Le pape François fêtera le 500e anniversaire de la Réforme de Martin Luther – 28 janvier 2016


Improbable ? Et pour­tant… Le 31 octobre pro­chain, le pape François sera le témoin volon­taire et par­ti­ci­pa­tif des pre­miers fré­mis­se­ments du 500e anni­ver­saire de la Réforme de Martin Luther, aux côtés des pro­tes­tants de Suède. 500e anni­ver­saire qui sera célé­bré tout au long de l’année 2017 et s’inscrira lar­ge­ment dans le dia­logue dit « luthéro-catholique ».

Celui qui fut l’un des plus grands héré­siarques de l’histoire catho­lique romaine et géné­ra un des schismes les plus dra­ma­tiques, celui dont la doc­trine fut offi­ciel­le­ment condam­née par le pape Léon X, le 15 juin 1520, via la bulle Exsurge Domine, se voit de plus en plus por­té au pinacle.

Le pape François à l’anniversaire de Luther 

Un pays catho­lique ? Que nen­ni, la Suède n’en recèle plus qu’une mino­ri­té. C’est par et pour l’Eglise luthé­rienne que le pape François sera reçu, une Eglise qui plus est, très « démo­cra­ti­sée », diri­gée depuis 2013 par une femme, Antje Jackelén, qui ordonne des femmes prêtres depuis 1960 et compte au moins deux « évêques » homo­sexuels reven­di­qués, dont l’« évêque » luthé­rienne et ouver­te­ment les­bienne de Stockholm, Eva Brunne – celle qui a fait aus­si enle­ver les cru­ci­fix et indi­quer la direc­tion de La Mecque dans une église qui devait accueillir des réfugiés…

A Lund il se ren­dra, pour célé­brer une céré­mo­nie conjointe entre l’Eglise catho­lique et la Fédération luthé­rienne mon­diale (LWF) qui met­tra en lumière « les déve­lop­pe­ments œcu­mé­niques solides entre catho­liques et luthé­riens », en par­ti­cu­lier depuis le concile Vatican II… L’annonce a été faite hier, 25 jan­vier, par la salle de presse du Saint-Siège.

« Je suis por­té par l’intime convic­tion qu’en tra­vaillant à la récon­ci­lia­tion entre luthé­riens et catho­liques, nous tra­vaillons pour la jus­tice, la paix et la récon­ci­lia­tion dans un monde déchi­ré par les conflits », a affir­mé le secré­taire géné­ral de la LWF, le révé­rend Martin Junge.

En avance sur son agen­da, le pape a même « deman­dé par­don », lun­di à Rome, « pour les com­por­te­ments non évan­gé­liques des catho­liques à l’égard de chré­tiens d’autres Eglises » – ce dont les pro­tes­tants se sont bien gardés.

Un livret liturgique adapté…

La démarche œcu­mé­nique est qua­li­fiée de « sans pré­cé­dent » par l’AFP, car c’est la pre­mière fois qu’un pape co-​célébrera une « litur­gie » pro­tes­tante. Sur la base d’un livret spé­cia­le­ment conçu pour l’occasion par la Fédération luthé­rienne mon­diale et le Conseil pon­ti­fi­cal pour l’unité des chré­tiens, inti­tu­lé « Prière commune ».

« La Prière Commune est un guide pra­tique à un acte de culte pour une com­mé­mo­ra­tion com­mune catholique-​luthérienne des 500 ans de la Réforme. Ses thèmes sont la gra­ti­tude, la repen­tance et l’engagement au témoi­gnage com­mun. Son but est d’exprimer les bien­faits de la Réforme et de deman­der par­don pour la divi­sion per­pé­tuée par les chré­tiens des deux traditions. »

Ce que l’histoire dit moins, c’est que « Common prayer » est pré­ci­sé­ment le nom de la litur­gie angli­cane depuis la Réforme et que les catho­liques n’ont, de fait, rien pu mettre d’autre dans ce livret que ce qui leur reste de com­mun avec les protestants…

« La Prière Commune » ou la repentance des catholiques ?

… et ce qu’ils « doivent », oui, « doivent », à Martin Luther ! Quelques extraits suf­fisent. La prière demande au Seigneur de « nous aider à nous réjouir dans les dons qui sont par­ve­nus à l’Église par la Réforme, nous pré­pa­rer à nous repen­tir pour les murs sépa­ra­teurs que nous, et nos pères, avons construits, et nous équi­per pour le témoi­gnage com­mun et le ser­vice dans le monde ».

« Merci à toi, O Dieu pour toutes les connais­sances théo­lo­giques et spi­ri­tuelles que nous avons tous reçues par la Réforme. Grâce à toi pour les bonnes trans­for­ma­tions et réformes qui ont été déclen­chées par la Réforme ou par la lutte avec ses défis. Grâce à toi pour la pro­cla­ma­tion de l’Évangile qui eut lieu pen­dant la Réforme et qui depuis a for­ti­fié des per­sonnes sans nombre à vivre des vies de foi en Jésus Christ. »

« Le voyage œcu­mé­nique per­met aux luthé­riens et aux catho­liques d’appré­cier ensemble l’intuition de Martin Luther et son expé­rience spi­ri­tuelle de l’évangile de la rec­ti­tude de Dieu, qui est aus­si la misé­ri­corde de Dieu. »

Pas un mot sur la Contre-​réforme et les papes et les saints du XVIe siècle qui ont œuvré contre l’hérésie gran­dis­sante ! Pas un mot sur les motifs de notre divi­sion doc­tri­nale, pro­fonde, majeure. Mais faut-​il s’en éton­ner lorsque de nom­breux élé­ments du concile Vatican II nous orien­taient déjà sur cette pente œcu­mé­nique luthérienne…

Du conflit à la communion : « s’approprier la Réforme »

Il ne faut recon­naître que ce qui nous unit, c’est-à-dire « la foi en Dieu trine et en la révé­la­tion en Jésus-​Christ », ain­si que « les véri­tés fon­da­men­tales de la doc­trine de la jus­ti­fi­ca­tion. » C’est ce qui était dit dans le fameux docu­ment d’étude, publié en juin 2013, pré­pa­rant à cette col­lu­sion : « Du conflit à la com­mu­nion : com­mé­mo­ra­tion com­mune luthérano-​catholique de la Réforme en 2017 ».

C’est le sem­pi­ter­nel défi du « dia­logue »… Le chan­tier de ce rap­pro­che­ment avait connu ses pre­miers fré­mis­se­ments lors du 450e anni­ver­saire de la Confession d’Augsbourg, en 1980. Au jour du 500e anni­ver­saire de la nais­sance de Martin Luther en 1983, la com­mis­sion du Vatican le nom­mait « témoin de Jésus-​Christ », en décla­rant que « ni la chré­tien­té pro­tes­tante ni la chré­tien­té catho­lique ne peuvent igno­rer la figure et le mes­sage de cet homme »… En 1999, la Fédération luthé­rienne mon­diale et l’Église catho­lique romaine cosi­gnaient La Déclaration com­mune sur la doc­trine de la jus­ti­fi­ca­tion.

Ainsi, le pape François poursuit-​il une poli­tique déjà lar­ge­ment enga­gée par ses pré­dé­ces­seurs. Le 15 novembre der­nier, il s’était ren­du au temple évan­gé­lique de Rome pour décla­rer que l’heure de la « diver­si­té récon­ci­liée » était arri­vée. Dans l’esprit de laquelle les « limites visibles de l’Eglise catho­lique » sont lar­ge­ment perméabilisées…

Consensus-​dilution

Le car­di­nal Kurt Koch, pré­sident du Conseil pon­ti­fi­cal pour la Promotion de l’Unité des chré­tiens, a expli­qué, hier, qu’il fal­lait « se concen­trer ensemble sur la cen­tra­li­té de la ques­tion de Dieu et sur une approche chris­to­cen­trique »… Et pour cause !

Évitons d’aborder tout ce qui nous divise ! Cette nature humaine défi­ni­ti­ve­ment cor­rom­pue, cette absence totale des mérites des hommes, de leur par­ti­ci­pa­tion active et réflé­chie au Salut, cette néga­tion de l’autorité doc­tri­nale et de sa lec­ture de l’Ecriture Sainte, cet odieux aban­don de la Vierge Marie et des saints, ce libre exa­men omni­po­tent, ce refus enfin du sacri­fice de l’Eucharistie…

Ça fait quand même pour­tant pas mal ? Mais le consensus-​dilution doit primer.

Et seule­ment pour les catho­liques. Le grand rab­bin de Rome, en accueillant le pape François le 17 jan­vier der­nier, a refu­sé de dis­cu­ter théo­lo­gie au motif que « chaque sys­tème est auto­nome » que « la foi n’est pas un objet d’échange et de négo­cia­tions poli­tiques ». La Rome catho­lique, elle, « traite » avec des pro­tes­tants dont beau­coup ont même accep­té l’avortement, l’euthanasie, le mariage homosexuel…

Clémentine Jallais

Sources : RITV/​MCI/​La Porte Latine du 28 jan­vier 2016