Sainte Marie-​Madeleine

Sainte Marie-Madeleine, par Willem Vrelent

Pénitente (Ier siècle).

Fête le 22 juillet.

Les Evangélistes nous parlent de trois femmes du nom de Marie : Marie la péche­resse ; Marie, sœur de Marthe, et Marie-​Madeleine. Certains com­men­ta­teurs en font trois per­son­nages dif­fé­rents ; sans pré­tendre tran­cher la ques­tion, l’Eglise a vou­lu rap­pe­ler, le 22 juillet, ce triple sou­ve­nir, ce qui nous per­met de croire qu’il n’y a contre l’unité des trois Marie aucune objec­tion sérieuse, aucun argu­ment déci­sif. Nous nous en tien­drons donc à cette tradition.

Première phase de sa vie.

Marie-​Madeleine naquit à Béthanie, en Judée, d’une famille opu­lente dont l’Evangile fait connaître plu­sieurs membres : Lazare, le mort de quatre jours que Jésus-​Christ res­sus­ci­ta ; Marthe, sa sœur aînée qui, par suite de la mort de ses parents, avait reçu dès son ado­les­cence l’administration des biens patri­mo­niaux ; Madeleine enfin, la plus jeune, qui vivait loin de son frère et de sa sœur, dans le châ­teau de Magdala, qui consti­tuait sa part, d’où son nom de Magdaleine, dont nous avons fait Madeleine.

Pour com­prendre le récit évan­gé­lique, il faut se sou­ve­nir que les Romains, maîtres de la Judée, y avaient impor­té les vices du paga­nisme. Quelle fut dans l’existence de Marie-​Madeleine la part de cette cause, nous l’ignorons. Toujours est-​il quelle fut pos­sé­dée par sept démons, et que l’Evangile la désigne sous le nom de « péche­resse dans la cité ».

Le Sauveur venait d’atteindre sa tren­tième année, le bruit de ses miracles com­men­çait à se répandre, et le peuple accou­rait vers lui. Madeleine fut de ce nombre. Tourmentée par le remords plus encore que par les esprits impurs qui la tyran­ni­saient, elle était accou­rue vers le nou­veau Prophète, et, déli­vrée du joug infer­nal, elle avait cru en lui. Nous ne connais­sons pas les détails de sa conver­sion, qui furent sans doute fort tou­chants ; mais nous pou­vons pen­ser qu’en enten­dant Jésus dire à tous « Venez à moi, vous tous qui souf­frez, et je vous conso­le­rai… Je ne suis pas venu pour sau­ver les justes mais les pécheurs », elle se sen­tit éprise d’un immense amour pour son Rédempteur. A vingt-​deux ans, elle réso­lut de suivre les pas du divin Maître.

Simon invite Jésus à dîner chez lui.

Un pha­ri­sien, nom­mé Simon, avait invi­té Jésus à dîner chez lui, pro­ba­ble­ment à Capharnaüm. Et voi­là qu’une femme por­tant un vase de par­fums pré­cieux appa­rut sou­dain dans la salle du fes­tin. C’était Madeleine, qui, sans invi­ta­tion, osait affron­ter l’indignation d’un pha­ri­sien rigide, pour venir ver­ser sur les pieds du Seigneur les larmes de sa péni­tence avec le par­fum de son amour. Simon ne put voir sans indi­gna­tion sa mai­son souillée par la pré­sence de la pécheresse.

« A coup sûr, se dit-​il en lui-​même, si celui-​là était pro­phète, il sau­rait bien qui est cette femme qui baise ses pieds. » Jésus se tour­nant alors vers lui : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. — Parlez, Maître. — Un créan­cier avait deux débi­teurs dont l’un lui devait 500 deniers, l’autre 50 ; comme ils ne pou­vaient payer leurs dettes, le créan­cier les leur remit à tous deux : dis-​moi, qui des deux l’aimera le plus ? — Maître, répond le pha­ri­sien, c’est celui à qui a été faite la plus grande remise. — Tu en as bien jugé, Simon. » Et, se tour­nant alors vers Madeleine, Jésus dit à Simon : « Je suis entré dans ta mai­son ; tu ne m’as pas offert de l’eau pour me laver les pieds, et cette femme les a inon­dés de ses larmes ; tu ne m’as pas don­né le bai­ser que l’on donne aux hôtes vul­gaires, et celle-​ci, depuis le moment où elle est entrée chez toi, n’a point ces­sé de cou­vrir mes pieds de bai­sers ; tu n’as pas répan­du l’huile sur ma tête et c’est sur mes pieds qu’elle a répan­du tout ce par­fum pré­cieux. C’est pour­quoi je te dis : Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beau­coup aimé. »

Madeleine n’était venue cher­cher que son par­don. Quelle joie ne dut-​elle pas sen­tir, en enten­dant exal­ter son amour par Celui dont elle implo­rait la clé­mence ! Elle venait d’être l’objet d’une résur­rection plus mer­veilleuse que celle dont sera plus tard favo­ri­sé Lazare son frère. Désormais, dit saint Bernard, la Pénitente de Béthanie sau­ve­ra plus d’âmes que la péche­resse de Magdala n’en avait perdues.

Le repas chez Simon le Pharisien, par Sebastiano Ricci

Jésus reçoit l’hospitalité à Béthanie,

Jésus ne vivait que d’aumônes ; qui donc sub­ve­nait à ses besoins ? Quelques saintes femmes grou­pées autour de la Vierge Marie et, avec elles, Marie-Madeleine.

Un jour, à Béthanie, Marthe le reçut dans sa mai­son. Marthe, sœur de Marie-​Madeleine, diri­geait avec empres­se­ment les apprêts du repas, niais celle-​ci, assise aux pieds du Sauveur, savou­rait avec délices les paroles qui tom­baient des lèvres divines. Marthe, qui allait et venait inquiète, s’arrêta devant le Seigneur, et pre­nant la parole : « Maître, dit-​elle, ne voyez-​vous pas que ma sœur me laisse seule dans le ser­vice de la mai­son ? Dites-​lui donc qu’elle vienne à mon aide. » Jésus prit la défense de Marie : « Marthe, Marthe, répliqua-​t-​il, pour­quoi votre cœur est-​il inquiet et se trouble-​t-​il pour tant de choses ? Sachez cepen­dant qu’une seule est néces­saire. Marie a choi­si la meilleure part et elle ne lui sera point enle­vée. » Ainsi étaient pré­ci­sées par le divin Sauveur la légi­ti­mi­té et la digni­té émi­nente de la vie contemplative.

Sainte Marie-​Madeleine aux pieds de Jésus
Marthe et Marie, par Henryk Siemiradzki

Résurrection de Lazare.

Peu de temps après, l’heureuse famille que Jésus aimait et qui se signa­lait par son retour d’amour, la sœur conver­tie sur­tout, fut plon­gée dans la tris­tesse. Lazare se mou­rait et Jésus n’était pas là ! Consulté par ce mes­sage plein de confiance : « Seigneur, celui que vous aimez est malade », il avait répon­du : « Cette mala­die n’est pas pour la mort, mais pour la gloire du Fils de Dieu. » Que pou­vait la méde­cine sur celui que Dieu avait réso­lu de lais­ser mou­rir ? Lazare expi­ra pen­dant que son divin Ami conti­nuait de prê­cher au loin. Cependant, deux jours après, Jésus dit à ses apôtres : « Retour­nons en Judée, car notre ami Lazare sommeille. »

Marthe fut la pre­mière infor­mée de son arri­vée ; elle cou­rut à sa ren­contre, et, se jetant à ses pieds en pleu­rant : « Seigneur, disait-​elle, si vous aviez été là, mon frère ne serait pas mort. Mais main­tenant je sais que tout ce que vous deman­dez à Dieu vous est accor­dé sur-​le-​champ. » Marie, appe­lée par le Seigneur lui-​même, accou­rut aus­si se jeter à ses pieds en pleu­rant : « Ô Seigneur, si vous aviez été là, mon frère ne serait pas mort. » Elle n’ajouta rien de plus, mais ses larmes cou­laient abon­dam­ment. Et Jésus, à la vue de sa dou­leur et de la tris­tesse des Juifs qui l’entouraient, ne répon­dit point, mais il se trou­bla lui-​même et fré­mit en son esprit. « Où l’avez-​vous posé ? dit-​il d’une voix faible. — Seigneur, venez et voyez. » Et le Fils de Dieu pleura.

Il pleu­ra, pour nous apprendre à pleu­rer avec ceux qui pleurent, dit saint Ambroise ; il pleu­ra sur­tout sur la mort spi­ri­tuelle des pécheurs, dont la mort cor­po­relle n’est qu’une faible image. Cepen­dant, quelques Juifs, à la vue de ses larmes, disaient à voix basse : « Voyez comme il aimait Lazare ! » D’autres osaient encore mur­murer : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle-né, ne pouvait-​il pas empê­cher son ami de mou­rir ? » Il se fît un grand silence, lorsque, la pierre du sépulcre enle­vée, on aper­çut Lazare cou­ché dans son lin­ceul et exha­lant une odeur de cor­rup­tion. Les apôtres inquiets atten­daient quelque grand évé­ne­ment, et Jésus, levant alors les yeux au ciel, s’écria : « Père saint, je vous rends grâces de m’avoir exau­cé » ; puis, se tour­nant vers le sépulcre, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors !» Et Lazare se lève plein de vie, et sort du sépulcre : la foi de ses deux sœurs avait reçu sa récom­pense. Quant à Jésus, sa mort fut dès ce moment décré­tée par les Juifs, ses impla­cables ennemis.

La résur­rec­tion de Lazare, par Simon Bening

Seconde onction à Béthanie.

Après le triomphe du jour des Rameaux, le peuple de Jérusalem, sou­le­vé par les pha­ri­siens, pré­pa­rait une croix au Fils de Dieu. En atten­dant, Jésus accep­tait un abri à Béthanie, dans la mai­son de ses amis pri­vi­lé­giés. Là, en effet, s’étaient ras­sem­blés, avec Lazare, Marthe et Marie-​Madeleine, Marie, sa Mère, les apôtres, ain­si que quelques dis­ciples res­tés fidèles. Au cours de cette semaine, nous voyons Notre-​Seigneur assis­ter à un der­nier repas public, dans la mai­son de Simon le lépreux. Lazare, le res­sus­ci­té, était en face de son Sauveur ; Marthe ser­vait comme tou­jours. Quant à Marie-​Madeleine, elle avait encore choi­si la meilleure part. On la voit bien­tôt, en effet, appa­raître dans la salle du fes­tin, por­tant un vase d’albâtre rem­pli d’un par­fum pré­cieux, qu’elle répand sur les pieds de Notre-​Seigneur. Mais Fonction des pieds ne lui suf­fit plus, cette fois, et c’est sur la tête, qui bien­tôt sera cou­ron­née d’épines, qu’elle verse avec amour les der­nières gouttes de la pré­cieuse liqueur.

A cette vue, l’avarice de Judas se réveille : « A quoi bon cette pro­digalité exces­sive ? murmure-​t-​il indi­gné. On aurait pu vendre ce par­fum plus de 300 deniers et en don­ner le prix aux pauvres. » Et quelques dis­ciples, plus atta­chés aux biens ter­restres, redi­saient les mêmes paroles. Marie-​Madeleine, qui n’avait agi que par amour, se tut, pen­dant que Jésus pre­nait encore sa défense. « Pourquoi attristez- vous cette femme ? Son action envers moi est bonne, car vous aurez tou­jours des pauvres avec vous ; mais moi, vous ne m’aurez pas tou­jours. Aussi, ce nard qu’elle a répan­du sur mon corps, l’a‑t-elle ver­sé comme pour m’ensevelir. C’est pour­quoi, je vous le dis, en véri­té, par­tout où cet Evangile sera prê­ché, on redi­ra à la gloire de cette femme ce qu’elle a fait en mémoire de moi. »

A la Passion et à la Résurrection de Jésus.

C’est dans la Passion de son Seigneur sur­tout que se mani­feste en toute sa force l’amour de la péche­resse conver­tie. Tous les apôtres ont fui. Pierre a rou­gi de lui devant une ser­vante et l’a renié trois fois ; Marie-​Madeleine, mal­gré la fai­blesse de son sexe, mal­gré les menaces, les injures, les moque­ries de la popu­lace, suit par­tout celui que les Juifs mau­dissent. Elle est là avec la Mère de Jésus. Et quand le Christ éle­vé en croix ne fut plus sou­te­nu que par les bles­sures de ses mains et de ses pieds, quand il put contem­pler cette foule enne­mie qui s’étendait au loin, s’agitant autour de lui comme « des chiens mena­çants », selon la parole du Psalmiste, au milieu des cris de haine et de mort de la mul­ti­tude, il enten­dait les san­glots de la péche­resse qui se tenait debout et pleu­rait à ses côtés. Elle ne se reti­ra de ce lieu sacré qu’au moment où Joseph d’Arimathie, accom­pa­gné de Nicodème, eut mis le cadavre dans le sépulcre.

Crucifixion, par Jan Provost (ca 1495)

L’aube venait à peine de se lever, le dimanche matin, lorsque Marie-​Madeleine et ses com­pagnes vinrent au tom­beau, por­tant des aro­mates avec l’espoir d’achever l’ensevelissement. Mais grande fut leur sur­prise : le tom­beau était ouvert et vide, le corps de Jésus avait dis­pa­ru ; seules les ban­de­lettes qui avaient ser­vi à l’envelopper étaient res­tées. Madeleine cou­rut annon­cer la nou­velle aux apôtres, et alors Pierre et Jean vinrent à leur tour, et ne furent pas moins sur­pris, n’ayant pas encore péné­tré le sens des paroles du Maître : « Je res­sus­ci­te­rai le troi­sième jour. »

Bientôt Marie-​Madeleine se trou­va seule près du sépulcre vide. Et voi­là qu’en s’approchant de nou­veau, elle aper­çut deux anges vêtus de blanc. « Femme, pour­quoi pleurez-​vous ? » lui dirent alors les deux mes­sa­gers du ciel. Et elle répon­dit : « C’est parce qu’on a enle­vé mon Seigneur et je ne sais où on l’a mis. »

Comme elle ache­vait ces paroles, elle se retour­na et vit Jésus der­rière elle ; mais elle ne le recon­nut point, et, croyant que c’était le jar­di­nier, elle lui adres­sa ces paroles, où elle se peint bien : « Seigneur, si c’est vous qui l’avez enle­vé, dites-​moi où vous l’avez mis, et moi j’irai le prendre. » Devant cette explo­sion d’amour, Jésus s’écria : « Marie ! » Et celle-​ci, recon­nais­sant la voix du Sauveur, se jette à genoux pour bai­ser ses pieds, en disant : « Rabbi (Maître) ! » « Ne me touche point », reprit alors Jésus, expres­sion que cer­tains auteurs tra­duisent ain­si : « Ne t’attache point à mes pas. » Et le divin Ressuscité ajou­ta : « Je ne suis pas encore mon­té vers mon Père. Mais toi, va dire à mes frères : « Voilà que je monte vers mon Père et » votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »

« Ne me touche pas », par Martin Schongauer, Colmar

A la Sainte-​Baume. — La mort.

Marie-​Madeleine s’acquitta de sa mis­sion ; mais le cœur des apôtres, comme celui des dis­ciples, l’incident d’Emmaüs le prouve, était encore si dur, qu’ils n’ajoutèrent pas foi immé­dia­te­ment à ses paroles.

Ici prend fin la pré­sence de Madeleine dans les Evangiles, mais tout per­met de croire, et le contraire même serait sur­pre­nant, qu’elle par­ti­cipe acti­ve­ment à la vie de l’Eglise nais­sante, et nous pou­vons nous la repré­sen­ter enfer­mée dans le Cénacle avec les apôtres, mêlant ses prières aux leurs ; là son amour déjà si intense sera encore dila­té par les flammes de l’Esprit-Saint.

Et voi­ci ce que relate la légende, que nous rap­por­tons avec un res­pect pro­fond, tout en regret­tant d’ignorer tant de choses sur les­quelles les docu­ments se taisent. Les Juifs se sai­sirent d’elle ain­si que de vingt-​trois autres dis­ciples du Seigneur, et les firent mon­ter sur une pauvre barque sans rames ni voiles. La nacelle voguait à la garde de Dieu. Mais les habi­tants de la Provence virent abor­der au rivage une pauvre barque rem­plie d’hommes qui chan­taient des can­tiques. Ces hommes étaient les amis et les parents du Sauveur, et l’heureux pays qu’ils abor­daient devait être un jour la France.

A l’endroit où prit fin cette tra­ver­sée mira­cu­leuse se trouve aujourd’hui un sanc­tuaire connu sous le nom des Saintes-​Maries de la Mer.

Les nobles fugi­tifs se par­tagent la Gaule pour la gagner au Christ. Marseille fut l’héritage de Lazare, Aix échut à saint Maximin, Avignon et Tarascon à Marthe. Madeleine dit adieu à sa sœur bien- aimée, et, peu de temps après, à son frère Lazare qu’elle avait sui­vi à Marseille ; puis seule, désor­mais, en un pays com­plè­te­ment incon­nu, elle s’enfonça dans les mon­tagnes boi­sées de la Provence, à la recherche de la « meilleure part ».

Conduite par les anges ou, selon la légende, por­tée par eux, elle se reti­ra à la Sainte-​Baume, c’est-à-dire la Sainte Grotte, qui se trouve à égale dis­tance de Toulon, d’Aix et de Marseille. C’est là que Marie- Madeleine se ren­fer­ma pour y hono­rer, par trente ans d’une héroïque péni­tence, les trente années de silence de Jésus sur la terre. C’est là que l’ancienne péche­resse com­men­ça et finit cette vie plus angé­lique qu’humaine, que les hommes char­nels ne sau­raient com­prendre. A genoux dans sa grotte, les bras et les yeux levés au ciel, elle pas­sait les jours et les nuits, les mois et les années à contem­pler le Christ assis à la droite du Père. Et c’est, dit la légende, Maximin qui, au jour très dési­ré où elle devait quit­ter ce monde, lui appor­ta la sainte communion.

Pénitence de sainte Marie-​Madeleine, par Jusepe Ribera

Les reliques : à Saint-​Maximin et à Vézelay.

Les restes de la Sainte furent dépo­sés en un mau­so­lée ; au viiie siècle, ils furent cachés par crainte des Sarrazins, et c’est seule­ment au xiiie siècle, en 1272, que Charles II, roi de Sicile et comte de Pro­vence, neveu de saint Louis, les retrouva.

Vers la même époque, ces lieux sanc­ti­fiés par la péni­tence et les larmes de la Pécheresse conver­tie furent confiés à la garde des Dominicains, et l’on vit s’élever par leurs soins une belle église, au lieu-​dit « Saint-​Maximin ». Aujourd’hui encore ces reli­gieux, dont le res­tau­ra­teur, le P. Henri-​Dominique Lacordaire, a consa­cré un beau livre à Marie-​Madeleine, sont les gar­diens de la Sainte-​Baume. Des pré­cieuses reliques, il ne reste plus que le chef entier.

Concurremment avec Saint-​Maximin, Vézelay, sur les confins du Nivernais et de la Bourgogne, a reven­di­qué l’honneur de pos­sé­der les reliques de sainte Marie-​Madeleine. De fait, on y a véné­ré, pen­dant des siècles, en l’église de la Madeleine, qui reste l’un des monu­ments les plus célèbres de France, un corps répu­té celui de Marie de Magdala, et qui fit accou­rir des foules innom­brables ; on se rap­pelle sans doute aus­si que dans ce lieu de pèle­ri­nage saint Bernard, en 1146, prê­cha la Croisade avec suc­cès, devant le roi Louis VII et les grands du royaume.

En 1267, la céré­mo­nie de la recon­nais­sance des reliques, qui eut lieu en pré­sence de saint Louis, ne fît que don­ner une impul­sion nou­velle au pèle­ri­nage. La châsse de sainte Marie-​Madeleine a dis­paru au xvie siècle, au cours des guerres de reli­gion. Cependant, de nos jours, Vézelay a recom­men­cé à prendre vie, et l’on y voit accou­rir comme autre­fois des pèle­rins, prin­ci­pa­le­ment des trois dio­cèses de Sens, de Nevers et d’Autun.

La basi­lique Sainte-​Marie-​Madeleine de Vézelay

Ordres religieux et culte populaire.

La soli­taire de la Sainte-​Baume méri­tait bien d’être hono­rée d’un culte spé­cial par les femmes qui, après avoir ou non imi­té les désordres de sa jeu­nesse, ont vou­lu suivre son exemple dans la voie de l’expiation. Aussi voit-​on se fon­der plu­sieurs Ordres ou monas­tères qui portent son nom. Dès le xie siècle, on trouve en Allemagne des reli­gieuses péni­tentes de la Madeleine ; Metz en avait au xve siècle. Au xviie siècle, les Madelonnettes sont ins­ti­tuées à Paris ; ces der­nières étaient des âmes arra­chées au mal et dési­reuses de la perfec­tion ; la direc­tion de leur éta­blis­se­ment fut assu­rée d’abord par les reli­gieuses de la Visitation, puis par les Ursulines, en der­nier lieu par les reli­gieuses de Saint-​Michel. De nos jours encore, dans cer­taines condi­tions, cer­taines Sociétés reli­gieuses acceptent les « Made­leines » repen­ties et dési­reuses d’expier loin du monde les éga­re­ments du passé.

L’iconographie de sainte Marie-​Madeleine est très riche : le plus sou­vent, elle est repré­sen­tée tenant à la main un vase ; d’autres fois age­nouillée, ayant près d’elle une tête de mort, ou encore com­mu­niée mira­cu­leu­se­ment, enfin, trans­por­tée au ciel par les anges. De plus, elle figure sur la plu­part des Descentes de Croix que nous ont lais­sées peintres et sculpteurs.

Plusieurs cor­po­ra­tions, par­fu­meurs, gan­tiers, jar­di­niers, la reven­diquent pour patronne. La date de sa fête revient assez fréquem­ment dans nos vieux pro­verbes ruraux.

A. F. B.

Sources consul­tées. — Mgr Gaume, Biographies évan­gé­liques, 1re série. — Dic­tionnaire biblique (article « Marie-​Madeleine »). — (V. S. B. P., n° 81.)