Lettre de Mgr Lefebvre à Mgr de Castro Mayer du 4 décembre 1990

Bien cher Monseigneur Antonio de Castro Mayer,

Des échos me par­viennent du Brésil au sujet de votre san­té, qui décline ! L’appel de Dieu serait-​il proche ? Rien que cette pen­sée me rem­plit d’une dou­leur pro­fonde. Dans quelle soli­tude vais-​je me trou­ver sans mon frère aîné dans l’é­pis­co­pat, sans le com­bat­tant exem­plaire pour l’hon­neur de Jésus-​Christ, sans l’a­mi fidèle et unique dans le désert effroyable de l’Église conciliaire ?

Mais d’autre part, reten­tissent à mes oreilles tous les chants de la litur­gie tra­di­tion­nelle de l’of­fice des Confesseurs Pontifes ! C’est l’ac­cueil céleste pour le bon et fidèle ser­vi­teur ! Si telle est la volon­té du Seigneur.

En ces cir­cons­tances, je suis plus que jamais à votre che­vet près de vous et mes prières ne cessent de mon­ter vers Dieu à votre inten­tion, vous confiant à Marie et Joseph.

Je vou­drais pro­fi­ter de cette occa­sion pour mettre par écrit, pour vous et pour vos chers prêtres, mon opi­nion, car ce n’est qu’une opi­nion, au sujet d’une consé­cra­tion épis­co­pale éven­tuelle pour vous suc­cé­der dans la trans­mis­sion de la foi catho­lique et dans la col­la­tion des sacre­ments réser­vés aux évêques.

Pourquoi envi­sa­ger une telle suc­ces­sion en dehors des normes cano­niques habituelles ?

1 – Parce que les prêtres et les fidèles ont un droit strict d’a­voir des pas­teurs qui pro­fessent dans son inté­gri­té la foi catho­lique, essen­tielle pour le salut de leurs âmes, et des prêtres qui sont de vrais pas­teurs catholiques.

2 – Parce que « l’Église conci­liaire » étant désor­mais répan­due uni­ver­sel­le­ment, dif­fuse des erreurs contraires à la foi catho­lique et, en rai­son de ces erreurs, a cor­rom­pu les sources de la grâce que sont le saint sacri­fice de la messe et les sacre­ments. Cette fausse Église est en rup­ture tou­jours plus pro­fonde avec l’Église catholique.

Il résulte de ces prin­cipes et de ces faits la néces­si­té abso­lue de conti­nuer l’é­pis­co­pat catho­lique pour conti­nuer l’Église catholique.

Le cas de la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X se pré­sente d’une manière dif­fé­rente du cas du dio­cèse de Campos.

Il me semble que le cas du dio­cèse de Campos est plus simple, plus clas­sique, car il s’a­git de la majo­ri­té des prêtres dio­cé­sains et des fidèles qui, avec le conseil de l’an­cien évêque, dési­gnent le suc­ces­seur et demandent à des évêques catho­liques de le consacrer.

C’est bien de cette manière que la suc­ces­sion des évêques s’est réa­li­sée pen­dant les pre­miers siècles, en union avec Rome, comme nous le sommes nous aus­si, en union avec la Rome catho­lique et non la Rome moderniste.

C’est pour­quoi, à mon sens, il ne faut pas lier le cas de Campos à la Fraternité. L’appel aux évêques de la Fraternité pour la consé­cra­tion éven­tuelle n’est pas fait en tant qu’é­vêques de la Fraternité, mais en tant qu’é­vêques catholiques.

Les cas doivent être bien sépa­rés. Ce n’est pas sans impor­tance pour l’o­pi­nion publique et pour la Rome actuelle. La Fraternité ne doit pas être en cause et remet toute la res­pon­sa­bi­li­té, légi­time d’ailleurs, aux prêtres et aux fidèles de Campos.

Pour que cette dis­tinc­tion soit bien claire, il serait bien pré­fé­rable que la céré­mo­nie ait lieu à Campos, au moins dans le dio­cèse. C’est le cler­gé et le peuple fidèle de Campos qui se donnent un suc­ces­seur des Apôtres, un évêque catho­lique et romain, puis­qu’ils ne peuvent plus en avoir par la Rome moderniste.

Voilà mon opi­nion, je pense qu’elle s’ap­puie sur les lois fon­da­men­tales du Droit ecclé­sias­tique et sur la Tradition.

Bien cher Monseigneur, je vous sou­mets bien sim­ple­ment mes pen­sées, mais c’est vous qui jugez et je m’en remets à votre jugement.

Daigne Dieu vous rendre une san­té assez robuste pour accom­plir cette consé­cra­tion épiscopale !

Croyez, bien cher Monseigneur, à ma pro­fonde et res­pec­tueuse ami­tié en Jésus et Marie.

† Marcel LEFEBVRE