À l’occasion de ce présent Synode, nous constatons aujourd’hui combien la famille est attaquée, non seulement par les gouvernements impies, mais aussi par ceux qui occupent les plus hautes fonctions dans l’Église. Aussi, après un nécessaire rappel de la doctrine catholique, nous tenterons d’apporter quelques explications au sujet des faits actuels. Notons enfin qu’il n’est pas question pour nous de tout dénigrer et de se complaire dans un morbide pessimisme. Il nous suffit simplement d’ouvrir les yeux et de regarder la réalité telle qu’elle est, sans lunettes qui la déformeraient… Et comme le désespoir n’est pas catholique, nous conclurons sur des exemples de familles vraiment catholiques.
1. Quelques rappels de la doctrine catholique
A. La loi naturelle
En observant ce qui nous entoure, nous constatons que toute la nature obéit à des lois d’ordre physique, biologique… Il en est de même pour l’homme que Dieu a créé et doté d’une nature raisonnable, de laquelle découle une loi qui oriente ses actes : la loi naturelle. Cette loi, résumée dans le Décalogue, oblige tous les hommes, catholiques ou non. De même qu’on ne peut changer sa nature, on ne peut pas non plus modifier la loi naturelle. Aussi, tous doivent s’efforcer de connaître ces principes d’ordre afin de les pratiquer, sous peine de péché et d’encourir un châtiment dont l’ampleur variera selon la gravité du péché.
B. Le mariage
La loi inscrite par Dieu dans notre nature s’applique particulièrement à la transmission de la vie, qu’elle protège par les lois du mariage. Car « Dieu a pourvu à l’accroissement du genre humain en instituant le mariage » [1]. Pourquoi le mariage ? « Pour s’en tenir à ce que Dieu a institué, et qu’enseignent la nature ainsi que le magistère de l’Église, parmi les fins du mariage, la fin première est uniquement la procréation et l’éducation des enfants… Quant aux autres fins objectives du mariage, même si elles découlent de sa nature, elles restent secondaires : par exemple, l’aide mutuelle que se portent les conjoints et le remède à la concupiscence » [2]. Si le mariage est avant tout pour les enfants, il jouira de certaines propriétés essentielles, indispensables au bien de la famille : « En restaurant ce qui était tombé en décadence, le Christ a établi que l’unité du mariage serait définitive, aussi bien pour les chrétiens que pour tout homme ; et qu’il jouit d’une indissolubilité telle qu’il ne peut jamais être rompu ni par la volonté des deux parties, ni par une autorité purement humaine. » [3] Ainsi il ne peut y avoir dans le mariage ni infidélité, ni divorce. Que l’on pense seulement aux enfants, premières victimes de ces graves dérèglements ! L’Église elle-même ne peut briser le lien matrimonial : on ne peut faire « annuler » son mariage… Il arrive parfois que, en certains cas rares et extrêmes, l’autorité ecclésiastique reconnaisse qu’il n’y a jamais eu mariage, en raison de la nullité des consentements (par exemple en cas de folie avérée de l’un des époux au moment du mariage). L’Église ne brise pas le lien : elle constate qu’il n’y en a jamais eu.
C. La famille
La famille est pour l’Église aussi sacrée que le mariage dont elle est issue. En effet, l’Église a toujours enseigné que « la famille est vraiment une société » [4], « le principe et le présupposé de toutes les autres sociétés » [5]. Car elle « est et restera jusqu’à la fin du monde le cadre de vie nécessaire à tout homme, en toute organisation de la société, et nul ne saura la détruire » [6]. Aussi, « selon l’ordre voulu par Dieu, la famille est constituée des parents et des enfants, et son unité résulte d’un mariage légitime, en l’absence duquel il ne saurait y avoir, aux yeux de Dieu et de l’Église, aucune famille légitime… Et donc les propriétés et les biens dont le mariage est doté, surtout l’unité, l’indissolubilité, la fidélité et la chasteté que se vouent les époux, ont été donnés par Dieu pour assurer la protection et le bien de toute la famille » [7].
D. La Miséricorde
Rappelons encore que cette loi et ces principes ne peuvent changer, car Dieu est immuable. Les enfreindre constitue un péché, véniel ou mortel, que nul ici-bas ne peut sous-estimer, car c’est à Dieu que l’offense est faite. Certes, la Miséricorde divine est infinie, mais il faut encore que le pécheur l’accepte, en regrettant son péché, et en ayant le ferme propos de ne plus le commettre. Si l’Église est la seule dispensatrice de la Miséricorde, elle est aussi la seule à prêcher la Vérité aux âmes égarées, pour les sortir de leur impasse et les ramener dans le droit chemin, en leur communiquant la grâce. C’est l’unique pastorale de la miséricorde que l’on puisse apporter aux âmes. Prenons une image : une maman qui verrait son enfant inconscient courir sur le parapet d’un pont, le laisserait-elle ainsi sous prétexte de charité ? Ne ferait-elle pas tout pour l’écarter du danger, avec douceur certes, mais aussi avec fermeté ? Ce que toute mère ferait pour le corps de son fils, la sainte Église le fait pour l’âme de ses enfants. Au contraire, une attitude de complicité avec le mal serait la pire des cruautés.
2. À la source du Synode : Vatican II
Il ne s’agit pas ici de charger bêtement ce funeste concile de tous les maux de l’humanité. Mais on ne lutte efficacement contre un mal qu’en s’attaquant à sa racine. En énumérant quelques nouveautés conciliaires, on ne s’étonnera plus que le Synode en soit le fruit.
A. L’anthropocentrisme [8]
La religion catholique oriente toute la création vers Dieu, et convertit l’homme déchu à son Créateur et Seigneur. Vatican II a opéré une révolution fondamentale, en affirmant que l’homme « est la seule créature sur terre que Dieu a voulu pour elle-même » [9], ou encore ceci : « Croyants et incroyants sont généralement d’accord sur ce point : tous les biens de la terre doivent être ordonnés à l’homme comme à son centre et à son sommet » [10]. Le pape Paul VI pourra affirmer dans l’homélie de clôturedu Concile : « La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu. Qu’est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver, mais cela n’a pas eu lieu… Nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme » [11]. On est passé de la religion théocentrique (centrée sur Dieu), à la religion anthropocentrique (centrée sur l’homme), ou du moins on a voulu concilier ces deux inconciliables.
À cette nouvelle conception, on peut rattacher plusieurs autres erreurs du Concile. Si l’homme usurpe ainsi la place de Dieu, sa conscience aura tendance à se placer au-dessus de la Loi divine… La liberté religieuse devient dès lors un droit imprescriptible de la nature humaine, et tout homme, du moment qu’il est sincère, aura « le droit de professer une autre religion ou de n’en professer aucune » [12], comme on a pu le voir à Assise avec Jean-Paul II en 1986 ou Benoît XVI en 2011 : la conscience de l’homme se dresse contre le premier commandement de Dieu.
Le mariage selon Vatican II ne comporte plus la nécessaire et naturelle hiérarchie des fins (d’abord les enfants, puis le secours mutuel, comme nous l’avons vu ci-dessus). Le Concile les met au même niveau, et le nouveau Code les inverse [13], tant il est vrai que l’homme conciliaire répugne à se soumettre à la loi naturelle. Il en résulte un trouble grave qui, depuis cinquante ans, oublie peu à peu les enfants pour ne penser qu’au bonheur des époux, égoïste et donc illusoire.
B. L’œcuménisme ecclésial
Pour le Concile [14], l’Église du Christ n’est pas l’Église catholique, mais elle « subsiste » dans l’Église catholique. Autrement dit, des éléments de sanctification et de salut (sacrements, Foi, Sainte Ecriture…) se trouvent aussi dans les autres religions [15], en même temps que dans l’Église du Christ. Cette erreur est à la base de l’œcuménisme. En effet, d’après Vatican II, si ces religions n’ont pas la plénitude des éléments de salut (seule l’Église catholique la possède), elles sont néanmoins bonnes et peuvent sauver dans la mesure où elles ont quelques-uns de ces éléments. Comme l’explique M. l’abbé de la Rocque [16], l’Église n’est plus considérée comme un tout entitatif, mais numérique. Comprendre cette différence se fait à l’aide d’un exemple. Un bras humain est certes un élément du corps humain. Si nous découvrons non seulement un bras mais aussi une jambe, nous possédons davantage d’éléments du corps humain. Mais la possession de ces seuls éléments, voire la reconstitution de tous les éléments du corps d’un homme, ne nous donne qu’un cadavre, qui ne sera jamais un homme vivant. Nous n’aurons qu’un tout numérique (tous les éléments du corps), nullement un tout entitatif (un homme réel, vivant). Et c’est ainsi que le Concile conçoit l’Église, et voit dans les autres religions des « degrés de communion », plus ou moins parfaite ou pleine… Ce principe sera appliqué au mariage, mais n’anticipons pas.
En résumé, nous pouvons constater que, si le péché n’a pas disparu du langage conciliaire, il a été vidé de sa signification : plutôt qu’une offense à Dieu parce qu’enfreignant sa Loi, il est une atteinte à la dignité de l’homme. Encore faut-il que l’homme n’ait pas été sincère avec lui-même en le commettant. Ce bouleversement doctrinal s’est évidemment opéré sous prétexte pastoral, au milieu d’un flou linguistique alliant propositions traditionnelles et avancées prétendument audacieuses à saveur hérétique. C’est toujours ainsi que procède la Révolution. Aussi, même si le venin ne paraît pas toujours présent à forte dose, cinq pour cent de poison suffisent à corrompre l’ensemble. Si l’on n’ose y croire, il suffit d’avoir l’honnêteté d’ouvrir les yeux sur les fruits de ce Concile, inexorablement appliqué depuis cinquante ans.
3. L’actuel Synode sur la famille [17]
Quelques rappels préliminaires ne seront sans doute pas superflus. Tout d’abord, un Synode ne peut édicter des conclusions ayant force de loi. Convoqué par le pape, il est un moyen pour ce dernier de prendre conseil auprès des évêques, avant de promulguer une exhortation qui seule fait autorité. Ce Synode se divise en deux sessions, dont l’une a eu lieu en octobre 2014, et la seconde, du 4 au 25 octobre 2015. L’exhortation du pape devrait paraître dans les mois à venir. Il est pourtant intéressant d’étudier l’attitude du pape tout au long de ces derniers mois. De plus, ce Synode n’est pas le premier. En 1980, le pape Jean-Paul II avait convoqué les évêques à Rome pour étudier ce sujet. Déjà, les textes d’étude laissaient songeurs, et l’Exhortation apostolique Familiaris consortio [18], tout en voulant éviter certains excès, était imbue des erreurs conciliaires. Enfin, il ne faudrait pas croire que le pape François, en convoquant ce Synode révolutionnaire, se mette en opposition avec ses proches prédécesseurs. Il n’est pas un théologien des erreurs conciliaires, car son action est plus pratique que théorique. Il applique à la morale les principes des papes conciliaires, qui n’avaient pas osé le faire jusqu’ici, ou du moins, pas à ce point.
A. L’avant Synode
Comme nous venons de le dire, il ne faut pas attendre le pontificat de François pour voir la doctrine de l’Église malmenée sur ce point. En 2012, sous le pontificat de Benoît XVI, un de ses proches, le Cardinal Ouellet, publie un livre [19] dans lequel il traite des divorcés « remariés », – en réalité des adultères. Après avoir énoncé que la deuxième union peut être la bonne même si la première est indissoluble, il émet le jugement suivant : « Même si elles ne peuvent pas recevoir les sacrements explicites, ces personnes peuvent retrouver la grâce de Dieu par le repentir de l’échec initial » [20].
Mais c’est surtout avec la convocation du Synode actuel que les progressistes vont avancer leurs positions. Elles porteront principalement sur deux points : les divorcés « remariés » (adultères) et les sodomites. Lors d’un discours au Consistoire en février 2014, le Cardinal Kasper a invoqué malhonnêtement la Tradition et a revendiqué un droit, pour les divorcés adultères, d’avoir « à leur disposition, après un temps de pénitence, non pas un second mariage, mais une planche de salut à travers la participation à la communion. » [21] Et pour rassurer ses pairs, il a invoqué le dernier concile qui « sans violer la tradition dogmatique contraignante, a ouvert des portes » [22]. La réaction du pape ne s’est pas faite attendre. Le lendemain, devant les pèlerins de la Place Saint- Pierre, il a remercié chaudement le Cardinal, louant sa « théologie profonde… sereine… l’amour pour notre Mère la sainte Église… cela s’appelle faire de la théologie à genoux » [23]. Le Cardinal Kasper sera nommé, de par la seule volonté du pape, membre du Synode.
À l’inverse, cinq cardinaux, voyant le danger, publient un livre, dont le titre [24] est repris de Familiaris consortio. Nous ne remettons pas en cause la bonne volonté et même le courage de ces cardinaux. Il est cependant regrettable de les voir s’agripper aux principes modernes et professer des propositions peu catholiques [25], conservatrices… du concile [26]. On n’éteint pas un incendie avec de l’essence, et pour eux aussi Bossuet aurait pu s’écrier : « Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? Quand on l’approuve et qu’on y souscrit »[27]. Espérons que le bon Dieu leur donnera la lumière qui leur permettrait d’aller plus loin et de remettre en cause leurs faux principes.
B. La première session (octobre 2014)
Elle fut mouvementée, et pour cause. Un couple australien, applaudi par plusieurs Pères, vint y prêcher le relativisme vis-à-vis du vice contre-nature [28]. On prôna l’accès à la communion pour les divorcés adultères, sous couvert d’une « pastorale de la miséricorde et non de la répression » [29]. Le grand absent fut le péché : « Il convient ici d’éviter les formules du type “état permanent de péché”, et d’expliquer que la non admission à la communion n’élimine pas automatiquement la grâce du Christ » [30]. Cela se passe de commentaire. Un rapport intermédiaire fut publié pendant cette session : la vie de péché des sodomites y était qualifiée de « soutien réciproque jusqu’au sacrifice (qui) constitue une aide précieuse pour la vie des partenaires » [31]. De plus, un principe pernicieux y fut invoqué, même s’il n’est pas nouveau, car on le trouvait présent au Synode de 1980. Il s’agit de la loi de gradualité [32]. On reconnaît que l’idéal à atteindre, c’est le mariage traditionnel. Cependant, il faut appliquer les principes de l’œcuménisme ecclésial de Vatican II : il s’agit maintenant de trouver des éléments de mariage (l’amour, une certaine fidélité, des enfants…) dans les autres unions qui ne sont pas un mariage. À partir du moment où ces unions peccamineuses possèdent l’un ou l’autre de ces éléments, elles ont déjà une certaine bonté et ne peuvent être condamnées… Voici ce que confiait, à la veille de cette session, le Cardinal Kasper au journaliste Tornielli du Vatican Insider, repris dans DICI : « La doctrine de l’Eglise n’est pas un système fermé : le concile Vatican II enseigne qu’il y a un développement dans le sens d’un possible approfondissement. Je me demande si un approfondissement similaire à ce qui s’est passé dans l’ecclésiologie est possible dans ce cas (des divorcés remariés civilement, ndlr) : bien que l’Eglise catholique soit la véritable Eglise du Christ, il y a des éléments d’ecclésialité aussi en dehors des frontières institutionnelles de l’Eglise catholique. Dans certains cas, ne pourrait-on pas reconnaître également dans un mariage civil des éléments du mariage sacramentel ? Par exemple, l’engagement définitif, l’amour et le soin mutuel, la vie chrétienne, l’engagement public qu’il n’y a pas dans les unions de fait (i.e. les unions libres, ndlr) ? » [33] À la lumière de ce principe, on comprend mieux l’éloge que nous venons de lire à propos du vice contre-nature.
Le rapport final de cette première session mitigea les propos scandaleux, tout en relativisant les deux péchés que nous avons évoqués. Les paragraphes pernicieux concernant ces situations furent votés par beaucoup de Pères, sans pourtant obtenir la majorité qualifiée des deux-tiers. Qu’à cela ne tienne ! Le pape les fit malgré tout publier : le débat devait rester ouvert…
C. Quelques réactions
Les cardinaux et évêques conservateurs tentèrent alors de s’organiser et de manifester publiquement leur opposition. N’a-t-on pas entendu le Cardinal Burke affirmer qu’il résisterait au pape ? [34] Mais n’oublions pas trop vite son attachement inconditionnel au Concile. Le Cardinal Sarah convoqua quant à lui une réunion au Ghana, en juin 2015, afin de préparer la défense du mariage. Il faut reconnaître la pertinence de certains de ses propos [35], même s’il est lui aussi imbu de théologie conciliaire. Cependant, se sentant soutenus à Rome, les progressistes n’ont pas eu peur de se dévoiler. Le Cardinal Marx, connu pour sa position révolutionnaire [36], président de la conférence des évêques allemands et conseiller du pape, affirmait publiquement en février dernier : « Nous ne sommes pas une filiale de Rome, et nous ne pouvons pas attendre qu’un Synode nous dise comment nous devons nous comporter ici sur le mariage et la pastorale de la famille » [37]. Des prélats se réunirent à lui et au Cardinal Kasper pour préparer en secret la deuxième session du Synode [38]. D’autres, comme Mgr Mogavero [39] manifestèrent publiquement leur accord pour que les États reconnaissent les unions des sodomites. On pourrait s’étonner du silence de Rome : où sont les condamnations, les démentis ? Que fait le pape ?
Que fait-il ? Il concélèbre avec un prêtre sodomite [40], avant de lui embrasser la main en s’inclinant devant lui [41]. Après tout, « si quelqu’un est gay… qui suis-je pour le juger ? » [42]. Il proclame un Jubilé de la Miséricorde pour fêter le cinquantenaire de la clôture de Vatican II. Et voilà comment il rapproche cet événement du Synode : « Peu avant le début de l’Année Jubilaire de la Miséricorde, l’Église célébrera le Synode Ordinaire consacré aux familles, pour faire mûrir un vrai discernement spirituel et trouver des solutions concrètes aux nombreuses difficultés et aux importants défis que la famille doit affronter de nos jours. Je vous invite à intensifier votre prière à cette intention, pour que même ce qui nous semble encore impur, nous scandalise ou nous effraie, Dieu – en le faisant passer par son heure – puisse le transformer en miracle »[43]. Il tient au Vatican un discours pour le moins flou sur les divorcés adultères [44], et il publie deux Motu Proprio, afin de faciliter les procès de nullité de mariage.
D. La seconde session (octobre 2015)
Dans son homélie d’ouverture, le pape rappela fermement la doctrine catholique sur l’indissolubilité du mariage. Sans juger de ses intentions, ne peut-on pas y voir un rappel rassurant de la doctrine, avant de l’écorcher allègrement par le biais de la pastorale ? L’expérience de la tactique de Vatican II, tout comme les faits que nous venons de rapporter, ne peuvent malheureusement pas nous rassurer à ce sujet. Mais laissons du temps au temps.
4. En guise de conclusion
Ce long et fastidieux énoncé des faits et dires du Synode ne peut nous laisser indifférents. Quelle que soit l’issue de cette assemblée, un scandale immense a déjà été produit : on a laissé croire que l’on pouvait librement débattre de la Loi de Dieu, tout en invoquant hypocritement Sa Miséricorde. De tels crimes ne peuvent demeurer impunis, et l’heure est plus que jamais à la prière et à la pénitence, non moins qu’à la formation doctrinale, afin de ne pas se laisser charmer par les sirènes du libéralisme et du modernisme. Il faut donc revenir aux principes catholiques – les seuls vrais -, et les mettre en pratique, de peur que ne se vérifie un jour l’adage : « À force de ne pas vivre comme on pense, on finit par penser comme on vit » [45]. Familles catholiques, vous êtes la couronne de l’Église ! Vos sacrifices sont sa gloire ! Portez haut et fier le flambeau intact de la Loi divine !
Le chrétien, s’il doit regarder la réalité sans l’enjoliver, ne peut cependant céder au désespoir. À chaque époque, le bon Dieu nous rappelle que sa loi est belle, qu’elle est aimable, et qu’il est enthousiasmant de l’accomplir. S’il y a eu cet interminable cortège de saints, c’est grâce aux familles catholiques et à leur modèle : la Sainte Famille. Sans la famille, point d’éducation, point de fondement naturel sur lequel la grâce trouvera à s’épanouir. Aujourd’hui comme hier, les familles sont l’avenir de la société, la gloire de l’Église à qui elles donnent de si nombreux enfants. Aussi, nous prendrons plaisir à citer en exemple deux familles vraiment chrétiennes et contemporaines : la famille Limac [46] et la famille Martin. L’une est restée dans l’obscurité et l’anonymat communs à la plupart des familles, l’autre est connue pour avoir donné la plus grande sainte des temps modernes. L’une a éprouvé la douleur de la séparation, l’autre a toujours goûté, au milieu des épreuves, la joie d’un foyer uni. Mais toutes deux ont ce point en commun : elles sont toujours restées fidèles à la loi de Dieu, grâce à une vie authentiquement chrétienne.
La première famille a été choisie en raison de l’épreuve de la séparation qu’elle connut. Jean et Marie Limac vécurent au début du siècle passé. Foyer uni et heureux, profondément catholique, béni par la venue de sept enfants, tout semblait leur sourire. Mais voilà qu’un certain soir, Jean ne revient pas. Il laisse sept enfants en bas âge aux soins de son épouse désemparée. Leur fils de quinze ans, rappelé de toute urgence de son pensionnat, apprend la nouvelle par les journaux qui se sont emparés de l’affaire… On y crie au suicide ou à l’accident, avant de salir par une mise en scène odieuse la réputation du foyer. Marie se bat de tous côtés. Ses amis, choqués, l’abandonnent. Elle ne peut se résoudre à accuser son mari, et veut voir en tout la Volonté de Dieu, si éprouvante soit-elle. Voici ce que, humblement, elle confiera plus tard : « La réflexion m’a amenée à comprendre que mon incertitude si douloureuse du fond des choses était une grâce. Si en effet, j’avais cru mon mari coupable, mon pauvre cœur eût été sans doute submergé par un ressentiment qui aurait stérilisé en moi toute force et toute paix. Je n’aurais sans doute pas eu le courage, la vertu de pardonner… Et si j’avais eu la certitude absolue que mon mari était une victime choisie par Dieu, mon orgueil se serait accru à un tel degré de toutes les calomnies et injustices subies, qu’il m’aurait précipité dans un abîme, perpétuant à jamais le mal au lieu de le compenser. »
Des conseillers peu scrupuleux veulent la contraindre à demander le divorce, rarissime à l’époque. La Justice la menace même, si elle s’obstine dans son refus, de couper ses revenus. Envers et contre tous, réduite parfois à la précarité, Marie tient, ne voulant point être objet de scandale. Elle s’efforce de maintenir dans l’âme de ses enfants une vénération intacte mêlée d’amour pour leur père, les encourageant à accomplir leurs efforts « pour quand Papa reviendra ». Mais il ne reviendra jamais, tombant dans l’oubli et laissant son épouse, fidèle jusqu’au bout, l’attendre pendant plus de quarante ans. Le secret de Marie ? Elle le livre d’autant plus volontiers qu’elle ne se sent pas meilleure que les autres : c’est la communion quotidienne, encouragée depuis peu par saint Pie X. Les fruits de sa fidélité ? Tous les enfants persévérèrent dans la Foi et la pratique religieuse, ainsi que dans l’amour et la vénération commune de leurs parents pourtant désunis. Sur sept enfants, trois mariages (qui donneront de belles lignées et de nombreuses vocations aux générations suivantes), une célibataire adonnée aux œuvres de charité, un Père chartreux, et deux morts précoces, l’une à la veille de son entrée au Carmel, l’autre au front si meurtrier de la Grande Guerre, où il édifia ses proches. Nous terminerons par un extrait de la lettre posthume de ce dernier à sa mère, magnifique témoignage de sa reconnaissance, qui, sans doute, ne peut être compris que par une âme profondément chrétienne : « De ma mort ne vous désolez pas, j’en ai fait le sacrifice à Dieu ; vous direz à Papa, que je suis mort en faisant mon devoir, et comme vous et lui avez l’âme haute, ce sera la meilleure des consolations…».
La famille Martin n’est sans doute plus à présenter en Normandie. Rappelons cependant que Louis et Zélie Martin, mariés le 13 juillet 1858, décidèrent de commencer leur union dans la chasteté parfaite. N’avaient-ils pas tous deux nourri auparavant le projet d’entrer en religion, lui chez les Chanoines du Grand- Saint-Bernard en Valais, et elle comme Soeur de la Charité à Alençon ? C’est dix mois après leur union que l’exhortation d’un confesseur leur fit voir l’importance et la beauté d’une famille chrétienne, et les fit changer d’avis. Après son essai de vie religieuse, Zélie avait ainsi prié : « Mon Dieu, puisque je ne suis pas digne d’être votre épouse, j’entrerai dans l’état du mariage pour accomplir votre volonté sainte. Alors, je vous en prie, donnez- moi beaucoup d’enfants, et qu’ils vous soient tous consacrés ». Sa prière allait être exaucée, au travers de l’épreuve. Neufenfants viendront bénir cette union, mais quatre iront rejoindre le Ciel en bas âge. Aucun garçon ne survivra, ce qui sera une grande épreuve pour les parents : ils auraient tant voulu donner un missionnaire à l’Église ! Des cinq filles qui restent, quatre entreront au Carmel de Lisieux, alors que Léonie, l’enfant difficile, manifestera son éminente vertu au monastère de la Visitation à Caen. Comment en est-on arrivé là ? Grâce à une éducation solide et équilibrée. Solide par sa piété : Louis et Zélie se levaient tous les matins à cinq heures, pour entendre la sainte Messe, et y communier plusieurs fois la semaine. Au foyer, tout était considéré sous le regard de l’éternité. On y observait rigoureusement les jeûnes et abstinences de l’Église, ainsi que le repos dominical. Solide par la piété, l’éducation l’était aussi par la vertu : l’on travaillait au foyer Martin (Louis était horloger ; Zélie, dentellière), et l’on vivait modestement, rejetant le superflu et le confort, pour préférer l’abandon à la Providence. L’amour du sacrifice était inculqué aux jeunes âmes par sa pratique fréquente et par l’exemple des parents. Une telle vie chrétienne ne pouvait manquer de rayonner. Sans ostentation ni respect humain, l’on brillait par le charme contagieux de la charité. Louis et Zélie aimaient à ramener à Dieu les pauvres qu’ils visitaient. Et c’est ainsi que cette éducation équilibrée respirait la joie et la bonne humeur, malgré les terribles épreuves : la mort des quatre petits, suivie de celle de Zélie, alors que Thérèse n’avait pas cinq ans, et enfin l’humiliante maladie de Louis. Cette famille ne fit rien d’extraordinaire, mais c’est une telle vie chrétienne qui produisit de si beaux fruits pour le Ciel : n’est-ce pas le but du mariage ? Louis et Zélie ont vécu de la grâce de leur mariage chrétien, et cela leur valut le plus bel éloge, sorti de la bouche de la petite Thérèse : « Le bon Dieu m’a donné des parents plus dignes du Ciel que de la terre ».
Abbé Raphaël d’Abbadie d’Arrast, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Source : Le Petit Eudiste d’octobre-novembre 2015
- Chasteté, Virginité, Mariage, Famille : Schémas préparatoires du Concile Vatican II, Publications du Courrier de Rome, 2015, p. 21. Cet ouvrage, traduit par M. l’abbé Gleize, a le grand avantage de mettre à notre portée une magistrale synthèse de l’enseignement des Papes avant Vatican II. À voir la clarté de ce texte, on comprend aisément qu’il a subi le même sort que les autres schémas préparatoires, et on ne peut que se réjouir de le voir aujourd’hui retiré de l’oubli où il avait injustement été relégué.[↩]
- Ibid. p. 27 et 28.[↩]
- Ibid. p. 25.[↩]
- Ibid. p. 46.[↩]
- Ibid. p. 47.[↩]
- Ibid. p. 47.[↩]
- Ibid. p. 46 et 47.[↩]
- Pour ce paragraphe, nous nous inspirons du Courrier de Rome n° 342 de mars 2011. On lira aussi avec profit le livre de M. François- Xavier Peron, Le Synode sur la famille, la Révolution du pape François, disponible aux éditions Civitas. Seul ouvrage vraiment catholique de langue française sur ce sujet, de lecture accessible à tous, il nous révèle d’intéressantes informations ainsi que des textes sublimes du Pape Pie XII.[↩]
- Gaudium et Spes, n° 24.[↩]
- Ibid. n°12. Mgr Tissier de Mallerais commentera : « Ce passage conciliaire est l’expression d’un anthropocentrisme qui frise le blasphème » (Fideliter n° 94, 1993, p. 7).[↩]
- Homélie de la messe de clôture du Concile Vatican II, prononcée par le Pape Paul VI le 7 décembre 1965.[↩]
- Benoît XVI, Message pour la Paix, 1er janvier 2011.[↩]
- Canon 1055 du Nouveau Code de Droit Canon, promulgué par le pape Jean-Paul II en 1983.[↩]
- Lumen Gentium, n°8.[↩]
- Unitatis Redintegratio, n°3.[↩]
- Le Chardonnet, n°302, novembre 2014. Cet article (que nous résumons ici) est repris dans le livre de M. François-Xavier Peron cité ci-dessus, p. 35–36. On pourra lire aussi sur ce sujet un article de M. l’abbé Gleize paru dans Nouvelles de Chrétienté, n° 149, p.14–15.[↩]
- Pour cette partie, nous nous inspirons largement du livre de M. François-Xavier Peron, Le Synode sur la famille, la Révolution du pape François, que nous avons évoqué ci-dessus.[↩]
- 22 novembre 1981.[↩]
- Cardinal Marc Ouellet, Actualité et avenir du Concile œcuménique Vatican II, 2012.[↩]
- Ibid. Repris dans le livre de M. François-Xavier Peron, Le Synode sur la famille, la Révolution du pape François, p. 16.[↩]
- Rapport introductif du cardinal Kasper, le 20 février 2014, cité in Le Synode sur la famille, la Révolution du pape François, p. 21.[↩]
- Ibid. p 23–24.[↩]
- Ibid. p 24.[↩]
- Demeurer dans la Vérité du Christ, Éditions Artège, 2014.[↩]
- Par exemple le Cardinal Müller, nommé par Benoît XVI préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, c’est-à-dire le gardien du dogme, alors qu’il avait tenu des propos allant à l’encontre de la virginité de Notre-Dame ou du dogme de la Transsubstantiation. Voir ces propos dans Le Synode sur la famille, la Révolution du pape François, p. 25–26.[↩]
- Cardinal Burke : « Toute mon éducation théologique au séminaire était basée sur les documents de Vatican II, et je m’efforce encore aujourd’hui d’étudier plus profondément ces documents. Je ne suis en rien contraire au Concile… ». Entretien cité in Le Synode sur la famille, la Révolution du pape François, p. 46.[↩]
- Histoire des variations des églises protestantes, au livre IV (œuvres complètes, éd. Vivès, p. 145).[↩]
- Le Synode sur la famille, la Révolution du pape François, p. 30.[↩]
- Ibid. p. 31.[↩]
- Ibid. p. 33.[↩]
- Ibid. p. 35.[↩]
- On pourra se reporter aux n° 172 et 174 du Combat de la Foi, ainsi qu’aux n° 3 et 4 et du Sel de la Terre.[↩]
- DICI n°301, p.3.[↩]
- Ibid. p. 45.[↩]
- Ibid. p. 59.[↩]
- Ibid. p. 62.[↩]
- Ibid. p. 62.[↩]
- Ibid. p. 51–52.[↩]
- Ibid. p. 65.[↩]
- Ibid. p. 55.[↩]
- Le 6 mai 2015. Ibid. p. 55.[↩]
- Ibid. p. 53. Conférence de presse du 28 juillet 2013.[↩]
- à. Homélie du 6 juillet 2015 à Guayaquil. Ibid. p. 56. M. l’abbé Bouchacourt avait peu avant prévu ce rapprochement, dans son appréciation de l’Année Jubilaire, datée du 23 juin : « Il est en outre à craindre que cette démarche, qui doit entrer en vigueur le 8 décembre prochain, à l’issue du prochain Synode annoncé pour l’automne, serve de caution aux décisions, qui auront été prises lors de cette assemblée. Si, ce qu’à Dieu ne plaise, celle-ci renie la morale et la discipline de l’Eglise sur plusieurs de ses points essentiels, en acceptant de donner la communion eucharistique aux divorcés remariés et en adoptant une vision plus positive à l’égard des couples homosexuels, il est clair que les catholiques auront une quatrième bonne raison de contester le bienfondé de la démarche annoncée par le pape François. Car alors, celle-ci apparaîtra comme la garantie d’un scandale public, auquel nul catholique ne saurait donner son approbation. ».[↩]
- Ibid. p. 57.[↩]
- Paul Bourget, Le démon de midi.[↩]
- Nom d’emprunt afin de garder l’anonymat.[↩]