Ouverture du synode sur la famille 2015 : premières escarmouches

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.

L’homélie d’ou­ver­ture du synode sur la famille 2015, pro­non­cée en la basi­lique Saint-​Pierre de Rome, dimanche, par le pape François, a été inter­pré­tée par un grand nombre comme la preuve de sa volon­té de ne pas chan­ger la doc­trine de l’Eglise. D’ailleurs, il ne le peut pas. Mais même le car­di­nal Kasper, qui veut ouvrir l’ac­cès à la com­mu­nion à cer­tains couples divor­cés « rema­riés », affirme avec les siens qu’il n’en­tend pas du tout chan­ger la doc­trine de l’Eglise sur l’in­dis­so­lu­bi­li­té du mariage ; mais seule­ment la pas­to­rale, au nom de la misé­ri­corde. Les dis­cus­sions du synode sont à peine enta­mées et l’on enre­gistre déjà les coups. Ce qui est clair – Dieu mer­ci – c’est que de nom­breux pré­lats pré­sents sur les 270 pères syno­daux au total semblent parés pour le combat.

Ce n’est pas man­quer de res­pect filial que d’a­na­ly­ser les mots du pape. François veut une Eglise « hôpi­tal de cam­pagne », ouverte à tous, ne fai­sant bar­rage à aucun (comme si l’Eglise fai­sait bar­rage aux péni­tents) : c’est un leit­mo­tiv de son pon­ti­fi­cat depuis le début. Lorsqu’il parle de misé­ri­corde, il l’op­pose sou­vent à la loi en ce sens qu’il raille et accuse les « doc­teurs de la loi » qui ne savent pas por­ter l’a­mour du Christ au monde.

Tout cela méri­te­rait d’être pré­ci­sé, mais les faits et gestes du pape parlent en ce sens, que ce soit dans l’ac­cueil sans « rap­pel à la loi » d’un couple d’ho­mo­sexuels à la non­cia­ture à Washington, celui d’un trans­sexuel et de son par­te­naire à Rome au début de l’an­née, ou ses louanges appuyés aux écrits du car­di­nal Kasper.

Le pape recadre le synode… dans le flou

C’est le pape encore qui a choi­si de main­te­nir à leurs postes aux com­mandes du synode le car­di­nal Baldisseri, kas­pé­rien, et Mgr Bruno Forte, qui avait été dési­gné l’an der­nier par le car­di­nal Erdö comme res­pon­sable de l’inclusion de para­graphes sur les homo­sexuels dans le scan­da­leux rap­port d’étape. C’est le pape qui en a exclu le cano­niste hors pair, le car­di­nal Burke, fai­sant au contraire sor­tir de sa retraite le car­di­nal Danneels, qui ne cache ni sa pré­fé­rence pour les thèses kas­pé­riennes ni son action pas­sée pour ten­ter d’éviter l’élection du car­di­nal Ratzinger dans le cadre de la petite « Mafia » des car­di­naux, le groupe de Saint-​Gall. Le sobri­quet est de lui.

Ceux qui ont été ras­su­rés par l’homélie du pape François ont consta­té qu’il a tenu à y glo­ri­fier le mariage indis­so­luble, et c’est en effet heu­reux. On reste un peu inter­dit cepen­dant devant cette affirmation :

« C’est seule­ment à la lumière de la folie de la gra­tui­té de l’amour pas­cal de Jésus que la folie de la gra­tui­té d’un amour conju­gal unique et jusqu’à la mort appa­raî­tra compréhensible. »

Cela semble nier le carac­tère natu­rel, et donc ration­nel de l’indissolubilité conju­gale qui est pour­tant ins­crite dans la loi don­née à tout homme et jusque dans la loi mosaïque. Bien sûr la connais­sance de l’amour du Christ pour son Eglise – jusqu’à don­ner sa Vie – fait mieux com­prendre le mys­tère. Mais pour le peuple hébreu, fon­dé sur des alliances, ce mys­tère était déjà une réalité.

Rien dans l’homélie du pape, citant ses pré­dé­ces­seurs, n’expose une quel­conque volon­té de contre­dire cette doc­trine et peut être lue de la manière la plus tra­di­tion­nelle qui soit : puisque l’Eglise a tou­jours cher­ché à annon­cer le salut à tous. C’est plu­tôt le ton qui laisse la porte ouverte aux tenants du chan­ge­ment, par exemple quand le pape dit :

« L’Église est appe­lée à vivre sa mis­sion dans la cha­ri­té qui ne pointe pas du doigt pour juger les autres, mais – fidèle à sa nature de mère – se sent le devoir de cher­cher et de soi­gner les couples bles­sés avec l’huile de l’accueil et de la misé­ri­corde ; d’être « hôpi­tal de cam­pagne » aux portes ouvertes pour accueillir qui­conque frappe pour deman­der aide et sou­tien ; de plus, de sor­tir de son propre enclos vers les autres avec un amour vrai, pour mar­cher avec l’humanité bles­sée, pour l’inclure et la conduire à la source de salut. »

Premières escarmouches dès l’ouverture du synode : les défenseurs de la doctrine ont ouvert le feu

Lundi, le car­di­nal Erdö, rap­por­teur géné­ral a livré un long dis­cours à l’ouverture du synode où il a mar­te­lé les véri­tés que l’Eglise ne peut lais­ser de côté : sa « rela­tion intro­duc­tive » a son­né comme une offen­sive. Il avait été pris de court l’an der­nier lors de la pré­sen­ta­tion du rap­port d’étape, cette fois il a par­lé des divor­cés « rema­riés » en rap­pe­lant la voie de retour à la pra­tique qui leur est tra­di­tion­nel­le­ment ouverte : la conver­sion, la conti­nence, et la com­mu­nion dans la mesure où elle ne pro­voque pas le « scan­dale ». En l’absence de cette conver­sion, pas de com­mu­nion, dont le refus « n’est pas un inter­dit arbi­traire mais un ensei­gne­ment intrinsèque ».

Pas de gra­dua­li­té de la loi non plus : « Même si cer­taines formes de vie com­mune com­portent en soi cer­tains aspects posi­tifs, cela ne veut pas dire qu’elles peuvent être pré­sen­tées comme un bien. »

En fait, ce sont tous les élé­ments dits « contro­ver­sés » qui sont détri­co­tés un à un dans ce texte qui vaut le détour.

Le même jour, le pape a pris soin lors de ses pro­pos intro­duc­tifs de dire que le synode n’est pas un « par­le­ment », ni un « sénat » ; mais un lieu où il faut lais­ser souf­fler l’Esprit, se lais­ser gui­der par Dieu « qui sur­prend tou­jours », ce « Dieu qui a créé la loi et le sab­bat pour l’homme et non l’inverse ». Il a par­lé de « l’humilité qui porte à ne pas mon­trer l’autre du doigt pour le juger, mais à lui tendre la main ». Vrai ? Vrai. Mais rete­nons une fois de plus la confu­sion qui objec­ti­ve­ment en résulte dans le contexte de ses pro­pos anté­rieurs et des oppo­si­tions séman­tiques qui ne sont pas le fait de la presse, mais d’un groupe bien déter­mi­né au sein même de l’Eglise.

Lors de la confé­rence de presse de lun­di, le pré­sident délé­gué du synode, le car­di­nal Vingt-​Trois, a décla­ré aux jour­na­listes : « Si vous vous atten­dez à un chan­ge­ment spec­ta­cu­laire de la doc­trine de l’Eglise, vous allez être déçus. »

« Les temps changent », dit Mgr Forte. Le synode de la famille 2015 doit-​il s’adapter ?

Mais dans la fou­lée, la contre-​offensive s’est mise en place. Mgr Forte a décla­ré : « Nous ne nous sommes pas réunis ici pour ne rien dire. » Evoquant de « nou­velles moda­li­tés d’approche parce que les situa­tions et les temps changent », il a ajou­té : « Des défis pas­to­raux, il y en a. »

Et la presse pro­gres­siste à balayé l’intervention du car­di­nal Erdö en disant qu’il aurait pu la faire il y a 30 ou 40 ans…

Le car­di­nal Reinhard Marx a lui aus­si tenu une confé­rence de presse, pour dire : « Comment peut-​on dire à celui qui vit un deuxième mariage : « Tu appar­tiens à l’Eglise mais tu vis de manière constante dans le péché ? »

Le deuxième jour, ce mar­di, s’est ouvert avec une homé­lie du pape à Sainte-​Marthe, repre­nant un de ses thèmes favo­ris, la misé­ri­corde, contre la « rigi­di­té ». C’est bien de misé­ri­corde que le monde a besoin, mais en pre­nant l’exemple de Jonas, « dur de cœur », qui n’a pas accep­té le par­don de Dieu à Ninive, comme l’a mon­tré François, on per­çoit tout de même une véri­té moins pré­sente aujourd’hui : Jonas avait tem­pê­té contre les hommes de Ninive en leur rap­pe­lant la loi de Dieu, et ils s’étaient convertis.

Surprise, le pape est inter­ve­nu une seconde fois devant le synode. Le P. Lombardi, porte-​parole du Vatican, a pré­ci­sé qu’il s’était « sen­ti le devoir d’intervenir pour dire que la nou­velle pro­cé­dure syno­dale avait été approu­vée par lui-même ».

On sait que la déci­sion de limi­ter le tra­vail à des dis­cus­sions en groupes par langues, avec des inter­ven­tions limi­tées à trois minutes, a sus­ci­té quelques graves cri­tiques. Le fait que le pape se dérange pour assu­mer ces chan­ge­ments semble indi­quer que la grogne est réelle, comme le sug­gère Matteo Matzuzzi d’Il Foglio.

Toutes les questions restent ouvertes : la riposte à Mgr Erdö

Quant à Erdö, il a été désa­voué par Mgr Celli pour qui « le pano­ra­ma est tota­le­ment ouvert quant aux divor­cés rema­riés » : « Si la dis­cus­sion était finie avec la rela­tion d’hier matin, que ferions-​nous ici ? » Le brie­fing des jour­na­listes a lais­sé l’impression d’une des­truc­tion sys­té­ma­tique des pro­pos d’Erdö…

Et pour que tout soit bien clair, le père jésuite Spadaro a décla­ré en fin de jour­née : « En par­lant de la famille, nous par­lons en réa­li­té de Gaudiem et Spes, c’est-à-dire des rap­ports entre l’Eglise et le monde. »

Dans l’esprit de cer­tains, là est bien l’objectif du synode.

Anne Dolhein

Sources : rein​for​ma​tion​.tv