« Faire de la reconnaissance du concile une condition préalable,
c’est mettre la charrue avant les boeufs. »
POLÉMIQUE – Le Vatican exige la reconnaissance du concile pour réintégrer les lefebvristes. C’est « mettre la charrue avant les boeufs », dénonce Mgr Fellay.
La levée de l’excommunication de quatre évêques de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) ne signifie pas une « intégration » dans l’Eglise, mais est une porte ouverte pour le « dialogue », avait précisé la Secrétairie d’Etat, le 4 février, en réaction à la polémique créée par les propos négationnistes de l’un des prélats réhabilités, Mgr Richard Williamson (qui vient de rentrer en Grande-Bretagne).
Or Rome pose comme condition de cette intégration la « pleine reconnaissance du concile Vatican II », ainsi que « du magistère des papes Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II et de Benoît XVI lui-même ». Pas de problème pour le second point, mais la fraternité schismatique campe sur ses positions en ce qui concerne sa dénonciation virulente du concile, au nom de son combat pour la « restauration de la tradition ». Selon la fraternité, les rencontres en vue du dialogue n’ont pas encore été agendées, mais les deux parties y travaillent.
Entretien avec le supérieur de FSSPX Mgr Bernard Fellay – successeur de feu l’évêque Lefebvre.
La condition posée par Rome à une réintégration de la Fraternité dans l’Eglise est la reconnaissance du concile Vatican II. La Fraternité est-elle prête à franchir ce pas ?
Non. Le Vatican a reconnu la nécessité d’entretiens préalables afin de traiter des questions de fond provenant justement du concile Vatican II. Faire de la reconnaissance du concile une condition préalable, c’est mettre la charrue avant les boeufs.
Vous avez déclaré vouloir, dans les entretiens avec les autorités romaines en vue d’une réintégration, parvenir à une restauration solide de l’Eglise. Votre espoir est-il donc que l’Eglise revienne sur les acquis de Vatican II ?
Oui, car ces acquis sont de pures pertes : les fruits du concile ont été de vider les séminaires, les noviciats et les églises. Des milliers de prêtres ont abandonné leur sacerdoce et des millions de fidèles ont cessé de pratiquer ou se sont tournés vers les sectes. La croyance des fidèles a été dénaturée. Vraiment, ce sont de drôles d’acquis !
A ce propos, la fraternité est-elle toujours hostile à la liberté de conscience en matière de religion, à l’oecuménisme et au dialogue interreligieux ?
Il est bien évident que l’adhésion à une religion nécessite un acte libre. Et donc bien souvent lorsque l’on dit que la fraternité est contre la liberté de conscience en matière de religion, on prête à la fraternité une théorie qu’elle n’a pas. La conscience est l’ultime jugement sur la bonté de notre action. Et dans ce sens nul ne peut agir contre sa conscience sans pécher. Reste que la conscience n’est pas un absolu, qu’elle dépend du bien et du vrai objectifs et que tout homme a par conséquent le devoir de former, d’éduquer droitement sa conscience. C’est ainsi que l’Eglise se doit d’être une mère responsable qui éclaire et guide nos intelligences bornées et souvent enténébrées. En ce qui concerne l’oecuménisme ou le dialogue interreligieux, tout dépend de ce que l’on met sous ces mots. Il règne une grande confusion dans les esprits à ce sujet. Bien évidemment, comme tout être humain et pour le bien de la société, nous souhaitons vivre en paix avec tous les hommes, nos semblables. Sur le plan religieux, nous souhaitons répondre ardemment au désir de Notre Seigneur : « Que tous soient un », afin qu’il n’y ait plus « qu’un seul troupeau, un seul pasteur…» Si par oecuménisme, on entend la poursuite de ce but très noble, nous sommes évidemment pour. Si par contre on y voit un chemin qui ne cherche pas cette unité fondamentale, unité qui passe forcément par un regard de vérité – ce dont l’Eglise catholique se dit encore aujourd’hui le seul possesseur dans son intégralité ! – alors nous protestons.
En fait, on voit qu’actuellement l’oecuménisme en reste à un niveau très superficiel d’entente et de vie en société, mais sans aller au fond des choses.
De quel statut au sein de l’Eglise la fraternité pourrait-elle bénéficier ?
On verra cela si les discussions doctrinales débouchent sur quelque chose de positif. Ce que Dieu veuille !
Richars Armanios inLe Courrier