Aux Patriarches, Primats, Archevêques, Évêques et autres ordinaires en paix et en communion avec le Siège Apostolique,
Pie XI, Pape
Vénérables frères, salut et bénédiction apostolique.
L’Eglise, par un admirable dessein de son divin Fondateur, devait dans la plénitude des temps constituer comme une immense famille embrassant l’ensemble du genre humain ; Dieu a voulu, nous le savons, qu’on la pût reconnaître à divers signes caractéristiques : notamment elle devait être tout à la fois une et universelle.
De fait, quand le Christ dit aux apôtres : Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre : allez donc, enseignez toutes les nations (Mt 28, 18–19), il ne s’est pas contenté de transmettre à eux seuls la mission qu’il avait lui-même reçue de son Père ; il a voulu de plus que le collège apostolique fût parfaitement un, et que les membres en fussent rattachés les uns aux autres par un double lien très étroit : lien intime de la même foi et de la même charité, qui a été répandue dans les cœurs… par l’Esprit-Saint (Rm 5, 5) ; lien extérieur de l’autorité exercée par un seul sur tous, le Christ ayant conféré la primauté sur les apôtres à Pierre, comme au principe perpétuel et au fondement visible de l’unité. Celle unité, Jésus la leur recommanda avec les plus vives instances au seuil de la mort ; c’est elle encore que, par une prière très ardente, il implora de son Père et qu’il obtint, exaucé pour sa piété (He 5, 7).
Aussi l’Eglise s’est formée et développée en « un seul corps », corps vivifié et animé par un seul esprit ; corps dont la tête est le Christ, et c’est par le Christ que le corps entier est coordonné et uni, grâce aux liens des membres qui se prêtent un mutuel secours (Ep iv, 5, 15, 16).
Mais, pour la même raison, ce corps a une tête visible qui est le Vicaire du Christ sur la terre, le Pontife romain. C’est à lui, en tant que successeur de Pierre, qu’est adressée d’âge en âge la parole du Christ : Sur cette pierre je bâtirai mon Eglise (Mt 16, 18) ; toujours fidèle à ce rôle de lieutenant que le Christ a confié à Pierre, le Pape ne cesse de confirmer ses frères, quand il en est besoin, et de paître tous les agneaux et toutes les brebis du Seigneur. Mais il n’est rien à quoi la haine de l’homme ennemi se soit jamais autant acharnée qu’à rompre dans l’Eglise cette unité de gouvernement qui est inséparable de « l’unité de l’esprit dans le lien de la paix » (Ep 4, 3). Si jamais il n’est parvenu à prévaloir contre l’Eglise elle-même, celle-ci s’est vu néanmoins arracher de son sein et de son étreinte un grand nombre de ses enfants et jusqu’à des peuples entiers. Ces malheurs sont dus pour une part très notable à des rivalités de nation à nation, à des lois d’où étaient bannies la religion et la piété, enfin à d’ardentes convoitises des biens périssables.
La plus grave rupture, la plus déplorable de toutes, est celle qui sépara de l’Eglise œcuménique l’empire de Byzance. On put croire que les Conciles de Lyon et de Florence avaient rétabli l’unité ; mais, depuis, la scission s’est produite de nouveau et elle dure aujourd’hui encore, au grand détriment des âmes. Il s’en est suivi que Byzance a entraîné dans les sentiers d’égarement et de perdition d’autres peuples orientaux parmi lesquels les Slaves ; et pourtant ceux-ci étaient demeurés » plus longtemps que les autres, fidèles à leur Mère l’Eglise. Il est prouvé, en effet, que ces peuples conservèrent certaines relations avec le Siège apostolique même après le schisme de Michel Cérulaire, et que, après une interruption causée par L’invasion des Tartares puis des Mongols, ils reprirent ces rapports et les maintinrent jusqu’au jour où ils en furent empêchés par l’opiniâtre rébellion des princes.
En ces conjonctures, les Pontifes romains ont rempli tout leur devoir ; certains même se consacrèrent avec un zèle et un dévouement tout particuliers au salut des Slaves orientaux : tel Grégoire VII, qui, en une lettre adressée au prince de Kiev, « Dimitri, roi de Russie, et à la reine son épouse », sur la demande que lui en avait faite à Rome leur fils au moment de leur avènement au trône, leur souhaita très affectueusement toutes les bénédictions du ciel [1]; tel encore Honorius III, envoyant des légats à Novgorod, imité sur ce point par Grégoire IX et, peu après, par Innocent IV, qui y délégua un personnage d’un courage et d’une vaillance remarquable, Jean du Plan de Carpin, gloire de l’Ordre franciscain.
Ce zèle empressé de Nos prédécesseurs porta ses fruits en 1255, année qui vit rétablir la concorde et l’unité ; pour célébrer cet événement, Opizon, abbé, au nom et par les pouvoirs du même Pontife, dont il était légat, conféra en des fêtes grandioses les insignes royaux à Daniel, fils de Romain. Aussi, en accord avec la tradition et les usages vénérables des anciens Slaves orientaux, on put, au Concile de Florence, entendre le métropolite de Kiev et de Moscou, Isidore, cardinal de la Sainte Eglise Romaine, jurer au nom de ses compatriotes fidélité inviolable à l’unité catholique dans la communion avec le Siège apostolique.
L’union cimentée de nouveau se maintint à Kiev un certain nombre d’années : elle allait être brisée encore pour divers motifs, auxquels vinrent s’ajouter les bouleversements politiques qui marquèrent le début du xvie siècle. Elle fut heureusement rétablie en 1545 et promulguée l’année suivante à la Conférence de Brest, sur l’initiative et grâce aux démarches de métropolite de Kiev et des autres évêques ruthènes ; Clément VIII leur fit l’accueil le plus affectueux et, par la constitution Magnus Dominus, invita tous les fidèles à rendre grâces à Dieu, « dont toutes les pensées sont des pensées de paix, et qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ».
Pour que cette unité et cette bonne entente pussent se maintenir à jamais, la Providence si sage de Dieu les marqua du sceau de la sainteté et du martyre. Cette auréole était réservée à l’archevêque de Polotsk, Josaphat, du rite slave oriental, que nous saluons a juste titre comme la plus belle gloire et le plus ferme soutien de l’Orient slave ; car on trouvera difficilement quelqu’un qui ait fait plus honneur au nom slave et plus efficacement travaillé au salut de ces populations que Josaphat, leur pasteur et apôtre, qui a versé son sang pour l’unité de la Sainte Église.
Puisque nous voici au troisième centenaire de ce très glorieux martyre, ce Nous est une très vive joie de rappeler le souvenir de ce si grand saint ; daigne le Seigneur, cédant aux prières plus ferventes des fidèles, « susciter dans son Eglise L’esprit qui remplissait le bienheureux martyr et pontife Josaphat… et qui le porta à donner sa vie pour ses brebis » [2] ; puisse s’accroître le zèle du peuple chrétien pour l’unité, et ainsi l’œuvre principale de Josaphat se poursuivre jusqu’au jour où se réalisera le vœu du Christ et de tous les saints : Et il n’y aura qu’un seul bercail et un seul Pasteur. (Jn 10, 16)
Né de parents séparés de l’unité catholique, Josaphat, qui reçut au saint baptême le nom de Jean, se consacra à la piété dès sa plus tendre enfance. Tout en suivant la splendide liturgie slave, il recherchait avant toutes choses la vérité et la gloire de Dieu ; à cette fin, et en dehors de toute considération humaine, il se tourna tout enfant vers la communion de l’unique Eglise œcuménique ou catholique, se considérant comme appelé à la communion de cette Eglise par le baptême même qu’il avait validement reçu. Bien plus, se sentant poussé par une inspiration du ciel à travailler au rétablissement de la sainte unité dans le monde entier, il comprit qu’il pouvait y contribuer dans une très large mesure s’il conservait dans le cadre de l’unité de l’Eglise universelle le rite slave oriental et l’Ordre des moines Basiliens.
C’est pourquoi, reçu en 1604 parmi les Basiliens et ayant échangé le nom de Jean pour celui de Josaphat, il s’adonna tout entier à l’exercice de toutes les vertus, particulièrement de la piété et de la mortification.
La vue de Jésus crucifié avait fait naître en lui, dès son enfance, l’amour de la croix, qu’il ne cessa ensuite de pratiquer à un degré éminent.
D’après Joseph Velamin Russky, métropolite de Kiev, qui avait été archimandrite de ce monastère, « il fit en peu de temps de tels progrès dans la vie monastique qu’il put servir de maître aux autres ». Aussi, à peine ordonné prêtre, Josaphat est lui-même nommé archimandrite et placé à la tête du monastère. Pour accomplir sa charge, il ne se contenta point de maintenir en bon état le monastère et l’église attenante et de les fortifier contre les attaques des ennemis ; mais, constatant qu’ils étaient presque abandonnés par le peuple chrétien, il résolut de s’employer à l’y ramener.
Entre temps, préoccupé avant tout de l’union de ses compatriotes avec la chaire de Pierre, il s’enquérait de tous côtés des moyens soit de la promouvoir, soit de la consolider ; surtout, il étudiait sans répit les livres liturgiques dont les Orientaux, y compris les schismatiques eux-mêmes, avaient accoutumé de se servir en accord avec les prescriptions des saints Pères.
Après cette si active préparation, Josaphat se mit à l’œuvre de restauration de l’unité avec tant de force tout ensemble et de douceur, et il y réussit à tel point que ses adversaires eux-mêmes l’appelaient « ravisseur d’âmes ». Le nombre, en effet, est étonnant de ceux qu’il ramena à l’unique bercail de Jésus-Christ, convertis de toutes condition et origine, gens du peuple, commerçants, nobles, préfets même et administrateurs de provinces, comme nous savons que ce fut le cas pour Sokolinski de Polotsk, pour Tyszkievicz de Novgrodensk, pour Mieleczko de Smolensk.
Mais il étendit bien plus encore son action apostolique du jour où il fut nommé évêque de l’Eglise de Polotsk. Cet apostolat a dû avoir une influence incroyable ; car on vit Josaphat donner l’exemple d’une extrême chasteté, pauvreté et austérité ; ii se montrait envers les pauvres d’une telle générosité qu’il alla jusqu’à mettre en gage son omophorion pour secourir leur indigence ; se renfermant strictement dans le domaine religieux, il ne s’ingérait en rien dans les affaires politiques, encore que par des instances vives et réitérées on le pressât de se charger d’intérêts et à prendre parti dans des conflits d’ordre temporel ; enfin, il apportait à son œuvre le dévouement accompli d’un très saint évêque, travaillant sans relâche par sa parole et ses écrits à faire pénétrer la vérité. Il a publié en effet nombre d’ouvrages merveilleusement mis à la portée du peuple, entre autres sur la Primauté de saint Pierre et le Baptême de saint Vladimir, et encore une apologie de l’unité catholique, un catéchisme selon la méthode du bienheureux Pierre Canisius, et d’autres travaux du même genre.
Se multipliant pour rappeler l’un et l’autre clergés à l’accomplissement attentif de ses devoirs, il obtint peu à peu, en réveillant le zèle pour le ministère sacerdotal, que le peuple, régulièrement instruit de la doctrine chrétienne et nourri de la parole divine par une prédication appropriée, se reprît à fréquenter les sacrements et les cérémonies liturgiques, et fût ramené à une vie toujours plus chrétienne.
C’est ainsi que, par une large et abondante diffusion de l’esprit de Dieu, Josaphat consolida merveilleusement l’œuvre d’unité à laquelle il s’était voué. Cet affermissement, on peut même dire cette consécration, il la donna surtout le jour où il tomba martyr de cette cause, par un acte de sa pleine volonté et avec une admirable grandeur d’âme. La pensée du martyre était toujours dans son esprit, fréquemment sur ses lèvres ; le martyre, il l’appela de ses vœux au cours d’une prédication solennelle ; le martyre, enfin, il le sollicitait comme une faveur particulière de Dieu. C’est ainsi que, peu de jours avant sa mort, averti des embûches qui se tramaient contre lui, il dit : « Seigneur, faites-moi la grâce de pouvoir répandre mon sang pour l’unité, ainsi que pour l’obéissance au Siège apostolique. »
Son désir fut exaucé le dimanche 12 novembre 1623 ; avec un visage où éclate la joie et qui respire la bonté, il va au-devant de ses ennemis qui l’entourent, cherchant l’apôtre de l’unité ; il leur demande, à l’exemple de son Maître et Seigneur, de ne faire aucun mai aux siens, et se livre entre leurs mains ; frappé avec une extrême cruauté et tombé sous leurs coups, il ne cesse jusqu’au dernier soupir d’implorer de Dieu le pardon pour ses meurtriers.
Ce martyre si glorieux fut fécond en résultats : notamment, il inspira une grande énergie et fermeté aux évêques ruthènes, qui faisaient eux mois plus tard, dans une lettre à la S. Congrégation de la Propagande, la déclaration suivante : « Nous nous affirmons absolument prêts a donner notre vie jusqu’au sang, comme vient de le faire l’un des nôtres pour la foi catholique. » Un nombre considérable de schismatiques, parmi lesquels les meurtriers mêmes du martyr, rentrèrent bientôt après dans la seule véritable Eglise.
Comme il y a trois siècles, le sang de saint Josaphat doit être, aujourd’hui plus que jamais, un gage de paix et d’unité : aujourd’hui, disons-Nous, que, dans les malheureux pays slaves, en proie aux plus graves perturbations, la fureur de guerres barbares multiplie les massacres fratricides. Il nous semble, en effet, entendre ce sang crier plus haut que celui d’Abel (He 12, 24) et s’adresser aux frères de la famille slave en empruntant les paroles du Christ Jésus : Les brebis errent sans pasteur. J’ai pitié de la foule. (Mc 8, 2)
Et, en vérité, quel sort affreux pèse sur les Slaves ! Dans quel dénuement absolu ils se débattent ! Que d’exils ! Quels sanglants massacres ! Et, en plus des corps, que d’âmes perdues ! Quand Nous considérons la situation actuelle des Slaves, bien plus déplorable encore que celle dont se lamentait saint Josaphat, Nous avons peine — si vive est Notre affection paternelle — à retenir nos larmes.
Quant à Nous, pour alléger ce poids immense d’infortunes, Nous Nous sommes appliqué, de Notre propre initiative, à soulager ces malheureux, ne visant aucun intérêt humain, ne faisant aucune distinction entre ces misères, préoccupé seulement de réserver les secours les plus rapides aux nécessités les plus urgentes.
Hélas ! nos ressources n’étaient pas à la mesure de si vastes besoins. Et Nous n’avons pu empêcher que, au mépris de toute religion, on ne multipliât les attentats contre la vérité et la vertu ; bien plus, çà et là,des chrétiens, et jusqu’à des prêtres et des évêques, furent traqués pour être emprisonnés et même massacrés.
Une bien douce consolation rend moins pénible pour Nous le spectacle de ces maux : le centenaire solennel du plus illustre évêque slave Nous offre, en effet, une occasion tout indiquée de manifester les sentiments d’affection paternelle que Nous portons à tous les Slaves orientaux et de leur rappeler le bien capital, à savoir l’unité œcuménique de la sainte Eglise.
A cette unité, Nous convions instamment Nos frères dissidents, et Nous demandons en même temps que tous les fidèles sans exception, à l’exemple et selon les méthodes de saint Josaphat, s’appliquent à Nous prêter, chacun dans la mesure de ses forces, le concours de leur activité et de leur zèle. Qu’ils le comprennent bien, ce ne sont pas tant les discussions et autres exhortations directes qui favoriseront ce retour à l’unité, mais bien les exemples et les œuvres d’une vie sainte et, par-dessus tout, l’amour envers nos frères slaves et les autres Orientaux, suivant le mot de l’Apôtre : Ayez une même charité, une même âme, une même pensée ; ne faîtes rien par esprit de rivalité ou de vaine gloire ; mais que l’humilité vous fasse considérer les autres comme supérieurs à vous ; que chacun recherche non ses propres intérêts, mais ceux des autres. (Ph 2, 2–4)
Les Orientaux dissidents ont à cet égard le devoir d’abandonner leurs antiques préjugés pour chercher à connaître la véritable vie de l’Eglise, de ne point imputer à l’Eglise romaine les écarts des personnes privées, écarts qu’elle-même condamne et auxquels elle s’efforce de remédier. Les Latins, de leur côté, doivent acquérir des notions plus complètes et plus approfondies des choses et des usages de l’Orient ; saint Josaphat en avait une connaissance parfaite et c’est ce qui rendit son apostolat si fécond.
Pour ces motifs, Nous avons voulu favoriser de marques nouvelles de Notre bienveillance l’Institut pontifical oriental, créé par Notre très regretté prédécesseur Benoit XV ; Nous tenons, en effet, pour assuré qu’une connaissance exacte des choses amènera une équitable appréciation des personnes en même temps qu’une sincère bienveillance, et ces sentiments, si la charité chrétienne vient les couronner, seront, avec la grâce de Dieu, souverainement profitables à l’unité religieuse.
Une fois pénétrés de cette charité, tous saisiront l’enseignement divin de l’Apôtre : Il n’y a point de distinction entre Juif et Grec ; car il n’y a qu’un même Seigneur pour tous, riche de faveurs pour tous ceux qui l’invoquent (Rm 10, 12). Puis, ce qui vaut mieux encore, religieusement dociles aux prescriptions du même Apôtre, ils dépouilleront et abandonneront non seulement les préjugés, mais encore les soupçons injustifiés, les rivalités, les haines, enfin tous les sentiments opposés à la charité chrétienne, qui sont la source des conflits internationaux. Paul ne dit-il pas encore : N’usez point de mensonges les uns envers les autres ; dépouillez le vieil homme ainsi que ses œuvres, et revêtez l’homme nouveau, qui se renouvelle dans la science à l’image de celui qui l’a créé ; il n’y a ici ni Gentil, ni Juif…; ni Barbare, ni Scythe ; ni esclave, ni homme libre, mais le Christ est tout et en tous (Col 3, 9–11).
C’est ainsi que, grâce au rétablissement de la bonne entente entre les individus comme entre les peuples, l’union pourra se réaliser parallèlement dans l’Eglise par la rentrée dans son giron de tous ceux qui, pour une cause ou une autre, en sont sortis. Cette réalisation de l’union sera obtenue non par des calculs humains, mais par la seule charité de Dieu, qui ne fait point acception de personnes (Ac 10, 34) et qui ne met point de différence entre nous et eux (Ac 14, 9).
On verra alors tous les peuples, ainsi rapprochés, jouir des mêmes droits, quelles que soient leur race, leur langue ou leur liturgie : l’Eglise romaine a toujours religieusement respecté et maintenu les divers rites, toujours elle a prescrit de les conserver, s’en faisant à elle-même comme une parure précieuse, telle cette reine couverte, d’un vêtement tissu d’or, drapée d’un manteau aux couleurs variées (Ps 44, 10).
Et parce que cet accord de tous les peuples de l’univers dans l’unité, œuvre le Dieu au premier chef, ne pourra être obtenu que par le secours et la protection de Dieu, recourons avec persévérance et ferveur à la prière, selon l’exemple et les conseils de saint Josaphat lui-même, qui, dans son apostolat en faveur de l’unité, comptait avant tout sur la puissance de la prière.
A l’exemple et à la suite du saint évêque, ayons un culte tout particulier pour l’auguste sacrement de l’Eucharistie, gage de l’unité et sa source principale ; tous ceux des Slaves orientaux qui, après s’être séparés de l’Eglise romaine, conservèrent l’amour du « mystère de la foi » et continuèrent à s’en approcher fréquemment, ne tombèrent point dans l’impiété d’hérésies plus graves.
Nous pourrons alors espérer voir enfin exaucer le vœu que l’Eglise notre Mère adresse à Dieu avec piété et confiance à la messe du Saint-Sacrement : que Dieu, dans sa bonté, accorde les bienfaits de l’unité et de la paix, symbolisés mystiquement par les dons de l’oblation [3] ; ce vœu, Latins et Orientaux le formulent pareillement dans les prières du Saint Sacrifice : ceux-ci « demandent pour tous au Seigneur la grâce de l’unité », ceux-là prient le Christ « d’avoir égard à la foi de son Eglise, et de daigner, conformément à sa propre volonté, lui donner la paix et l’unité ».
Un autre point de contact avec les Slaves orientaux, de nature à faciliter le rétablissement de l’unité, est leur amour tout spécial et leur piété envers la Vierge Mère de Dieu, par où ils se distinguent d’un grand nombre d’hérétiques et se rapprochent de nous. Saint Josaphat, qui se signalait particulièrement dans cette dévotion à la Vierge, plaçait également en elle une très grande confiance pour faire accepter l’unité ; aussi avait-il coutume de vénérer, suivant l’usage des Orientaux, une petite icône de la Vierge Mère de Dieu, que les moines Basiliens, et ici même, à Rome, en l’église des Saints-Serge et Bacchus, les fidèles des deux rites vénèrent avec grande dévotion sous le vocable de Reine des pâturages (del Pascolo). Invoquons donc spécialement sous ce titre cette Mère très aimante, et prions-la de ramener nos frères dissidents aux pâturages du salut, où, toujours vivant dans ses successeurs, Pierre, vicaire du Pasteur éternel, paît et gouverne tous les agneaux et toutes les brebis du troupeau chrétien.
Enfin, recourons, pour une si grande œuvre, au patronage de tous les saints du ciel, ceux-là surtout qui brillèrent jadis en Orient par le renom de leur sainteté et de leur sagesse et qui aujourd’hui sont plus spécialement l’objet de la vénération et du culte des Orientaux.
En premier lieu, sollicitons l’intercession de saint Josaphat : après avoir, pendant sa vie, défendu avec un très grand courage la cause de l’unité, qu’il daigne aujourd’hui en être auprès de Dieu le très puissant protecteur et avocat.
Quant à Nous, Nous lui adressons la formule d’invocation composée par Notre prédécesseur Pie IX, d’éternelle mémoire : « Puisse, ô saint Josaphat, le sang que vous avez versé pour l’Eglise du Christ être le gage de cette union au Saint-Siège apostolique qui fut sans-cesse l’objet de vos vœux et que jour et nuit vous imploriez de Dieu, souverainement bon et souverainement grand. Pour que cette union se réalise enfin, nous vous prions d’être constamment notre intercesseur auprès de Dieu et de la cour céleste. »
Comme gage des divines faveurs et en témoignage de Notre bienveillance, Nous vous accordons de tout cœur, à vous, Vénérables Frères, à votre clergé et à vos ouailles, la Bénédiction Apostolique.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 12 novembre 1923, de Notre Pontificat la deuxième année.
PIE XI, PAPE.
Source : Actes de S. S. Pie XI, t. I, p. 291, La Bonne Presse, 1927.