L’Eglise de Chine, depuis que ce pays est soumis à un régime communiste, connaît une terrible persécution. Aussi le Pape envoie-t-il le message suivant à cette Eglise dans l’épreuve.
Le Pape rappelle la glorieuse histoire de la Chine :
Nous désirons vous manifester avant tout Notre ardente affection envers la nation chinoise tout entière : dès les temps les plus reculés, elle s’est distinguée entre les autres peuples de l’Asie par ses hauts-faits, par les monuments de sa littérature, par l’éclat de sa civilisation, et, lorsqu’elle fut illuminée par la lumière de l’Evangile, qui dépasse immensément la sagesse de ce monde, elle en tira de plus grandes richesses spirituelles, à savoir les vertus chrétiennes, qui perfectionnent et affermissent les vertus naturelles. Car, la religion chrétienne, vous le savez, ne contredit à aucune doctrine, pourvu qu’elle soit vraie, à aucune institution de la vie privée et publique, pourvu qu’elle s’inspire de la justice, de la liberté et de la charité ; elle les encourage bien plutôt, les soutient et les accroît. Loin de refuser ou de rejeter le génie particulier des divers peuples, leur caractère, leurs arts et leur culture, elle les accueille, au contraire, avec empressement et, de cette variété même, tire avec joie un lustre nouveau.
Le Saint-Père énumère les tribulations de l’Eglise de Chine :
Aussi est-ce avec une immense douleur que Nous voyons chez vous l’Eglise catholique considérée, décrite et attaquée comme ennemie de votre nation, ses évêques, ses prêtres, ses religieux et religieuses souvent, hélas ! chassés de leur résidence et entravés dans le libre exercice de leurs fonctions ; comme si cette Eglise, toute consacrée aux choses du ciel, n’avait pas pour tâche d’inculquer et de fortifier la vertu dans les âmes, d’éclairer les esprits dans les écoles et collèges, de soulager les souffrances humaines dans les hôpitaux, de relever et consoler les enfants et les vieillards dans les hospices, mais avait, au contraire, pour but de rechercher des avantages matériels et la domination terrestre.
L’Eglise entière suit les événements qui se passent en Extrême-Orient :
Aussi quoique, dans Notre récente Encyclique : Evangelii præcones [1], Nous Nous soyons adressé à tous les fidèles qui, en Extrême-Orient, ont souffert et souffrent à cause de leur attachement à la religion, c’est pourtant vers vous qu’à nouveau se tourne Notre cœur, c’est à vous particulièrement que Nous désirons adresser la présente lettre, c’est vous que Nous voulons consoler et encourager paternellement, car Nous savons bien vos angoisses, vos anxiétés, vos adversités. Connaissant aussi la fermeté de votre foi, votre ardent amour pour le Christ et son Eglise, Nous rendons grâces à Dieu le Père par son Fils unique, notre divin Rédempteur, qui vous a donné et vous donne la force surnaturelle de livrer de saints combats pour sa gloire et le salut des âmes.
Vers vous, de toutes les parties du monde, les catholiques tournent avec admiration leurs esprits et leurs cœurs ; « votre foi est annoncée dans le monde entier » (Rom., I, 8.) ; et l’on peut vous appliquer ces paroles de l’Apôtre des Gentils : « Ils ont été dans l’épreuve,… dans le besoin, dans la détresse, dans l’affliction,… eux dont le monde n’était pas digne » (Hébr., XI, 37–38.). C’est donc à votre gloire bien loin d’être à votre confusion, qu’il « vous a été donné non seulement de croire au Christ, mais encore de souffrir pour Lui » (Phil., I, 29.).
Que les catholiques de Chine demeurent forts :
Il s’agit de la cause de Dieu et de sa Sainte Eglise : « Ne soyez donc en rien effrayés par les adversaires » (Phil., I, 29.) ; mais soyez forts, de cette force d’âme qui s’appuie, non sur les ressources humaines, mais sur la grâce divine, et qui s’obtient par d’instantes prières. Offrez à Dieu comme un suave holocauste, vos difficultés, vos souffrances, vos angoisses, pour qu’Il daigne enfin, dans sa bonté, accorder à l’Eglise de Chine la paix, la tranquillité, la liberté et qu’Il fasse comprendre à tous — ce qui est d’ailleurs plus clair que l’éclat du soleil — que l’Eglise ne cherche pas les choses de la terre, mais celles du Ciel et que, selon sa mission, c’est vers la patrie céleste qu’elle oriente et dirige ses enfants, par l’acquisition des vertus et la pratique des bonnes œuvres.
L’Eglise catholique n’est pas une puissance terrestre :
Il ne manque pas d’hommes — tout le monde le sait et le voit facilement — qui tendent à s’emparer du pouvoir terrestre, à l’étendre et à l’accroître de jour en jour ; ce n’est pas là ce que désire, ce que demande l’Eglise.
Elle vise, au contraire, à répandre les bienfaits spirituels :
Elle s’applique à répandre la vérité de l’Evangile ; elle en enrichit l’âme des humains ; elle rend ceux-ci meilleurs et dignes du ciel.
L’Eglise prêche la concorde entre tous :
Elle s’efforce de faire régner entre les citoyens la concorde fraternelle, console et soulage, selon ses moyens, les malheureux, assure et renforce, grâce aux vertus chrétiennes, plus puissantes que toutes les armes, les fondements mêmes de la société.
Les catholiques sont les meilleurs soutiens des autorités publiques :
Les fils de l’Eglise ne le cèdent à personne en patriotisme ; ils obéissent par devoir de conscience et selon les règles établies par Dieu aux autorités publiques : ils rendent à chacun ce qui lui est dû, à commencer par Dieu.
L’Eglise catholique est supra-nationale ;
L’Eglise catholique n’appelle pas à elle un seul peuple ou une seule nation, mais ce sont tous les hommes, à quelque race qu’ils appartiennent, qu’elle aime de la divine charité du Christ, qui doit les unir tous par des liens fraternels. Personne ne peut donc prétendre qu’elle est au service d’une puissance particulière ; de même qu’on ne peut exiger d’elle que, brisant l’unité dont son divin Fondateur lui-même a voulu la marquer, elle laisse se constituer dans chaque nation des églises séparées, qui pour leur malheur, soient détachées du Siège Apostolique où Pierre, Vicaire de Jésus-Christ, vit dans ses successeurs jusqu’à la fin des siècles. Une communauté chrétienne qui agirait ainsi, se desséchera comme le sarment coupé du cep [2] et ne pourra pas produire de fruits de salut [3].
L’Eglise ne vise qu’à confier l’apostolat de la Chine à des évêques à des prêtres chinois :
Cela, Vénérables Frères et chers fils, vous le savez parfaitement. Aussi, à de telles embûches, même habiles, même dissimulées, même déguisées, sous une apparence de vérité, vous opposez fermement votre volonté. Et vous savez bien aussi que si des hérauts de l’Evangile sont venus vers vous de nations étrangères, c’est uniquement afin de pourvoir aux immenses besoins de votre nation en ce qui concerne la religion chrétienne, et pour prêter secours au clergé indigène qui n’est pas assez nombreux encore pour suffire à ces besoins. C’est si vrai que, dès qu’il a été possible de confier vos diocèses à des évêques qui fussent vos concitoyens, le Saint-Siège l’a fait très volontiers. Il y a vingt-cinq ans, en effet, que Notre Prédécesseur d’heureuse mémoire, Pie XI, dans son ardente charité pour l’Eglise de Chine, consacrait lui-même, dans la majesté de la Basilique Vaticane, les six premiers évêques choisis dans votre nation ; et Nous-même, n’ayant rien plus à cœur que de voir le progrès de votre Eglise s’affermir et s’étendre chaque jour davantage, avons constitué, il y a quelques années, la Hiérarchie ecclésiastique en Chine et élevé un de vos concitoyens pour la première fois, dans les annales de l’Histoire, aux honneurs de la pourpre cardinalice [4].
Il est odieux de chasser de Chine les missionnaires étrangers :
Demander que tous les missionnaires qui ont quitté leur chère patrie et sont venus chez vous cultiver, au prix de leurs travaux et de leurs sueurs, le champ du Seigneur, soient chassés de votre pays comme s’ils en étaient les ennemis, c’est là une exigence non seulement douloureuse, mais encore des plus funestes pour la croissance même de votre Eglise. Car le fait que ces missionnaires ne sont pas citoyens d’une seule nation étrangère, mais qu’ils sont choisis dans beaucoup d’entre elles, dans toutes celles où la religion chrétienne est déjà florissante et vigoureux le zèle de l’apostolat chrétien, montre à l’évidence que l’Eglise catholique a pour caractère propre d’être universelle ; ces hérauts de l’Evangile ne cherchent, en effet, rien d’autre, ne désirent rien tant que d’adopter votre terre comme une seconde patrie, de l’éclairer de la lumière de la doctrine catholique, de la former aux mœurs chrétiennes, de l’aider par une charité surnaturelle, et de l’amener, par l’augmentation progressive du clergé indigène, à un état de pleine maturité qui lui permette de se passer du secours et de la collaboration des missionnaires étrangers.
Il n’apparaît pas moins évident à toute personne de bonne foi que les religieuses qui, comme des anges consolateurs, se consacrent aussi parmi vous au soin des écoles, des orphelinats, des hôpitaux, sont animées par l’esprit divin de la charité ; sous son impulsion, après avoir renoncé aux noces terrestres, pour s’unir à l’Epoux céleste, elles adoptent comme leurs, vos propres enfants, surtout les pauvres et les abandonnés, et, d’un cœur surnaturel et doucement maternel, elles les élèvent et leur donnent dans toute la mesure de leurs forces, l’instruction et l’éducation convenables [5].
L’Eglise ne demande que la liberté d’action nécessaire à son mandat divin :
Comme vous le savez bien, l’Eglise catholique agit ainsi par le mandat et sur l’ordre reçus de son divin Fondateur ; elle agit ainsi, disons-Nous, sans rien demander d’autre que de jouir parmi vous de la légitime liberté de pouvoir accomplir sa mission pour le bien et le salut du peuple lui-même.
Il ne faut pas s’étonner si l’Esprit du mal s’attaque aux représentants de l’Eglise :
Et si elle tombe sous le coup des calomnies et des fausses accusations, que ses Pasteurs et ses fidèles ne se troublent pas ; qu’ils s’appuient plutôt avec confiance sur les promesses de Jésus-Christ, exprimées en ces solennelles paroles : « Les Portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle » (Matth., XVI, 18.) ; « voici que je suis parmi vous tous les jours jusqu’à la fin des siècles » (Matth., XXVIII, 20.). Bien plus, faites monter vers Dieu les plus ardentes prières pour les persécuteurs eux-mêmes : afin que, dans sa bonté, Il illumine et touche leurs esprits de sa lumière et de sa grâce persuasive, qu’Il les oriente vers les célestes vérités. Poursuivez donc votre action, Vénérables Frères et chers fils, sans crainte des périls ni des difficultés, mais vous souvenant des sublimes sentences du Divin Rédempteur : « Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ; Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés… Bienheureux êtes-vous quand on vous maudit, quand on vous persécute ou que Von dit par mensonge toute sorte de mal contre vous à cause de moi : réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux » (Matth., V, 5–12.). De même qu’aux premiers âges les Apôtres allaient pleins de joie… parce qu’ils avaient été trouvés dignes de souffrir des outrages pour le nom de Jésus (Act., V, 41.), ainsi vous-mêmes, ne craignez point, mais tournant vers le ciel vos regards, vos esprits et vos cœurs, soyez remplis de cette sainte joie et des célestes consolations qui dérivent d’une bonne conscience et sont nourries de la ferme espérance de la récompense éternelle.
En d’autres circonstances déjà, au cours des siècles, votre Eglise a connu la persécution et elle en a subi de très violentes ; déjà le sang sacré des martyrs empourpra votre sol ; et toutefois vous pouvez à bon droit répéter : « Nous moissonner, c’est nous multiplier ; c’est une semence que le sang des chrétiens » [6].
L’Eglise sortira victorieuse de toutes ces épreuves :
En vérité, comme chacun peut l’observer, toutes les réalités humaines, tristes ou heureuses, débiles ou puissantes, disparaissent tôt ou tard ; mais la société que le Christ Notre-Seigneur a fondée, c’est jusqu’à la fin des siècles, qu’à travers les adversités et les contradictions, les embûches et les triomphes, les combats et les victoires, elle poursuit sa route sous la conduite de la Toute-Puissance éternelle, s’acquittant de sa mission de paix et de salut : elle peut être combattue, elle ne peut être vaincue. C’est pourquoi, animés d’une ferme confiance dans les divines promesses, ne craignez rien ; de même qu’après l’orage et la tempête, le soleil brille à nouveau ; ainsi sur votre Eglise, après tant de souffrances, d’angoisses et de troubles, la paix, la tranquillité, la liberté resplendiront un jour enfin par la grâce de Dieu.
Le Pape exhorte tous les chrétiens à prier pour les catholiques de Chine :
Mais entre temps. Nos supplications et celles de tout le peuple chrétien s’unissent très étroitement et ardemment à vos prières ; elles font comme une douce violence au ciel pour obtenir du Père des miséricordes qu’au plus tôt et au mieux se réalisent ces espérances.
C’est cela qu’implorent — Nous les en prions — les saints martyrs qui furent déjà pour vos aînés des exemples d’héroïsme et qui maintenant jouissent dans le ciel de la gloire immortelle ; plus encore c’est cela qu’implore la Vierge Marie Mère de Dieu, Reine de la Chine, que vous aimez et vénérez avec une si ardente piété ; qu’elle apporte son très puissant réconfort à ceux surtout qui sont en proie aux périls et aux angoisses dans les prisons ou en exil ; qu’elle assiste particulièrement ceux d’entre vous qui, dans les rangs d’une pacifique association, se consacrent à son service et se glorifient de son nom ; qu’elle leur donne force, consolation et secours.
Et tandis que Nous élevons vers le Ciel Nos mains suppliantes, et implorons pour vous la grâce divine, source de force chrétienne, Nous accordons dans l’effusion de Notre cœur à chacun d’entre vous, Vénérables Frères, comme à tous les fidèles confiés à votre sollicitude pastorale, en gage de cette même grâce et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, la Bénédiction apostolique.
Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, année 1952, Édition Saint-Augustin Saint-Maurice, paru en 1955. – D’après le texte latin des A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 153.
- On lira le texte de l’Encyclique Evangelii Præcones, du 2 juin 1951, dans : Documents Pontificaux 1951, p. 195.[↩]
- Cf. Jean, XV, 6.[↩]
- Des essais de création d’une Eglise nationale chinoise ont été tentés sous le signe du mouvement de la « triple indépendance » :
- indépendance financière : refus de recevoir des finances de l’étranger ;
- indépendance administrative : refus d’une direction étrangère ;
- indépendance apostolique : refus de l’aide des étrangers pour propager la foi.
Les catholiques chinois ont refusé d’adhérer à cette Eglise indépendante.
S. Exc. Mgr Riberi, internonce, désapprouvant le mouvement, fut d’ailleurs expulsé du pays. (Cf. Tch’ang Djen Tsuani : Fidélité de l’Eglise de Chine dans : Eglise Vivante, Louvain, 1951, n° 3.) [↩] - Le 9 août 1922, la Délégation Apostolique était créée en Chine.
Le 28 octobre 1926, Pie XI sacrait les six premiers évêques chinois.
Le 18 février 1946, Pie XII créait cardinal S. E. Mgr Thomas Tien, archevêque de Pékin.
Le 11 avril 1946, Pie XII établissait en Chine la hiérarchie ecclésiastique avec 20 archevêchés, 79 évêchés et en plus 38 préfectures apostoliques.De ces territoires, 28 étaient confiés à des Chinois.
Au total, en 1951, la Chine comptait :