Savoir et Servir n°68 La Bible, « un beau rêve » ?
Le mot « Bible » vient du grec « Biblio », « livre ». Livre par excellence pour une grande partie de l’humanité, encore aujourd’hui tant de siècles après la fin de sa rédaction, la Bible reste le livre le plus diffusé au monde : plus de six milliards d’exemplaires de 1815 à 1952, des traductions en 2 062 langues…
Ce succès s’explique évidemment par le contenu du livre : non seulement la Bible parle de Dieu, mais elle est aussi parole de Dieu. De là son caractère exceptionnel : chaque livre de la Bible a deux auteurs, le principal est Dieu qui inspire, c’est-à-dire donne le sens du texte, l’autre, simple instrument quoique libre et intelligent, est l’écrivain humain qui rédige avec tout son « vécu » : vocabulaire, langue, manières de penser dues à la civilisation, à l’époque dans lesquelles il vit et à la formation qu’il a reçue. Ainsi les idées sont de Dieu, la manière de les exprimer est des hommes. Tout le travail du spécialiste de la Bible, l’exégète, est de retrouver le sens divin exact sous les expressions humaines. Et ce sens est particulièrement important car la Bible, ou Sainte Écriture pour les catholiques, est une des sources de la Révélation Divine.
La Bible raconte et, mieux encore, introduit le lecteur dans l’histoire du salut. C’est la religion, les rapports entre Dieu et ses créatures, entre le Père éternel et ses fils que nous sommes. Il est donc essentiel de commencer par vérifier la véracité d’un tel livre : la Bible a‑t-elle été composée par des auteurs identifiés, témoins véridiques de faits vus et constatés, s’est-elle conservée intacte à travers la succession des générations ?
Jetons d’abord un regard sur la presse, parcourons les ouvrages des rayons « Religion ». Presque un seul son de cloche nous arrive, une Bible imaginée par les hommes :
« L’Histoire réelle, comme elle s’est véritablement déroulée, n’est pas toujours la même que l’Histoire racontée. […] Ce que la Bible nous rapporte des origines et des premiers temps du peuple d’Israël nous fournit une éloquente illustration du heurt entre ces deux histoires. (J. Bottéro, D’Abraham à Moïse : naissance de Dieu, Les collections de l’histoire, H.S. n° 13, octobre 2001, p. 36) »
« Les auteurs de la Bible n’étaient pas des historiens, soucieux d’abord de l’objectivité scrupuleuse de leur récit, mais des croyants […] ce n’était pas un désir de tromper, mais seulement de faire partager un beau rêve. (Ibidem., p. 41) »
« Il nous faut qualifier de légendaires beaucoup d’histoires de miracles contenues dans les Évangiles. (Cardinal W. Kasper, Jésus – le Christ, p. 130) »
Une création littéraire tardive :
« On commence à écrire la Bible vers moins 700, 690, 680… (J.M. Le Tarragon, Comment l’Ancien Testament est sévèrement corrigé, Le Figaro, 22 mars 1997) »
alors que les épisodes racontés remontent à la création du monde, à la vie des premiers hommes et à la formation du peuple choisi par Dieu, Israël, des milliers d’années auparavant.
Quant au christianisme,
« le problème est de distinguer entre ce qui peut être établi […] et ce qui relève d’un Jésus revisité par les premières communautés chrétiennes. (J.L. Pouthier, jésus, le vrai et la légende, Nouvel Observateur, 26 décembre 2002-ter janvier 2003, p. 10) »
Des auteurs inconnus… à des dates inconnues
« Personne ne peut affirmer quand les Évangiles ont été écrits, ni où, ni par qui, ni pour qui, ni dans quel but… (G. Mordillat et J. Prieur, Le Nouveau Testament, un texte miné, in Enquête sur les origines du Christianisme, Historia Spécial n°56, Nov-Déc 1998, p. 19) »
Voilà en quelques traits l’image donnée aujourd’hui de la Bible.
Alors ? Les hommes se sont-ils bercés d’illusion à la lecture de ses pages, belles assurément, mais sans l’ombre d’une certitude ?
Jeunes du Mouvement de la jeunesse Catholique de France, devons-nous, au nom de la science critique contemporaine, balayer d’un coup de main l’historicité de la Bible et nous résoudre à n’y voir qu’un « beau rêve » ?
Non. Nous devons évaluer sans complexes, preuves en main, la valeur de la Bible et, en face, celle des affirmations contemporaines qui la remettent en cause. Pour cela, il s’agit d’établir :
- Son authenticité : le texte a‑t-il bien été rédigé par celui auquel il est attribué ?
– Son intégrité : le texte nous est-il parvenu en l’état dans lequel il a été rédigé ?
– Son historicité : l’auteur était-il correctement informé ?
– Sa véracité : l’auteur a‑t-il eu l’intention de dire la vérité ?
Pour cet examen, plusieurs critères peuvent être pris en compte :
Les critères externes de crédibilité doivent être cherchés dans les témoignages donnés par des sources historiques extérieures au texte étudié : y trouve-t-on trace des événements rapportés dans la Bible ? Tout un ensemble de sciences historiques sera sollicité : archéologie, papyrologie (étudie les papyrus sur lesquels étaient écrits les textes dans l’Antiquité), épigraphie (scrute les inscriptions sur pierre ou métal) … Si ces témoignages historiques sont constants et suffisamment anciens, ils constituent de véritables preuves de crédibilité. On pourra aussi comparer différents manuscrits des livres bibliques pour restituer le texte original qui aurait pu être altéré par des copies défectueuses.
Les critères internes, quant à eux, résultent de l’examen du texte lui-même : est-ce que la langue employée, les moeurs décrites, … correspondent à ce que nous en savons par ailleurs ? Ces critères cependant ne sauraient suffire à eux-seuls car ils se bornent à fournir des approximations sur l’auteur et la datation, à exclure certaines hypothèses comme impossibles : ils ne peuvent que confirmer les critères externes.
Notre examen ne devra pas omettre les difficultés exceptionnelles que représentent les miracles et les prophéties, c’est-àdire le « surnaturel » biblique. Ce surnaturel est-il donc attesté de façon convaincante dans la Bible ? Une étude soigneuse devra en établir l’existence à l’encontre du merveilleux.
Cette approche toute rationnelle de la Bible peut étonner chez des catholiques, qui croient à l’inspiration divine de la Sainte Écriture. C’est oublier que le fait d’y croire ne les empêche pas d’user de leur raison pour manifester que ces livres sont authentiques et disent vrai. D’ailleurs, le Magistère de l’Église le confirme :
« Il n’y a rien à craindre pour nos Saints Livres de la vraie marche en avant réalisée par la science critique, et […] même, il peut y avoir tout avantage pour ces Livres à recourir aux lumières apportées par cette science. Il en est ainsi toutes les fois qu’on sait l’utiliser avec prudence et sage discernement »
écrivait saint Pie X, le 11 janvier 1906, à Mgr Le Camus.
Il n’en reste pas moins que la Sainte Écriture est un ouvrage très particulier, unique en son genre puisque Dieu y parle aux hommes. Elle ne se lit donc pas comme un livre habituel mais exige la connaissance de certaines clefs de lecture pour être comprise sans erreur. Ce sera le dernier thème abordé par ce Savoir et Servir sur la Bible.
Malgré son caractère parfois technique, il aura atteint son but si nous en retirons un plus grand amour de la Parole de Dieu et l’envie de la connaître plus parfaitement.
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Revue semestrielle du MJCF (Mouvement de la Jeunesse Catholique de France)
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