Chers Amis et Bienfaiteurs,
e 30 juin 1988, il y a dix ans, S.E. Mgr Lefebvre s’était vu « contraint par la Providence divine de transmettre la grâce de l’épiscopat catholique » à quatre prêtres, dont votre serviteur. Dans une lettre adressée à ces derniers, Mgr Lefebvre exposait les raisons qui l’avaient déterminé à finalement poser cet acte si grave devant l’Église :
« La corruption de la sainte Messe a amené la corruption du sacerdoce et la décadence universelle de la foi dans la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ » ; et d’autre part la volonté bien arrêtée et clairement manifestée de la part des autorités romaines de continuer « leur œuvre destructrice du Règne de Notre-Seigneur, comme le prouvent Assise et la confirmation des thèses libérales de Vatican II sur la liberté religieuse ».
La situation était si grave qu’elle demandait un tel acte ; il fallait poser un acte très concret qui permette la survie de l’Église et du sacerdoce catholique. Un regard trop naturel ou superficiel sur l’Église ne permettait pas de comprendre l’acte de Monseigneur, et aujourd’hui encore, on nous accuserad’un monstrueux orgueil pour oser prétendre que l’acte de consécration épiscopale était justifié.
Même aujourd’hui, dix ans plus tard, bien que la situation se soit encore sensiblement dégradée, combien se laissent abuser par ce qui reste d’apparence et d’appareil ecclésiastique ? Et quelques sociétés que Rome a suscitées alors pour donner le change, bénéficiant du privilège de la célébration de la messe traditionnelle au prix du silence complice sur la réalité du drame qui se joue sous nos yeux, confirment notre vision des choses.
Sous un couvert d’apparente unité, l’Église est déchirée en lambeaux ; on tente de lui arracher particulièrement son âme, son trésor spirituel, ce qui la distingue de toutes les autres religions et de toutes les autres sociétés : sa Vérité surnaturelle, son dépôt, Le dépôt révélé dont elle est l’unique gardienne, sa charité, la grâce, le sacrifice, le sacerdoce.
Si l’on parle encore de ces choses, cependant on les a vidées du sens qu’elles avaient jusqu’au concile Vatican II, et la pratique quotidienne de l’œcuménisme montre combien les libéraux font de cas de ces valeurs. Même si théoriquement on professe encore le même Credo, dans la pratique on en est loin. Dans beaucoup de séminaires, comme dans la plupart des églises encore ouvertes, c’est l’abomination et la désolation, la parodie qui ont remplacé le Saint des saints… Nous n’exagérons pas, hélas !
On nous rétorquera qu’à Rome, il y a quand même des voix qui rappellent à l’ordre les excès progressistes et les abus, une reprise en mains. Cette voix est-elle suivie ? quel effet par exemple a produit le solennel rappel à l’ordre sur les laïcs ? la contestation et l’indifférence… Tout continue comme auparavant, sans sanctions romaines.
Voici l’expérience concrète toute récente de deux Hollandais. Ils se demandaient comment il était possible que l’Église éternelle puisse être détruite d’une manière si dramatique dans leur pays. Ils ont écrit plusieurs lettres à Rome, mais n’ont jamais reçu de réponse. Aussi ils décidèrent d’aller à Rome et de s’adresser à plusieurs cardinaux, prélats, évêques… Lors de leurs discussions, ces cardinaux et évêques leur demandèrent d’être actifs, de promouvoir la messe catholique tridentine et d’arrêter les spectacles de la table à banquet, les ‘tables-meal-shows’. Eux mêmes, en tant que cardinaux et évêques, ne pouvaient rien faire. Les laïcs catholiques doivent agir pour sauver l’Église… Ils restèrent quelques jours à Rome et le message était clair : Rome ne pouvait aider en aucune manière. » (lettre au Supérieur général du 7 mars l998).
Faut-il se décourager, abandonner le combat, rentrer dans le mutisme ? Bien au contraire, plus que jamais, il faut secouer la torpeur qui guette, raviver la foi, la foi en Notre-Seigneur, la foi dans ses promesses pour son Église. L’ennemi est puissant, Notre-Seigneur bien davantage, infiniment plus.
Et nous en avons la démonstration dans la manière dont Il veille sur cette petite œuvre de l’Église ballottée au sein de la tempête, protégée en même temps, et qui fleurit de ces fleurs fragiles de grâce et de sainteté que l’Église a toujours produites, même en plein orage.
Tandis que l’enseignement est pourri dans les séminaires et les universités (cf. Fideliter de mars 1988), nous avons la consolation de voir des prêtres suffisamment formés pour sillonner le monde entier apportant aux âmes le réconfort du pardon de Dieu et du pain des anges. Ils leur donnent au milieu d’un monde de plus en plus insensé le sens de la vie et les moyens de plaire au Dieu tout puissant dans l’accomplissement du devoir d’état quotidien. Ils leur rappellent la nécessité de la croix à la suite du Christ crucifié pour arriver au bonheur éternel.
La moisson est toujours aussi abondante, les moissonneurs trop peu nombreux. Demandez au maître de la moisson… par des larmes et sacrifices, ce que le Supérieur général, le cœur serré, ne peut pas encore vous donner… Par la pénitence et l’assiduité dans la prière, par la vie familiale ordonnée sous le regard du Sacré-Cœur, par une vie appliquée à la pratique de la justice et de la charité, montrons au Seigneur que nous sommes prêts à mettre le prix, parce que nous l’estimons vraiment, pour recevoir de Lui des prêtres selon son Cœur, des autres Christs.
Nous comptons sur vos prières, chers bienfaiteurs, encore davantage que sur vos dons en remerciement desquels nous demandons à Dieu une ample bénédiction, sa consolation et sa protection. Grâce à vous, l’église du séminaire d’Écône est presque terminée et nous pouvons prévoir son inauguration le 10 octobre prochain. Un bon tiers des coûts est déjà couvert, et nous nous tournons déjà vers deux nouveaux et importants projets : la construction de l’église de notre séminaire Notre-Dame Corédemptrice en Argentine est prête à démarrer, n’était-ce le manque de ressources financières ; et la construction d’un séminaire aux Philippines, Philippines où la Fraternité se développe d’une manière quasi miraculeuse. Le Maire de Quezon City, ville de plus de 2 millions d’habitants, vient de consacrer sa ville au Cœur Immaculé de Marie dans notre église, sous le regard de Mgr Lazo et de nos prêtres, tandis que les missions médicales pour soulager les pauvres malades se multiplient avec l’aide de nos 19 médecins… sans parler du pré-séminaire, du pré-noviciat pour les sœurs…
Toutes ces œuvres, vous le savez bien, ne se réalisent pas sans le soutien matériel et ne se développent qu’à la mesure de votre charité fraternelle. Que vos aumônes et sacrifices dont nous vous sommes tant reconnaissants et qui couvrent beaucoup de péchés, soient un jour, accompagnés des prières de nos séminaristes et de nos prêtres, vos meilleurs alliés qui vous ouvrent les portes du Ciel !
Que Saint Joseph, protecteur de la Sainte Église, vous garde ainsi que vos familles.
En la fête de St Joseph, 19 mars 1998
+ Bernard Fellay
Supérieur général
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