Le 8 octobre dernier, Eugenio Scalfari, fondateur du quotidien italien La Repubblica, a attribué au pape François les propos suivants :
« Quiconque a eu la chance, comme je l’ai déjà fait plusieurs fois, de le rencontrer et de lui parler avec la plus grande confiance culturelle, sait que le pape François conçoit le Christ comme Jésus de Nazareth, un homme et non Dieu incarné », a écrit Eugenio Scalfari. « Une fois incarné, Jésus cesse d’être un Dieu et devient un homme jusqu’à sa mort sur la croix. (…) Lorsque j’ai discuté de ces phrases, le pape François m’a dit : ‘elles sont la preuve que Jésus de Nazareth, une fois devenu homme, bien qu’il fût un homme exceptionnel, n’était pas du tout un Dieu’».
Athée, l’ancien député du Parti socialiste italien est un interlocuteur privilégié du pape argentin. Vous pouvez encore vous procurer son livre d’entretien avec le pape Ainsi je changerai l’Eglise – Dialogue entre croyants et non-croyants que son éditeur français présente ainsi :
Peu après son élection, le pape François envoie une longue lettre au journal La Repubblica dans laquelle il invite toute l’Église à s’ouvrir à la société moderne. Cette lettre suscite d’importantes réactions et le pape accepte alors de répondre, dans un long entretien, aux questions du journaliste Eugenio Scalfari. Il prononce des paroles fortes qui vont étonner le monde et dont certaines feront polémique.
Polémique ? Effectivement, au cours de ces interviews avec le journaliste, on pouvait s’étonner de trouver certaines déclarations dans la bouche d’un pape :
« Chacun a sa propre conception du bien et du mal et doit choisir de suivre le bien et de combattre le mal comme il le conçoit. Ce serait suffisant pour rendre le monde meilleur. »
« Vous convertir ? Le prosélytisme est une absurdité solennelle. Il faut rencontrer des gens et les écouter. »
Interrogé sur la fiabilité de ces citations, le père Lombardi, alors porte-parole du pape, avait précisé que le texte capturait fidèlement le « sens » de ce que le pape avait dit, et que si François avait senti que sa pensée avait été « gravement déformée », il l’aurait dit.
Ces échanges se sont poursuivis et d’autres interviews publiés. Eugenio Scalfari n’est donc pas un inconnu à mépriser parce qu’il cherche à se faire une gloire, mais un homme célèbre qui n’a rien à prouver et qui a publiquement été honoré par le souverain pontife d’une relation spéciale.
Or voici la réaction du Vatican à ses propos sur la foi de François en Jésus-Christ homme et non pas Dieu :
« Comme nous l’avons déjà dit en d’autres occasions, a dit Matteo Bruni, directeur du bureau de presse du Saint-Siège, le 9 octobre, les paroles que le Dott. Eugenio Scalfari attribue entre guillemets au Saint-Père lors de ses entretiens avec lui ne peuvent être considérées comme un compte rendu fidèle de ce qui a été dit mais comme une interprétation libre et personnelle de ce qui a été dit, comme il ressort clairement de ce qui est écrit aujourd’hui concernant la divinité de Jésus Christ ».
Il y a mieux comme démenti catégorique ; l’on comprend « la citation n’est pas exacte », l’on aurait pu s’attendre à une déclaration de foi en la divinité du Christ.
Devant l’émoi, second démenti du responsable des communications du Vatican, qui redit plus ou moins la même chose de façon légèrement plus énergique :
« Le Saint-Père n’a jamais dit ce que Scalfari a écrit ». « Les remarques citées et la libre reconstruction et interprétation par le Dott. Scalfari de conversations qui datent de plus de deux ans ne peuvent être considérées comme un témoignage fidèle de ce que le pape a dit ».
« Voilà ce que l’on retrouvera un peu partout dans le magistère de l’Église et chez le Pape François, sur Jésus : vrai Dieu et vrai homme ». Ouf !
Le pape lui-même ne dit rien. Sans doute la stratégie de ne jamais répondre aux objections et autres dubia, puisqu’elle a déjà fait ses preuves, va-t-elle continuer encore.
Ou alors les esprits sont-ils plutôt occupés à développer « la foi en Dieu Père-Mère Créateur », comme il est écrit noir sur blanc dans l’Instrument de travail du synode pour l’Amazonie ?
Source : Site Benoît et Moi /La Porte Latine du 22 octobre 2019