Le pape François et l’Eglise italienne refusent de soutenir le « Family day » – 1er février 2016


Plusieurs vati­ca­nistes se font l’é­cho de leur décep­tion face à l’at­ti­tude du pape François et de la Conférence Episcopale Italienne (CEI) qui ont refu­sé de s’im­pli­quer dans Marche pour la famille [1] qui s’est dérou­lée à Rome dimanche 31 jan­vier 2016.

En mai der­nier, Pucci Cipriani, qui venait de par­ti­ci­per à la Marche pour la Vie du 12 mai 2015 à Rome, avait racon­té sur le site Riscossa Cristiana la décep­tion et le désar­roi qu’il avait éprou­vés (lui et tous les par­ti­ci­pants) en consta­tant le « ser­vice mini­mum » du Pape, qui s’é­tait conten­té d’un bref salut géné­rique durant l’Angélus. Mais hier, c’é­tait encore pire. En mai, il y avait eu au moins un salut. 

Cette fois, pas un mot. Et même un affront incom­pré­hen­sible puisque ceux des par­ti­ci­pants qui vou­laient faire célé­brer hier une messe à la Basilique Saint-​Pierre se sont vu oppo­ser un refus caté­go­rique qu’il faut mettre en paral­lèle avec les accueils cha­leu­reux des « autres cultes » dans les églises catholiques. 

On lira ci-​dessous la décep­tion d’Antonio Socci qui rap­porte les « des­sous décon­cer­tants » de cette affaire et qui s’ex­clame : » Se peut-​il qu’au Vatican, on soit arri­vé à ce point ? » .

De son côté, et de façon plus mesu­rée, Lupo Glori – dans un article que nous a fait par­ve­nir Corrispondenza Romana [2] – exprime son éton­ne­ment face à l’ab­sence des auto­ri­tés ecclé­sias­tiques prises à contre-​pied par le peuple catho­lique lui-​même qui a leur adres­sé un vibrant « non possumus » .

Nous sommes loin de la mani­fes­ta­tion de 2007, sous Benoît XVI, où c’est Camillo Ruini, Président de la CEI, qui mena le Family day et où l’Eglise avait décla­ré aux asso­cia­tions de laïcs catho­liques qu’elles « étaient tenues d’y participer ».

La jour­née du 30 jan­vier 2016, à la dif­fé­rence des autres grands ras­sem­ble­ments pour la défense de la famille, pas­se­ra donc à l’his­toire comme une mani­fes­ta­tion spon­ta­née par­tie de la base, à laquelle poli­tiques et auto­ri­tés ecclé­sias­tiques ont dû néces­sai­re­ment adhé­rer sous l’ef­fet de l’en­thou­siasme et de la pous­sée « populaire ».

Tout ceci se passe au moment où l’ar­che­vêque de Milan, Mgr Angelo Scola, demande l’ins­tau­ra­tion d’une fête isla­mique dans toutes les écoles de Milan [3]!

Laissons donc la conclu­sion au porte-​parole du Family Day ita­lien, Massimo Gandolfini [4], qui a conclu au cri de « A nous la bataille, à Dieu la gloire !».

La Porte Latine du 1er février 2016

Le Pape « ignore » le Family day – in Corrispondenza Romana, par Lupo Glori

Samedi 30 jan­vier, plus d’un mil­lion de per­sonnes, 2 mil­lions selon les orga­ni­sa­teurs, sont des­cen­dues dans la rue à Rome pour le Family Day, mani­fes­ta­tion pro­mue par le Comité « Difendiamo i nos­tri figli » (« Défendons nos enfants »), mobi­li­sant tous les milieux pour la défense de la famille contre le pro­jet de loi sur les unions civiles du gou­ver­ne­ment Renzi, le décret Cirinnà, du nom de la séna­trice qui l’a promu.

Au cœur de la capi­tale, dans le très vaste espace qu’offre le Cirque Maxime, ont afflué dès les pre­mières heures de la mati­née, des dizaines de mil­liers d’associations, groupes et familles, en pro­ve­nance de toute l’Italie et de l’étranger, notam­ment les repré­sen­tants de la Manif pour tous fran­çaise, venus mani­fes­ter leur ferme oppo­si­tion à la léga­li­sa­tion des unions et des adop­tions homo­sexuelles, pré­vues par le pro­jet de loi n° 2081. Le neu­ro­chi­rur­gien Massimo Gandolfini, porte-​parole de l’évènement, a expri­mé avec force ce refus du décret : « il n’est pas accep­table du pre­mier au der­nier mot, et une opé­ra­tion radi­cale devient néces­saire. Il ne s’agit pas de chan­ger trois ou quatre mots : le pro­jet de loi doit être inté­gra­le­ment reje­té ».

Dans le débat public et la presse, cette extra­or­di­naire mobi­li­sa­tion natio­nale a été inévi­ta­ble­ment mis en paral­lèle avec une autre grande mani­fes­ta­tion, le Family Day de 2007, lan­cé pour faire tom­ber le DICO, une ins­ti­tu­tion pour les droits des concu­bins simi­laire au PACS pro­po­sé par le gou­ver­ne­ment de l’époque du pre­mier ministre Romano Prodi.

Il y a pour­tant de pro­fondes dif­fé­rences entre la mani­fes­ta­tion du 12 mai 2007 et celle d’aujourd’hui, 30 jan­vier 2016. En une dizaine d’années, les rap­ports de force en pré­sence semblent en effet s’être lit­té­ra­le­ment ren­ver­sés. Si en 2007, c’était la Conférence Episcopale Italienne (CEI) qui avait appe­lé les catho­liques à des­cendre dans la rue contre un pro­jet de loi inac­cep­table, les rôles aujourd’hui se sont para­doxa­le­ment inver­sés et, après la mani­fes­ta­tion de la place de Saint Jean-​de-​Latran le 20 juin 2015, où des mil­liers de per­sonnes ont pro­tes­té contre l’enseignement de la théo­rie du genre dans les écoles, c’est aujourd’hui le peuple catho­lique lui-​même qui a adres­sé un vibrant « non pos­su­mus » à la hié­rar­chie ecclé­sias­tique, l’invitant à se joindre à elle.

Un évident et brusque revi­re­ment mis en évi­dence par le jour­na­liste Agostino Giovagnoli qui écrit pour le quo­ti­dien La Repubblica, sou­li­gnant cet inédit mou­ve­ment de la base : « En 2007, sous Benoît XVI, c’est Camillo Ruini, Président de la CEI, qui mena le Family day ; les asso­cia­tions de laïcs catho­liques étaient tenues de par­ti­ci­per ; l’orateur de ce jour-​là fut Savino Pezzotta qui avait été l’année pré­cé­dente rap­por­teur offi­ciel au Congrès natio­nal de l’Eglise ita­lienne ; l’objectif était de faire tom­ber le DICO. L’Eglise ita­lienne, en somme, des­cen­dit dans la rue, ser­rant les rangs, au nom de valeurs morales non négo­ciables mais menant une bataille poli­tique. La mani­fes­ta­tion du 30 jan­vier pro­chain, au contraire, n’a pas été vou­lue par la CEI et les évêques ont expri­mé à son sujet des opi­nions diverses. Les asso­cia­tions catho­liques ne sont pas tenues de par­ti­ci­per et de fait cer­taines seule­ment seront pré­sentes ».

Plusieurs asso­cia­tions ont mis de côté leurs visions « stra­té­giques » dis­cor­dantes quant à la ligne de conduite à tenir pour enrayer le pro­ces­sus révo­lu­tion­naire appa­rem­ment iné­luc­table, et se sont unies pour affir­mer la valeur fon­da­men­tale de l’institution fami­liale natu­relle fon­dée sur le mariage indis­so­luble entre un homme et une femme, cel­lule de base de la for­ma­tion de l’homme et vitale pour toute socié­té. Parmi celles qui ont expri­mé leur adhé­sion au Family Day, était pré­sente avec ses dra­peaux l’association Famiglia Domani, depuis tou­jours en pre­mière ligne pour la défense inté­grale de la véri­té et de l’ordre natu­rel et chrétien.

L’association avait spé­ci­fié dans son com­mu­ni­qué de presse d’adhésion au Family Day qu’elle ne pou­vait pas exclure un NON inté­gral au pro­jet de loi Cirinnà : « en pre­mier lieu NON aux unions civiles quelles qu’elles soient, et en second lieu NON au « step­child adop­tion »». La jour­née du 30 jan­vier 2016, à la dif­fé­rence des autres grands ras­sem­ble­ments pour la défense de la famille, pas­se­ra donc à l’histoire comme une mani­fes­ta­tion spon­ta­née par­tie de la base, à laquelle poli­tiques et auto­ri­tés ecclé­sias­tiques ont dû néces­sai­re­ment adhé­rer sous l’effet de l’enthousiasme et de la pous­sée « populaire ».

De ce podium inédit du Cirque Maxime, dépour­vu de toute repré­sen­ta­tion poli­tique, on a enten­du pour la pre­mière fois des dis­cours qu’aucune place n’avait jamais osé pro­non­cer, emblé­ma­ti­que­ment résu­més dans le salut final du porte-​parole Massimo Gandolfini qui a conclu au cri de « A nous la bataille, à Dieu la gloire !»

Lupo Glori

Des « dessous » déconcertants. Se peut-​il qu’au Vatican, on soit arrivé à ce point ? – Benoit​-et​-moi​.fr, par Antonio Socci 

Comme on le sait, je ne compte pas par­mi les fans du Pape Bergoglio, mais en rai­son d’une espé­rance incu­rable, je ne cesse d’at­tendre quelque belle sur­prise qui démente mon opi­nion néga­tive. A chaque fois, je suis déçu.

Samedi matin, dis­cu­tant avec des amis, je disais : si ce n’est pas par sen­ti­ment de pater­ni­té, ni pour des idéaux par­ta­gés, au moins par ruse poli­tique (dont Bergoglio ne manque pas), je pense que le pape va au moins don­ner un signal.

Au fond, à ce peuple de per­sonnes bonnes et braves, il aurait suf­fi d’un petit mes­sage, et ils l’au­raient encen­sé et cou­vert d’ap­plau­dis­se­ments filiaux.

Si l’on pense que Bergoglio a même par­lé au centre social Leoncavallo [5] et béni ces mili­tants poli­tiques en les invi­tant à pour­suivre la lutte, je pen­sais qu’il pou­vait au mini­mum adres­ser un salut ou une béné­dic­tion au peuple du Family Day, qui après tout est son peuple Catholique.
Je ne dis pas par­ler direc­te­ment, en per­sonne, comme il l’a fait aux centres sociaux, mais au moins écrire deux lignes de salu­ta­tion. Au moins pour ne pas lais­ser trans­pa­raître une éven­tuelle hos­ti­li­té de sa part, ce qui objec­ti­ve­ment serait embar­ras­sant et déplacé.

Mais rien à faire. Le 30 Janvier, l’Osservatore Romano est sor­ti sans une seule ligne sur la pre­mière page à pro­pos du Family Day. Le matin, Bergoglio a tenu l’au­dience jubi­laire sans la plus minime allu­sion à cet immense peuple chré­tien qui se ras­sem­blait au Circus Maximus.

Aucun mes­sage écrit de salu­ta­tions et, durant la mani­fes­ta­tion, aucun de ces coups de fil, qu’il passe habi­tuel­le­ment à son ami Scalfari et même à Pannella.

Mes amis et moi, nous nous sommes deman­dés : est-​il pos­sible qu’un pape ait une hos­ti­li­té telle envers les familles catho­liques – qui témoignent de la véri­té avec beau­coup de sacri­fices -, qu’il ne sache même pas com­ment la cacher ?

[Ce peuple] lui en vou­dra peut-​être, parce que l’Eglise ita­lienne – qu’il a trai­tée comme un chien pen­dant trois ans – témoigne une grande vita­li­té popu­laire que n’ont certes pas les églises qui appliquent ses théo­ries. Il sera en colère parce qu’un Family Day comme celui-​là pul­vé­rise le dis­cours de reproche à l’Eglise ita­lienne qu’il a pro­non­cé à Florence.

Mais est-​il pos­sible qu’il ne réus­sisse même pas à dis­si­mu­ler sa ran­coeur envers des enfants fidèles qui font sou­vent preuve de véri­table héroïsme dans la vie quo­ti­dienne et qui n’at­ten­draient de lui rien de plus que de la paternité ?

Est-​il pos­sible qu’il res­sente comme une gêne per­son­nelle un évé­ne­ment que Jean-​Paul II et Benoît XVI auraient cou­vert d’é­loges et de béné­dic­tions ? Comment peut-​on expli­quer un tel com­por­te­ment ? Pourquoi tant de froi­deur et d’hostilité ?

J’avoue que – bien qu’ayant beau­coup cri­ti­qué l’ac­tion de Bergoglio – je n’é­tais jamais allé jus­qu’à craindre qu’il pou­vait éprou­ver une telle hos­ti­li­té envers les catho­liques fidèles au Magistère de tou­jours de l’Église.

Je le dis avec dou­leur et inquié­tude. Mais cette sen­sa­tion pré­cise m’est venue quand j’ai enten­du un fait, jus­qu’i­ci incon­nu, qui mal­heu­reu­se­ment per­met de com­prendre beau­coup de choses.

Comme on le sait, chaque matin dans la basi­lique Saint-​Pierre, beau­coup de messes sont célé­brées et il y a de nom­breux groupes qui réservent à cet effet.

Donc il y a quelques jours, un groupe de per­sonnes qui devaient venir au Family Day avait réser­vé une messe à 7h same­di matin. Dans les règles, comme tou­jours. Mais au der­nier moment est arri­vée une com­mu­ni­ca­tion décon­cer­tante : toutes les messes étaient annu­lées. À la fin, à la demande insis­tante d’é­clair­cis­se­ments, il a été répon­du – ain­si qu’on me l’a rela­té – que pour ceux qui par­ti­ci­paient au Family Day, il n’é­tait pas jugé oppor­tun de célé­brer la messe …

Nous en sommes donc là. Je crois que tout com­men­taire est inutile. Ce serait cela, le Vatican d’au­jourd’­hui ? Où est la pater­ni­té ? Quel est donc est ce père catho­lique qui, pour punir ses enfants (cou­pables de vivre leur foi avec cou­rage et géné­ro­si­té) va jus­qu’à les pri­ver de messe ?

Comment est-​il pos­sible de consom­mer des ven­geances aus­si stu­pides et mes­quines ? Ce serait cela, le temps de la « miséricorde » ?

Il y a une chose urgente à faire : prier pour ceux qui, aujourd’­hui, doit être les pas­teurs du trou­peau, pour ceux qui seraient des « pasteurs ».

Prier aujourd’­hui plus que jamais. prier avec tout son cœur pour notre pauvre Eglise.

Antonio Socci

Sources : Corrispondenza Romana/Benoit-et-moi.fr/La Porte Latine du1er février 2016

Notes de bas de page
  1. Family Day, mani­fes­ta­tion pro­mue par le Comité « Difendiamo i nos­tri figli » (« Défendons nos enfants »).[]
  2. Traduction de Marie Perrin pour LPL. []
  3. Voir Milano, l’a­per­tu­ra del car­di­nale Scola : « Istituire una fes­ta isla­mi­ca in tutte le scuole » dans mila​no​.repub​bli​ca​.it et Une fête musul­mane à célé­brer dans les écoles mila­naises dans MCI.[]
  4. Massimo Gandolfini : neu­ro­chi­rur­gien ita­lien, porte-​parole de l’évènement.Président de l’as­so­cia­tion des méde­cins de Lombardie, Vice-​Président natio­nal de « Science et Vie ». []
  5. Le 28 octobre 2014, le Pape rece­vait les « mou­ve­ments popu­laires » au centre social Leoncavallo, en pré­sence de son ami le pré­sident boli­vien Evo Morales (celui qui lui a offert un cru­ci­fix en forme de fau­cille et mar­teau). []