Chers Amis et Bienfaiteurs,
l y a quelques jours, Dieu rappelait à lui son Excellence Mgr Salvador Lazo. Mgr Lazo, évêque émérite de San Fernando de La Union aux Philippines, avait rejoint le combat pour la Tradition en 1995. Courageusement, il prit la plume pour essayer de faire connaître au clergé de son pays, à tous les prêtres et évêques, ce que lui-même avait eu la grâce de découvrir : une immense crise bouleverse la sainte Église. Il est temps de réagir. Il a porté son témoignage un peu partout dans le monde, donnant des conférences en particulier dans le monde anglophone.
Malgré les pressions de l’épiscopat et même de Rome, il a fidèlement continué à défendre la bonne cause retrouvée après 25 ans dans la mouvance post-conciliaire. Lui-même expliquait que les évêques, pour la plupart, sont ensevelis sous la paperasse administrative et n’ont presque pas le temps de penser. La plupart suit les ordres venus d’en haut, de Rome, de la conférence épiscopale qui se charge de diffuser les nouvelles filtrées et choisies : ainsi par exemple, Mgr Lazo n’apprendra qu’après avoir rejoint la Tradition, vers 1996, qu’en 1984 l’ancienne messe avait été de nouveau permise, certes sous certaines conditions.
Son courage a été pour nous tous une grande consolation et réconfort pendant toutes ces dernières années, et surtout pour nos prêtres en Asie. Son soutien inconditionnel à l’œuvre de Mgr Lefebvre, en développant une solide et profonde amitié avec nos prêtres, lui valut aussi l’animosité des évêques de son pays, limitée tout de même par le respect pour son ancienneté. Les pressions ne manquèrent cependant pas.
Nos prêtres de Manille le veillèrent jour et nuit pendant le dernier mois de sa pénible maladie. Il rendra son âme à Dieu dans les bras de nos abbés, dans notre prieuré.
« J’offre ces souffrances pour la conversion des évêques » ; « Je veux aller à la maison » disait-il aux abbés un peu surpris ; « Oui, je veux aller au ciel… Mon Dieu, si voulez, vous pouvez venir me chercher ».
« Le nonce peut venir me visiter… Je lui dirai que je meurs pour Jésus-Christ et non pour les hommes ».
En suivant ses dernières volontés, nous avons eu l’honneur de l’inhumer dans notre église de Manille, Notre-Dame des Victoires, tout un programme. C’est là qu’il repose en attendant la résurrection des morts et le jugement dernier qui manifestera la grandeur d’âme de cet évêque de grande droiture, estimé par ses confrères évêques pour « sa sagesse, sa prudence, ses indéniables réalisations », mais cependant accompagné par aucun d’eux lors de la cérémonie d’enterrement (messe pontificale avec cinq absoutes). La crainte d’être contaminés par la Tradition catholique sans doute, alors qu’ils osent inviter les païens et les idolâtres jusque dans la cathédrale de Manille !
Un de nos prêtres lui demanda bien simplement s’il pensait savoir d’où lui venait la grâce de sa conversion à la Tradition. Il répondit tout aussi simplement qu’il pensait que son heure sainte quotidienne y était peut-être pour quelque chose ainsi que sa dévotion au saint Rosaire.
Espérons que ses prières et son sacrifice seront bientôt exaucés, que le jour ne soit pas trop loin qui voie une armée d’évêques renouer avec la Tradition pluriséculaire de l’Église. Quel bien il en sortirait !
Étant à Manille, nous en avons profité pour examiner la vie du prieuré. Depuis septembre 1998, deux abbés ont été détachés de Manille pour s’occuper du pré-séminaire, établi sur une autre île plus au sud. De là, tout en préparant les candidats au séminaire et les futurs frères, ils s’occupent des fidèles de la région de Cebu. Ainsi la communauté de Manille a diminué un peu, réduite à cinq prêtres qui rayonnent du Japon à Hong Kong sans oublier la Corée. En même temps, ils préparent les jeunes filles qui pensent avoir une vocation à la vie religieuse ; elles sont regroupées en deux maison pas trop loin du prieuré. En même temps, ils continuent de développer la vie paroissiale ainsi que des missions médicales dans Manille même. La dernière fut un franc succès : en un seul jour, plus de 900 patients des quartiers pauvres ont été traités : à peu près tous les quatre mois, les médecins, les dentistes, fidèles de notre prieuré, donnent une journée à cette bonne cause. Toute une rue est bloquée par la municipalité. On y monte une grande tente et jusqu’au coucher du soleil les pauvres du quartier se présentent sans interruption à l’accueil. De là, les malades sont dirigés vers les différents médecins. On ne peut qu’admirer la charité chrétienne à l’œuvre !
Il faudrait que partout, en tous lieux, le monde d’aujourd’hui puisse voir cette charité en action, qui ne cherche qu’à soulager, qu’à donner sans rien attendre en retour. La charité est inventive, multiple et diversifiée. Ainsi, dans le même sens, la capitale de la Biélorussie a voulu saluer ce dévouement en honorant l’un de nos prêtres pour son action humanitaire dans la ville de Minsk !
Bien que cela ne soit pas notre préoccupation première, il ne fait aucun doute qu’il manquerait quelque chose à la Tradition catholique si les œuvres de miséricorde temporelle lui faisaient défaut. Mais il n’en est rien ! Et les marques si nombreuses de charité fraternelle que l’on peut constater parmi les fidèles et qui débordent le cercle de la tradition est pour nous une source de profonde action de grâces : la Charité vaincra le monde de méchanceté et de mensonge, de lâcheté et d’artifice. Nous le savons, Dieu est plus grand, infiniment, que le mal, que la crise si profonde qui traverse notre époque et où il devient difficile de ne pas voir une anticipation du terrible temps de l’Antéchrist. Oui, Dieu vaincra, l’Église triomphera encore une fois. Quel honneur de pouvoir participer à la grande bataille d’aujourd’hui. Il faut qu’Il règne, il faut que les familles redeviennent chrétiennes, que les cœurs redeviennent catholiques, que le monde entier reconnaisse son Créateur et Sauveur et qu’il se place enfin sous son doux joug. Travaillons tous, avec application, chacun à sa place, à ce magnifique labeur. La charité ne peut pas être enchaînée.
Malgré les inventions inouïes d’une Rome dont on se demande avec toujours plus d’inquiétude où elle va, Quo vadis ? Malgré le spectacle curieux et stupéfiant de certaines cérémonies du Jubilé qui tournent à une sorte de délire à saveur maçonnique (par exemple, l’humiliante demande de pardon du 12 mars correspond si exactement aux reproches faits depuis longtemps par les ennemis de l’Église qu’il est impossible de ne pas faire un lien entre les deux ; les expressions telles la « globalisation de la solidarité » prononcée devant M. Kofi Annan le 7 avril dernier, font penser à une mise à l’unisson avec l’Organisation des Nations Unies qui promeut la globalisation du monde, de l’économie ; et l’invitation de M. Gorbatchev faite aux socialistes de suivre Jean-Paul II n’est certainement pas une parole en l’air) ; malgré tout cela, nous gardons toute notre espérance.
Et notre pèlerinage au mois d’août sera une protestation de notre attachement à la Rome éternelle, à la tradition immémoriale de l’Église, à la foi catholique. Soyez nombreux à manifester ainsi la vivacité de votre Foi et votre volonté inébranlable de rester catholiques coûte que coûte.
À la fin mon Cœur Immaculé triomphera. Alors que l’heure est si tragique, sachons trouver dans Notre Seigneur, dans le Cœur Immaculé de Notre Dame, dans le Sacré-Cœur, la force, l’élan, l’enthousiasme des vrais chrétiens. Le monde passera, Dieu, Lui et sa Parole, ne passeront pas.
Mais, certes, pour nous, le devoir de faire des sacrifices et de prier est urgent ; de prier pour notre salut, notre fidélité, de prier pour les prêtres et les évêques. Ainsi nous aimerions terminer cette lettre par une prière pour les prêtres écrite par un prêtre ce dernier siècle, et que nous vous invitons à prier de temps en temps. Que Dieu récompense votre générosité toujours si assidue en une abondance de grâces et de bénédictions.
L’esprit de sacrifice, versez-le, ô mon Dieu, dans sa plénitude sur vos prêtres. C’est leur gloire autant que leur devoir d’être des victimes, de se consumer pour les âmes, de vivre sans joies humaines, de subir souvent la méfiance, l’injustice et la persécution. Qu’ils songent à ce qu’ils disent chaque jour à l’autel : Ceci est mon corps, ceci est mon sang. » Qu’ils y songent et qu’ils se l’appliquent : « Je ne suis plus moi, je suis Jésus, et Jésus crucifié. Je suis, comme le pain et le vin, une substance consacrée qui a cessé d’être elle-même. »
O mon Dieu, je brûle du désir de la sanctification de vos prêtres. Je voudrais que toutes ces mains consacrées qui vous touchent fussent des mains amies dont le contact vous soit doux, et que ces bouches, qui prononcent à l’autel des paroles si sublimes, ne se ravalent jamais aux formules triviales.
Qu’ils gardent, dans toute leur personne, l’habitude de leurs nobles fonctions. Que chacun les trouve simples et grands comme l’hostie, accessibles à tous, et supérieurs aux autres hommes.
O mon Dieu, faites qu’ils emportent de la messe d’aujourd’hui la soif de la messe de demain, et que, pleins eux-mêmes des dons reçus, ils aient la grâce de les communiquer largement aux autres.
Ainsi soit-il
En la fête de la Résurrection, 23 avril 2000
+Bernard Fellay, Supérieur général
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