Éminence,
Dans votre dernière réponse, datant du 20 juillet 1983, vous envisagez la possibilité de changer les termes de la Déclaration proposée dans votre lettre du 23 décembre 1982 et éventuellement d’ajouter à la nouvelle déclaration des suggestions.
La réponse suivante correspond à cette proposition. Toutefois il me paraît indispensable de ne pas isoler la Déclaration des remarques qui la suivent, afin de la concrétiser et ainsi de comprendre notre attitude qui n’a rien d’une dissidence ou d’une rébellion, mais qui est le fait d’un attachement indéfectible au Magistère de l’Église, qui nous apparaît mis en échec par certains documents conciliaires. C’est d’ailleurs ce qui a provoqué la Lettre ouverte de Monseigneur Antonio de Castro Mayer et de moi-même du 21 novembre 1983.
Voici donc la Déclaration projetée :
« Nous avons toujours accepté et déclarons accepter les textes du Concile selon le critère de la Tradition c’est-à-dire selon le Magistère traditionnel de l’Église. Nous n’avons jamais affirmé et n’affirmons pas que le Nouvel Ordo Missæ, célébré selon le rite indiqué dans la publication romaine, est de soi invalide ou hérétique ».
Qu’on nous permette quelques remarques découlant de cette Déclaration ou l’explicitant :
1° – Estimant que la Déclaration sur la Liberté Religieuse est contraire au Magistère de l’Église, nous demandons une révision totale de ce texte.
Nous estimons également indispensables des révisions notables des documents comme : L’Église dans le monde, Les religions non chrétiennes, L’œcuménisme, et des clarifications dans de nombreux textes qui prêtent à confusion.
De même en plusieurs points de première importance le nouveau Code de Droit Canon est inacceptable par son opposition au Magistère définitif de l’Église.
2° – Estimant que la Réforme liturgique a été influencée par l’œcuménisme avec les Protestants, et de ce fait est un danger très grave pour la foi catholique, nous demandons que cette Réforme soit entièrement révisée et remette explicitement en honneur les dogmes catholiques, selon le modèle de la Messe de toujours.
3° – Devant les progrès immenses du communisme et du socialisme athées, destructeurs de toutes les valeurs humaines et chrétiennes, nous demandons avec instance que ces doctrines et ces entreprises diaboliques soient condamnées publiquement et que soient encouragés les États catholiques à reconnaître comme seule religion officielle la religion catholique avec toutes les conséquences salutaires de cette déclaration dans leur Constitution.
Et dans le but de mettre un terme à cet assaut infernal, ne conviendrait-il pas d’obtempérer au désir explicite de la Vierge Marie à Fatima, de consacrer nommément la Russie à son Cœur Immaculé ?
D’autre part, persuadés que nous rendons un service insigne à l’Église et au Successeur de Pierre, par le maintien de la Tradition doctrinale, pastorale, liturgique de l’Église, nous pensons que ce service serait encore plus efficace, s’il s’accomplissait dans les conditions suivantes :
1 – que nous soit rendue la reconnaissance officielle qui fut la nôtre de 1970 à 1975 et que la Fraternité soit reconnue de Droit Pontifical, étant donné son implantation dans de nombreux diocèses du monde.
2 – que par le fait même de la reconnaissance, il ne soit plus fait allusion aux sanctions.
3 – que l’usage des quatre livres liturgiques édités à nouveau par le Pape Jean XXIII nous soit reconnu.
4 – que pour me remplacer dans mes fonctions épiscopales dans la Fraternité et ses Œuvres, dispersées dans le monde, le Supérieur Général puisse proposer des ternæ pour la nomination de deux ou trois Évêques, dès à présent.
5 – que la Fraternité s’efforcera de répondre à l’appel des Évêques qui apprécient l’apostolat de ses membres.
Dans l’espoir que cette lettre sera considérée comme une nouvelle approche pour une heureuse solution, je vous prie, Éminence, d’agréer mes sentiments très respectueux et fraternels in Christo et Maria.
† Marcel LEFEBVRE, ancien Archevêque-Evéque de Tulle