpre ou dans une autre couleur, si nous voulons que l’éclat du bien demeure en nous à jamais indélébile, nous nous formerons d’abord par des études profanes avant d’étudier à fond les sciences sacrées et révélées. Habitués à regarder le soleil sur les eaux, nous pourrons lever les yeux sur la Lumière elle-même… La vie de l’arbre est de se charger de fruits à son heure et pourtant les feuilles qui frémissent autour des rameaux ajoutent à leur beauté. Ainsi l’âme trouve son fruit par excellence dans la Vérité même à laquelle toutefois la sagesse humaine, sans déplaire, sert comme de manteau, comme un feuillage qui entoure les fruits d’ombre et de beauté… C’est la voie par laquelle, dit-on, l’incomparable Moïse, dont la sagesse est réputée partout, s’étant d’abord formé chez les maîtres d’Égypte, s’éleva à la contemplation de Celui qui est. On rapporte également que plus tard, le sage Daniel aborda les doctrines sacrées une fois instruit dans la sagesse des Chaldéens de Babylone » (S. Basil., Ad adolescentes, 2 ; MG, XXXI, 567 A).
Nous écrivions Nous-même en Notre première Encyclique Summi Pontificatus ces paroles : « D’innombrables recherches et investigations de pionniers, accomplies en esprit de sacrifice, de dévouement et d’amour par les Missionnaires de tous les temps, se sont proposé de faciliter l’intime compréhension et le respect des civilisations les plus variées et d’en rendre les valeurs spirituelles fécondes pour une vivante et vivifiante prédication de l’Évangile du Christ. Tout ce qui, dans ces usages et coutumes, n’est pas indissolublement lié à des erreurs religieuses sera toujours examiné avec bienveillance, et quand ce sera possible, protégé et encouragé » (A. A. S., 1939, p. 429).
En 1944, en Notre discours aux Directeurs des Œuvres Pontificales Missionnaires, Nous disions entre autres ces paroles : « L’apôtre est le messager de l’Évangile et le héraut de Jésus-Christ. Le rôle qu’il remplit ne demande pas qu’il transporte dans les lointaines Missions, comme on y transplanterait un arbre, les formes de culture des peuples d’Europe, mais ces nations nouvelles, fières parfois d’une culture très ancienne, doivent être instruites et réformées de telle sorte plutôt qu’elles deviennent aptes à recevoir, d’un cœur avide et empressé, les règles et les pratiques de la vie chrétienne. Ces règles peuvent s’accorder avec toute culture profane, pourvu qu’elle soit saine et pure et la rendre plus capable de protéger la dignité humaine et d’atteindre le bonheur. Les catholiques d’un pays sont d’abord citoyens de la grande famille de Dieu et de son Royaume (cf. Ephes., II, 19), mais ils ne cessent pas pour cela d’être citoyens aussi de leur patrie terrestre » (A. A. S., 1944, p. 210).
Pie XI, Notre prédécesseur, lors de l’Année Jubilaire 1925, fit préparer une très vaste exposition missionnaire dont il marqua en ces termes l’heureux résultat : « C’est presque un miracle que ce nouveau témoignage grâce auquel Nous touchons la vivante structure de l’Église de Dieu, une à travers toutes les nations. A vrai dire, l’Exposition a surgi et demeure tel un livre immense et saisissant » (Allocution du 10 janvier 1926).
Suivant cet exemple, afin de mettre à la portée du plus grand nombre possible les mérites singuliers des Missions surtout dans le domaine de la haute culture, Nous avons au cours de la dernière Année Sainte, fait recueillir une riche documentation et l’avons fait exposer tout près du Vatican, comme la présentation en pleine lumière du développement chrétien des Beaux Arts suscité par les Missions chez les peuples cultivés et chez d’autres moins développés. On a ainsi constaté la part très grande qu’ont eue les travaux des Missionnaires dans le développement des arts et dans les études des Académies sur la matière. On y a vu aussi que l’Église ne s’oppose au génie d’aucun peuple, mais plutôt le porte à sa plus haute perfection.
Nous attribuons à la bonté de Dieu le fait que tous aient accueilli avec particulier intérêt un événement semblable qui atteste publiquement la vitalité et la vigueur accrues des Missions. Grâce en effet au zèle des Missionnaires, l’Évangile a pénétré les âmes de peuples fort éloignés et fort divers au point de susciter chez eux de belles manifestations d’un renouveau artistique. Ce qui montre une fois de plus que la foi chrétienne, assimilée et vécue, peut seule élever l’esprit de l’homme jusqu’à produire ces œuvres exquises qui demeurent la gloire impérissable de l’Église catholique et l’ornement le plus beau du culte divin.
Vous vous rappelez fort bien la vive recommandation faite par l’Encyclique Rerum Ecclesiae à l’Union Missionnaire du Clergé dont le but est d’unir les clercs de l’un et l’autre clergé et leurs grands séminaristes, dans un effort commun de propagande en faveur des Missions. Nous avons suivi ses progrès avec grand plaisir, comme Nous l’indiquions plus haut. Nous désirons vivement qu’elle croisse sans cesse et stimule le zèle des prêtres et des fidèles qui leur sont confiés à aider les œuvres missionnaires. Cette association est comme la source d’où dérivent les eaux nourricières aux autres œuvres Pontificales de la Propagation de la Foi, de Saint-Pierre Apôtre pour le Clergé indigène, de la Sainte-Enfance. Il n’y a pas lieu de Nous attarder à rappeler l’importance, la nécessité et les mérites éclatants de ces œuvres que Nos Prédécesseurs ont enrichies d’indulgences. Il Nous plaît assurément que l’on recueille les aumônes des fidèles, surtout le « jour des Missions », mais le premier de nos vœux est que tous prient le Dieu Tout-puissant, de susciter de nombreuses vocations missionnaires, qu’ils s’inscrivent eux-mêmes aux Œuvres Pontificales que Nous avons dites et qu’ils s’efforcent de les promouvoir. Vous n’ignorez pas, Vénérables Frères, que Nous avons institué récemment une fête destinée aux enfants, afin de promouvoir, par la prière et l’aumône, l’Œuvre de la Sainte-Enfance. Puissent nos chers petits enfants s’habituer ainsi à prier avec instance pour le salut des infidèles et puissent dans leurs âmes encore innocentes germer et mûrir les vocations missionnaires.
Il Nous plaît de louer aussi l’Œuvre établie pour fournir aux Missions les ornements sacerdotaux ; d’exprimer Notre paternelle bienveillance à ces groupes de femmes qui concourent utilement, à la confection de vêtements liturgiques ou de linge d’autel.
Enfin, Nous voulons adresser à tous Nos chers Ministres de l’Église, cette parole d’encouragement : le zèle du peuple chrétien pour le salut des infidèles ravive sa foi et lui fait produire des fruits excellents ; quand la ferveur pour les Missions s’accroît, la piété également s’accroît.
Enfin, Nous ne voulons point terminer cette Lettre sans dire au Clergé et à tous les fidèles, Notre affectueuse gratitude. Nous avons constaté en effet encore cette année, une augmentation des aumônes de Nos fils pour les Missions. Il est bien sûr que votre charité ne peut mieux s’employer qu’à étendre ainsi le Règne du Christ et à porter le salut aux âmes privées de la foi, puisque « le Seigneur lui-même a confié à chacun le salut de son prochain » (Eccli., XVII, 12).
En conséquence, il Nous plaît de reprendre avec plus d’instance et dans une sollicitude nouvelle, le mot d’ordre que Nous écrivions en Notre Lettre, le 9 août 1950, à Notre Cher Fils, le Cardinal FUMASONI-BIONDI, Préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande : « Que tous les fidèles persévèrent en leur volonté d’aider les Missions, qu’ils multiplient pour elles leurs industries, qu’ils adressent à Dieu d’incessantes prières, qu’ils aident les Missionnaires et leur fournissent les secours nécessaires.
L’Église, en effet, est le Corps Mystique du Christ dans lequel « tous les membres souffrent quand un membre souffre » (I Cor., XII, 26). Puis donc qu’un grand nombre de ses membres aujourd’hui sont déchirés et torturés, c’est le devoir de tous les fidèles du Christ de s’unir à eux de cœur et de fait. La fureur guerrière a saccagé et détruit en certaines Missions un grand nombre d’églises, de résidences, d’écoles et d’hôpitaux. Le monde catholique tout entier voudra généreusement dans son ardente charité pour les Missions donner le nécessaire pour relever tous ces édifices » (A. A. S., 1950, pp. 727–728).
Vous savez parfaitement, Vénérables Frères, que l’humanité actuelle est emportée comme en deux camps opposés, pour ou contre le Christ. Elle court les plus grands dangers ; il en résultera le salut du Christ ou d’épouvantables ruines. Le zèle industrieux et débordant des Missionnaires s’efforce d’étendre le Règne du Christ, mais d’autres hérauts qui ramènent tout à la matière et rejettent tout espoir d’un bonheur éternel, veulent réduire les hommes à l’état le plus affreux.
L’Église catholique a donc bien raison, mère aimante de tous les hommes, d’appeler tous ses fils, où qu’ils se trouvent, à aider les semeurs intrépides de l’Évangile par leurs aumônes, leurs prières, l’aide aux futurs Missionnaires. Elle les presse maternellement de manifester des entrailles de miséricorde (cf. Coloss., III, 12) et de partager le travail apostolique, sinon de fait du moins de cœur ; enfin de ne pas laisser sans réponse l’appel du Cœur très doux de Jésus « venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc., XIX, 10). Si les fidèles contribuent à porter la douce lumière de la foi, fût-ce dans un seul foyer, ils auront fait surgir une source de grâces qui se développera sans fin ; s’ils ont aidé à former un prêtre, il leur reviendra le grand mérite de toutes ses messes, de tous ses fruits d’apostolat et de sa sainteté. Tous les fidèles ne forment en effet qu’une seule grande famille ayant tous en partage les mérites de l’Église militante, souffrante et triomphante. Rien ne paraît mieux indiqué que le dogme de la Communion des Saints pour graver dans l’esprit et le cœur des fidèles l’utilité et l’importance des Missions.
Vous ayant exprimé Nos vœux paternels et donné ces normes appropriées, Nous avons confiance que ce 25e anniversaire de l’Encyclique Rerum Ecclesiae sera pour tous les catholiques le point de départ de nouveaux efforts en faveur des Missions.
En cette douce espérance, à chacun de vous, Vénérables Frères, au Clergé et à tout le peuple fidèle, à ceux nommément qui soutiennent au pays cette sainte cause par leurs prières et leurs aumônes, comme à ceux qui se dépensent au loin dans les Missions, Nous accordons du fond du cœur comme gage des bénédictions célestes et de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction Apostolique.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 2 juin 1951, en la fête de saint Eugène Ier , en la treizième année de Notre Pontificat.
PIE XII, PAPE.