« La vérité vous rendra libre » (Jn 8,32) |
Un évènement récent : la visite du pape Benoît XVI à la mosquée bleue d’Istanbul le 30/11/2006
Si la pensée des populations catholiques a, en l’espace de quelques décennies, subi si facilement un retournement spectaculaire entre tous, c’est par l’autorité de la papauté auprès d’elles qu’il convient de l’expliquer. La seule obéissance au Souverain Pontife passait pour garantir de toute erreur : qui s’y attachait fermement était certain de persévérer dans la Foi et personne n’aurait seulement imaginé que l’enseignement pontifical eût pu ne plus fournir cette assurance.
Un événement récent, celui de la visite du pape Benoît XVI à la mosquée bleue d’Istanbul, par les réactions qu’il a provoquées ou par celles qu’il ne provoque plus, illustre de façon frappante la puissance de la révolution opérée dans les esprits.
Avant le Concile, ce geste aurait suscité – personne ne peut raisonnablement le contester – l’horreur et la réprobation de toute la chrétienté. Aujourd’hui entré dans la pratique innovante des papes, il en vient à être considéré comme banal et même normal. Ceux qui en sont encore choqués se désignent eux-mêmes comme crypto-lefebvristes, victimes de l’immobilisme de leur pensée.
Mais ne faut-il justement pas, à l’égard de ces récalcitrants, une patience proportionnée à l’obscurantisme dont ils font montre ? Pourquoi ne pas l’escompter de ceux qui ont voulu rompre avec la tradition du recours aux anathèmes et se sont montrés peinés d’un passé de l’Eglise accusé de fréquente intolérance ? Puisse la charité dont ils s’honorent leur permettre d’entendre les accents de ce désarroi et leur vigilance détecter où commence notre erreur.
Assurés de leur condescendance, nous leur confions le fond de notre pensée : leur mécontentement face à notre incompréhension de la visite du pape à la mosquée nous est lui-même un sujet d’étonnement encore plus grand. Ils se disent en accord avec les papes de l’après-Concile, tout spécialement avec les tout derniers, dans la série déjà longue de leurs signes œcuméniques ou interreligieux : soit.
Fidèles à la pensée constante des Papes
Mais nous revendiquons, quant à nous, notre adhésion à la pensée de tous les autres papes pour affirmer que ce langage, depuis que le Diable a inspiré cette fausse religion (pour rester sur le seul exemple de l’Islam) ne fut jamais le leur, qu’aucun d’entre eux ne s’est jamais cru autorisé à pénétrer dans une mosquée. Et ce n’est pourtant pas la première fois que les papes – nous invoquons saint Pie V et tant d’autres avec lui – se trouvent confrontés au combat contre l’erreur. En vit-on jamais un seul, pour mieux convaincre les peuples païens de leurs erreurs, commencer par aller se recueillir dans leurs temples ?
Comme toute la Tradition de l’Eglise parle ainsi en notre faveur, nous estimons bien plus logique d’être étonnés que de ne pas l’être de la rupture avec le passé exprimée par ces gestes inédits. Une institution qui demande brutalement à ses membres un ralliement à des pratiques auxquelles elle s’est toujours montrée hostile ne peut être surprise des réactions qu’elle suscite et, bien plus, se doit d’expliquer les bouleversements qu’elle inaugure.
Alors que cet éclaircissement valable n’a pas été fourni, il nous a cependant été demandé d’y adhérer… Mais l’Eglise n’a jamais procédé ainsi. Sûre de son autorité, Elle est éducatrice et se préoccupe d’instruire ses enfants. Elle ne les lance pas dans des aventures spirituelles douteuses par des injonctions et des décrets s’ils contredisent Sa Tradition la plus inviolable. Elle a trop le respect de l’intelligence, ce fameux souci de cohérence entre « la Foi et la raison », pour guider les âmes par l’imposition de diktats.
Elle ne se choque pas que nous puissions exprimer notre incompréhension lorsque notre interrogation vient surtout exprimer notre peine immense de nous trouver, encore une fois, tellement décontenancés par l’attitude de notre Père commun. Nous pensons même légitime non seulement de nous interroger, mais aussi de soulever des objections lorsqu’on touche au plus intime de notre religion et aux traditions les plus sacrées de nos pères. La France et des pays entiers de vieille souche catholique sont en train de disparaître de la carte et l’on voudrait en plus nous intimer l’ordre de demeurer inertes pour assister à cet hallali à senteur d’hallal ?
Chacun a déjà pris l’habitude, mais pour des raisons très différentes de celles données par la Sainte Ecriture, de remuer sept fois la langue dans sa bouche avant de parler. Il n’en est pas pour autant devenu conforme à la théorie de l’obéissance chrétienne d’ingurgiter, sans ne plus rien dire, des paroles et des actes qui s’opposent à la Profession de notre Foi. Il ne conservera plus longtemps son Credo, celui qui le garde encore dans son cœur, mais qui tarde ou renonce à en rendre témoignage.
Les espoirs liturgiques qui sont nôtres nous encouragent à ne pas abandonner cette liberté de parole
D’ailleurs, les espoirs liturgiques qui sont nôtres nous encouragent à ne pas abandonner cette liberté de parole : le discours qui consistait à répéter que la messe de saint Pie V n’avait jamais été interdite ne fut-il pas longtemps considéré comme iconoclaste, parce que le pape Paul VI s’était laissé aller jusqu’à dire qu’elle devait être remplacée par la nouvelle ? Cet exemple récent d’une évolution bienvenue doit, à mon avis, susciter une réflexion féconde chez les fidèles « traditionalistes ». Il leur montre bien qu’une décision, qu’une volonté arrêtée du pape n’est pas forcément revêtue du caractère de l’infaillibilité et qu’il est trop facile, et peut-être peu courageux, de toujours se dissimuler derrière le paravent de l’obéissance.
La vérité est que nous sommes éberlués de ne pas voir des populations catholiques entières se dresser pour demander au moins au Saint-Père une explication. Interloqués et – pourquoi ne pas le dire ? – suffoqués de ne plus entendre une seule voix s’élever, hormis celle de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X. Nous aimerions bien qu’il y en eût une autre à s’y risquer, car notre discours n’est guère reçu par tous ceux qui restent impressionnés par notre disqualification officielle. Mais nous ne sommes malheureusement plus persuadés que la peur soit la vraie raison de ce silence de mort : à force de ne plus désigner le poison par son nom, on finit par n’en plus connaître la nature.
La faiblesse des chrétiens fait la force des musulmans
Nous craignons que la mort ait déjà si puissamment frappé la Foi qu’elle ne réagit plus dans les âmes. Et pourquoi nous défendrions-nous donc encore si l’Islam n’est finalement qu’une tradition religieuse parmi d’autres ?
Si l’on peut aussi se recueillir dans les mosquées ? Si nos évêques nous assurent de sa respectabilité ? Nous sommes peut-être bien bercés mais encore mieux bernés .
Rappelons-nous à l’occasion qu’en 712 déjà, ce fut un évêque, du nom d’Oppa, qui livra Tolède aux Sarrasins et vint inciter les chrétiens réfugiés dans les Asturies à traiter avec eux !
L’Histoire se répète et nous démontre à l’envi que la religion de Mahomet n’a jamais manqué de ressort pour succéder aux chrétientés avachies, ni de renégats pour l’y aider. La suite est écrite dans le Coran :
« Lors donc que vous rencontrerez les non-croyants, (les non musulmans, chrétiens en particulier), alors frappez aux cols. Puis, quand vous avez dominé, alors serrez le garrot. » (Sourate 47,4).
Nous n’aurons même pas l’excuse d’avoir manqué de traductions du Coran pour savoir ce qui nous attend.
La confusion des esprits suite logique du funeste Nostra Aetate
Nous n’affirmons pas que dans la pensée de Benoît XVI, l’Islam doit être considéré comme une tradition religieuse parmi d’autres. Nous savons en revanche, spécialement depuis son discours du 22 XII 2005 devant la Curie, que sa pensée se situe dans la logique d’une herméneutique de continuité des textes du Concile. Il la prône et en espère même le remède à la Crise de l’Eglise. Sa conception des rapports avec l’Islam s’enracine donc dans la Déclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes telle qu’elle a été définie par Vatican II.
Le troisième chapitre de Nostra Aetate porte précisément sur l’Islam ; sa lecture en est éclairante en ces heures où il n’est plus guère possible de se leurrer sur nos chances d’échapper à la dhimmitude.
Nous le plaçons en annexe(1) de ce texte, espérant que sa lecture, dont l’irénisme mensonger jure si grossièrement avec les durs constats de l’implantation islamique, dégrisera de la naïveté conciliaire. Qu’elle permettra de comprendre que la visite à la mosquée n’est ni l’effet du hasard ni un fait dépourvu de signification, mais prend place dans le processus d’un dialogue interreligieux qui ne tourne vraiment pas au profit de l’Eglise.
Pour nous, il nous suffit à rejeter définitivement l’hypothèse de l’herméneutique de la continuité. Nous ne pouvons qu’être en rupture avec cette page proprement scandaleuse, où la présentation de l’Islam s’oppose si profondément à la réalité des faits. Et si penser de cette manière mérite l’excommunication, nous ne concevons aucune autre solution que de préférer l’encourir et nous n’avons pas le cœur, pour ce qui touche au cœur de notre vie et de notre espérance, de biaiser pour simuler l’hypothèse d’une réception éventuelle de ce que nous savons être irrecevable.
Seule la vérité enfin reconnue pour ce qu’elle est nous rendra libre
Non que nous voulions avoir à tout prix raison . Mais si nous n’avons pas raison, que l’on nous explique où réside notre erreur. Et si nous avons raison, nous ne demandons pas qu’on nous le dise mais que soit seulement laissée de côté cette mortelle langue de buis et ces silences qui n’en finissent plus d’être gênés depuis quarante ans. Ou bien notre génération sera pointée du doigt pour avoir été dans l’Histoire de l’Eglise et dans l’Histoire de France celle par qui a cessé d’ être transmis le trésor de vingt siècles de Christianisme.
Nous demeurons cependant persuadés que viendra le jour où les catholiques, comme ils ont fini par se déclarer convaincus que la vraie messe n’avait, évidemment, jamais été interdite, pâliront de stupeur à l’idée d’avoir pu un seul instant chercher des justifications à cette damnable visite.
Puisse seulement cette heure advenir avant que ne se perdent, remplacées par les puissantes mélopées des muezzins reprises de minaret en minaret, les dernières sonorités du tocsin échappées de nos clochers.
Seule la vérité, enfin reconnue pour ce qu’elle est, nous rendra libres et nous donnera, avec la force de combattre, l’espérance de la victoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Nous ne pensons pouvoir confier au Ciel de meilleurs vœux pour chacun d’entre nous, en ce commencement de l’année 2007, qu’en demandant ce premier courage qui se nomme la lucidité.
Abbé de Cacqueray-Valménier, Supérieur du District de France
(1) Chapitre 3 de la déclaration Nostra Aetate sur l’Eglise et les religions non chrétiennes |
Nostra Ætate est la Déclaration sur l’Église et les Religions Non-Chrétiennes du Concile Vatican II. Elle a été promulguée le 28 octobre 1965 par le pape Paul VI, ayant été votée 2 221 voix pour et 88 voix contre lors du dernier concile.
Son titre signifie À notre époque en latin.
Decretum de Ecclesiae Habitudine ad religiones non-christianas Nostra Aetate AAS 58
Ch.3. Ecclesia cum aestimatione quoque Muslimos respicit qui unicum Deum adorant, viventem et subsistentem, misericordem et omnipotentem, Creatorem caeli et terrae[5], homines allocutum, cuius occultis etiam decretis toto animo se submittere student, sicut Deo se submisit Abraham ad quem fides islamica libenter sese refert. Iesum, quem quidem ut Deum non agnoscunt, ut prophetam tamen venerantur, matremque eius virginalem honorant Mariam et aliquando eam devote etiam invocant. Diem insuper iudicii expectant cum Deus omnes homines resuscitatos remunerabit. Exinde vitam moralem aestimant et Deum maxime in oratione, eleemosynis et ieiunio colunt.
Quodsi in decursu saeculorum inter Christianos et Muslimos non paucae dissensiones er inimicitiae exortae sint, Sacrosancta Synodus omnes exhortatur, ut, praeterita obliviscentes, se ad comprehensionem mutuam sincere exerceant et pro omnibus hominibus iustitiam socialem, bona moralia necnon pacem et libertatem communiter tueantur et promoveant.
Déclaration Nostra Aetate sur l’Eglise et les religions non chrétiennes
Ch.3. L’Eglise regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu Un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de ta terre[5], qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne.
Si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté.
The Declaration Nostra Aetate on the relationship of the Church to non-Christian religions »
Ch.3. The Church regards with esteem also the Moslems. They adore the one God, living and subsisting in Himself ; merciful and all- powerful, the Creator of heaven and earth[5], who has spoken to men ; they take pains to submit wholeheartedly to even His inscrutable decrees, just as Abraham, with whom the faith of Islam takes pleasure in linking itself, submitted to God. Though they do not acknowledge Jesus as God, they revere Him as a prophet. They also honor Mary, His virgin Mother ; at times they even call on her with devotion. In addition, they await the day of judgment when God will render their deserts to all those who have been raised up from the dead. Finally, they value the moral life and worship God especially through prayer, almsgiving and fasting.
Since in the course of centuries not a few quarrels and hostilities have arisen between Christians and Moslems, this sacred synod urges all to forget the past and to work sincerely for mutual understanding and to preserve as well as to promote together for the benefit of all mankind social justice and moral welfare, as well as peace and freedom.
[5] Cfr. S. Gregorios VII., Epist. III, 21 ad Anazir (Al-Nãsir), regem Mauritaniae, ed. E. Caspar in MGH, Ep. Sel. II (1920) I, p. 288, 11–15 ; PL 148, 451 A.