Note de la rédaction de La Porte Latine : il est bien entendu que les commentaires repris dans la presse extérieure à la FSSPX ne sont en aucun cas une quelconque adhésion à ce qui y est écrit par ailleurs. |
Christopher A. Ferrara, qui collabore à The Remnant, décortique l’homélie que le Pape François a prononcée le 4 octobre 2015, lors de la messe d’ouverture du Synode sur la Famille
Lors de la Messe d’ouverture de la deuxième session du Synode Fatidique (« Synod of doom »), le Pape François a prononcé une homélie contenant de nombreuses belles paroles sur l’indissolubilité du mariage. Citant la lecture de l’Évangile du premier jour du Synode – une divine ironie s’il en est (1) – François a rappelé l’enseignement de Jésus qu”« À l’origine de la création, « Dieu les créa homme et femme ». À cause de cela l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair » (Marc 10, 6–8 ; en 1, 27 ; 2, 24).
François est allé jusqu’à réciter la divine admonition de Notre Seigneur aux Pharisiens :
« Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (Marc 10, 9), la décrivant comme « une exhortation aux croyants à dépasser toute forme d’individualisme et de légalisme, qui cache un égoïsme mesquin et une peur de rallier la signification authentique du couple et de la sexualité humaine selon le projet de Dieu. En effet, c’est seulement à la lumière de la folie de la gratuité de l’amour pascal de Jésus que la folie de la gratuité d’un amour conjugal unique et jusqu’à la mort apparaîtra compréhensible »
Mieux encore, François a déclaré :
« L’Église est appelée à vivre sa mission dans la vérité qui ne change pas selon les modes passagères et les opinions dominantes. La vérité qui protège l’homme et l’humanité des tentations de l’autoréférentialité et de la transformation de l’amour fécond en égoïsme stérile, l’union fidèle en liens passagers ».
C’est bien beau, vraiment magnifique. Toutefois, c’est triste à dire, après deux ans et demi de cet étrange pontificat, les observateurs avisés, en lisant ces belles paroles, n’avaient qu’une idée à l’esprit : arriver à la fin. Et bien sûr, à la fin de l’homélie, il y avait bien une collection de phrases révélatrices enfouies dans des paragraphes à teneur pieuse :
« Et l’Église est appelée à vivre sa mission dans la charité qui ne pointe pas du doigt pour juger les autres, mais – fidèle à sa nature de mère – se sent le devoir de chercher et de soigner les couples blessés avec l’huile de l’accueil et de la miséricorde… Une Église qui enseigne et défend les valeurs fondamentales, sans oublier que « le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat » (Mc 2, 27). Une Église qui éduque à l’amour authentique, capable de tirer de la solitude, sans oublier sa mission de bon samaritain de l’humanité blessée. Je me souviens de Saint Jean Paul II quand il disait : « L’erreur et le mal doivent toujours être condamnés et combattus ; mais l’homme qui tombe ou se trompe doit être compris et aimé […] Nous devons aimer notre temps et aider l’homme de notre temps »… Et l’Église doit rechercher ces personnes, les accueillir et les accompagner, parce qu’une Église aux portes closes se trahit elle-même et trahit sa mission, et au lieu d’être un pont devient une barrière »
Examinons les expressions-clé et ce qu’elles présagent pour le Synode Fatidique :
- « Et l’Église est appelée à vivre sa mission dans la charité qui ne pointe pas du doigt pour juger les autres.
L’Église « ne pointe pas du doigt pour juger les autres ». Suivant Notre Seigneur et les Apôtres elle a toujours condamné le péché et averti des conséquences éternelles du péché grave pour les impénitents. L’accusation est de la démagogie. Et nous savons où elle conduit.
- chercher et soigner les couples blessés… avec l’huile de l’accueil et de la miséricorde
Qui sont-ils ces « couples blessés » imaginaires que l’Église n’a pas cherchés pour leur administrer « l’huile de l’accueil et de la miséricorde » ? L’Église ne rejette pas les « couples blessés » ni ne s’abstient de manifester la miséricorde à ceux qui la cherchent en se repentant dans une sincère contrition. Les divorcés et « remariés » ont ainsi toujours pu recevoir « accueil et miséricorde » s’ils abandonnent leurs relations adultères. Mais cela n’est évidemment pas ce que François a en tête. Il veut que ces « couples blessées » reçoivent « l’accueil et la miséricorde » juste comme ils sont – ce qui détruirait pratiquement le dogme de l’indissolubilité du mariage exposé dans l’homélie même.
- Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat (Marc 2,27)
Le respect du sabbat est un précepte divin, et pas une question de loi naturelle divinement imprimée dans la nature humaine, comme l’est l’indissolubilité du mariage. L’intention est ici claire : assimiler l’hyper-légalisme des Pharisiens au sujet du précepte de l’observance du Sabbat avec l’enseignement et la doctrine bimillénaire de l’Église, enracinés dans les paroles du Christ, ce qui exclut l’admission des adultères publics à la Sainte Communion et à la Confession s’ils continuent d’entretenir des relations sexuelles adultères. Mettre sur le même plan l’enseignement et la doctrine de l’Église qui sauvegarde l’intégrité des sacrements du Mariage, de la Sainte Communion et de la Confession avec les absurdes violations du précepte du repos du Sabbat de la part des Pharisiens est, finalement, pharisien.
Et l’impudence de citer Jean-Paul II dans ce contexte est insupportable car c’est lui qui, dans Familiaris Consortio, a affirmé cet enseignement et cette discipline que François a sapés en paroles et en actes tout au long de son pontificat, y compris avec l’idée que les personnes vivant dans l’adultère devraient pouvoir être parrains, éducateurs en religion et lecteurs de la Sainte Écriture pendant la Messe. Au jour de l’ouverture du Synode, François en est toujours là.
- les accueillir et les accompagner
Accueillir et accompagner qui ? Qui est celui que l’Église a omis d’accueillir et d’accompagner ? S’agirait-il de gens divorcés et « remariés » qui voudraient recevoir la Sainte Communion, se confesser, être parrains et marraines, enseigner la religion et lire la Sainte Écriture pendant la Messe tout en entretenant des relations sexuelles adultères avec un deuxième ou même un troisième « époux » ? Si ce n’est pas eux, qui donc ? Qui ? C’est une question rhétorique. Je connais la réponse.
- Une Église qui éduque à l’amour authentique, capable de tirer de la solitude
L’Église, donc, n’aime pas vraiment si elle ne tire pas de la solitude. Et où sont tous ces gens solitaires ? Sans doute ces « couples blessées » qui vivent dans l’adultère, qui considèrent qu’ils ne peuvent pas être pleinement « intégrés » dans la vie paroissiale tout en poursuivant leurs relations sexuelles avec des personnes à qui ils ne sont pas mariés. Non ? De qui François parle-t-il alors ? Je suis ouvert aux suggestions. Je doute qu’il y en aura.
- aimer notre temps et aider l’homme de notre temps
Aimer notre temps ? Qu’est-ce que cela signifie ? Probablement ceci : accepter ces temps de corruption morale, y compris de divorce, contraception, avortement généralisé ainsi que d’homosexualisme militant, sans « pointer du doigt pour juger les autres ». Pour ce qui est d”«aider l’homme de notre temps », l’Église a toujours aidé l’homme sans faire de distinctions entre les époques. Pour l’Église il n’y a pas d’homme particulier de « notre temps » lorsqu’il est question du péché, du repentir et du rétablissement dans la grâce. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil en ce qui concerne le péché ou le remède au péché.
- Une Église aux portes closes… devient une barrière… »
Quelles « portes closes » ? Quelle « barrière » ? Pourquoi François n’explique-t-il jamais précisément ce qu’il entend par ces locutions évasives ? Nous connaissons évidemment la réponse : Il n’explique pas parce que ce qu’il entend là, c’est l’enseignement constant de l’Église, selon lequel les adultères publiques ne peuvent pas recevoir la Sainte Communion ou être validement absous de leurs péchés sans renoncer à l’adultère, d’où il s’ensuit que les personnes vivant en adultère ne peuvent pas être parrains et marraines ou enseigner la Foi aux enfants ou lire la Sainte Écriture aux fidèles sans un scandale total et la destruction dans la pratique de ce que l’Église maintient dans le principe.
Or, si ce n’est pas ce que François entend, quoi d’autre aurait-il à l’esprit lorsqu’il se réfère aux portes closes et aux barrages dans l’Église ? Je mets le lecteur au défi de trouver des réponses alternatives. Je garantis que la recherche donnera vite un résultat nul. Ne nous leurrons pas : une seule déduction raisonnable est possible.
En résumé, je suis d’accord avec un autre commentateur de cette homélie (2), qui s’avère être un confrère avocat. Comme tout bon avocat, il sait comment aller au cœur de la chose et il la dit de manière bien concise : In cauda venenum, « Le poison est dans la queue. La conclusion du discours est ce que François voulait dire »
De même, à la toute fin du Synode nous saurons ce que François veut dire du mariage et de la famille. Car après tout, le Synode Fatidique, avec son rapport final déjà écrit dans la substance, n’est qu’un appareil conçu pour présenter ce que François voudrait dire – comme si personne ne le savait pas déjà maintenant.
Christopher A. Ferrara
Sources : Fatima.org/Benoit-et-moi/Traduction par Anna