Un évêque défend la chrétienté indochinoise au milieu d’un XXe siècle en pleine crise.
En 1937 un séminariste d’une trentaine d’années, vocation tardive à la santé chancelante, est ordonné prêtre des Missions Étrangères de Paris. Les médecins recommandent pour lui un climat tempéré et sec, pourtant c’est à Hanoï, dans le delta du fleuve rouge au climat on ne peut plus chaud et humide, qu’est envoyé notre missionnaire. Il va s’y dépenser pendant près de quinze ans sans jamais tomber malade.
Tout de suite, il se distingue par son zèle, son esprit d’entreprise et sa capacité à s’adapter en apprenant la langue et en étant tout à tous. Il découvre là-bas une chrétienté en pleine croissance, à peine sortie de trois siècles de persécution et qui fait preuve d’une vitalité étonnante. En particulier son dévouement auprès des enfants les plus démunis lui vaut ce surnom de « Cha Kim », le Père d’Or.
En 1952, on l’arrache à ce Tonkin qu’il a tant aimé pour le nommer évêque de Kontum, une ville du sud-Vietnam dont il ne connaît absolument rien. À Kontum il y a tout à faire, la chrétienté est florissante mais les populations sont primitives. Il faut beaucoup bâtir : églises, écoles, hôpitaux… Mgr Seitz se donne totalement à ses peuples montagnards auxquels il restera attaché pour toujours. L’épreuve ne manque pas car c’est au milieu des bombardements de la guérilla, organisée par le Viet-minh, qu’il faut bâtir et souvent rebâtir. Mais l’évêque de Kontum ne se laisse pas impressionner et proclame que « risquer sa vie une fois par semaine ce n’est pas de l’héroïsme, c’est de l’hygiène mentale ». Nombre de ses prêtres trouvent la mort, victimes de la haine des communistes car « il n’y a aucun « truc » missionnaire autre que la stabilité, la fidélité, le partage jusqu’à la mort de la vie d’un peuple ». Dans cette situation, où tout est voué humainement à l’échec, il adopte la « folie de la croix » dont parle saint Paul, pour lui « la prudence est la mère de tous les vices ! ». Effectivement, si l’évêque a la joie de voir des prêtres et des chrétiens fervents prêts à donner leur sang, il a aussi la douleur de voir ce sang couler, les missionnaires faire défaut, et lui-même finalement chassé de ce pays Pour lequel il s’est donné complètement, déclaré coupable « des crimes d’impérialisme et de réactionnaire ».
De retour du Vietnam, Mgr Seitz publie, en 1977, Le temps des chiens Muets, ce qui lui vaut l’hostilité de l’épiscopat français au point que le pape, qui voulait le nommer délégué apostolique pour la diaspora vietnamienne, dut renoncer à son projet. Les « chiens muets », en effet, sont ceux qui ont refusé d’avertir, d’aboyer, pour pointer du doigt les crimes des communistes et le drame qui se jouait dans la chrétienté vietnamienne. Paul Seitz a connu toute la guerre du Vietnam dont il a été expulsé manu militari par les communistes. Alors, il témoigne « simplement parce que la vérité doit être dite » et, aux Vietnamiens communistes qui déforment la réalité aux yeux de l’opinion, il écrit : « Vous seriez en droit de me mépriser, sachant fort bien qui je suis, si je m’étais tu ». Mais l’Église conciliaire, qui n’avait pas voulu condamner le communisme, ne veut pas non plus de ce témoignage trop véridique. C’est dans ces circonstances que l’évêque missionnaire rencontre Mgr Lefebvre, lui aussi missionnaire, et ils tombent d’accord sur l’état déplorable de l’église de France. Hélas, comme beaucoup Mgr Seitz reproche à l’évêque de fer sa prétendue désobéissance. C’est que le premier n’a pas reçu la formation du second. Mgr Seitz est un évêque zélé et pieux, dont le progrès spirituel est d’ailleurs bien mis en lumière grâce à ses carnets personnels mais, contrairement à Mgr Lefebvre, il a fait son séminaire à Paris et a finalement peu étudié : n’ayant pas beaucoup de goût pour les livres, il n’a passé ni son bac ni même son brevet élémentaire mais, à 15 ans, il s’est orienté vers l’agriculture. C’est au séminaire qu’il va devoir rattraper le retard mais sa santé fragile interrompra souvent ses études. Ainsi il n’a pas vu la gravité des erreurs proclamées au concile Vatican II, buvant innocemment tout ce que disaient les théologiens les plus avancés. Mgr Lefebvre ne disait-il pas qu’il remerciait tous les jours d’avoir eu le Père le Floch au séminaire français de Rome pour leur enseigner l’antilibéralisme des papes des XIXe et XXe siècles ?
C’est donc une biographie passionnante qui met en lumière une chrétienté souvent méconnue et fait connaître une belle âme de missionnaire au milieu de ce XXe siècle en pleine crise.
Pour ceux qui n’auraient pas le temps ou l’appétit de s’attaquer à une biographie bien documentée de plus de 300 pages, le père Paul Carat des Missions Étrangères de Paris en a fait une plus courte, d’une centaine de pages, intitulée Mgr Paul Seitz : Missionnaire durant la guerre d’Indochine. D’un très bon esprit et très abordable, cette dernière peut très facilement être lue par les jeunes adolescents.
Abbé Louis Hannapier
Source : Le Saint-Vincent n°31