Mgr Fellay fait le point après les folles semaines passées – 16/​02/​09

Monseigneur Fellay : « Nous voulons une clarification »

Mgr Bernard Fellay nous a accor­dé une inter­view à l’is­sue des obsèques et de la messe de requiem de same­di à Ecône. L’évêque tra­di­tio­na­liste valai­san, qui est aus­si le supé­rieur géné­ral de la Fraternité Saint-​Pie X, évoque pour nous le cli­mat pré­va­lant entre Ecône et Rome après la crise qui a sui­vi la levée des excom­mu­ni­ca­tions contre les quatre évêques sacrés en 1988 par Mgr Lefebvre.

Monseigneur Bernard Fellay, à quelle date retournerez-​vous au Vatican ?

Aucune date n’a été fixée. Après la tour­mente qui vient de se pro­duire, nous avons tous besoin de retrou­ver nos esprits.

Et les dis­cus­sions que vous accep­tez désor­mais de mener avec Rome, c’est pour bientôt ?

Là encore, aucune date… mais oui, elles vont commencer.

Ces dis­cus­sions seront-​elle longues ? Avez-​vous un calendrier ?

Elles pour­raient bien être longues si l’on consi­dère ce qui vient de se pas­ser. Pas à cause de nous, mais à cause des réac­tions dans l’en­semble de l’Eglise, notam­ment quant à nos posi­tions sur le concile Vatican II. Le concile a mis beau­coup de termes ambi­gus dans ses textes pour obte­nir une majo­ri­té plus grande. Nous le payons aujourd’hui.

Les textes ne sont pas clairs et il y a une mul­ti­tude d’in­ter­pré­ta­tions diverses qui ont cours dans l’Eglise. Si l’on ne veut pas l’é­cla­te­ment de l’Eglise, des éclair­cis­se­ments sur ce concile qui s’est vou­lu pas­to­ral et non dog­ma­tique sont urgents. Déjà Jean Paul II disait en 1982 que l’hé­ré­sie est répan­due à pleines mains dans l’Eglise. Nous sommes donc heu­reux que Rome parle d’en­tre­tiens néces­saires avec nous pour trai­ter des ques­tions de fond. Mais cela pren­dra pro­ba­ble­ment du temps.

Mais Benoît XVI a déjà une inter­pré­ta­tion pré­cise de Vatican II.

Lors de l’au­dience qu’il m’a accor­dée en 2005, il m’a dit que l’u­nique inter­pré­ta­tion pos­sible de Vatican II était celle qui sui­vait le cri­tère de la Tradition vivante. Le 22 décembre de la même année, il a clai­re­ment condam­né l’her­mé­neu­tique de rup­ture avec le pas­sé de l’Eglise. Mais c’est trop vaste et trop vague. Il fau­dra préciser.

Le pape a fait un grand pas vers vous mais on a l’im­pres­sion qu’il se retrouve un peu seul, lâché par nombre d’é­vêques qui ne veulent appa­rem­ment pas trop de vous dans l’Eglise.

Au moment où l’on parle d’un retour à la pleine com­mu­nion, le pape est effec­ti­ve­ment peut-​être en train de se deman­der qui, entre cer­tains évêques et nous, est le plus proche de lui.

A tra­vers le motu pro­prio sur l’an­cienne messe et la levée des excom­mu­ni­ca­tions pesant contre vous, Benoît XVI a fait des gestes spec­ta­cu­laires et uni­la­té­raux. Mais quel sera votre geste à vous ?

Nous avons déjà répon­du en affir­mant notre volon­té d’emprunter avec un état d’es­prit posi­tif le che­min de dis­cus­sion indi­qué par le Saint-​Père. Mais nous ne vou­lons pas le faire dans la pré­ci­pi­ta­tion. Quand on marche sur un champ de mines, il faut de la pru­dence et de la modération.

Vous avez tout de même l’es­poir d’a­bou­tir à un consen­sus doc­tri­nal avec le pape…

Cela semble dif­fi­cile. Certes, on a l’im­pres­sion qu’il est proche de nous sur la ques­tion litur­gique. D’un autre côté, il tient très pro­fon­dé­ment aux nou­veau­tés de Vatican II.

Il nous fau­dra voir pour quelle part les diver­gences tiennent à des phi­lo­so­phies dif­fé­rentes. Une dis­cus­sion sérieuse demande un mini­mum de confiance.

Pour arri­ver à créer ce cli­mat plus serein, nous avions pré­ci­sé­ment deman­dé des gestes à Rome, dont le retrait du décret de l’ex­com­mu­ni­ca­tion. Espérons main­te­nant que ce tra­vail apporte à toute l’Eglise une plus grande clar­té doc­tri­nale. Il y a en effet trop d’am­bi­guï­tés dans le concile Vatican II.

Vous êtes tout de même conscient qu’on vous deman­de­ra d’ac­cep­ter Vatican II.

C’est ce qui vient d’être rap­pe­lé for­te­ment dans la note de la Secrétairerie d’Etat du 4 février 2009. Mais le Saint-​Siège ne peut pas don­ner aujourd’­hui au concile plus d’au­to­ri­té que ce der­nier n’a vou­lu s’en don­ner lui-même.

Or il n’a pas vou­lu enga­ger l’in­failli­bi­li­té, il en reste donc à un degré d’au­to­ri­té bien moindre. Il ne sera jamais un super-​dogme et il devra tou­jours être appré­cié selon le crible du Magistère constant de l’Eglise. Ni la foi ni l’Eglise ne com­mencent à Vatican II.

Et si vous allez en direc­tion de Rome, craignez-​vous une scis­sion à l’in­té­rieur de la Fraternité ?

Pas trop, mais tout est tou­jours pos­sible. Il y aurait un tel risque si l’on cher­chait avec Rome un accord seule­ment cano­nique et pas une solu­tion qui touche le fond du pro­blème, qui est la crise doc­tri­nale et morale dans l’Eglise. Mais cela n’est pas le cas.

Et enfin Mgr Williamson à qui vous avez deman­dé des décla­ra­tions dans un délai « rai­son­nable » sur la ques­tion de la Shoah ?

Il tra­vaille à la ques­tion et il pren­dra ses res­pon­sa­bi­li­tés. Mais il faut lui lais­ser du temps car il veut étu­dier sérieu­se­ment pour don­ner une réponse sin­cère et vraie.

Entretien inLe Nouvelliste