A l’occasion du 25e anniversaire des sacres, les évêques de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X tiennent à exprimer solennellement leur gratitude à Mgr Marcel Lefebvre et à Mgr Antonio de Castro Mayer pour l’acte héroïque qu’ils n’ont pas craint de poser, le 30 juin 1988. Plus particulièrement, ils veulent manifester leur reconnaissance filiale à l’égard de leur vénéré fondateur qui, après tant d’années au service de l’Eglise et du souverain pontife, pour la sauvegarde de la foi et du sacerdoce catholique, n’a pas hésité à subir l’injuste accusation de désobéissance.
2. Dans la lettre qu’il nous adressa avant les sacres, il écrivait : « Je vous conjure de demeurer attachés au Siège de Pierre, à l’Église romaine, Mère et Maîtresse de toutes les Églises, dans la foi catholique intégrale, exprimée dans les Symboles de la foi, dans le catéchisme du Concile de Trente, conformément à ce qui vous a été enseigné dans votre séminaire. Demeurez fidèles dans la transmission de cette foi pour que le Règne de Notre Seigneur arrive. » C’est bien cette phrase qui exprime la raison profonde de l’acte qu’il allait poser : « pour que le Règne de Notre Seigneur arrive », adveniat regnum tuum !
3. A la suite de Mgr Lefebvre, nous affirmons que la cause des erreurs graves qui sont en train de démolir l’Église ne réside pas dans une mauvaise interprétation des textes conciliaires – une « herméneutique de la rupture » qui s’opposerait à une « herméneutique de la réforme dans la continuité » –, mais bien dans les textes mêmes, en raison du choix inouï opéré par le concile Vatican II. Ce choix se manifeste dans ses documents et son esprit : face à « l’humanisme laïc et profane », face à la « religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu », l’Eglise unique détentrice de la Révélation « du Dieu qui s’est fait homme » a voulu faire connaître son « nouvel humanisme » en disant au monde moderne : « nous aussi, nous plus que quiconque nous avons le culte de l’homme » (Paul VI, Discours de clôture, 7 décembre 1965). Or cette coexistence du culte de Dieu et du culte de l’homme s’oppose radicalement à la foi catholique qui nous apprend à rendre le culte suprême et à donner la primauté exclusivement au seul vrai Dieu et à son Fils unique, Jésus-Christ, en qui « habite corporellement la plénitude de la divinité » (Col 2, 9).
4. Nous sommes bien obligés de constater que ce Concile atypique, qui a voulu n’être que pastoral et non pas dogmatique, a inauguré un nouveau type de magistère, inconnu jusqu’alors dans l’Église, sans racines dans la tradition ; un magistère résolu à concilier la doctrine catholique avec les idées libérales ; un magistère imbu des principes modernistes du subjectivisme, de l’immanentisme et en perpétuelle évolution selon le faux concept de tradition vivante, viciant la nature, le contenu, le rôle et l’exercice du magistère ecclésiastique.
5. Dès lors, le règne du Christ n’est plus la préoccupation des autorités ecclésiastiques, bien que ces paroles du Christ : « tout pouvoir m’a été donné sur la terre et dans le ciel » (Mt 28,18) demeurent une vérité et une réalité absolues. Les nier dans les faits revient à ne plus reconnaître en pratique la divinité de Notre Seigneur. Ainsi à cause du Concile, la royauté du Christ sur les sociétés humaines est simplement ignorée, voire combattue, et l’Eglise est saisie par cet esprit libéral qui se manifeste spécialement dans la liberté religieuse, l’œcuménisme, la collégialité et la nouvelle messe.
6. La liberté religieuse exposée par Dignitatis humanae et son application pratique depuis cinquante ans, conduisent logiquement à demander au Dieu fait homme de renoncer à régner sur l’homme qui se fait Dieu, ce qui équivaut à dissoudre le Christ. Au lieu d’une conduite inspirée par une foi solide dans le pouvoir réel de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous voyons l’Eglise honteusement guidée par la prudence humaine et doutant tellement d’elle-même qu’elle ne demande plus rien d’autre aux Etats que ce que les loges maçonniques veulent bien lui concéder : le droit commun, au milieu et au même rang que les autres religions qu’elle n’ose plus appeler fausses.
7. Au nom d’un œcuménisme omniprésent (Unitatis redintegratio) et d’un vain dialogue interreligieux (Nostra Aetate), la vérité sur l’unique Eglise est tue ; aussi une grande partie des pasteurs et des fidèles ne voyant plus en Notre Seigneur et en l’Église catholique l’unique voie de salut ont renoncé à convertir les adeptes des fausses religions, les laissant dans l’ignorance de l’unique Vérité. Cet œcuménisme a ainsi littéralement tué l’esprit missionnaire par la recherche d’une fausse unité, réduisant trop souvent la mission de l’Eglise à la délivrance d’un message de paix purement terrestre et à un rôle humanitaire de soulagement de la misère dans le monde, se mettant ainsi à la remorque des organisations internationales.
8. L’affaiblissement de la foi en la divinité de Notre Seigneur favorise une dissolution de l’unité de l’autorité dans l’Eglise, en y introduisant un esprit collégial, égalitaire et démocratique (cf. Lumen Gentium). Le Christ n’est plus le chef d’où tout découle, en particulier l’exercice de l’autorité. Le Souverain Pontife qui n’exerce plus effectivement la plénitude de son autorité, ainsi que les évêques qui – contrairement à l’enseignement de Vatican I – pensent pouvoir de façon habituelle partager collégialement la plénitude du pouvoir suprême, se mettent désormais, avec les prêtres, à l’écoute et à la suite du « peuple de Dieu », nouveau souverain. C’est la destruction de l’autorité et en conséquence la ruine des institutions chrétiennes : familles, séminaires, instituts religieux.
9. La nouvelle messe, promulguée en 1969, amoindrit l’affirmation du règne du Christ par la Croix (« regnavit a ligno Deus »). En effet son rite lui-même estompe et obscurcit la nature sacrificielle et propitiatoire du sacrifice eucharistique. Sous-jacente à ce nouveau rite se trouve la nouvelle et fausse théologie du mystère pascal. L’un et l’autre détruisent la spiritualité catholique fondée sur le sacrifice de Notre Seigneur au Calvaire. Cette messe est pénétrée d’un esprit œcuménique et protestant, démocratique et humaniste qui évacue le sacrifice de la Croix. Elle illustre la nouvelle conception du « sacerdoce commun des baptisés » qui escamote le sacerdoce sacramentel du prêtre.
10. Cinquante ans après le Concile, les causes subsistent et engendrent toujours les mêmes effets. En sorte qu’aujourd’hui les sacres conservent toute leur justification. C’est l’amour de l’Eglise qui a guidé Mgr Lefebvre et qui guide ses fils. C’est le même désir de « transmettre le sacerdoce catholique dans toute sa pureté doctrinale et sa charité missionnaire » (Mgr Lefebvre, Itinéraire spirituel) qui anime la Fraternité Saint-Pie X au service de l’Eglise, lorsqu’elle demande avec instance aux autorités romaines de reprendre le trésor de la Tradition doctrinale, morale et liturgique.
11. Cet amour de l’Eglise explique la règle que Mgr Lefebvre a toujours observée : suivre la Providence en toutes circonstances, sans jamais se permettre de la devancer. Nous entendons faire de même, soit que Rome revienne bientôt à la Tradition et à la foi de toujours – ce qui rétablira l’ordre dans l’Eglise –, soit qu’elle nous reconnaisse explicitement le droit de professer intégralement la foi et de rejeter les erreurs qui lui sont contraires, avec le droit et le devoir de nous opposer publiquement aux erreurs et aux fauteurs de ces erreurs, quels qu’ils soient – ce qui permettra un début de rétablissement de l’ordre. En attendant, face à cette crise qui continue ses ravages dans l’Église, nous persévérons dans la défense de la Tradition catholique et notre espérance demeure entière, car nous savons de foi certaine que « les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » (Mt 16, 18).
12. Nous entendons bien suivre l’injonction de notre cher et vénéré père dans l’épiscopat : « Bien chers amis, soyez ma consolation dans le Christ, demeurez forts dans la foi, fidèles au vrai sacrifice de la messe, au vrai et saint sacerdoce de Notre Seigneur, pour le triomphe et la gloire de Jésus au ciel et sur la terre » (Lettre aux évêques).
Daigne la Trinité Sainte, par l’intercession de Cœur Immaculé de Marie, nous accorder la grâce de la fidélité à l’épiscopat que nous avons reçu et que nous voulons exercer pour l’honneur de Dieu, le triomphe de l’Eglise et le salut des âmes.
Ecône, le 27 juin 2013, en la fête de Notre-Dame du Perpétuel Secours
† Mgr Bernard Fellay
† Mgr Bernard Tissier de Mallerais
† Mgr Alfonso de Galarreta
Sources : FSSPX/MG – DICI du 27/06/13