Suppression des Limbes pour cause de « vision excessivement restrictive du salut »

Un docu­ment de 41 pages, inti­tu­lé Espérance du salut pour les enfants morts sans bap­tême, rédi­gé par la Commission théo­lo­gique inter­na­tio­nale et approu­vé par Benoît XVI le 19 jan­vier, déclare que les enfants morts sans bap­tême sont des­ti­nés au para­dis, fai­sant ain­si dis­pa­raître les limbes qua­li­fiés d”« hypo­thèse théo­lo­gique ». Car les limbes – dési­gnant un lieu où les enfants non bap­ti­sés vivraient pour l’é­ter­ni­té sans jouir de la vision béa­ti­fique – est consi­dé­ré par la Commission théo­lo­gique du pape comme le reflet d”« une vision trop res­tric­tive du salut ». Au contraire, affirme le docu­ment, Dieu est misé­ri­cor­dieux et « veut que tous les hommes soient sauvés ».

Ce texte a été publié le 20 avril par la revue amé­ri­caine Origins et de larges extraits ont été don­nés par l’agence des évêques amé­ri­cains, Catholic News Service (CNS), alors que la ver­sion inté­grale du texte en ita­lien, qui sera publiée par la Civiltà Cattolica, le bimen­suel de la Compagnie de Jésus, est atten­due pour le 5 mai.

La Commission théo­lo­gique inter­na­tio­nale a com­men­cé à se pen­cher sur la ques­tion des limbes en 1994. Cette com­mis­sion était alors diri­gée par le car­di­nal Joseph Ratzinger, qui avait déjà expri­mé son avis per­son­nel en 1984, en disant qu’il aurait « lais­sé tom­ber ce qui n’a tou­jours été qu’une hypo­thèse théo­lo­gique ». – Les docu­ments de la com­mis­sion ne relèvent pas du magis­tère mais sont cen­sés aider le Saint-​Siège à réflé­chir sur des ques­tions théo­lo­giques impor­tantes, sur les­quelles le pape peut, s’il le sou­haite, se pro­non­cer par la suite.

Le docu­ment du 19 avril reprend et déve­loppe ce que le Catéchisme de l’Eglise Catholique de 1992 décla­rait au n° 1261 :

« Quant aux enfants morts sans bap­tême, l’Eglise ne peut que les confier à la misé­ri­corde de Dieu, comme elle le fait dans le rite des funé­railles pour eux. En effet, la grande misé­ri­corde de Dieu qui veut que tous les hommes soient sau­vés et la ten­dresse de Jésus envers les enfants, qui lui a fait dire ‘Laissez les enfants venir à moi, ne les empê­chez pas’ (Mc 10, 14), nous per­mettent d’espérer qu’il y ait un che­min de salut pour les enfants morts sans baptême ».

Les membres de la Commission théo­lo­gique inter­na­tio­nale, pré­si­dée aujourd’hui par le car­di­nal William Levada, pré­fet de la Congrégation de la foi, affirment : « Notre conclu­sion est que les nom­breux fac­teurs que nous avons pris en consi­dé­ra­tion donnent des fon­de­ments théo­lo­giques et litur­giques sérieux pour espé­rer que les enfants non-​baptisés qui meurent seront sau­vés et béné­fi­cie­ront de la vision béa­ti­fique ». « Nous sou­li­gnons le fait que ce sont des rai­sons pour une pieuse espé­rance, plu­tôt que des motifs de connais­sance sûre », ajoutent-​ils en décla­rant qu’il faut « que soit clai­re­ment recon­nu le fait que l’Eglise n’a pas de connais­sance sûre sur le salut des enfants qui meurent sans être bap­ti­sés ». Mais « il y a des rai­sons d’espérer que Dieu sau­ve­ra ces petits-​enfants, pré­ci­sé­ment parce que ce n’était pas pos­sible de faire pour eux ce qui aurait été le plus dési­rable », c’est-à-dire « les bap­ti­ser dans la foi de l’Eglise et les incor­po­rer de façon visible au corps du Christ ».

Et d’ajouter que « les petits enfants ne mettent aucun obs­tacle per­son­nel sur le che­min du salut », c’est pour­quoi « Dieu donne la grâce du bap­tême sans que le sacre­ment soit don­né, et ce fait doit être par­ti­cu­liè­re­ment rap­pe­lé dans les cas où il serait impos­sible de confé­rer le bap­tême ». Le magis­tère de l’Eglise a évo­lué vers une « com­pré­hen­sion plus nuan­cée » de la façon dont la rela­tion avec l’Eglise peut être réa­li­sée, écrivent les membres de la com­mis­sion, sans renon­cer pour autant à l’idée que tout salut s’accomplit à tra­vers le Christ et son Eglise : « Il n’y a pas de salut qui ne soit pas du Christ et ecclé­sial par sa nature même ».

La Commission théo­lo­gique inter­na­tio­nale a esti­mé que le sujet deve­nait urgent au niveau pas­to­ral, dans la mesure où de plus en plus d’enfants ne sont plus bap­ti­sés dans la socié­té post-​moderne et où beau­coup sont vic­times d’avortement.

Le 24 avril, le chro­ni­queur reli­gieux du Monde, Henri Tincq, exprime sans ambages la satis­fac­tion des catho­liques pro­gres­sistes : « Que faire d’un si lourd héri­tage défen­du, du Moyen Age jusqu’au XXe siècle, par une Eglise mani­pu­la­trice, trop contente de faire peser la menace des limbes pour inci­ter les parents à faire bap­ti­ser au plus vite leurs enfants ? Sur ce point, sa réflexion théo­lo­gique est enfin pas­sée de l’intransigeance dog­ma­tique à la misé­ri­corde ». – Ce pas­sage de « l’intransigeance dog­ma­tique à la misé­ri­corde » est en fait le rejet des limbes, hâti­ve­ment qua­li­fiés d’ « hypo­thèse théo­lo­gique », et leur rem­pla­ce­ment par une « pieuse espé­rance » sans « motifs de connais­sance sûre ».

Il reste main­te­nant à la Commission théo­lo­gique inter­na­tio­nale le soin d’expliquer aux fidèles pour­quoi on ne doit pas tirer de son récent docu­ment les conclu­sions pra­tiques suivantes :

  • Les parents peuvent repous­ser indé­fi­ni­ment la date du bap­tême de leurs enfants. En cas de mort subite, le nour­ris­son est assu­ré de rece­voir la grâce du bap­tême sans que le sacre­ment lui soit conféré.
  • Les enfants vic­times d’avortement iront droit au para­dis et leurs parents n’ont pas à s’inquiéter du salut éter­nel de ces innocents.

Source : La Porte Latine