Protocole d’accord établi entre le cardinal Ratzinger et Mgr Lefebvre du 5 mai 1988

A la suite d’une réunion d’experts qui a eu lieu du 13 au 15 avril 1988 et qui avait abou­ti à un pro­to­cole d’ac­cord, Mgr Lefebvre a eu avec le car­di­nal Ratzinger les 3 et 4 mai, une nou­velle ren­contre au terme de laquelle a été mis au point le texte de l’ac­cord ci-​après, signé le 5 mai.

I. Texte de la déclaration doctrinale

Moi, Marcel Lefebvre, archevêque-​évêque émé­rite de Tulle, ain­si que les membres de la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X par moi fondée :

1. Nous pro­met­tons d’être tou­jours fidèles à l’Église catho­lique et au Pontife romain, son Pasteur suprême, Vicaire du Christ, suc­ces­seur du Bienheureux Pierre dans sa pri­mau­té et chef du Corps des évêques.

2. Nous décla­rons accep­ter la doc­trine conte­nue dans le numé­ro 25 de la Constitution dog­ma­tique Lumen Gentium du Concile Vatican II sur le Magistère ecclé­sias­tique et l’adhé­sion qui lui est due.

3. A pro­pos de cer­tains points ensei­gnés par le Concile Vatican II ou concer­nant les réformes pos­té­rieures de la litur­gie et du droit, et qui paraissent dif­fi­ci­le­ment conci­liables avec la Tradition, nous nous enga­geons à avoir une atti­tude posi­tive d’é­tude et de com­mu­ni­ca­tion avec le Siège apos­to­lique, en évi­tant toute polémique.

4. Nous décla­rons en outre recon­naître la vali­di­té du Sacrifice de la messe et des sacre­ments célé­brés avec l’in­ten­tion de faire ce que fait l’Église et selon les rites indi­qués dans les édi­tions typiques du mis­sel et des rituels des sacre­ments pro­mul­gués par les Papes Paul VI et Jean-​Paul II.

5. Enfin, nous pro­met­tons de res­pec­ter la dis­ci­pline com­mune de l’Église et les lois ecclé­sias­tiques, spé­cia­le­ment conte­nues dans le Code de droit cano­nique pro­mul­gué par le Pape Jean-​Paul II, res­tant sauve la dis­ci­pline spé­ciale concé­dée à la Fraternité par une loi
particulière.

II. Questions juridiques

Tenant compte du fait que la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X a été conçue depuis dix-​huit ans comme une socié­té de vie com­mune – et à par­tir de l’é­tude des pro­po­si­tions for­mu­lées par S. Exc. Mgr Lefebvre et des conclu­sions de la visite effec­tuée par son Eminence le car­di­nal Gagnon –, la figure cano­nique la mieux adap­tée est celle d’une Société de vie apostolique.

1. Société de vie apostolique

C’est une solu­tion cano­ni­que­ment pos­sible, avec l’a­van­tage d’in­sé­rer éven­tuel­le­ment dans la Société clé­ri­cale de vie apos­to­lique éga­le­ment des laïcs (par exemple des frères coadjuteurs) .

Selon le Code de droit cano­nique pro­mul­gué en 1983, canons 731–746, cette Société jouit d’une pleine auto­no­mie, peut for­mer ses membres, peut incar­di­ner les clercs, et assure la vie com­mune de ses membres.

Dans les sta­tuts propres, avec flexi­bi­li­té et pos­si­bi­li­té inven­tive par rap­port aux modèles connus de ces Sociétés de vie apos­to­lique, on pré­voit une cer­taine exemp­tion par rap­port aux évêques dio­cé­sains (cf. can. 591) pour ce qui concerne le culte public, la « cura ani­ma­rum » et les autres acti­vi­tés apos­to­liques, compte tenu des canons 679–683. Quant à la juri­dic­tion à l’é­gard des fidèles qui s’a­dressent aux prêtres de la Fraternité, elle sera confé­rée à ceux-​ci soit par les Ordinaires des lieux, soit par le Siège apostolique.

2. Commission romaine

Une Commission pour coor­don­ner les rap­ports avec les divers dicas­tères et les évêques dio­cé­sains, ain­si que pour résoudre les pro­blèmes éven­tuels et les conten­tieux, sera consti­tuée par les soins du Saint-​Siège, et pour­vue des facul­tés néces­saires pour trai­ter les ques­tions indi­quées ci-​dessus (par exemple l’im­plan­ta­tion à la demande des fidèles d’un lieu de culte là où il n’y a pas de mai­son de la Fraternité, « ad men­tem » can. 383, par. 2).

Cette Commission serait com­po­sée d’un pré­sident, d’un vice-​président et de cinq membres, dont deux de la Fraternité.

3. Conditions des per­sonnes liées à la Fraternité

3.1. Les membres de la Société clé­ri­cale de vie apos­to­lique (prêtres et frères coad­ju­teurs laïcs): ils sont régis par les sta­tuts de la Société de droit pontifical.

3.2. Les oblats et oblates, avec ou sans vœux pri­vés, et les membres du Tiers-​Ordre liés à la Fraternité : ils appar­tiennent à une asso­cia­tion de fidèles liés à la Fraternité aux termes du canon 303, et col­la­borent avec elle.

3.3. Les Soeurs (c’est-​à-​dire la Congrégation fon­dée par Mgr Lefebvre) qui font des vœux publics : elles consti­tue­ront un véri­table Institut de vie consa­crée avec sa struc­ture et son auto­no­mie propres, même si on peut pré­voir une cer­taine forme de lien pour l’u­ni­té de la spi­ri­tua­li­té avec le supé­rieur de la Fraternité. Cette Congrégation – au moins au début – dépen­drait de la Commission romaine, au lieu de la Congrégation pour les religieux.

3.4. Les membres des com­mu­nau­tés vivant selon la Règle de divers ins­ti­tuts reli­gieux (car­mé­lites, béné­dic­tins, domi­ni­cains, etc.) et qui sont liés mora­le­ment à la Fraternité : il convient de leur accor­der cas par cas un sta­tut par­ti­cu­lier réglant leurs rap­ports avec leur Ordre respectif.

3.5. Les prêtres qui, à titre indi­vi­duel, sont liés mora­le­ment à la Fraternité, rece­vront un sta­tut per­son­nel tenant compte de leurs aspi­ra­tions et en même temps des obli­ga­tions décou­lant de leur incar­di­na­tion. Les autres cas par­ti­cu­liers du même genre seront exa­mi­nés et réso­lus par la Commission romaine.

En ce qui concerne les laïcs qui demandent l’as­sis­tance pas­to­rale aux com­mu­nau­tés de la Fraternité : ils demeurent sou­mis à la juri­dic­tion de l’é­vêque dio­cé­sain, mais – en rai­son notam­ment des rites litur­giques des com­mu­nau­tés de la Fraternité – ils peuvent s’a­dres­ser à elles pour l’ad­mi­nis­tra­tion des sacre­ments (pour les sacre­ments de bap­tême, confir­ma­tion et mariage, demeurent néces­saires les noti­fi­ca­tions d’u­sage à leur propre paroisse ; cf. can. 878, 896, 1122).

Note : Il y a lieu de consi­dé­rer la com­plexi­té particulière :

1. De la ques­tion de la récep­tion par les laïcs des sacre­ments de bap­tême, confir­ma­tion, mariage, dans les com­mu­nau­tés de la Fraternité ;

2. De la ques­tion des com­mu­nau­tés pra­ti­quant – sans leur appar­te­nir – la Règle de tel ou tel Institut religieux.

Il appar­tien­dra à la Commission romaine de résoudre ces problèmes.

4. Ordinations

Pour les ordi­na­tions, il faut dis­tin­guer deux phases :

4.1. Dans l’im­mé­diat : pour les ordi­na­tions pré­vues à brève échéance, Mgr Lefebvre serait auto­ri­sé à les confé­rer ou, s’il ne le pou­vait, un autre évêque accep­té par lui.

4.2. Une fois éri­gée la Société de vie apostolique :

4.2.1. Autant que pos­sible, et au juge­ment du supé­rieur géné­ral, suivre la voie nor­male : remettre les lettres dimis­so­riales à un évêque qui accepte d’or­don­ner les membres de la Société.

4.2.2. En rai­son de la situa­tion par­ti­cu­lière de la Fraternité (cf. infra): ordi­na­tion d’un évêque de la Fraternité qui, entre autres tâches, aurait aus­si celle de pro­cé­der aux ordinations.

5. Problème de l’évêque

5.1. Au niveau doc­tri­nal (ecclé­sio­lo­gique), la garan­tie de sta­bi­li­té et le main­tien de la vie et de l’ac­ti­vi­té de la Fraternité est assu­rée par son érec­tion en Société de vie apos­to­lique de droit pon­ti­fi­cal et l’ap­pro­ba­tion des sta­tuts par le Saint-Père.

5.2. Mais, pour des rai­sons pra­tiques et psy­cho­lo­giques, appa­raît l’u­ti­li­té de la consé­cra­tion d’un évêque membre de la Fraternité. C’est pour­quoi, dans le cadre de la solu­tion doc­tri­nale et cano­nique de la récon­ci­lia­tion, nous sug­gé­rons au Saint-​Père de nom­mer un évêque choi­si dans la Fraternité, sur pré­sen­ta­tion de Mgr Lefebvre. En consé­quence du prin­cipe indi­qué ci-​dessus (5.1.), cet évêque n’est pas nor­ma­le­ment supé­rieur géné­ral de la Fraternité. Mais il paraît oppor­tun qu’il soit membre de la Commission romaine.

6. Problèmes par­ti­cu­liers (à résoudre par décret ou déclaration)

– Levée de la « sus­pen­sio a divi­nis » de Mgr Lefebvre et dis­pense des irré­gu­la­ri­tés encou­rues du fait des ordinations.

– Prévision d’une « amnis­tie » et d’un accord pour les mai­sons et les lieux de culte de la Fraternité éri­gés – ou uti­li­sés – jus­qu’à main­te­nant sans auto­ri­sa­tion des évêques.

Joseph card. RATZINGER 

† Marcel LEFEBVRE