Après plusieurs mois d’attente, le pape Benoît XVI proclame enfin solennellement par un motu proprio (décret pris de sa propre initiative) que la messe dite de saint Pie V n’a jamais été interdite.
Tout prêtre peut la célébrer et faire usage des livres liturgiques publiés en 1962 par le pape Jean XXIII.
Dans cet éditorial je me contenterai de faire quelques remarques sur ce motu proprio et sur la lettre qui l’accompagne.
La messe traditionnelle est rétablie dans ses droits
Pendant plus de quarante ans, pour appliquer les réformes du Concile Vatican II, la hiérarchie ecclésiastique s’est efforcée de détruire la messe catholique, en transformant, dans un esprit œcuménique, le Sacrifice de la nouvelle alliance en un simple mémorial de la dernière cène. Dans le même temps, on n’a pas hésité à persécuter au nom de l’obéissance à l’Église tous ceux qui, prêtres ou laïcs, restaient attachés à la messe traditionnelle !
Vouloir nous faire désobéir à Dieu au nom de l’obéissance : voilà ce que Monseigneur Lefebvre appelait « le coup de maître de Satan ». Ce faux argument a poussé de nombreux catholiques à accepter des changements qu’ils sentaient contraires à leur foi et a empêché beaucoup d’âmes de rejoindre le combat de la tradition. Le Pape lui-même, dans le motu proprio Summorum Pontificum, a enfin reconnu qu’il s’agissait d’un sophisme, que la messe traditionnelle n’avait jamais été interdite et que tout prêtre pouvait la célébrer en toute conscience, sans avoir à solliciter d’autorisation.
Se réclamer de l’obéissance contre la foi est un abus de pouvoir.
Retenons cet aveu implicite qui confirme notre bon droit dans la lutte pour la messe traditionnelle et nous encourage à continuer le combat contre toutes les erreurs qui ont été à l’origine de la nouvelle liturgie.
A cette occasion il ne faut pas oublier que, si la messe a retrouvé ses droits dans l’Église, c’est grâce à la résistance d’âmes courageuses, qui se sont battues contre vents et marées, à la suite de Monseigneur Lefebvre, et ont souffert d’être traitées comme des parias par les hommes d’Eglise, alors qu’elles défendaient justement la foi de l’Eglise leur mère.
Le combat continue
Dans son motu proprio, en rétablissant la messe traditionnelle dans sa dignité, le Pape la met cependant sur un pied d’égalité avec le nouveau rite, comme si tous deux méritaient la même estime et la même vénération. Simultanément, dans la lettre aux évêques qui accompagne le motu proprio, Benoît XVI affirme que ce document ne veut en rien « amenuiser l’autorité du Concile Vatican II ».
Or, si nous nous sommes battus contre la nouvelle messe, c’est pour des raisons de foi puisque, comme le disaient les cardinaux Bacci et Ottaviani, elle « s’éloigne de façon impressionnante (…) de la théologie catholique de la sainte messe, telle qu’elle a été formulée à la douzième session du Concile de Trente ». [1] Cette nouvelle messe n’est que la transposition liturgique des théories œcuméniques prônées par le dernier concile.
Nous devons donc encore nous opposer avec persévérance aux principes délétères qui ont essayé de supprimer la messe catholique et empêchent la mission divine de l’Église pour la conversion des âmes.
Il faut continuer à proclamer que le poison de l’œcuménisme, tendant à mettre sur un pied d’égalité toutes les religions, menace le corps mystique de Jésus-Christ. De même, la dignité de l’homme et ses pseudo-droits issus de la Révolution française sont contraires aux droits de Dieu. L’Etat a des devoirs vis-à-vis de Dieu et de la religion révélée, il n’a pas le droit d’être laïque et athée.
Fidélité aux œuvres de tradition
Ce combat, nous pourrons le mener par une fidélité encore plus profonde à toutes les œuvres qui luttent vraiment pour la tradition de l’Église.
Je ne parle pas de celles qui n’ont qu’un attachement sentimental à la messe traditionnelle, au latin et à la liturgie… et qui s’en contentent. Communautés dont la Rome conciliaire a voulu se servir (et se servira peut-être encore) pour diviser les traditionalistes, et les amener à accepter les erreurs du concile, en créant des espèces de « réserves indiennes » de rite traditionnel, dans le panthéon œcuméniste des religions.
Je parle au contraire des œuvres de la tradition qui osent proclamer haut et fort leur opposition aux erreurs modernes que les papes avaient condamnées mais qui ont pénétré dans l’Église lors du dernier concile. Toutes ces œuvres dont les membres ont compris que le combat de la messe n’est qu’une partie du combat de la foi, qui n’ont pas peur d’être traités de désobéissants, voire frappés de censures ecclésiastiques… invalides, comme la fausse obéissance dont elles se réclament.
Tel est le meilleur service que nous pourrons rendre à l’Église et au Pape : par notre fidélité à la Tradition, aider Benoît XVI à vaincre toutes les pressions qui peuvent s’exercer sur lui (comme on l’a vu pour le motu proprio) afin qu’il redonne à l’Eglise sa doctrine intégrale.
Abbé Pierpaolo Maria Petrucci, prieur-doyen de Nantes
- Cardinaux Ottaviani et Bacci, Bref examen critique du Nouvel ordo missae, lettre introductive du 3 septembre 1969.[↩]