Et quel rôle joue Andrea Tornielli ? L’excellente synthèse de Giuseppe Nardi, au lendemain du Family Day
(Rome) Malgré la foule impressionnante de deux millions de catholiques et d’hommes de bonne volonté rassemblés à Rome pour le Family Day, Sainte-Marthe[1] n’a pas revu sa position. L« “homme du pape » au sein de la Conférence épiscopale italienne, Mgr Galantino, a torpillé la manifestation et cherche à présent encore à en minimiser l’impact politique.
Le « vaticaniste maison » du pape, Andrea Tornielli, lui aussi, tente, avec des collègues de la même tendance, de réduire la portée de cette puissante manifestation. On peut supposer que ces deux protagonistes agissent de concert avec Sainte-Marthe.
François n’aime ni le Family Day ni la Manif pour tous
Ni l’un ni l’autre n’ont peur de se moquer des catholiques qui descendent dans la rue. Les armes de Tornielli sont la déformation et la banalisation. Il va même jusqu’à se moquer du journal en ligne La Nuova Bussola Quotidiana, dont il fut jadis lui-même rédacteur en chef – mais c’était, il est vrai, au temps de Benoît XVI.
A l’époque, Tornielli était encore un ratzinguérien de fer, n’ayant toutefois que peu d’affinités pour la sensibilité liturgique du pape à l’égard de la forme traditionnelle du rite romain. Mais Benoît XVI relève du passé. Maintenant, il y a François qui voit bien des choses autrement.
Et surtout : François n’aime pas les démonstrations comme le Family Day ou la Manif pour tous, qui s’engagent pour des causes authentiquement catholiques. Plus exactement : ces mouvements lui inspirent même une sorte de répulsion. Tout comme ces catholiques attachés à la Tradition et au rite romain traditionnel, qu’il a plusieurs fois discrédités en les traitant de « pélagiens ».
François aime les brebis rouges des « mouvements populaires »
Le pape François est plus proche des moutons « noirs », ceux qui, à l’examen, se révèlent être des moutons rouges. Les rassemblements de masse des « mouvements populaires », terme forgé par le pape lui-même pour des mouvements qui, avec le vocabulaire de la gauche, luttent pour des revendications socio-politiques, attirent davantage sa sympathie.
Les alliances avec des mouvements de la gauche marxiste ne le gênent pas. Comme ne le gêne pas non plus le fait que son homme de confiance pour le rapprochement entre l’Église et la géopolitique de l’ONU, l’évêque de curie Mgr Marcelo Sanchez Sorondo, ait applaudi à la proposition émanant de la gauche radicale de faire de François le chef de file d’une nouvelle « Internationale papiste », appelée à remplacer l’ancienne « Internationale communiste ».
Pour les « mouvements populaires », François a déjà organisé deux rencontres internationales. La première en 2014 à Rome et la seconde, en 2015, en Bolivie.
Pour les mouvements de défense de la vie, le pape François, jusqu’ici … n’a rien organisé encore.Quand plusieurs dizaines de milliers de personnes convergent à Rome vers la Place Saint-Pierre pour la Marche pour la vie et participent à l’Angelus, ils peuvent s’estimer heureux s’ils sont salués par le pape.
Aucune critique vis-à-vis de la doctrine gauchiste de la « culture de mort »
Les mouvements de défense de la vie et de la famille comme la Manif pour tous, le Family Day ou la Marche pour la vie, doivent se contenter d’un service minimal de la part du pape. Pas de signe d’une bienveillance particulière, pas de geste d’estime, pas de sourire qui dépasse le protocole obligé. Et surtout : pas de proche du pape chargé de garder avec ces mouvements un contact permanent, comme le fait Mgr Sanchez Sorondo, à un niveau informel autant qu’officiel, avec les « mouvements populaires », la gauche radicale et l’ONU.
François ne voit rien à redire à la doctrine de gauche de la « culture de mort » (qui est en fait une inculture). La pensée et l’action politiques du pape n’opposent en tout cas rien aux efforts vers un monde libéral de gauche, que représentent parfaitement les élites américaines proches du Parti démocrate.
L’héritage du Cardinal Martini
Seulement, dans un tel monde, il n’y a plus de place pour l’Église catholique, vue tout au plus comme un docile prolongement religieux du bras de l’État, comme plus d’un souverain éclairé se la représentait déjà à la fin du XVIIIe siècle.
Dans cette perspective, le cardinal Carlo Maria Martini (+ 2012), jésuite comme François, aurait eu raison de reprocher à l’Église un retard de 200 ans sur le monde en progrès.
Alors, en 1780, l’Église aurait dû courber l’échine devant le joséphisme[2] et, en 1790, devant la Constitution civile [du clergé] [3] et renoncer à la lutte pour sa vie et son indépendance.
Mais l’Église n’est pas une pièce sur l’échiquier des puissants de l’heure et de la politique de ceux-ci ; elle est le corps mystique du Christ. Où François veut-il conduire l’Église ?
Cur patres Cardinales Franciscum summum pontificem fecerunt ? (Pourquoi les cardinaux ont-ils élu François au souverain pontificat ?)
Giuseppe Nardi
Sources : katholisches.info/Traduction d’Isabelle pour Benoit-et-moi.fr
- Le Pape François s’est éloigné du Palais Apostolique, pour vivre sans protocole – et en toute discrétion – à la résidence Sainte-Marthe. La Domus Sanctae Marthae (Maison Sainte-Marthe) est un hôtel ecclésiastique. La pape y occupe la suite n° 201, dite suite pontificale. C’est le nouveau centre du pouvoir censé faire pièce à la toute puissante Curie romaine.[↩]
- Le joséphisme religieux se veut mouvement de réforme de l’Église, né avec la Réforme et cherchant à placer sous la tutelle de l’état toute l’administration religieuse. Ce courant, très répandu dans l’Europe moderne, se manifeste en Autriche par la volonté forte de contrer l’influence qu’exerce l’Église auprès des catholiques de l’Empire, et de s’opposer au pouvoir temporel des États pontificaux. [↩]
- La Constitution civile du clergé est un décret adopté en France par l’Assemblée nationale constituante le 12 juillet 1790. Sanctionnée par Louis XVI le 24 août 1790, elle devient la loi des 12 juillet et 24 août 1790. Elle réorganise unilatéralement le clergé séculier français, institue une nouvelle Église (l’Église constitutionnelle), ce qui provoque la division du clergé en clergé constitutionnel et clergé réfractaire. Elle a été condamnée par le pape Pie VI et abrogée par le Concordat de 1801. [↩]