Au XVIIe siècle, les guerres de religion faisaient rage en Europe et en 1617, la Bohême calviniste avec le roi Frédéric, menaçait l’Autriche catholique dans sa foi par sa domination. L’empereur Ferdinand II de Habsbourg, devant ce danger, sollicita alors du Pape Paul V, le secours de prières publiques. Les pères carmes répondirent à cet appel, obtenant une brillante victoire à l’armée catholique d’Autriche. En gage de reconnaissance, l’empereur Ferdinand II établit plusieurs monastères de carmes en Bohême, dont l’un à Prague, en 1624, avec une chapelle dédiée à Notre-Dame des Victoires. Le monarque pourvoyait également avec générosité aux besoins de cette communauté, mais après son départ, les religieux connurent un cruel dénuement que leur inaltérable confiance en la divine providence allait récompenser.
Il y avait à Prague, à cette époque, la pieuse princesse Polyxène de Lobkowitz qui, émue de leur détresse, leur offrit en 1628 une statuette de l’Enfant Jésus :
- « Mon père, dit-elle au supérieur des carmes, je vous confie ce que j’ai de plus précieux ici-bas. Vénérez bien l’Enfant Jésus et rien désormais ne vous manquera. »
Il s’agissait d’une ravissante statuette de l’Enfant Jésus, haute de 48 cm, vêtue d’un splendide manteau brodé, un riche diadème d’or enrichi de pierreries sur la tête, la main droite levée en signe de bénédiction, l’index et le majeur réunis par une seule bague symbolisant ainsi l’alliance de l’Ancien et du Nouveau Testament. La main gauche portait le globe terrestre surmonté de la croix.
La princesse Polyxène avait reçu, à l’occasion de son mariage, cette statuette offert par sa mère, Marie Manriquez de Lara qui, en réalité s’appelait Marie Manriquez de Pignatelli dont la famille italienne vénérait depuis longtemps la petite statue que l’on tenait pour miraculeuse ; c’était probablement la reproduction par un artiste espagnol, d’une statuette rapportée de Terre Sainte par une
dame anglaise, Marguerite Kemp, qui en 1414, avait rapporté une figurine de l’Enfant Jésus de Behtléem. Cette représentation était restée en Italie et installée à l’Aracoeli (basilique de Rome). Sa ressemblance avec le Petit Roi de Gloire du carmel de Beaune (France) est frappante.
Quoiqu’il en soit, le don de la princesse fut accueilli avec reconnaissance par les religieux, placé dans l’oratoire du noviciat et honoré avec ferveur. Une grande abondance de grâces spirituelles et temporelles y répondit dès lors. Le révérend père Cyrille de la Mère de Dieu était l’un des plus fervents apôtres de cette dévotion à l’Enfant Jésus de Prague, qui se répandit comme un ouragan de gloire, débordant les frontières.
Or, en 1630 la Bohême redevenait le théâtre de guerres, obligeant les carmes à se transporter à Munich. Dans la précipitation du départ, les religieux oublièrent d’emporter la précieuse statuette dont la dévotion se perdit pour le plus grand malheur des religieux, atteints de toutes sortes d’épreuves successives. Pendant ce temps, l’ennemi sacrilège détruisait églises et monastères ; l’Enfant Jésus, arraché de son socle, fut jeté à terre, derrière l’autel, dans les décombres. L’année suivante, l’empereur ayant repris Prague, les Carmes purent réintégrer leur couvent, mais, chose étrange, nul ne se soucia de la statuette et la communauté retomba dans une extrême pauvreté.
En 1634, une nouvelle occupation de Prague, par les suédois cette fois, provoqua encore le départ des religieux. Leur retour définitif se situa en 1635 mais accompagné de la misère chez ces carmes oublieux, la décadence du couvent s’accentuant de jour en jour. Vers la Pentecôte 1637, le père Cyrille rentrait à Prague, à nouveau menacée par les hérétiques. Le danger remit en mémoire la protection obtenue par l’Enfant Jésus et le père Cyrille demanda au supérieur d’effectuer des recherches pour retrouver leur précieux trésor. Ce fut lui-même qui le découvrit dans les plâtras, derrière l’autel. Ce dévot religieux s’empressa de l’exposer dans le chœur de la chapelle, à la vénération de tous. Peu après, tout danger disparaissait.
Un jour qu’il était agenouillé devant le divin enfant, le père Cyrille qui priait de toute son âme, entendit ceci :
« Aie pitié de moi et j’aurai pitié de toi. Rends-moi mes mains et je te rendrai la paix. Plus tu m’honoreras, plus je te favoriserai ».
Aussitôt, le père Cyrille supplia le supérieur de faire réparer la statuette dont les mains avaient été brisées, mais prétextant l’extrême pauvreté du couvent, la demande fut rejetée. Le père Cyrille eût recours à la prière et 3 jours plus tard, un don de 100 florins était fait pour le culte de l’Enfant Jésus ; mais cette fois encore, le prieur choisit d’acheter une nouvelle statue. Or, le jour même de son exposition, un lourd chandelier fixé au mur s’en détacha et vint la briser alors que ce même prieur tombait malade et devait abandonner sa charge.
Le bon père Cyrille renouvela ses intentions auprès du nouveau supérieur, mais le manque d’argent faisait toujours remettre la réparation à plus tard ; les offrandes qui parvenait recevaient une autre affectation alors que la maladie et la mort frappaient rudement la congrégation, n’épargnant pas le supérieur qui finit par comprendre son erreur. La statuette attendait dans l’ombre la réparation réclamée et le père Cyrille en exprimait maintes fois son regret au Petit Roi qui lui dit un jour :
« Place-moi à l’entrée de la sacristie ; quelqu’un viendra et me prendra en pitié. »
En effet, peu après, un homme du nom de Daniel Wolf, se présenta et dit au père :
« Confiez-moi la statue, je la ferai réparer à mes frais ».
Ce qu’il fit à la plus grande joie de tous. Ce Daniel Wolf était sous le coup d’un grave procès or, dès qu’il se fut chargé de la réparation, tout s’arrangea pour lui de façon inespérée. Dès ce moment et grâce aux couvents des pères carmes et aux franciscains, la dévotion à l’Enfant-Jésus de Prague se répandit rapidement en Europe et au-delà. On ne compte pas les miracles et faveurs obtenus par son intervention.
Les principaux lieux de pèlerinage sont à Prague, Tarragone (Espagne), Arezzano (Italie), Beaune (France), Bruxelles et Tongres qui, en Belgique, était devenu objet et centre des divines prédilections de l’Enfant Jésus de Prague. Le premier grand miracle de guérison que l’on peut lui attribuer eut lieu en 1639, au bénéfice de la Comtesse Liebsteinky, descendante des Lobkowitz qui avaient offert la divine statuette aux carmes. Abandonnée par les médecins, son pieux époux pria le père Cyrille de lui porter la statue miraculeuse qui fut placée au chevet de la mourante. Or, à peine le religieux l’avait-il déposée qu’on vint le prévenir de la parfaite guérison de la comtesse. De très nombreux miracles aussi éclatants ont été consignés dans tous les sanctuaires ; il en est certainement d’aussi nombreux sur le plan spirituel que l’on ignore.
A notre époque, derrière le redoutable rideau de fer communiste, un prêtre hongrois résidant dans une petite localité au milieu des sans-Dieu dont le but essentiel était d’éradiquer la foi catholique, spécialement chez les enfants, nous en rapporte un, tout à fait merveilleux : dans une classe de fillettes, l’une d’elles, Angèle, 10 ans, particulièrement intelligente et appliquée à son travail, était élevée dans la religion catholique, comme ses compagnes, malgré les interdits. L’institutrice, Mlle Gertrude, avait comme souci premier de détruire leur foi alors qu’Angèle, dans sa profonde piété avait obtenu du prêtre l’autorisation de communier chaque matin, sachant cependant la haine et toutes les vexations
que déclencherait cette démarche. En effet, malgré sa conduite irréprochable, l’institutrice s’acharnait après la fillette et contre cette foi qu’elle sentait inébranlable.
Elle décida de détruire chez ces enfants et surtout chez Angèle toute trace de religion selon un processus diabolique tendant à démontrer qu’un Dieu invisible n’existait pas et au bout de ses raisonnements, leur dit :
« Appelez donc l’Enfant Jésus et vous verrez bien s’il vient. »
Angèle, habituellement douce et timide, fit soudain face avec calme et assurance :
« Eh bien ! Nous l’appellerons toutes ensembles. »
Et galvanisées par Angèle, debout, toute cette classe d’enfants, les mains jointes, s’écria :
« Viens, Enfant Jésus » !
L’institutrice ne s’attendait pas à cette réaction. Après un lourd silence, on entendit la voix pure d’Angèle dire :
« Encore » !
De nouveau, elles appellent l’Enfant Jésus ! Et alors, la porte de la classe s’ouvrit sans bruit. Toute la lumière du jour s’en fut vers la porte, grandissant jusqu’à devenir comme un globe de feu. Elles n’eurent pas le temps de crier leur peur, que le globe s’entr’ouvrait pour livrer à la vue un enfant ravissant comme elles n’en avaient jamais vu, qui souriait sans dire une parole. De sa présence émanait une immense douceur ; elles n’avaient plus peur et ne ressentaient que de la joie.
Combien dura cette apparition ? Le temps n’avait plus sa durée habituelle et personne ne pourra le dire. L’enfant était vêtu de blanc et ressemblait à un petit soleil car la lumière émanait de lui et l’éclat du jour semblait noir à côté. Il ne dit rien, ne faisant que sourire, puis il disparut dans le globe de lumière qui se fondit peu à peu. La porte se referma doucement, toute seule. Le cœur inondé de joie, les fillettes ne pouvaient proférer un mot. Soudain, un cri strident déchira le silence. Hagarde, Mlle Gertrude hurlait :
« Il est venu ! Il est venu » !
Puis elle s’enfuit en claquant la porte. Sagement, les petites filles s’agenouillèrent, récitèrent un Pater, un Ave et un Gloria, puis sortirent de la classe car l’heure de la récréation venait de sonner.
Mlle Gertrude a dû être placée dans un asile psychiatrique car elle ne cessait de crier :
« Il est venu ! Il est venu ! »
Les profanateurs de nos églises finissent presque toujours fous, dit le prêtre. Puis il ajouta tristement :
« Des récits de ce genre, il y en a beaucoup dans ces peuples opprimés. Mais en Occident, qui va croire ce qui n’est pas « matériellement » crédible ? Les occidentaux rationalistes ressemblent aux communistes sur ce point : le miracle les choque… ».
G.T. – Toulouse