Le 25 août 2015 Il Tempo annonçait que la municipalité de Rome et et le Saint Siège avaient donné leur accord pour qu’une place de la capitale italienne porte le nom de Martin Luther.
Le 15 novembre suivant le pape François s’était rendu au temple évangélique de Rome où il a déclaré que malgré les différences doctrinales entre luthériens et catholiques, l’heure de la « diversité réconciliée » était arrivée.
Il avait été précédé dans cette même démarche interreligieuse par ses deux prédécesseurs [1] : Jean-Paul II le 11 décembre 1983 à l’occasion du 500e anniversaire de la naissance de Luther et Benoît XVI le 14 mars 2010 pour commémorer le 10e anniversaire de la Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification [2] signée par les représentants de l’Église catholique et ceux de la Fédération luthérienne mondiale, le 31 octobre 1999, à Augsbourg.
Le 2 décembre 2015, à la suite de la confusion créée par le pape François qui a refusé, lors d’une visite à la paroisse luthérienne de Rome, de dire à l’épouse luthérienne d’un catholique qu’elle ne pouvait pas communier avec lui à la messe, le cardinal Sarah et Mgr Athanasius Schneider rappelaient que :
« l’intercommunion n’est pas permise entre catholiques et non-catholiques. Il faut confesser la foi catholique. Un non-catholique ne peut pas recevoir la communion. Cela est très, très clair. Il ne s’agit pas de suivre votre conscience. »
Et concernant les propos du pape à la femme luthérienne, Mgr Schneider a souligné qu’il est important de ne pas exagérer l’infaillibilité pontificale. Dans ses prises de position et expressions habituelles, le Pape n’a pas l’intention d’« obliger » les fidèles à croire ce qu’il exprime, ou à le leur « imposer ».
C’est dans ce contexte que l’on a appris le 16 janvier 2016, par Rorate Coeli, que la Fédération luthérienne mondiale et le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens lançaient un service de « Prière commune » louant Martin Luther et la Réforme :
« Et on reçoit maintenant la nouvelle que la Fédération luthérienne mondiale et le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens mené par le cardinal Kurt Koch ont approuvé un « ordre liturgique » destiné à faciliter la prière commune entre catholiques et luthériens en préparation des 500 ans de la Réforme protestante qui seront célébrés l’an prochain. Ce service liturgique est basé sur le document « Du Conflit à la communion », publié conjointement par les deux corps en 2013 comme un schéma pour une « commémoration commune » de la Réforme en 2017. »
Voici le communiqué [3] du officiel de la Fédération luthérienne mondiale :
Communiqué : Une « Prière commune » catholique-luthérienne pour les 500 ans de la Réforme
À GENÈVE/AU VATICAN, le 11 janvier 2016 – La Fédération luthérienne mondiale (FLM) et le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens (CPUC) ont invité les Églises luthériennes et les Conférences des évêques catholiques partout dans le monde à se servir d’une Prière Commune conjointement développée pour préparer les commémorations des 500 ans de la Réforme en 2017. En une lettre co-signée aujourd’hui et adressée aux Conférences des évêques catholiques et aux évêques, présidents et autres chefs membres de la FLM, le secrétaire général du FLM, le Révérend Dr. Martin Junge et le président de la CPUC, le cardinal Kurt Koch introduisent la Prière Commune pour la commémoration commune catholique-luthérienne de la Réforme en 2017. Ce document est le premier ordre liturgique préparé conjointement par une équipe de la Commission luthérienne et catholique pour l’unité, commission de la FLM et de la CPUC. Il est basé sur une étude récente : « Du conflit à la communion : Une commémoration commune luthérienne-catholique de la Réforme en 2017″, et appelle les communautés catholiques et luthériennes à la prière commune pour cette commémoration. La Prière Commune comporte un matériel qui peut être adapté aux traditions liturgiques et musicales locales des églises des deux traditions chrétiennes. « Cette prière commune marque un moment très important dans notre voyage commun du conflit à la communion. Nous sommes reconnaissants de pouvoir vous inviter à participer à ce voyage en témoignage de la grâce de Dieu dans le monde, » écrivent Junge et Koch aux chefs des Églises luthériennes et catholiques. Les deux autorités expriment leur reconnaissance pour les nombreuses initiatives communes et l’engagement des catholiques et des luthériens pour étudier ensemble le document « Du conflit à la communion », dans lequel les deux églises décrivent ensemble pour la première fois l’histoire de la Réforme du XVIe siècle et ses intentions. Ce rapport développé par la Commission luthérienne-catholique romaine pour l’unité en 2013 a été distribué aux communautés catholiques et luthériennes. Il est disponible dans les quatre langues officielles de la FLM – anglais, français, allemand et espagnol – et a été traduit dans plusieurs autres langues nationales et régionales. La Prière Commune est un guide pratique à un acte de culte pour une commémoration commune catholique-luthérienne des 500 ans de la Réforme. Ses thèmes sont la gratitude, la repentance et l’engagement au témoignage commun. Son but est d’exprimer les bienfaits de la Réforme et de demander pardon pour la division perpétuée par les chrétiens des deux traditions. « Il propose de regarder en arrière avec gratitude et confession et de regarder en avant en s’engageant au témoignage commun et à poursuivre le chemin, » affirme la préface de la Prière Commune. Il suggère des façons dont les catholiques et les luthériens devraient présider et lire ensemble à un service de prière commune. Il offre des exemples d’hymnes et de chants d’une variété de contextes multiculturels, ainsi que des lectures bibliques et confessionnelles qui reflètent la joie mutuelle et la repentance, et le désir de servir et témoigner ensemble au monde. Dans leur lettre commune, Junge et Koch rappelle aux chefs des Églises que l’an 2017 marque aussi les 50 ans du dialogue œcuménique mondial entre les catholiques et les luthériens, qui comporte d’autres études et documents majeurs. Pour la FLM, l’an 2017 coïncide avec sa douzième assemblée qui aura lieu à Windhoek, en Namibie, sous le thème « Libéré par la grâce de Dieu ». En octobre de cette année 2017, la FLM et la CPUC organiseront une Commémoration Œcuménique commune à Lund, en Suède, où la FLM a été fondée en 1947. |
La prière qui ouvre le service demande au Seigneur de :
« nous aider à nous réjouir dans les dons qui sont parvenus à l’Église par la Réforme, nous préparer à nous repentir pour les murs séparateurs que nous, et nos pères, avons construits, et nous équiper pour le témoignage commun et le service dans le monde. »
Une autre prière dit :
Merci à toi, O Dieu pour toutes les connaissances théologiques et spirituelles que nous avons tous reçues par la Réforme. Grâce à toi pour les bonnes transformations et réformes qui ont été déclenchées par la Réforme ou par la lutte avec ses défis. Grâce à toi pour la proclamation de l’Évangile qui eut lieu pendant la Réforme et qui depuis a fortifié des personnes sans nombre à vivre des vies de foi en Jésus Christ.
Une des lectures dans la partie « Action de grâces » du service commence ainsi :
« Les luthériens sont reconnaissants dans leurs cœurs pour ce que Luther et les autres réformateurs leur ont rendu accessible : la compréhension de l’évangile de Jésus-Christ et la foi en Lui ; la connaissance du mystère du Dieu trinitaire qui se donne à nous, êtres humains en disgrâc,e et qui ne peut être reçu qu’avec une confiance absolue en la promesse divine ; la liberté et la certitude que crée l’évangile ; dans l’amour qui vient de la foi et est éveillé par elle, et dans l’espérance dans la vie et dans la mort que la foi apporte ; et dans le contact vivant avec l’Écriture Sainte, les catéchismes et les hymnes qui amènent la foi dans la vie. »
Une autre lecture se termine par :
« Le voyage œcuménique permet aux luthériens et aux catholiques d’apprécier ensemble l’intuition de Martin Luther et son expérience spirituelle de l’évangile de la rectitude de Dieu, qui est aussi la miséricorde de Dieu. »
Cet « ordre liturgique » se caractérise par la prédominance de matériel protestant, et la louange systématique de la Réforme, sans que rien soit dit – ou tiré – des éléments de l’histoire, de la théologie et de l’héritage catholiques. La Réforme et Martin Luther sont sans cesse glorifiés, et la Contre-réforme et les papes et les saints du XVIe siècle sont passés sous silence.
Tout l’accent de ce service est sur ce qui est censé unir les catholiques et les luthériens, alors que les doctrines qui nous « divisent » – doctrines pour lesquelles d’innombrable martyrs et confesseurs catholiques ont souffert et lutté, ont versé leur sang et donné leur vie – sont laissées de côté et abandonnées.
Quant à nous, en cette octave de prière pour le retour des chrétiens séparés de l’unité romaine (saint Pie X, 1909), nous en restons aux affirmations de Mgr Bernard Fellay, Supérieur Général de la Fraternité Saint-Pie X, qui exprime avec force sa réprobation sur ces visites interreligieuses :
« Et que penser du pape qui, comme ses prédécesseurs, se rend dans un temple luthérien ? Lorsqu’on voit comment se prépare le cinq-centième anniversaire de la Réforme protestante, en 2017, comment la figure de Luther est désormais saluée, lui qui fut l’un des plus grands hérésiarques et schismatiques de l’histoire, férocement opposé à l’Eglise catholique et romaine, il y a de quoi s’y perdre ! Vraiment, Mgr Lefebvre voyait juste lorsqu’il affirmait que « la seule attitude de fidélité à l’Eglise et à la doctrine catholique, pour notre salut, est le refus catégorique d’acceptation de la Réforme », parce qu’entre la réforme entreprise par Vatican II et celle de Luther, il y a plus d’un point commun. Et, à sa suite, nous redisons que « sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment nous poursuivons notre œuvre de formation sacerdotale sous l’étoile du magistère de toujours, persuadés que nous ne pouvons rendre un service plus grand à la Sainte Eglise catholique, au Souverain Pontife et aux générations futures [4] « .
Il nous est donc impossible de consommer les fruits empoisonnés de ce Concile Vatican II que Rome nous appelle à fêter pour son cinquantième anniversaire lors du jubilé extraordinaire de la miséricorde en entretenant une confusion des plus nocives que dénonce M. l’abbé Jean-Michel Gleize, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, Professeur au séminaire Saint-Pie X d’Ecône :
« Nous récusons tout ce qui, à travers l’initiative de ce Jubilé décidément extraordinaire, peut faire référence au poison mortel du libéralisme, introduit dans la sainte Eglise par le dernier Concile, depuis cinquante ans. Et nous adhérons de tout cœur à la vraie doctrine traditionnelle, nous professons l’exacte notion de la vraie miséricorde, qui est au fondement de toutes les indulgences pontificales, en union avec tous les saints de l’Eglise catholique, en union avec tous les saints Papes qui nous ont transmis le vrai trésor de la vraie foi, gage du salut éternel de nos âmes. »[5]
La Porte Latine
Sources : Vatican.Va/Rorate Coeli/Site de la Fédération Luthérienne Mondiale/
- Autres visites de temples protestants. Le 17 septembre 2010, Benoît XVI a visité l’abbaye anglicane de Westminster où il a salué des « femmes-prêtres ». Parmi elles, le « chanoine » Dr Jane Hedges qui milite pour l’accès des femmes à l’épiscopat chez les anglicans. Le 23 septembre 2011, dans l’église de l’ex-couvent augustinien de Erfurt, le pape a participé à une cérémonie liturgique œcuménique au cours de laquelle une « évêquesse » est intervenue, donnant une intention de prière, puis entonnant le Notre Père à côté du pape.[↩]
- Sur cette Déclaration, on peut lire l’article « L« Hérésie justifiée » de Mgr Fellay paru dans Le Sel de la terre nº 38 et 39.[↩]
- Traduit par Mary Carlisle-Mollinié pour La Porte Latine.[↩]
- Manifeste de Mgr Lefebvre – La déclaration du 21 novembre 1974.[↩]
- Sainte ou misérable ? L’année du Jubilé à l’épreuve de la miséricorde, par M. l’abbé Gleize [↩]