Le synode des évêques sur la nouvelle évangélisation s’est déroulé à Rome du 7 au 28 octobre 2012. Il a réuni 262 pères synodaux : 103 évêques pour l´Europe, 63 pour l´Amérique, 50 pour l´Afrique, 39 pour l´Asie et 7 pour l´Océanie. A ces évêques élus pour la plupart par leurs conférences épiscopales d’origine, s´ajoutaient 37 membres ex-officio, essentiellement les chefs de dicastère de la curie romaine, ainsi que 40 membres désignés par le pape.
Le 11 octobre, 50e anniversaire du début du concile Vatican II (1962–1965), Benoît XVI ouvrait l’année de la foi. La veille, au cours de l’audience général du mercredi, il invitait à revenir aux textes fondamentaux de ce « grand événement ecclésial », affirmant que les documents du Concile demeuraient « une boussole qui permet à la barque de l´Eglise d´avancer en haute mer, au milieu des tempêtes comme sur les flots calmes et tranquilles, pour naviguer en sûreté et arriver au but ».
Dans la préface d’un numéro hors-série de l’Osservatore Romano consacré au 50e anniversaire de l’ouverture de Vatican II, le pape revient sur deux documents du Concile « mineurs, dont l´importance est apparue seulement peu à peu, avec la réception du concile ». D´abord la Déclaration sur la liberté religieuse (Dignitatis Humanae) qui, selon lui, répondait au fait que « la doctrine de la tolérance, telle qu´elle avait été élaborée en détail par Pie XII, n´apparaissait plus suffisante face à l´évolution de la pensée philosophique et de la manière de concevoir l´Etat moderne ». – Ce qui montre bien qu’il y a sur ce point une rupture avec l’enseignement constant de l’Eglise dont Pie XII était l’écho fidèle.
Ensuite, Benoît XVI évoque la Déclaration Nostra aetate sur les relations de l´Eglise avec les religions non chrétiennes, née de l´intention initiale de préparer un document sur les relations entre l´Eglise et le judaïsme, « un texte devenu intrinsèquement nécessaire après les horreurs de la Shoah ». S´il note que l´importance du thème de Nostra aetate n´était pas prévisible à l´époque, le pape assure également qu´une « faille » de ce texte est apparue par la suite. Ce texte, explique-t-il, « parle de la religion uniquement de manière positive et ignore les formes malades et déviées de religion, qui du point de vue historique et théologique ont une vaste portée ». – Ce qui prouve qu’un réexamen approfondi des textes conciliaires, comme le demande Mgr Brunero Gherardini et à sa suite de nombreux intellectuels italiens et polonais, est loin d’être superflu.
Le lendemain de la célébration du 50e anniversaire de l’ouverture du Concile, Benoît XVI qui recevait une quinzaine de Pères conciliairesencore en vie, s’est interrogé sur le terme ‘aggiornamento’ (‘mise à jour’), lancé par Jean XXIII. 50 ans plus tard, « certains pourraient se demander si cette expression n´a peut-être pas été complètement heureuse, et ce depuis le début », a‑t-il déclaré, reconnaissant que l´on pourrait discuter pendant des heures sur la question et que l´on trouverait toujours des avis divergents. Selon lui, l´intuition de Jean XXIII, résumée en ce mot, avait été « juste » et l´était encore, précisant que cet ‘aggiornamento’ ne voulait pas dire « rupture avec la tradition » mais était l´expression de sa « vitalité dans la continuité ».
Cette référence permanente au concile Vatican II se retrouve dans les 58 propositions remises par les pères synodaux au pape qui s’en inspirera dans l’Exhortation apostolique post-synodale à paraître dans un an ou deux.
Au sujet de la liberté religieuse, l’assemblée synodale souhaite que le pape étudie la possibilité de faire appel au Conseil pontifical Justice et Paix, ou à une nouvelle commission de responsables ecclésiaux représentant différentes parties de l´Eglise à travers le monde, afin de s´occuper des atteintes à la liberté religieuse. Il s´agirait d´obtenir « des informations précises sur le témoignage public du droit fondamental à la liberté religieuse et à la liberté de conscience ».
A propos du dialogue interreligieux, le document rappelle que ce dialogue fait partie de la nouvelle évangélisation. En particulier, les chrétiens doivent l’intensifier avec les musulmans, en se conformant à la déclaration conciliaire Nostra aetate. « En dépit des difficultés, ce dialogue doit continuer », affirment les pères synodaux, alors que ce dialogue est loin d’être réciproque dans les pays musulmans où les chrétiens connaissent la discrimination et la persécution.
A côté de ces rappels constants des nouveautés introduites par Vatican II, on trouve des propositions plus traditionnelles. Ainsi : la paroisse continue à être « la première présence de l´Eglise » dans la vie de quartier ; le sacrement de pénitence doit retrouver « une place centrale dans l´activité pastorale de l´Eglise » et « dans chaque diocèse, au moins un lieu devrait être tout spécialement consacré en permanence à ce sacrement, où des prêtres soient toujours présents », – certaines églises devraient être désignées à cet effet, ainsi que les lieux de pèlerinage.
Commentaire [NDLR de LPL : de DICI du 9 novembre 2012] : Le synode admet que la nouvelle évangélisation est une « urgence » dans la société moderne déchristianisée, mais il n’en souhaite pas moins voir le Concile fournir les moyens de répondre à cette urgence. Jamais n’est posée la question de savoir si le fait de cette sécularisation massive n’est pas l’effet d’une « pastorale » mise en place dogmatiquement, il y a 50 ans. Car y voir un effet, ce serait remonter à une cause et ultimement en venir à une remise en cause.
Sur la doctrine de Vatican II, on se reportera utilement à l’Aide-mémoire sur le concile Vatican II, que vient de faire paraître Arnaud de Lassus. Cet exposé synthétique présente de façon très pédagogique les nouveautés conciliaires face à l’enseignement traditionnel. Sur le droit à la liberté religieuse, par exemple, on peut lire :
- Selon la doctrine conciliaire : la liberté religieuse (liberté de poser des actes religieux publics individuels ou collectifs) est un droit de la personne, quelle que soit sa religion. Ce droit doit être inscrit dans la loi.
- Selon la doctrine traditionnelle : la liberté religieuse (pour les fausses religions) ne doit jamais être considérée comme un droit, encore moins inscrite dans la loi comme un droit ; mais elle peut faire l’objet d’une tolérance.
Sur le rôle de l’Etat :
- Selon la doctrine conciliaire : l’Etat ne doit pas privilégier la vraie religion (car il ne doit pas établir de discrimination pour motif religieux). Il ne doit pas réprimer les fausses religions (l’ordre public étant sauf).
- Selon la doctrine traditionnelle : l’Etat doit privilégier la vraie religion. Il doit réprimer les fausses religions (dans la mesure où le permet la prudence politique).
Conséquences de la doctrine conciliaire : Elle introduisit le libéralisme dans l’enseignement de l’Eglise. C’est ce qu’a constaté, à l’époque, un catholique libéral influent, M. Prélot, sénateur du Doubs : « Nous avons lutté pendant un siècle et demi pour faire prévaloir nos opinions à l’intérieur de l’Eglise et nous n’y avons pas réussi. Enfin est venu Vatican II et nous avons triomphé. Désormais les thèses et les principes du catholicisme libéral sont définitivement acceptés et officiellement par la sainte Eglise. »
Sources : Apic/AFS – du 09/11/12