Dans un discours prononcé au Centre d’enseignement chrétien-juif à l’université de Boston, le 6 novembre dernier, le cardinal Kasper reprit une partie des théories avancées par la Conférence épiscopale américaine dans son document Réflexions sur l’Alliance et la mission du 12 août 2002
Réflexions sur l’Alliance et la mission du 12 août 2002
Dans leurs relations avec les Juifs, les chrétiens ne peuvent pas cacher la dimension fortement missionnaire de leur foi, mais ils doivent aussi reconnaître que les Juifs n’ont pas besoin d’être convertis pour être sauvés, a déclaré le président de la Commission pontificale pour le dialogue inter-religieux, précisant que les chrétiens ont une approche missionnaire différente à l’égard des Juifs qu’à l’égard des autres religions non-chrétiennes. La raison en est que les chrétiens et les Juifs partagent une longue tradition biblique et religieuse, une croyance dans le même Dieu et la conviction que Dieu achèvera l’histoire humaine.
« L’universalité de la rédemption du Christ pour les Juifs et les Gentils est si fondamentale à travers tout le Nouveau Testament qu’elle ne peut pas être délibérément ignorée ou passée sous silence. Cela ne signifie pas que les Juifs doivent devenir chrétiens pour être sauvés ; s’ils suivent leur propre conscience et croient dans les promesses de Dieu comme ils les comprennent dans leur tradition religieuse, ils sont dans la ligne du plan de Dieu, qui pour nous atteint son achèvement historique en Jésus-Christ ».
Le cardinal Kasper a affirmé qu’il voulait « prendre le taureau par les cornes » et discuter sur le point sensible de la mission, parce que le dialogue entre chrétiens et Juifs doit envisager honnêtement les questions les plus ardues. Le sujet de la mission évoque des souvenirs amers parmi les Juifs à cause des conversions forcées dans le passé. « Nous rejetons et regrettons cela sincèrement aujourd’hui », a‑t-il dit.
Le fait de remplacer le mot « mission » qui est chargé d’histoire par un autre terme tel que « évangélisation » ou « témoignage » pourrait être une aide au dialogue entre Juifs et chrétiens, mais ne suffirait pas en soi à résoudre le problème qui touche à l’identité même des deux religions. Chrétiens et Juifs partagent la Bible de l’ancien Testament, ils ont en commun les personnages Abraham, Moïse, les patriarches et les prophètes, l’alliance et les promesses d’un Dieu unique, et une espérance messianique.
A cause de tout cela, « la mission comprise comme un appel à la conversion de l’idolâtrie au Dieu vivant et vrai ne s’applique pas, et ne peut pas s’appliquer aux Juifs ».
Conséquence : il n’y a pas « d’activité missionnaire envers les Juifs comme il y en a à l’égard des autres religions non-chrétiennes ».
Tandis que les chrétiens ne peuvent pas « rester silencieux au sujet de notre espérance en Jésus », il n’est pas question de prendre pour cible de conversion les Juifs ou les autres. Pour les chrétiens modernes, l’évangélisation est accomplie premièrement en vivant de la foi et en « portant témoignage à Jésus-Christ devant tous et partout ».
En fin de compte la question de la mission sera résolue dans le contexte de la théologie chrétienne sur le judaïsme. L’Eglise n’en est qu’au début de ce processus qui a, dit-il, commencé avec le concile de Vatican II.
« La longue période de théologie anti-judaïque, ne peut pas être dépassée en 40 ans seulement ».
Commentaire
- Le cardinal Kasper joue sur les termes, restreignant le sens de « mission » à « appel à la conversion de l’idolâtrie au vrai Dieu ». Juifs ou païens, tous doivent se convertir à Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai et unique Sauveur, « car il n’y pas d’autre nom qui nous ait été donné sous le ciel par lequel nous puissions être sauvés » (Actes 4,7)
- Le cardinal met le principe de non-contradiction à rude épreuve, affirmant d’une part que « l’universalité de la rédemption du Christ pour les Juifs et les Gentils est si fondamentale à travers tout le Nouveau Testament qu’elle ne peut pas être délibérément ignorée ou passée sous silence », et dans la foulée il met en exergue une application pratique qui nie ce principe : « Cela ne signifie pas que les Juifs doivent devenir chrétiens pour être sauvés ; s’ils suivent leur propre conscience et croient dans les promesses de Dieu comme ils les comprennent dans leur tradition religieuse, ils sont dans la ligne du plan de Dieu. » Les deux phrases sont, en saine logique, inconciliables.
De plus, faut-il le rappeler, c’est un dogme qu’aucun homme ne peut se sauver hors de l’Eglise. Ainsi tous sont appelés à entrer dans l’arche du salut, et affirmer qu’il n’est pas nécessaire aux Juifs de devenir chrétien pour être sauvés, est une hérésie. L’appel à la conscience ne suffit pas à dédouaner cette affirmation, car cela suppose l’ignorance invincible que l’on ne peut présupposer gratuitement pour tous. Enfin la ligne du plan de Dieu ne passe d’aucune manière par la tradition juive actuelle, elle y est tout au contraire opposée.
- Ce discours prononcé à Boston est plus qu’un clin d’œil fait à la Conférence épiscopale américaine. Le cardinal entérine la théorie gravement offensante pour la foi, avancée dans le document du 12 août dernier : « Une appréciation plus approfondie de l’Alliance éternelle entre Dieu et le peuple juif, ainsi qu’une reconnaissance d’une mission divinement donnée aux Juifs de témoigner de l’amour fidèle de Dieu, ont conduit à la conclusion que des campagnes qui viseraient à vouloir convertir les Juifs au christianisme ne sont plus acceptables théologiquement dans l’Eglise catholique. »
Source : MG/FSSPX