La Salle de presse du Saint-Siège a publié, sous ce titre, le communiqué ci-après, le samedi 11 septembre [1] :
S. Exc. Mgr Marcel Lefebvre est venu hier à Castelgandolfo pour demander une audience au Saint-Père.
Il a été reçu ce matin à 10 h 30.
Sa Sainteté, après avoir fait remarquer que les problèmes évoqués ont été et sont toujours suivis par le Pape avec l’attention pastorale la plus vive et la plus constante, l’a invité, avec des expressions particulièrement et intensément paternelles, à réfléchir sur la situation si gravement préjudiciable pour l’Eglise créée par lui, ainsi que sur ses responsabilités personnelles à l’égard du groupe de fidèles qui le suivent, de la communauté ecclésiale tout entière, et devant Dieu.
Le 14 sept., le P. Panciroli, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, a lu les déclarations suivantes [2]:
A la demande qui m’a été faite par un journaliste je suis autorisé à répondre :
Il ne correspond pas à la vérité que Mgr Lefebvre ait signé un document de soumission avant d’être reçu en audience par le Saint-Père. Avant d’être reçu, il a apporté lui-même à Castelgandolfo une lettre brève dans laquelle il demandait une audience au Saint-Père en termes courtois qui permettaient d’espérer de sa part une soumission possible et toujours souhaitable.
A un autre journaliste, qui demande si l’abbé La Bellarte ou d’autres personnes ont effectivement préparé cette audience en accord avec le Saint-Siège, je suis autorisé à répondre :
Ni l’abbé La Bellarte ni d’autres n’ont été chargés d’une semblable mission. Il n’y a eu aucune entente préalable, ni directe ni indirecte. Mgr Lefebvre s’est présenté à l’improviste devant la résidence pontificale de Castelgandolfo et a demandé une audience par la lettre dont il a été question plus haut.
Le Saint-Père a décidé de le recevoir, avant tout parce que, bien que suspens « a divinis », c’était toujours un évêque qui se présentait personnellement à la maison du Père commun, dans des circonstances si particulières et ensuite parce que, comme nous l’avons dit précédemment, sa demande d’audience était formulée de telle manière qu’elle pouvait permettre au Pape d’espérer un repentir.
Je profite de cette occasion pour mettre en garde contre les informations qui, dans différents pays, brodent abusivement sur ce triste épisode.
L’Osservatore Romano du 18 septembre a publié cette autre réponse faite à un journaliste par le P. Panciroli, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège [3]:
Certains journalistes et la chaîne « Antenne 2 » de la Télévision française ont demandé à la Salle de presse si tout est exact dans ce qu’a affirmé Mgr Lefebvre au cours de la conférence de presse qu’il a tenue à Ecône le 15 septembre. Voici la réponse du directeur de la Salle de presse :
Il y a tant d’inexactitudes dans ces déclarations ; mais je préfère ne pas m’attarder à les énumérer ou à entrer dans les détails.
Je désire avant tout bien souligner que ce qui a déjà été communiqué par la Salle de presse est suffisamment clair. Toute affirmation sur chacun des aspects de la question est fondée sur des écrits, des paroles ou des attitudes rigoureusement vérifiés. Il suffit de comparer avec ce qui est affirmé par Mgr Lefebvre ou ses disciples pour voir tout de suite ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas.
Depuis quelque temps, il ne se passe pas de jour sans qu’il y ait une déclaration ou une interview de Mgr Lefebvre. Si l’on voulait rectifier ou préciser toutes les inexactitudes qu’elles contiennent, on finirait par répéter ce qui a déjà été dit et redit.
Nous citerons seulement un exemple de ces inexactitudes : dans cette conférence de presse, Mgr Lefebvre a dit que pendant son audience avec le Saint-Père il a appris qu’on l’accusait faussement d’exiger de ses séminaristes un serment contre le Pape. La veille, parlant sur la chaîne « Antenne 2 » de la Télévision française, il avait dit la même chose d’une façon encore plus circonstanciée, affirmant que le Saint-Père lui aurait dit : « Vous demandez à vos séminaristes un serment contre le Pape. » Selon l’ex-archevêque de Tulle, ce serait la preuve que le Pape est mal informé, et même monté contre lui par des calomnies, « sans doute pour l’empêcher de le recevoir ». Mgr Lefebvre aurait mis le Pape au défi de lui fournir le texte de ce serment.
Or, je puis donner l’assurance qu’au cours de l’audience pontificale il n’a jamais été question d’un serment contre le Pape que Mgr Lefebvre exigerait de ses séminaristes. La chose est nouvelle pour le Saint-Siège, qui n’en a entendu parler que de la bouche de Mgr Lefebvre dans l’interview en question et dans la conférence de presse du lendemain. On n’en avait jamais entendu parler avant, même à titre d’hypothèse.
Jamais le Pape n’a dit quelque chose de semblable ; jamais Mgr Lefebvre n’a demandé au Pape de lui présenter le texte du serment [4].
Quant à l’insinuation que cette « calomnie » du « serment » aurait été inventée pour empêcher le Pape de recevoir Mgr Lefebvre, il me semble que nous avons une preuve suffisante du contraire dans le fait que le Saint-Père a fait connaître par cinq fois à Mgr Lefebvre qu’il serait très heureux de le recevoir, en ne lui demandant au préalable qu’un geste de repentir ou du moins de bonne volonté :
1. On lit dans la lettre autographe du 29 juin 1975 : « Il (le Pape) attend avec impatience le jour où il aura le bonheur de vous ouvrir ses bras, pour manifester une communion retrouvée, lorsque vous aurez répondu aux exigences qu’il vient de formuler. Il confie à présent cette intention au Seigneur, qui ne rejette nulle prière. »
2. Dans sa rencontre avec Mgr Lefebvre, le 19 mars 1976, Mgr le Substitut lui a redit ces mêmes sentiments.
3. Dans le discours du 24 mai 1976 au Consistoire, le Saint-Père a dit : « Nous les attendons (Mgr Lefebvre et ses collaborateurs) le cœur grand ouvert, les bras prêts à les étreindre. »
4. Dans la lettre adressée le 9 juin 1976 par Mgr le Substitut au nonce, en Suisse, et que celui-ci a porté à la connaissance de Mgr Lefebvre, il était dit : « Il [le Pape] a dit et il redit aujourd’hui sa disponibilité à accueillir celui-ci (Mgr Lefebvre), dès qu’il aura donné un témoignage public de son obéissance au Successeur actuel de saint Pierre et de son acceptation du Concile Vatican Il. »
5. Le P. Dhanis a répété la même chose à Mgr Lefebvre lorsqu’il l’a rencontré le 27 juin 1976.
Et dans la réponse de la Salle de presse à une question, publiée dans l’Osservatore Romano du 28 août 1976, il était dit : « Les bras du Pape sont ouverts. »
Mgr LEFEBVRE a déclaré sur la 2e chaîne de la Télévision française, le 14 septembre : Un climat nouveau s’instaure, la glace est rompue… Ce fut une conversation, une première négociation, si l’on peut dire. Nous espérons le feu vert, être agréés comme toutes les expériences qui se font en ce moment… Le Pape m’a dit qu’il consulte les Congrégations sur cette éventualité. Paul VI a laissé entendre qu’il y aurait une suite à ce dialogue, mais pas avant deux mois. Après toutes les épreuves qui nous ont séparés, nous n’arriverons pas à une solution en quarante-huit heures… Pour nous, il n’est pas question de schisme, nous continuons l’Eglise… Dans la mesure où le Pape est toujours bien en union avec ceux qui l’ont précédé et nous transmet exactement la vérité de ses prédécesseurs, nous sommes parfaitement en union. Dès lors qu’on commence à entrer dans des nouveautés, il faut examiner si ces changements sont vraiment conformes à la Tradition. Nous ne sommes pas du tout allés à Canossa, mais c’est tout de même une reprise des conversations. (La Croix, 16 septembre.) Mgr Lefebvre a confirmé ces déclarations au cours d’une conférence de presse qui s’est tenue le lendemain â Ecône.
- Texte italien dans l’Osservatore Romano, du 12 septembre 1976, p. 2, Traduction de la DC. Nous lisons dans la Croix (14 septembre) : » Selon les informations dons nous disposons, le film des événements qui ont abouti à la visite de Mgr Lefebvre au Pape a été le suivant : le 31 août, Paul VI reçoit en audience Mgr Fagiolo, archevêque de Chieti, qui fut au Concile le bras droit du secrétaire général, Mgr Felici. Le Pape s’est montré très préoccupé de l’affaire Lefebvre… Mgr Fagiolo contacte l’abbé La Bellarte, prêtre du diocèse de Bari, qui dirige dans le village du Padre Pio, San Giovanni Rotondo, un Institut séculier féminin ayant des relations en France dans les milieux traditionalistes. Le 4 septembre, de Frasne (Doubs), l’abbé La Bellarte prend contact avec Michel de Saint Pierre. Il rencontre Mgr Lefebvre à Besançon le 6 et à Fanjeaux le 8 septembre, lui demandant avec insistance de venir à Rome, Le ton des déclarations de Mgr Lefebvre est plus conciliant. Le 9 septembre, Mgr Lefebvre vient en Italie, à Albano, où se trouve une communauté religieuse liée à Ecône. Le 10 septembre, à 13 heures, il se présente a Castelgandolfo, accompagné de l’abbé La Bellarte, pour demander une audience au Pape. Il remet à l’un des secrétaires de Paul VI une lettre dans laquelle il déclare : « Je n’ai jamais eu l’intention d’aller contre l’Eglise et encore moins d’offenser le Pape. Je regrette donc la souffrance que j’ai pu lui causer en conséquence de la position que j’ai” prise. » Paul VI, qui ignorait les démarches de l’abbé La Bellarte, devant le fait nouveau et inattendu que représente la présence à sa porte de Mgr Lefebvre, consulte ses collaborateurs et en premier lieu le cardinal Villot, secrétaire d’Etat. Le 11 septembre, peu après 10 heures, Mgr Lefebvre est reçu durant trente-cinq minutes par le Pape, accompagné de Mgr Benelli. L’accueil est fraternel. Mgr Lefebvre le déclarera à la sortie. Le Pape lui demande de rester couvert, le relève de sa génuflexion. Mais il est très ferme sur le fond… Dans les déclarations qu’il a faites aux journalistes, Mgr Lefebvre s’est montré frappé de l’accueil affectueux du Pape. Il a poursuivi : « C’est un premier pas, un premier contact en vue d’une reprise du dialogue. Peut-être a‑t-on compris que je ne suis pas seul. On s’est rendu compte que presque 52 % des catholiques français partagent mes points de vue. Peut-être a‑t-on redouté les conséquences désastreuses d’une fracture. » […] [↩]
- Texte italien dans l’Osservatore Romano du 15 septembre 1976. Traduction de la DC. [↩]
- Traduction de la DC d’après le texte italien. [↩]
- Mgr Lefebvre a confirmé la vérité de sa déclaration, disant qu’il était prêt à « faire un serment sur un crucifix ». Le 20 septembre, le P. Panciroli a maintenu la teneur de sa déclaration, ajoutant qu’elle avait été lue par le Pape avant d’être communiquée à la presse (la Croix, 22 septembre).[↩]